Chapitre 5
« Bonne nuit »
Naruto observait ces deux mots depuis une bonne dizaine de minutes. Incapable de s'endormir, couché sur le dos dans son lit, il relisait les quelques échanges de SMS qu'il avait eu avec Sasuke.
C'était curieux. Autant de découvrir l'étonnant frère d'Itachi, qu'il n'avait rencontré que depuis peu, que de constater l'effet que sa présence avait sur lui. Depuis qu'il était rentré de sa partie et qu'il avait réalisé qu'encore une fois, Sai lui avait posé un lapin, il s'était senti si horriblement seul. Et soudain, il avait eu l'idée, sans doute stupide, de parler à Sasuke. Enfin : ça avait été plus un désir inexplicable, un besoin vital, qu'une idée réfléchie et mûrie. Il n'avait pas réfléchi. Il avait eu juste envie de parler à quelqu'un. S'il était resté là dans le noir plus longtemps à continuer à se demander ce qu'il avait fait pour mériter un traitement pareil, à ruminer ses défauts à n'en plus finir, il se serait effondré quelque part et aurait pleuré longuement.
Il avait fait preuve de courage et d'ailleurs il s'en félicitait. Mais discuter avec Sasuke se révélait à chaque fois très facile. Ça coulait de source, leurs mots étaient empreints d'une amitié naissante, et cette pensée venait poser un baume sur les tourments de Naruto.
Il sourit tendrement en relisant les répliques, parfois cinglantes, du jeune homme, mais qui n'étaient jamais méchantes ou méprisantes. Sasuke semblait avoir une personnalité intéressante, bien que dissimulée sous une montagne de secrets, de mystère et d'un mixte de tristesse, de ténèbres et de barrières plus hautes que les plus grands glaciers de l'Antarctique.
Il émit un soupir. Il avait hâte de retrouver le jeune homme pour une autre de leurs conversations. Hâte d'en connaître davantage sur lui. Il adorait simplement Itachi : mais Sasuke avait quelque chose de plus… de plus intriguant. Sasuke l'attirait comme un aimant, comme une étrange force gravitationnelle.
Naruto frissonna en se remémorant ses pensées plus ou moins convenables à son sujet. Au fait qu'il était également beau à se damner. À son corps svelte et fin, à ses magnifiques yeux charbon, des yeux orageux dans lesquels une tempête n'avait pas fini d'y faire ses ravages, mais des yeux qui appelaient aussi à l'aide, d'une quelconque façon et Naruto en frémit d'autant plus.
Décidément, une connexion s'était créée. Naruto en avait la certitude. Il le ressentait jusqu'au plus profond de lui.
Un bruit le fit presque sursauter et le hockeyeur se redressa légèrement en posant son téléphone de côté. C'était sans doute possible la porte d'entrée qui venait de s'ouvrir, signe que Sai était de retour. Revenu d'où ? Il ne pouvait le dire. Ce que Naruto savait, cependant, c'était qu'il allait lui faire la gueule longtemps. En fait, aussitôt qu'il sut que son petit ami était rentré, et écoutant l'avancée de ses pas dans l'escalier, se rapprochant de leur chambre, Naruto sentit une colère sourde monter en lui comme le venin d'un serpent.
La porte de sa chambre grinça doucement. Sai s'infiltra dans l'obscurité et Naruto écouta, sans bouger, le jeune homme se défaire de ses vêtements. Il sentit le lit s'enfoncer sous son poids et bientôt, le souffle chaud de son amant se fit sentir sur sa nuque.
Naruto réagit au quart de tour, se retournant en braquant un bras pour le repousser.
- T'approche pas de moi.
- Désolé de t'avoir réveillé, bébé, j'ai fait attention…
- Désolé de m'avoir réveillé ?! Franchement, c'est ce que t'as trouvé de mieux ?
- Qu'est-ce que t'as ? Y'a un problème ?
- Qu'est-ce que j'ai ?
Naruto ignorait ce qui le retenait. Sa colère explosa, tout ce qu'il avait intériorisé depuis des heures maintenant – non, des années !
Il se redressa sur le lit pour mettre le plus de distance entre Sai et lui.
