Chapitre 7
Sasuke fixa son reflet dans la glace, passant de ses cernes évidentes à son teint pâle. Ses cheveux encadraient son visage amaigri. Naruto avait raison, et Sasuke le constatait possiblement pour la première fois : il avait effectivement perdu du poids. Son regard descendit sur sa nuque gracile et ses épaules presque frêles. Il n'avait jamais eu une carrure robuste, il avait une musculature fine et il était loin de ressembler à son frère et sa masse de muscles. Sasuke était plus fluet de nature, mais depuis les quatre pénibles mois qui venaient de s'écouler, il ne ressemblait plus qu'à l'ombre de lui-même.
Comment avait-il pu passer tout ce temps sans se rendre compte de son allure ? De son état qui se détériorait ? Il tenta de se souvenir des mois qui s'étaient écoulés depuis ce fameux jour, mais c'était comme un brouillard opaque et sombre dans sa tête. C'était comme s'il s'était inconsciemment anesthésié pour traverser chaque jour sans souffrir, comme s'il avait vécu comme un automate, comme un fantôme, ne ressentant rien par choix pour éviter de ressentir la douleur cuisante et lourde qui logeait dans son cœur.
Et puis… Le voilà maintenant. Enfermé dans la salle de bain de sa petite amie, confus, perdu, à peine capable de démystifier ses sentiments. Était-il amoureux d'elle ? Non, il ne l'était pas, c'était évident. Comment avait-il pu ne pas se rendre compte de son orientation avant ? Bon, il n'avait que 21 ans, et peut-être que la question ne lui était jamais venue avant parce que Naruto n'était jamais venu non plus, avant aujourd'hui. Peut-être avait-il eu ses doutes autrefois, mais, décidément, c'était l'arrivée de Naruto qui changeait la donne.
Alors je suis gay.
Son cœur battait la chamade dans sa poitrine, alors qu'il replongeait dans son propre regard, ses yeux noirs sans fond. Il détonnait avec une telle force dans sa cage thoracique qu'il aurait pu faire éclater ses côtes.
Comment expliquer à Sakura ?
Une chose était sûre, il ne pouvait décidément pas faire ça ici ce soir. Le père et le frère allaient lui démolir la gueule s'ils apprenaient qu'il s'était engagé dans une relation avec Sakura alors qu'il ne l'aimait pas. Pire : qu'il n'était même pas attiré par elle, ni même par les filles. Ils penseraient assurément qu'il avait profité d'elle, qu'il s'était joué d'elle parce qu'il ne s'assumait pas ou alors juste pour s'amuser.
Mais comment Sakura réagirait-elle ?
Si tu étais ici, maman. Si seulement tu étais là…
Mikoto saurait exactement quoi lui dire. Mais elle n'était pas là. Et pour la première fois depuis son décès, Sasuke ressentit cette affreuse sensation de vide. Son absence fit plus mal que jamais auparavant et il ignorait ce qui l'empêchait d'éclater en gros sanglots, de se jeter par terre et de pleurer comme un bébé.
Sasuke serra les doigts au bord du comptoir, afin de chasser la crise de panique qu'il sentait venir. Son cœur ne ralentissait pas et sa respiration devenait saccadée. Non… Il fallait qu'il reprenne contenance. Reprends-toi, Sasuke…
Le garçon respira profondément et s'aspergea le visage d'eau pour chasser ce début d'hyperventilation. Il ferma les yeux et, quelques instants plus tard, fut fin prêt à retourner dans la cuisine. Il avait l'intention de s'excuser et rentrer – c'était plutôt une bonne chose que Sakura pensât qu'il couvrait quelque chose. Il pourrait ainsi feindre se sentir malade et rentrer au plus vite ! Ce n'était même pas tout à fait un mensonge, en plus. Il commençait vraiment à se sentir mal.
Fort de cette résolution, Sasuke ouvrit finalement la porte pour sortir de sa tanière, mais s'immobilisa dans le couloir, quand il vit que Kurama se trouvait là, face à lui, nonchalamment appuyé contre le mur les bras croisés. Le frère de Sakura le fixait avec un rictus.
