Chapitre 13
Levy se figea, alors que les mafieux se redressaient. Drusilla Deluca, installée dans un fauteuil, se releva lentement avec un sourire pervers.
_Tiens, tiens... Une petite fée qui vient nous rendre visite.
Levy déglutit. Elle était blanche comme un linge. Malgré sa peur, ses yeux balayaient l'ensemble de la salle en quête d'une idée lumineuse qui pourrait la tirer de là... N'importe quoi…
Drusilla écarta les bras.
_Messieurs, elle est à v...
Levy n'attendit pas qu'elle termine sa phrase, et encore moins que ces hommes se jettent sur elle.
_Solid Script : Fire !
Les plus proches reculèrent au dernier moment en se protégeant le visage, évitant les flammes qui se perdirent au-dessus de leurs têtes. Les alarmes incendies retentirent aussitôt, et le plafond se mit à déverser des trombes d'eau.
_Solid Script : Thunder !
Elle se jeta sous une table recouverte d'une longue nappe blanche, pile au moment où sa foudre entrait en contact avec l'eau. Elle se recroquevilla sous sa table, alors qu'autour d'elle les hurlements explosaient dans toute la salle. Levy tâcha de calmer les battements affolés de son cœur, attendant que tout se calme. Elle se couvrit le nez pour masquer l'odeur de viande grillée qui émergeait de partout. Elle en avait la nausée. Les secondes s'étirèrent, interminables… Puis les cris cessèrent. Elle inspira de longues bouffées par la bouche, et effleura le tissu blanc d'une main tremblante. Le système anti-incendie continuait à faire pleuvoir, mais l'électricité s'était évanouie.
Elle passa un œil prudent par-dessus la nappe...
Une poigne solide lui agrippa les cheveux et la projeta en avant. Levy poussa un cri et s'étala au sol, sous la pluie artificielle. Elle voulut se redresser, mais une détonation retentit.
Une douleur intolérable explosa alors dans son mollet. Elle hurla de douleur, et tenta désespérément de se retourner.
Elle se retrouva nez à nez avec un canon pointé sur son front.
Debout devant elle, Drusilla DeLuca, indemne mais trempée, la contemplait avec fureur.
_Pas mal, pour une demi-portion. Cracha-t-elle. C'est ça qu'il aime chez toi ? Parce que j'ai du mal à comprendre...
Levy était incapable de répondre tant elle avait mal. Elle voulut porter la main à son mollet blessé, mais Drusilla baissa insensiblement sa main-canon, et il y eut une autre détonation. Levy s'effondra avec un second hurlement, la main gauche agrippant son bras droit transpercé.
_Déjà moins mignonne. Tu fais plus la forte, hein ?
Au milieu de l'océan de souffrance qui la submergeait, Levy se demanda pourquoi Drusilla DeLuca ne l'achevait pas maintenant.
_Ga... Gajeel...
_C'est pour lui que je vais pas t'en coller une dans le crâne. S'il veut récupérer sa petite fée en vie, il va devoir redevenir le dragon que j'ai connu.
Levy gémit, mais ne baissa pas la tête. Elle s'y refusait.
_Il ne redeviendra jamais un fantôme. Cracha-t-elle.
_Du moment qu'il revienne dans mon lit. Susurra Drusilla.
_Sauf si je te tue !
Drusilla n'eut pas le temps de tourner la tête. La lame de Gajeel s'abattit sur son bras, avant que son pilier ne lui défonce le visage. Elle n'eut pas le temps de crier et fut projetée à l'autre bout de la pièce.
Levy tenta de se redresser en gémissant. Mais la première chose qu'elle vit fut la main tranchée de Drusilla, à ses pieds, et le sang qui se mélangeait à l'eau. Un haut le cœur manqua de la faire vomir.
_GAJEEL, NON ! OCCUPEZ-VOUS DE LEVY !
Dans un état second, Levy perçut que des mages-soldats l'entouraient pendant que Panther Lily se jetait sauvagement sur Gajeel pour l'empêcher d'achever Drusilla.
_Pense à Levy, bon sang ! Cria l'Exceed, tout en ceinturant son partenaire. Elle a besoin de toi ! Et si tu te fais renvoyer du Conseil...
Gajeel le repoussa brutalement, et se dressa face à Drusilla DeLuca.
Elle pressait son moignon contre sa poitrine en sanglotant, imbibant son tailleur crème de sang. Une partie de son visage n'était plus qu'une immense plaie, un de ses yeux était peut-être crevé.
Gajeel voulait la tuer. Il avait rarement autant voulu tuer quelqu'un.
Une longue plainte douloureuse détourna son attention.
Il fit volte-face. Les mages-soldats aidaient Levy à s'asseoir, observant ses blessures avec prudence.
_Sylvio... Articula-t-elle d'une voix pâteuse. Le petit garçon... Il faut le retrouver au plus vite !