- Le problème, c'est toi ! Bon sang, Sai ! Tu le fais exprès pour me faire rager ou quoi ? J'ai tout planqué pour passer la soirée avec toi. Parce que tu m'avais promis un moment rien que pour nous deux ! Au lieu de ça, j'ai passé la soirée seul comme un imbécile à essayer de me convaincre que tu aurais une bonne raison, cette fois. Alors vas-y, je t'écoute !
- Mais je suis là, bébé. On est ensemble maintenant, c'est l'important, non ? Arrête de toujours faire une histoire, t'es lourd à la fin !
Les paroles le blessèrent plus qu'il ne l'aurait voulu. Naruto essaya vraiment très fort de ne rien laisser paraître, mais Sai était passé maître dans l'art de l'atteindre exactement là où ça faisait mal, et lui, il n'avait jamais réussi à se dresser une carapace. Devant lui, il était et avait toujours été complètement nu. Vulnérable. Et fragile.
- T'es là oui, murmura-t-il. À 3 heures du matin. Je suis censé me contenter de ça ?
- Je suis là pour toi ! gueula Sai, et son ton élevé fit sursauter Naruto. Mais non, comme tu viens de le dire, tu ne t'en contentes pas !
- Ce n'est pas ce que j'ai dit ! grogna Naruto en retour. Tu comprends tout de travers et tu ne réalises jamais le mal que ça me fait !
- Le mal ? Mais qu'est-ce que j'ai encore fait ? Je t'ai promis que je serais là et je suis là, non ? T'es vraiment une gonzesse ou quoi ? Faut que je rentre pour te préparer le dîner en plus, et te chanter des berceuses, et te confectionner un chemin de pétales de rose avant qu'on baise ?
Naruto fut ramené au silence après cette déclaration suintante de méchanceté. Il ne sut quoi dire. Il demeura choqué, trop bouleversé pour y croire vraiment. Croire à ce que son petit ami venait de dire, de lui lancer à la figure.
Un long silence scinda en deux cette conversation – cette engueulade, plutôt. Et il résonna comme mille feux d'artifices explosant tout à la fois. Naruto ne se rappelait pas avoir déjà eu aussi mal après une crise comme celle-là, après l'une de leurs disputes. Mais la douleur était bien là, fichée dans ses entrailles, comme un poignard enfoncé entre sa cage thoracique. Il avait l'impression d'être en train de saigner abondamment, tellement qu'il en perdait l'équilibre, qu'il était à deux doigts de voir flou, de s'évanouir.
Au bout d'un moment, Naruto, qui espérait peut-être encore que Sai se retourne sur sa place dans le lit et vienne s'excuser ou qu'importe ce qu'il ferait (n'importe quoi !), finit par se lever. Des larmes avaient inondé ses yeux.
- Tu vas où ? Reviens te coucher, bébé, ça va. Excuse-moi, d'accord ? Je suis fatigué, j'ai pas réfléchi…
Naruto s'immobilisa une très courte seconde avant d'ordonner à ses jambes de poursuivre.
Non. Ce n'était pas suffisant. Ces excuses-là… ne réparaient pas le mal fait.
- Je ne veux plus jamais te voir, scanda-t-il, d'une voix basse et rauque.
Il s'élança dans le couloir. Mais sa vision rendue floue par ses larmes et le chemin obscur du couloir plongé dans le noir le força à ralentir. Malgré lui, Sai le rattrapa. Il ne l'avait pas entendu sortir du lit et marcher sur le parquet. Naruto n'entendait rien d'autre que les battements de son cœur.
Sai parvint à le plaquer au mur, ses mains se glissant dans les siennes. Pendant un moment, Naruto paniqua, mais retrouva son souffle. Un horrible sanglot lui échappa, et Sai délogea ses mains des siennes pour lui prendre le visage doucement. Il essuya ses larmes.
- Naruto, ne réagis pas comme ça, je t'en prie, murmura-t-il tout en douceur.