- J'ai terminé, c'est bon, marmonna Sasuke. C'est libre, tu peux y aller.
Il fuit le regard bouillant du plus vieux et fonça dans le couloir, mais Kurama lui bloqua le passage. Quand Sasuke releva la tête, agacé, il vit le sourire de l'autre s'élargir.
- Ce n'est pas la salle de bain que je veux, souffla-t-il tandis que sa main s'enroulait autour de son poignet.
Sasuke faillit s'étrangler à l'entente de ces mots. Le moins que l'on puisse en dire, c'était que Kurama ne prenait pas plusieurs chemins et allait droit au but.
Avant que Sasuke ne puisse comprendre ce qu'il se passait, il se retrouva contre le mur du couloir. Kurama le plaqua, certes en douceur et bientôt, le corps large et imposant du rouquin se positionna contre lui. Une distance beaucoup trop courte se trouva entre eux si soudainement que Sasuke crut rêver. Il n'avait plus aucune issue pour s'échapper désormais.
Posant ses deux mains de chaque côté de lui au mur, Kurama se pencha. Sasuke sentit la chaleur de son haleine.
- Ma sœur m'a envoyé voir si tout allait bien. Mais… tu es un tout petit peu confus, c'est ça ? Je t'ai vu quand je suis arrivé. Ton regard n'a pas lâché le mien.
Sasuke déglutit difficilement.
Son cerveau se mit à rouler à toute allure. Alors qu'il aurait dû repousser l'autre de toutes ses forces (ça entrait dans les limites du harcèlement, non ?), il ne put s'empêcher d'apprécier la proximité, certes brusquée et inattendue, l'odeur alléchante et musquée de l'homme, et ses épaules fermes qui, d'ailleurs, se situaient à la hauteur exacte de ses yeux. Malgré sa taille tout à fait dans la moyenne, Sasuke ne s'était jamais senti aussi petit. Et… bizarrement, la haute stature de l'homme l'excitait au lieu de l'effrayer.
Que faire ? Pourquoi ne bougeait-il pas ? Il y avait au moins mille raisons pour lesquelles il n'avait pas le droit de rester là…
- Tu es nerveux, ajouta Kurama. C'est moi qui te mets dans cet état, pas vrai ?
- Ça ne te fait rien alors que ta sœur est tout juste à l'étage du dessous ?
- La véritable question, ajouta Kurama sensuellement, c'est… pourquoi tu sors avec ma sœur ? Alors que tu es visiblement…
Sasuke frissonna violemment lorsque les lèvres du frère de Sakura frôlèrent sa gorge. Ce toucher pourtant si chaste déclencha un incendie dans son corps. Sa respiration s'accéléra de nouveau, mais pour une tout autre raison.
- …complètement…
La bouche chaude remonta sous sa mâchoire dans une lenteur infernale.
- …incontestablement attiré par les mecs.
Sasuke sentit malgré lui ses sens s'éveiller. Sa peau fut couverte de chair de poule, ses genoux devinrent faibles et son entrejambe brutalement titillée. Il se revit sous la douche l'autre jour, imagina sa main – ou celle de Kurama – autour de son membre et vit, sous ses paupières closes, le magnifique jeune homme le prendre dans ses bras. Écarter ses jambes.
Il rouvrit les yeux et repoussa fortement Kurama.
- Ça suffit !
Kurama se laissa faire, reculant dans le couloir avec le même foutu rictus joueur et trop fier. Sasuke se détesta de trouver cela diablement attirant. Il ravala sa salive difficilement.
- Ne m'approche plus, grogna-t-il.