_Miss Levy, on doit retirer la balle dans votre mollet. Dit doucement un des soldats qui l'examinaient.
L'autre portait une grande trousse de premier secours. Il en tira un flacon et une seringue.
_Ça devrait apaiser un peu la douleur, sans la faire complètement disparaître. Mais ça n'agira pas très longtemps. Déclara-t-il en lui faisant une piqûre.
_C'est grave ? S'enquit Gajeel, aussitôt agenouillé devant elle.
_Son épaule a été complètement traversée. La plaie saigne beaucoup... On peut la panser, mais il faut qu'elle se fasse examiner. Par contre, son mollet...
_Ça va, j'ai compris. Vous, tenez-lui la jambe. Toi, serre les dents.
Les soldats eurent un instant d'hésitation, puis se placèrent de façon à maintenir la jeune femme. Gajeel se pencha sur sa jambe, mais Levy s'entêta.
_Tu ne m'a pas entendue ! S'écria-t-elle avec plus de vigueur. Forleone, j'ai peur qu'il fasse une immense bêtise !
_C'est pas lui ma priorité. Rétorqua sèchement le mage de fer.
De fait, le regard qu'il posa sur elle en disait long sur ce qui lui importait le plus. Levy capitula, et serra les dents quand il posa sa main contre sa blessure ensanglantée. La balle commença à bouger à l'intérieur de sa chair, et elle voulut se cabrer en arrière. Les soldats la maintinrent immobile. La peau de Gajeel, transformée en aimant, attirait lentement la balle hors de la plaie. Il tenta de ne pas se focaliser sur les gémissements de douleur qui s'échappaient de la gorge de Levy. Il avait beau prétendre avoir un cœur d'acier, faire souffrir la femme qu'il aimait était un vrai supplice.
_J'y suis presque. Grogna-t-il.
La balle se colla soudain dans sa paume, tirant un soupir soulagé à sa compagne. Les deux hommes qui l'entouraient s'empressèrent de bander son mollet. Cependant, elle ne lâcha pas le morceau.
_Forleone. Reprit-elle. Drusilla doit savoir où il est... Tu dois la faire parler...
_Ils s-s-sont au d-d-dernier ét... Dernier étage.
Levy tourna sa tête fatiguée en direction d'une table, à quelques mètres d'eux. Un homme émergeait de dessous une nappe, et venait de bégayer la réponse à sa question. Malgré son air terrifié et hagard, elle crut reconnaître le valet qui l'avait guidée lorsqu'elle était venue sauver Gajeel.
Lily s'empressa d'aider l'homme à se relever, avec autant de douceur que de fermeté. Ses genoux s'entrechoquaient : il avait visiblement eu la peur de sa vie.
_Il est parti avec l'enfant ? Demanda l'Exceed.
Le valet acquiesça.
_Il a un... Un appartement privé, au tout dernier étage de l'hôtel.
_Alors allons-y. Marmonna Levy.
L'antidouleur commençait à faire effet. Elle s'appuya en grimaçant sur les soldats qui l'entouraient, et se releva, devant un Gajeel sidéré. Elle poussa néanmoins un petit cri en manquant de s'appuyer sur sa jambe blessée.
Ce ne fut que quand elle eut fait apparaître un script « béquille » que le mage de fer revint de sa surprise et réussit à réagir. Un grondement s'échappa de sa gorge.
_Je peux savoir ce que tu fais ?
_Ça ne se voit pas ?
_Tu tiens à peine debout ! S'époumona-t-il. Tu crois aller où comme ça ?
_J'ai commencé ce travail !
Il fit un pas, menaçant, et les soldats reculèrent précipitamment. Levy, en revanche, ne bougea pas d'un cil.
_Tu ne vas nulle part. Prononça-t-il en appuyant sur chaque mot. J'hésiterai pas à t'enchaîner s'il le faut.
_Vas-y.
Elle le défia du regard. Il ouvrit la bouche, mais sa voix resta bloquée dans sa gorge.
Non, il ne pouvait pas l'enchaîner. Ils le savaient tous les deux.
Il capitula et détourna les yeux.
_J'te porterai pas jusque là-haut. Grogna-t-il, pour essayer de sauver la face.
_Je vais le faire. Soupira Lily.
« Sale traître ! », pensa-t-il très fort.
Bien qu'en réalité, il ne puisse pas en vouloir à son chat. Lui-même ne pourrait jamais gagner contre elle, comment son Exceed le pourrait-il ?
OoO
Elle avait peur de ce qu'elle allait trouver. Et si jamais Forleone ne lui faisait pas de mal, sa priorité était de mettre l'enfant à l'abri, et de ne surtout pas lui imposer l'arrestation de son grand-père.