Comme il l'avait dit à Sasuke, pour le rassurer, Sai n'était pas menaçant physiquement. Ils faisaient la même taille, la même hauteur. Mais Sai était mince, pour ne pas dire maigrichon. Naruto était même certain que Sasuke, aussi fluet et svelte qu'il l'était, pouvait facilement soulever Sai et le balancer par la fenêtre.
Ce n'était pas le corps de Sai qui lui faisait mal.
C'étaient ses paroles. Ses mots coupaient comme la plus affutée des lames.
Mais son ennemi, ce n'était pas lui. C'était Naruto lui-même. Il était son propre ennemi, parce qu'à chaque fois que Sai revêtait ce personnage de tendresse et d'affection, il croulait. Il fondait comme neige au soleil, il acceptait les excuses et il cédait.
Sai prit son visage et l'embrassa lentement, langoureusement. Ses larmes se mêlèrent à leurs lèvres et il goûta le sel de ses pleurs.
Pour la première fois, certes, il trouva le courage de demander, tout bas, entre deux baisers :
- Pourquoi t'es toujours comme ça… ?
Sai l'embrassa pour le faire taire. Et ce long baiser calma ses ardeurs, noya ses larmes sans pourtant guérir la blessure. Et le sel brûla sur la plaie à vif.
- Tu me connais pourtant, s'enquit Sai avant de l'embrasser à nouveau. Tu ne peux pas me changer… et je sais que j'ai mes défauts… Pardon pour ce soir.
Non. On peut changer. On peut toujours changer.
Sai l'embrassa dans le cou. Naruto fixa la pénombre, assommé, incapable de matérialiser ses pensées. Incapable d'agir… Son cœur battait doucement, calme malgré la tempête qui venait de passer. Il avait les jambes molles…
- On fait la paix, hm, chéri ?
Non. Je te hais !
- Je t'aime, bébé, ajouta Sai.
Les mains de Naruto reprirent vie et il les passa autour de son petit ami. Lentement, il retourna le baiser, et se mit à l'embrasser à son tour.
Moi aussi… Moi aussi, je t'aime.
Ou le voulait-il tellement qu'il avait perdu de vue tout le reste ? Sa colère, sa douleur ? Était-il amoureux de Sai ou bien Sai avait-il réussi à tuer l'amour entre eux ? Avait-il tellement envie de garder en vie le cadavre de leur relation qu'il ne voyait pas que ça le tuait également à petit feu ? Ne voyait-il pas qu'il était écorché vif ? Que Sai le tabassait sans arrêt et qu'il continuait à tendre la main pour recevoir une nouvelle correction ?
Peu importe. Naruto se laissa prendre feu, se laissa consumer tout entier, en retournant le baiser à Sai. Ils se caressèrent longuement avant de, naturellement, retrouver le chemin jusqu'à la chambre. Ils s'échouèrent au milieu des draps du lit. Naruto accueillit son petit ami dans ses bras et oublia tout le reste.
Il sombra dans l'abîme, pour une nouvelle nuit de chaleur et d'amour.
Pour des miettes.
Il s'était mis à neiger. La ville avait disparue sous un charmant tapis blanc lorsque Naruto se réveilla le lendemain matin. Nu sous les draps fins, la peau encore moite de la sueur dû à leurs ébats enflammés. Il avait en mémoire le corps à l'épiderme laiteux contre le sien, uni au sien, cette danse endiablée qui lui avait pris trop d'énergie.
Il aurait dû être repu. Serein. Bien. Il aurait dû se sentir rempli d'amour et de plénitude, c'était comme ça qu'on se sentait après le sexe, après avoir trouvé du plaisir dans les bras de sa moitié. Pourtant, Naruto se sentait vide. Complètement vide.
Il tourna la tête vers Sai, qui dormait à point fermé. Sai, qui s'était endormi à peine leur… « affaire » terminée. Ils avaient baisé férocement, mais Naruto ne s'était jamais senti aussi seul pendant une partie de jambes en l'air. Sai avait pris, pris encore, puis s'était tourné de son côté. Naruto s'était abandonné, il s'était trahi et avait retombé dans ses bras comme un pantin brisé.
Lentement, le blond se redressa et emmena le drap autour de lui, se fichant découvrir le corps de son amant – s'il avait froid, il n'avait qu'à lever son putain de derrière pour se couvrir.