- On verra, lança Kurama avec un clin d'œil. Ce qui est sûr, c'est que ma sœur sait les choisir… Hmmm, les choses que j'aurais envie de faire à ce corps…
Sasuke le fusilla du regard, et cette fois-ci, il eut la décence d'être outré par les déclarations provocatrices et largement déplacées du plus vieux. Rouge de honte – honte d'avoir été indéniablement excité tout ce temps – il se précipita vers l'escalier, tout émoustillé, confus, décontenancé et un peu étourdi. Et alors qu'il descendait les marches et retournait vers la salle à manger, il se repassa les derniers instants.
Que venait-il juste de se passer ?
C'était si inattendu et invraisemblable. Il ne comprenait pas. Il avait dangereusement conscience du jeune homme qui descendit à sa suite, demeurant sur ses talons, son regard perçant son dos. Sasuke pensa malgré lui que l'autre devait lui reluquer les fesses… et cette idée n'était pas aussi dérangeante qu'elle aurait dû l'être. Qu'est-ce qui m'arrive ?
Une partie de lui avait envie de remonter là-haut et recommencer…
- Ah, Sasuke, tu es là ! s'exclama Sakura en se levant à son arrivée.
- Ça va ? Tu es tout rouge, trésor, lança Mebuki.
- On dirait que tu viens de voir un fantôme ! ajouta Sakura.
- Sakura, je… je suis désolé. Je vais rentrer.
- Tu vas bien ? demanda la jeune femme.
- O-Ouais. Fatigué, c'est tout.
Il se tourna vers les maîtres de la maison.
- Je vous remercie pour ce dîner. B-Bonne soirée.
- Attends, Sasuke, il fait hyper froid dehors, tu ne vas pas…
- Je le ramène en voiture, si vous voulez ? proposa Kurama.
Sasuke se figea et risqua un regard vers lui.
- N-Non, ça ira. Marcher me fera du bien.
- T'es sûre ? s'inquiéta Sakura.
- Oui, je t'assure.
Sakura finit par accepter. Elle s'approcha et embrassa rapidement Sasuke sur les lèvres – un baiser que le jeune homme ne put que recevoir avec un mixte de honte et d'étonnement. Il ne put s'empêcher de comparer les deux expériences si éloignées l'une que l'autre. Il n'avait jamais vraiment détesté la petite bouche fraîche et douce de Sakura, mais celle de Kurama, qui n'avait que frôlé sa peau, chaude et sensuelle, avait failli le convaincre de se jeter à corps perdu dans ses bras.
- À plus, alors… marmonna Sakura, déçue.
- Ouais… murmura-t-il.
Il jeta un dernier coup d'œil aux parents, avant de s'enfuir vers le hall. Il enfila son manteau et son bonnet, attrapa son sac et se précipita dehors, accueillant avec joie le froid mordant de l'hiver, qui chassa la chaleur entêtante qui avait envahi le jeune homme lorsque Kurama…
Bon sang mais qu'est-ce qui venait de se passer ? se répéta Sasuke tandis qu'il s'engagea sur la route enneigée, dans la nuit calme.
C'était inutile de dire que durant les jours qui suivirent, Sasuke se sentit mentalement absent. Installé à sa place habituelle dans la salle de classe, le mercredi qui suivit, il fixait le vide en réfléchissant à ce qui s'était passé chez Sakura. D'ailleurs, il avait fait de son mieux pour éviter la demoiselle. Maintenant que les choses étaient plus ou moins claires dans sa tête, il préférait repousser le plus possible le moment où il devrait le lui annoncer. Entre les examens, les pensées qui lui affluaient le cerveau autant de Kurama que de Naruto, il en avait la migraine.
Les examens du début de la semaine furent plus difficiles qu'il l'eût pensé. Il avait cru être bien préparé, mais sa tête était en compote lorsqu'il sortit en fin de journée, et maintenant il s'inquiétait aussi d'avoir échoué un de ces tests. Décidément, rien n'allait plus…
Il rejoignit la bibliothèque rapidement, ayant entendu Ino un peu plus tôt raconter que Sakura et elle iraient faire les boutiques pour le vendredi suivant tout de suite après les cours. Il avait fallu à Sasuke un bon moment pour se souvenir de la raison de ce shopping inopiné : le vendredi avait lieu la fameuse fête organisée par la blondinette. Sasuke en soupirait d'avance.