Le valet leur avait dit que le dernier étage était partagé entre les combles, la remise de la blanchisserie, et la suite de Forleone. Lily déposa Levy sur le palier alors que Gajeel était encore occupé à grimper les marches, bien plus bas. Elle poussa la porte la première.
La suite était vide.
La petite mage claudiqua dans le salon, la moquette étouffant ses pas et le bruit de la béquille. Ses blessures la lançaient, mais c'était supportable. Une belle arcade ouvrait sur la chambre, à gauche, la salle de bain à droite…
Une porte était entr'ouverte, à côté de la chambre. Elle semblait plongée dans le noir. Levy s'avança vers elle, le cœur battant à tout rompre, en s'appuyant sur sa béquille.
Quand elle poussa la porte, un rai de lumière tomba sur le lit de l'enfant. Il était bien là, profondément endormi. Levy retint un soupir de soulagement en constatant que sa petite poitrine se soulevait régulièrement.
Assis dans un fauteuil au pied du lit, Vito Forleone ne quittait pas son petit-fils des yeux. Il ne tourna même pas la tête quand la jeune femme pénétra dans la chambre. Elle s'approcha lentement.
Quelques heures plus tôt, le Parrain de la mafia était un homme à forte carrure, au visage encore lisse sous une impeccable raie noire.
Il était à présent devenu un vieillard voûté, aux cheveux complètement blancs et au visage strié de rides avec de longues poches sous les yeux. Le désespoir à l'idée de déterrer son petit-fils et de le retrouver mort l'avait fait vieillir de vingt ans.
_Monsieur Forleone, je vais prendre Sylvio. A moins que vous ne préfériez sortir pour que Gaj... Pour que le capitaine Redfox vous arrête. Dans tous les cas, il ne verra pas ça.
Elle avait parlé d'une voix douce, à cause du petit garçon endormi. Mais elle ne voyait que des visages de femmes noyées en regardant le vieillard, et n'éprouvait pas un soupçon de compassion pour lui. Derrière la jeune femme, une imposante silhouette se plaça dans l'encadrement de la porte.
_Je vais sortir.
Il se leva difficilement, sans pouvoir redresser tout à fait son dos courbé.
_Il sera bien traité ? En sécurité ?
_Vous avez ma parole.
_Je pourrai le voir ?
_Non. C'est la dernière fois que vous posez les yeux sur lui.
Levy se sentait triste pour le petit garçon. Quand il se réveillerait, ce serait pour constater que sa vie n'allait plus jamais être la même. Mais elle ferait son possible pour qu'il soit placé dans une famille aimante, qui prendrait soin de lui et l'élèverait normalement.
Forleone s'efforça de redresser son dos pour faire face à Levy. Quand il chercha son regard, elle constata que même ses yeux étaient devenus délavés.
_Je dois bien l'admettre... Vous avez été la plus forte. Vous avez gagné. Êtes-vous satisfaite, miss McGarden ?
Levy pensa aux visages des femmes noyées. A ce petit garçon qui allait perdre sa seule famille. Elle se contenta de s'écarter sans un mot, pour laisser passer Vito Forleone. Le vieillard s'avança jusqu'à la porte.
_Dites-le, Redfox... Il paraît que vous adorez ça.
Le dragon slayer ne sourit pas. Il aurait pu, si la victoire avait été totale. Pour la première fois depuis son entrée au Conseil Magique, il ne tira aucun plaisir à prononcer sa phrase favorite.
_T'es en état d'arrestation.
OoOoO
_Il est où Jiji ?
_Il a été obligé de partir. Mais tu dois savoir qu'il t'aime très fort. Tu veux bien venir avec moi ?
_Mais je veux mon jiji !
La responsable des services sociaux était une femme d'âge mur qui parlait très gentiment. Sylvio avait encore les yeux gonflés de sommeil, et commençait à pleurer parce qu'il ne comprenait pas. Levy se tordait nerveusement sur sa béquille en regardant la scène.
_Levy ?
Elle sursauta. La responsable emmena le petit garçon par la main, et elle ne réussit pas à détourner les yeux de ses larmes.
_C'est à cause de moi. Murmura-t-elle. Ce petit garçon va perdre tout ce qu'il connaît à cause de moi. Son grand-père...
_Son grand-père est un salaud de la pire espèce. Coupa Gajeel. T'aurais voulu quoi, que ce gosse reprenne le flambeau ?
Elle voulut protester, avant de se sentir soulevée de terre.
_Attention ! Je suis...
_Blessée, ouais. Grogna-t-il. Justement, il est p'tet temps de te faire vraiment soigner !
Contrairement à ce qu'elle craignait, il ne la hissa pas sur son épaule comme un sac, mais la prit délicatement dans ses bras.
_Tu m'auras un peu trop portée, dans cette histoire. Marmonna-t-elle en gonflant les joues.
_Gihi ! Ça t'apprendra à être moins têtue.