Il s'avança vers sa fenêtre pour admirer le paysage qui, lorsqu'il était gamin, l'émerveillait toujours lors de ces matins de novembre quand les flocons immaculés envahissaient les rues. Naruto observa un instant la vue qu'il avait avant de soupirer. Le ciel était gris, mais la clarté venait petit à petit. Il était… peut-être 8 heures ?
Naruto se détourna pour chercher son portable. Il le trouva sous la pile de vêtements au sol, là où il avait sans doute atterri quand il avait décidé de s'en aller. Pour ce que ça avait donné… Naruto se demanda furtivement ce qui se serait passé s'il avait vraiment quitté, hier soir. S'il était parti, où serait-il allé ? Chez Itachi, probablement.
Naruto ouvrit son appareil et vit qu'il n'avait aucun nouveau message. Un éclair de déception l'accrocha, mais il le chassa rapidement, se disant qu'il n'y avait aucune raison pour que Sasuke l'ait texté aussi tôt le matin. Si, à 3 heures du matin, il n'était pas encore endormi, alors là il devait ronfler comme un bon…
Il déroula un moment leur courte conversation, le cœur serré, un vague sourire aux lèvres.
Que se passerait-il s'il partait ? S'il quittait Sai ?
Le jeune homme en question remua derrière lui. Il émit un gémissement paresseux, et étira le bras sur le matelas comme pour chercher Naruto. Celui-ci le contempla en silence, déchiré entre l'envie de s'approcher pour profiter de ce qui restait. Mais, au lieu de ça, il s'habilla sans faire de bruit, enfila un manteau léger et sortit comme un voleur.
Malgré les courtes heures de sommeil dont il avait pu profiter, Sasuke se sentait un peu mieux aujourd'hui. Étonnamment, il n'était pas aussi fatigué qu'il aurait dû l'être.
Il entra dans le café, soupirant de soulagement lorsque la vague de chaleur qui régnait à l'intérieur le frappa au visage. Sous son bonnet, Sasuke avait les joues toutes rouges du froid mordant de l'extérieur, ses mèches noires encadrant son visage délicat et faisant ressortir le noir de ses prunelles.
Il n'y avait presque personne. Deux clients faisaient la file devant le comptoir. La matinée était à peine entamée, après tout. Sasuke s'approcha en humant l'odeur de croissant. Même si c'était un parfum paradisiaque, il n'avait pas d'appétit.
Juugo, le grand gaillard qui tenait la caisse, lui sourit quand ce fut son tour.
- Comme d'habitude, mon vieux ? s'enquit-il.
- Ouais.
Il contempla Juugo tandis qu'il se mettait à la préparation de sa commande, qui consistait en un simple café noir. Juugo était un employé du restaurant et également un copain, qu'il connaissait depuis le lycée. Il était d'ailleurs celui qui l'avait proposé pour ce petit boulot, quelques mois plus tôt. Même si son père pouvait facilement couvrir toutes les dépenses reliées à ses études, Sasuke avait décidé de se débrouiller par lui-même. Et, comme il l'avait si bien dit à Naruto, travailler autant lui permettait de ne pas penser à…
Sasuke chassa justement cette pensée, qui serait venue avec son lot de douleur, comme chaque fois. Pendant que Juugo s'apprêtait à la tâche, il se détourna légèrement et sortit de la poche arrière de son jean son téléphone. Il l'alluma et consulta ses messages. Deux de Sakura, qui lui envoyaient des bisous, un de son frère.
Aucun de Naruto.
- Et voilà, Sasuke, ton café.
Sasuke pivota. Il s'approcha et sourit à son ami.
- Merci, marmonna-t-il en prenant le gobelet chaud, enroulant sa main autour pour se réchauffer.
Il salua Juugo avant de reprendre son chemin. Sakura l'attendait à la bibliothèque…
Il sortit du bâtiment sans faire attention. Yeux rivés sur son téléphone, il ne vit pas arriver l'homme qui le percuta de plein fouet. La collision fut brutale et envoya Sasuke directement sur les fesses, s'écrasant dans la neige, et la boisson caféinée vola dans les airs avant d'éclabousser sur le trottoir.