Il y avait eu plusieurs fêtes depuis le début du trimestre. Apparemment, les étudiants de l'université étaient de plus gros fêtards que ne l'étaient les jeunes du lycée, et presque tous les weekends étaient une occasion pour célébrer. Sasuke n'avait jamais été friand de ce genre d'événement. Au lycée, il accompagnait ses amis, et, oui, il se rappelait avoir déjà tiré du plaisir. La musique, l'ambiance festive et réjouissante, ces moments entre amis pour lâcher son fou. Mais désormais cela semblait dénué de plaisir. Sasuke y pensait et se sentait d'autant plus déprimé à l'idée que ce qui lui avait semblé amusant auparavant ne l'était plus du tout aujourd'hui. Même écouter de la musique n'avait plus d'attrait pour lui…
Sasuke prit une table au fond de la salle de lecture et posa son sac en tâchant de faire le moins de bruit possible. Non seulement pour ne pas déranger les étudiants en pleine séance d'études tout autour mais aussi parce qu'il avait envie de se fondre dans un coin et se faire oublier par le reste du monde.
Il regarda un moment par la fenêtre, le blizzard qui soufflait encore une fois dehors. La tempête était plus féroce que le weekend dernier… On n'y voyait rien à cinq centimètres devant. Tout était blanc. Il observa la vue en y trouvant un soupçon de beauté dans ce tourbillon. Le vent, la neige, le chaos qui emportaient tout… pourtant le calme qui l'habitait créait un contraste saisissant. C'était presque poétique.
Incapable de se concentrer pour étudier pour les prochains tests, Sasuke finit par sortir son téléphone. Il se mit à flâner sur les réseaux sociaux, faisant dérouler le fil d'actualité.
Rapidement, Sasuke vit les publications récentes de son frère : les photos de leur voyage à Suna. L'équipe s'était rendue dans la ville voisine pour une série de deux matchs. En voyant les sourires illuminés des mecs de l'équipe, Sasuke devina les succès de son frère et de ses coéquipiers. Lorsqu'il déroula encore le fil et qu'il vit une photo de Naruto, tenant bien haut une bière, entouré par le cou par un mec aux cheveux rouges, il fut envahi d'un mixte de joie, de tendresse et de jalousie.
Naruto était si beau. Il était un ange directement tombé du ciel. Voilà tout. C'était la seule explication pour qu'il soit si parfait.
Mais qui était son nouvel ami ? À moins que ce ne soit pas un nouvel ami, mais un vieux copain dont il ne connaissait rien. Après tout, à part le fait que Naruto était un joueur de hockey professionnel, un athlète de renom et qu'il avait un petit ami plus ou moins merdique, Sasuke ne savait rien sur lui.
Sans vraiment savoir pourquoi, ni ce qu'il espérait avec ce geste, Sasuke posa le doigt sur la demande d'abonnement à son compte Instagram. Puis, retrouvant sa messagerie, Sasuke écrivit un court message :
(16 :49) Félicitations pour la (les ?) victoire.
Sasuke posa ensuite son portable sur la table et replongea dans ses pensées.
Il était vraiment pathétique. Même après avoir été presque embrassé par un autre type, Sasuke continuait de ressentir cette irrépressible envie de revoir Naruto. Il savait pourtant que le magnifique Apollon était déjà pris… et pourquoi s'intéresserait-il à lui après tout ? Alors que Kurama semblait l'être, lui. Il était beau, plus que beau même, il était carrément canon. Sasuke était certain qu'il ne dirait pas non à ses avances s'il se mettait de la partie et qu'il commençait à jouer le jeu de la séduction à son tour. S'il le voulait, peut-être que Kurama pourrait lui faire découvrir ce monde de possibilité qu'il ne connaissait pas encore, et Sasuke ne pouvait pas faire l'autruche, pas après le petit numéro de Kurama de l'autre jour. L'attirance était réciproque et Sasuke devait se l'admettre. Il n'était pas sûr de pouvoir le repousser une seconde fois si le jeune homme recommençait… Ce qui le terrifiait le plus, c'était que Sasuke avait vraiment envie d'expérimenter. D'essayer… découvrir comment ce serait. Avec un homme.
Pourtant, son cœur continuait de battre plus vite et plus fort quand il pensait à Naruto.
Hors de toute attente, son portable émit une petite vibration. Surpris, Sasuke l'ouvrit et découvrit la réponse de Naruto, plus rapide qu'il l'avait espéré.
(16 :52) Hey ! Merci Sas'ke ! On a remporté les deux matchs.
(16 :53) C'est super. D'autres matchs à l'étranger ?
(16 :53) Nan, on est déjà rentrés. Je croyais que tu t'intéressais pas au hockey ?
(16 :54) Pas vraiment, j'ai vu passer les photos.
(16 :54) Oh, okay !
Sasuke se mordit la lèvre du bas. Son cœur battait la chamade pour une simple conversation texte. Qu'est-ce qui n'allait pas dans sa tête ?
(16 :56) Alors… tu vas bien ?
(16 :57) Super ! Et toi, Sas ?
(17 :01) Je voulais dire… Ton petit ami ne t'a pas encore fait chier ?
(17 :01) avant de partir pour Suna, je lui ai dit que nous avions besoin d'un moment pour éclaircir nos pensées.
(17 : 02) Tu n'es pas obligé de subir son comportement de merde, tu sais.
(17 : 02) C'est gentil de t'inquiéter de mes états d'âme. Je vais bien Sas, vraiment. Être ailleurs pendant un moment m'a fait du bien.
Sasuke mourait d'envie de poser au moins une centaine d'autres questions au blond. Par exemple : pourquoi ne pas laisser tomber ce moins que rien ?
Et après, quoi ?
Même si Naruto se libérait, il n'y avait aucune raison de penser qu'il s'intéresserait à Sasuke.
En plus, pour tout le monde, Sasuke était encore, aux dernières nouvelles, très hétérosexuel et en couple avec une fille.
Il eut envie de se taper le front sur la table, mais s'évita de justesse ce geste quand un nouveau message de Naruto apparut sous ses yeux.
(17 : 07) Et toi Sas ? Ça va ?
(17 :08) Comme d'habitude.
(17 :09) Ce qui veut dire ?
(17 :10) Bien.
(17 :10) Où es-tu en ce moment ?
Le cœur de Sasuke sauta un battement.
(17 :11) Encore à l'université…
(17 :11) Je suis chez ton frère, pourquoi tu viens pas passer la soirée ? Ce serait marrant !
(17 :12) Je ne sais pas…
(17 :12) Allez ! Ne reste pas seul dans ton p'tit appart.
(17 :13) Ce n'est pas si petit.
(17 :14) Si on le compare à la baraque de ton frère…
(17 :14) Pas de ma faute si mon frère est un putain de riche.
(17 :15) Alors tu viens ?! Dis oui dis oui dis oui dis oui
Sasuke poussa un soupir. Il avait quel âge, ce type, déjà ? 5 ans et demi ? Un micro sourire se fraya cependant un chemin sur le visage du jeune brun, qui tapa rapidement une réponse.
(17 :16) Bon, d'accord.
(17 :17) Génial ! On t'attend !
Sasuke se mordit la lèvre, observant le petit emoji sourire qui accompagna son message ainsi qu'un autre qui représentait un pouce en l'air.
Un autre message apparut au même instant.
C'était Sakura.
Avant qu'il n'ait pu le consulter, une forme apparut devant lui en plaquant deux mains sur la table pour le faire sursauter : ce crétin réussit son tour et Sasuke sauta malgré lui comme une fusée.
Suigetsu éclata de rire en le fixant avec un sourire présentant une dentition aussi large que celle d'un requin.
- T'es pas possible, soupira Sasuke.
- Qu'est-ce qui te faisait sourire comme ça ? s'amusa Suigetsu, en prenant place face à lui.