- Oh bon sang, merde ! Désolé ! Vraiment navré ! Je… Sasuke ?!
Il leva la tête et fut un instant ébloui. Naruto Uzumaki, là devant lui.
- Je suis tellement désolé, est-ce que ça va ? Tu t'es fait mal ?
Avant que Sasuke n'ait pu dire quoique ce soit, Naruto s'était penché vers lui. Quelques passants s'arrêtèrent, mais Naruto les renvoya. Ses mains attrapèrent Sasuke pour le relever sans difficulté. Son cœur se mit presque aussitôt à battre la chamade, comme une chanson automatique qui démarrait dès que le blond était dans son champ de vision.
Sasuke fut remis sur pieds en deux temps trois mouvements. Il releva les yeux vers ceux de Naruto.
- Euh… Ouais, ça va.
- Je suis vraiment un idiot ! Je… J'avais la tête ailleurs, je ne regardais pas où je mettais les pieds…
- Eh bien j'espère que tu regardes avant de traverser la rue au moins.
Naruto lui adressa un sourire radieux.
- T'en fais pas.
Puis, ses magnifiques perles azur se dirigèrent vers la tache foncée sur son manteau. Le blond s'esclaffa doucement, un son que Sasuke ne put s'empêcher d'adorer sur le champ.
- Encore heureux que ce soit l'hiver, sinon le café t'aurait sans doute brûlé au deuxième degré !
Il ne put ouvrir la bouche que Naruto poursuivait déjà, après avoir jeté un regard curieux vers les taches brunes étalées sur la neige :
- Je croyais que tu n'aimais pas le café ?
- C'était pas pour moi, répliqua Sasuke.
Il ne savait pas pourquoi il se sentait si gêné. Naruto était… intimidant, et ce même si, après quelques jours, il avait pu constater sans problème qu'il était quelqu'un de très gentil et sociable. Et aujourd'hui encore, Sasuke avait des papillons dans l'estomac et les jambes faibles. Il ressentait une joie étrange juste à le voir, ce qu'il ne pouvait s'expliquer.
Je crois que j'ai le béguin pour lui. Est-ce possible ?
Il ne réalisa pas immédiatement qu'il s'était perdu dans les yeux bleus de l'autre, seulement lorsque Naruto afficha un nouveau sourire.
- Je… euh, je vais aller en acheter un autre…
- Attends ! s'enquit Naruto en l'attrapant par le poignet doucement. Je vais payer, c'est ma faute après tout !
Quelques instants plus tard, Sasuke était assis à une table à l'intérieur du café. Frigorifié, il décida de garder son manteau. Naruto apparut après cinq minutes, deux cafés en main. Il en posa un devant lui, et Sasuke aperçut avec étonnement le croissant soigneusement emballé qu'il déposa aussi.
- Pour me faire pardonner de t'avoir fait tomber, annonça fièrement le blond. Je m'en veux, j'aurais pu te blesser.
Sasuke ne sut comment réagir. Il toucha du bout des doigts la pâtisserie toute chaude, et sentit une bouffée de chaleur l'envahir, si bien qu'il eut la brusque envie de se dévêtir de cette couche de vêtements. Il fut à la fois attendri, heureux et touché.
- Tu n'étais pas obligé… Je n'ai pas vraiment faim.
- Arrête, tu as maigri, tu devrais manger plus !
Sasuke fronça ses fins sourcils.
- Tu me connais depuis trois jours.
- J'ai vu des photos, sur le compte Insta de ton frère.
Naruto sentit son cœur dérailler en voyant Sasuke détourner le regard, son visage prenant une expression plus refermée.
Le jeune homme croisa les bras sur la table et sembla se blottir contre lui-même.
- Je… j'ai peut-être perdu 1 ou 2 kilos… mais c'est rien. Je peux les reprendre comme ça, ajouta Sasuke en claquant des doigts, retournant la tête pour plonger dans les yeux de Naruto.
- Ah ouais ? Bah vas-y alors, mange.