Sasuke fronça les sourcils.
- Rien. Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Juste là, tu souriais devant ton écran !
Suigetsu était son meilleur ami depuis le primaire ou, enfin, Sasuke le considérait comme tel. Enfant, Sasuke était le plus taciturne et le plus solitaire des petits garçons et en plus, plus timide que les autres. Réservé. Solitaire. Un jour, alors que Sasuke, sept ans, s'occupait de ses affaires dans un coin de la classe, Suigetsu était arrivé à côté de lui et avait proclamé qu'ils seraient désormais partenaires de crime – ses propos exacts, Sasuke ne les avait jamais oubliés tant ils décrivaient parfaitement la personnalité du garçon.
Depuis ce jour-là, et malgré tout ce que Sasuke avait tenté pour le chasser, Suigetsu ne l'avait plus jamais laissé tranquille. Malgré ses aversions du début, Sasuke avait, au fil du temps, commencé à apprécier l'autre. Ils étaient devenus inséparables… enfin, jusqu'à l'année dernière. Sasuke s'en voulait, d'ailleurs, mais Suigetsu n'était pas le seul que Sasuke avait mis de côté. Quand sa mère était tombée malade, Sasuke avait flanqué des barrières partout. Il avait éloigné tout le monde et s'était isolé…
- Je souriais pas, tu divagues complètement.
- Arrête ! Juste là, ton petit sourire en coin ! s'amusa Suigetsu. Bon sang, c'était quand, la dernière fois que je t'ai vu sourire ?
Suigetsu paraissait sincèrement heureux. Comme si le voir sourire avait égayé sa journée…
Bien sûr qu'il souriait devant son écran, mais ça l'arrangeait de tout nier. Et en plus, c'était plus drôle de faire languir Suigetsu.
- C'est quoi ? Qu'est-ce qui t'arrive, mon vieux ? Sakura t'a baisé comme jamais auparavant ? Vous êtes encore ensemble, au fait, pas vrai ? C'est que, avec nos horaires ultra chargés, on n'a pas eu le temps de se donner les dernières nouvelles. Allez, mec, dis-moi tout !
Suigetsu tapa une nouvelle fois sur la table et Sasuke le fusilla du regard avant de jeter un œil vers le comptoir de la bibliothèque. Aucun employé n'était en vue.
- Arrête de faire l'idiot. C'était juste…
- Juste quoi ?
- Rien, laisse-moi tranquille.
- Pff. Ce qu'il ne faut pas entendre. Tu me la sors depuis qu'on a 7 ans, celle-là, et ça n'a jamais suffit à m'envoyer balader.
Sasuke se leva et passa la bretelle de son sac sur son épaule.
- C'est parce que t'es plus résistant qu'un fichu pot de colle. Faut que j'y aille.
- Sérieux, Sasuke ! insista Suigetsu en l'imitant et en se relevant. Je crois que tu n'as pas souri comme ça depuis… depuis la mort de ta mère.
- Et alors ? soupira Sasuke en fixant son ami.
- Et alors ! râla Suigetsu. Je crois que même ta copine ne t'a pas illuminé le visage depuis tout ce temps, alors… Il se passe quoi, tout d'un coup ? Une histoire croquante à me raconter ?
- Fiche-moi la paix, se lamenta Sasuke en contournant la table pour se lancer vers la sortie de la bibliothèque.
Mais évidemment, c'était sans compter sur Suigetsu qui le suivit.
- Au fait, j'ai su que tu venais à la petite fête organisée par Ino Yamanaka.
- J'ai pas encore dit oui.
- Ah bon ? C'est pas ce que disait Sakura.
- J'ai dit que j'allais y penser.
- Tu devrais vraiment venir ! Ça te fera du bien. Après le trimestre de fou qu'on vient de se taper…
- Tu me laisses tranquille si je dis oui ?
- Tu as ma parole ! promit solennellement Suigetsu en levant une paume bien haut.
Sasuke le contempla en secouant doucement la tête, exaspéré.
- Bon. T'as gagné. Je peux rentrer chez moi maintenant ?
Suigetsu lui tapota l'épaule.
- Je t'emmerde plus. Du moins pour ce soir. À plus, mon vieux !
Enfin libéré, Sasuke observa Suigetsu s'éloigner dans l'autre direction.
Il soupira une énième fois et consulta le message de Sakura.
(17 :17) Coucou mon chéri ! Je suis avec Ino toute la soirée, on se voit demain ? Je t'aime xx
(17 :29) Pas de problème. A plus tard.
L'idée de passer la soirée avec Naruto avait apaisé les tourments qui se déversaient dans sa tête comme ce blizzard qui frappait la ville – et un calme plat régna en lui.
- Allez, entre vite ! s'exclama son frère en lui ouvrant la porte presque 45 minutes plus tard.
La marche pour se rendre chez lui ne prenait qu'une vingtaine de minutes normalement, mais dans cette tempête, il était difficile de marcher. On ne pouvait pas regarder devant sous peine de se prendre la neige en pleine gueule et le vent nous coupait le souffle.
Sasuke était frigorifié et accepta la chaleur du foyer d'Itachi sans rechigner. Son grand frère l'attrapa par un bras et l'invita à entrer sans tarder pour pouvoir refermer la porte sans tarder.
Sasuke descendit sa capuche et poussa un soupir, avant d'enlever son manteau, son bonnet et ses bottes trempées.
- Viens te réchauffer ! s'enquit Itachi. J'suis content que tu sois là !
Il suivit Itachi jusqu'au salon. La pointe de ses cheveux était humide par la neige et, croisant les bras sur son torse, Sasuke tenta de retrouver un peu de chaleur mais il était traversé de frissons désagréables. Il avait toujours détesté l'hiver. Chaque année, son corps ne semblait jamais s'y habituer.
- Tu…t-t'aurais pas un pull ? demanda-t-il à Itachi.
- Ouais, attends j'y va-…
- Pas la peine, prends le mien ! s'exclama une voix joyeuse.
Sasuke se retourna. Du canapé, Naruto s'était levé et était maintenant en train, sous les yeux de Sasuke qui s'agrandirent, de retirer son chandail. Il en portait deux : le premier était un grand gilet en laine, d'un bleu sombre, qu'il lui passa avec un sourire. Le second, remarqua Sasuke, était un t-shirt simple noir qui seyait sa taille et son torse large à la perfection, soulignant ses muscles au peigne fin.
- Euh…
- Allez vas-y, enfile-le ! Il est tout chaud.
Sans y croire vraiment, et tout en espérant ne pas être plus rouge qu'une écrevisse, Sasuke prit le vêtement que lui tendait Naruto. Il pourrait au moins mettre ses joues rouges sur le compte du froid qui régnait à l'extérieur, ainsi que le tremblement de ses mains. Au final, l'hiver avait quelques avantages…
- Merci, souffla-t-il.
Le pull était bien trop grand sur lui, mais lorsque Sasuke l'enfila, le cœur battant, il ne put contredire le blond. Le vêtement était effectivement tout chaud, et rempli de l'odeur du jeune homme, tellement que Sasuke crut perdre la tête.
- Pas de quoi ! Ça me fait plaisir, ajouta Naruto. Allez, viens t'installer ! Il y a une partie qui vient de commencer à la télé !
Naruto retourna s'installer sur le canapé en bondissant comme un gamin, se calant contre les coussins. Itachi avait disparu quelque part, possiblement à la cuisine ou à l'étage, et Sasuke s'approcha presque timidement. Le salon était plongé dans une douce ambiance, les lumières étaient éteintes et seule la télé offrait un éclairage, jetant une lumière bleutée contre le mur et sur Naruto.