Sasuke fut déchiré entre un sourire et une moue boudeuse. Il ne savait pas du tout comment résister à la bouille du blond devant lui. Mais soudain, son ventre se manifesta et il ressentit un élan de faim comme ça ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Un véritable appétit, et une attirance hors normes pour le divin croissant que Naruto avait gentiment acheté pour lui.
Il l'attrapa et entreprit de déchiqueter l'emballage avant de mordre dedans avec joie.
- Alors ? Délicieux, pas vrai ?
- Hmmm.
- Donc, c'est pour qui, ce café ?
- Sakura, marmonna Sasuke. Elle m'attend, d'ailleurs… Nous étions en train d'étudier à la bibliothèque.
- Un dimanche matin ?
- On a une semaine rempli d'exam'…
Naruto acquiesça, puis sombra soudain dans un silence. Il contempla le visage de Sasuke face à lui, détaillant avec soin les traits du jeune homme.
Comment avait-il pu penser qu'il y avait une ressemblance avec Sai ? Sasuke n'avait rien de lui. Les deux ne pouvaient pas être plus à l'opposé. La seule ressemblance que Naruto était prêt à leur accorder était la couleur de leurs cheveux. Et même… le noir corbeau seyait plus à Sasuke, d'une certaine façon…
- Ça va ?
Naruto sortit de son mutisme à la question de Sasuke. Il avait avalé tout rond le croissant et le fixait maintenant avec curiosité.
- Pourquoi ça n'irait pas ? s'exclama-t-il avec un large sourire.
- T'as l'air bizarre.
- Tiens ? Et qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- J'en sais rien… quelque chose dans ton regard, qui n'est pas normal. Tu t'es engueulé avec le petit ami absent ?
Naruto réprima un rire – la répartie de Sasuke était absolument parfaite – mais son hilarité se buta à l'amertume qui restait au fond de lui après la nuit bouleversante qu'il venait de vivre et il ravala le tout comme une pilule démesurée.
- Il s'est pointé après nos messages. Il était 3 heures du matin. On s'est… ouais… un peu disputé.
Il baissa la tête, ses mains croisées sur la table étaient crispées, et tremblaient peut-être un peu. Il était conscient du regard de Sasuke sur lui, mais… il n'avait rien de mesquin, ou de dangereux, ou de menaçant ou même de moqueur. Il découvrait Sasuke petit à petit, et s'étonnait de toujours se sentir bien avec lui. En sécurité.
- Il a dit des trucs vraiment horribles. Et moi comme un con j'ai quand même tout pardonné et… on a…
Naruto soupira, ne sachant comment mettre en mots ce qu'il avait vécu.
- On a couché ensemble, mais j'ai eu l'impression que ce n'était qu'une blessure de plus.
Quand il leva les yeux, Naruto trouva ceux de Sasuke agrandis d'effroi et d'un soupçon de colère.
- Il ne t'a pas forcé tout de même ?
- Non ! Non, non, pas du tout, t'inquiète pas.
Naruto fut un peu grisé de cette réaction. Sasuke, si calme et si posé, toujours maître de lui-même, s'était enflammé en une petite seconde à la pensée que Sai l'ait forcé à coucher avec lui.
- J'étais consentant, je le voulais… c'est juste que… après, j'ai… J'ai regretté d'avoir cédé. J'étais vraiment en colère contre lui, j'aurais voulu qu'il aille se faire voir…
- Ça ne me regarde pas vraiment, murmura Sasuke. Mais peut-être que tu devrais rompre avec lui. Il m'a l'air d'un sacré trou de cul.
À nouveau, le rire et les larmes bataillèrent en lui. Sasuke avait mis au jour le plus grand tourment des dernières années de sa vie. La plus logique des décisions et la plus illogique des raisons.
- Je ne sais pas, Sasuke, souffla-t-il tout bas.
- Je ne voulais pas manquer de respect à votre relation, tu sais. Comme je l'ai dit, ça ne me regarde pas.
Naruto n'ajouta rien. Au même instant, la porte du restaurant s'ouvrit, faisant retentir la petite clochette. Naruto aperçut une tête rose se tourner d'un côté et de l'autre puis, enfin, s'approcher d'eux.
Sakura était accompagnée d'une fille aux longs cheveux blonds.
- T'es là ! s'exclama Sakura en se postant près de Sasuke. Je m'inquiétais ! J'ai cru que tu t'étais perdu dans le blizzard !
- Excuse-moi, Sakura, j'ai croisé Naruto et…
- Oh bon sang, Sakura, tu m'avais pas dit que tu connaissais Naruto Uzumaki ! couina la fille blonde.
Sakura, dont les joues avaient la même teinte rosée que sa tignasse, se tourna vers Naruto et son visage se fendit d'un sourire.
- Salut Sakura, lança Naruto.
- Coucou Naruto ! Je te présente Ino, ma meilleure amie !
Naruto croisa le regard de Sasuke et fut déçu de constater que ce doux moment, presque intime, entre eux, venait d'éclater comme un ballon. Il avait envie de plus de temps avec lui…
Malgré lui, il adressa à Ino un sourire poli en tendant une main.
- Enchanté.
- Vous… vous voudriez me signer un autographe, s'il vous plaît, monsieur Uzumaki ? risqua la demoiselle.
- Bien sûr, sourit Naruto. Si tu acceptes de me tutoyer !
- Depuis quand tu es une fan de hockey, Ino ? demanda Sasuke, confus.
- Pas de hockey, corrigea Sakura. Des joueurs de hockey.
Naruto termina de signer le carnet que lui avait présenté Ino.
- Je demande une signature à Itachi, si tu veux, lança-t-il.
Ino faillit s'évanouir.
- Itachi Uchiwa ?!
- Mais oui, tu sais, le frère de Sasuke ! s'exclama Sakura, exaspérée. Je t'avais déjà dit que Sasuke était son frère !
- C'est mon athlète préféré ! expliqua Ino. Avec vous… toi, bien sûr, Naruto ! Tu sais ce qui serait vraiment le plus chouette ?! Que Naruto et Itachi viennent faire un tour à la fête que j'organise vendredi prochain !
- Sois pas ridicule, Ino, répondit Sakura. Ce sont des joueurs de hockey, des adultes ultra occupés, ils n'ont pas le temps de venir festoyer avec des gamins de la Fac comme nous ! En plus, il y a sûrement une partie vendredi soir…
- Ça me ferait plaisir d'y aller, interrompit Naruto.
Les deux filles, prêtes à s'engueuler dans l'allée du restaurant, se tournèrent avec surprise vers Naruto.
- Vraiment ? fit Sakura, éberluée.
- Vraiment. Je passe le mot à mes potes de l'équipe.
- Oh ! cria presque Ino. Bon sang ! Quand je vais dire ça aux filles ! De vrais joueurs de hockey chez moi !
Elle détala comme un petit lapin et Sakura leva les yeux au ciel.
- Elle s'excite trop facilement ! Tu viens, Sasuke ?
Sakura déguerpit à son tour, glissant sa main dans celle de Sasuke pour l'encourager à la suivre. Elle ne manqua pas de récupérer son café avant de s'élancer vers la sortie pour rejoindre la blonde. Le jeune homme acquiesça puis se leva.
Il s'immobilisa une brève seconde et regarda Naruto tendrement.
- Euh… à plus, alors ?
Naruto sourit.
- À plus tard.
- Merci pour… ce moment, marmonna Sasuke.
Il se détourna, alors que Naruto ne pouvait s'empêcher de se dire à quel point Sasuke était mignon à mourir avec son bonnet et ses pommettes roses.
Sasuke revint sur ses pas.
- Et réfléchis à ce que je t'ai dit, d'accord ?
Sans savoir d'où lui venait ce courage, Naruto hocha de la tête.
- Promis.
Le petit sourire en coin de Sasuke fut tout ce à quoi il fut capable de penser pour le reste de la journée.
À Suivre...
Coucou ! :)
Merci énormément des commentaires, je ne pensais pas que cette petite fic plairait autant, ça me fait vraiment plaisir...
En espérant que ce chapitre vous plaise !
A bientôt, pour la suite de Double Tranchant, sur laquelle je travaille :)
Bisous
Tch0upi