Sasuke vint s'assoir à ses côtés en gardant une certaine distance – pour sa santé mentale. Et pour éviter que le blond n'entende le vacarme de son cœur. Il ne s'était jamais senti comme ça. C'était la première fois de sa vie… est-ce que c'était plus qu'un simple béguin ? On ne pouvait pas tomber amoureux aussi rapidement ? C'était peut-être un coup de foudre, mais c'était impossible d'éprouver des sentiments réels alors qu'il ne le connaissait pas encore beaucoup…
Discrètement, le jeune étudiant se mit à observer Naruto, qui lui était fixé vers la télé, qui diffusait le début d'un match de hockey. La voix monotone du commentateur emplissait le salon, décrivant les joueurs et l'enjeu du match de ce soir. Sasuke n'écouta rien, trop concentré sur la merveille qui était assise à côté de lui.
Il portait un pantalon jogging gris et ce glorieux t-shirt noir qui laissait voir ses bras musclés. Bon Dieu, qui aurait cru que des bras le rendraient si faible ? C'en était presque ridicule. Sa mâchoire carrée, le profil de son visage qui était parfait. Ses mèches blondes, toutes ébouriffées, comme s'il se passait la main dans les cheveux plus souvent qu'il ne clignait des yeux. Il avait des épaules robustes, de longues jambes repliées sous lui sur le canapé. Sasuke laissa courir son regard sur chaque détail de son physique, obnubilé…
- Bon alors les mecs, le dîner est servi ! s'écria Itachi en surgissant de l'autre pièce.
Il apportait deux grosses boîtes de pizza. Sasuke fronça les sourcils – Naruto, lui, sauta de joie, et Sasuke ne manqua rien des étoiles qui brillèrent dans ses yeux et de son sourire surdimensionné.
- Merde, t'es vraiment le meilleur ami du monde ! Moi et mon estomac ne te remercierons jamais assez !
- Allez sers-toi et arrête de me chanter la sérénade ! pouffa Itachi.
Il prit place à même le sol, sur le tapis qui occupait le centre du salon. Naruto se tourna vers Sasuke.
- Le chemin vers mon cœur passe par mon estomac, tu vois.
- Ce ne sont pas des ramens, mais… fit Itachi.
- T'inquiète, de la pizza, c'est toujours une bonne idée. Les ramens seront pour la prochaine fois. T'en prends un morceau, Sas' ?
Il adorait cette façon qu'il avait de raccourcir son prénom… et le reflet azur dans ses yeux… l'éclat bronzé de sa peau…
- Sas' ?
- Hm… ? Non, je n'ai pas très faim.
- Foutaises ! protesta Naruto en se penchant pour prendre un morceau et le lui tendre. T'es en dessous d'un ou deux kilos alors sois gentil et bouffe !
Sasuke, étonné, dut se résoudre à accepter malgré lui. Il leva les yeux au ciel et prit le morceau de pizza. Son estomac grondait joyeusement, et encore une fois, il réalisa qu'il avait en fait très faim. Ses émotions jouaient toujours un rôle négatif face aux besoins de son corps. Peut-être que c'était pour cette raison qu'il ressemblait à un mort vivant ?
- Voyons voir si Gaara dépassera ton record, Naruto, commenta Itachi en s'installant devant la télé après être revenu une seconde fois d'un aller-retour à la cuisine.
Cette fois-ci, il déposa sur la table leurs breuvages. Sasuke attrapa un verre de soda.
Dans l'écran, on voyait le juge de ligne en train de faire la mise au jeu, déclarant ainsi le début du match.
- Aussi talentueux qu'il soit, ce petit merdeux ne m'arrive pas à la cheville ! s'exclama Naruto en s'avançant sur son siège, attiré vers la télé.
- Gaara ? répéta doucement Sasuke, curieux.
- Ouais, la nouvelle étoile de la ligue, lui apprit Itachi. Le numéro 23. Tu vas sans doute le voir, les médias adorent l'avoir en plein écran ! Cheveux rouges, yeux vert perçant.
Sasuke repensa au jeune homme qui avait posé aux côtés de Naruto sur la page Insta d'Itachi. S'il se souvenait bien, il répondait à cette exacte description. Cheveux rouges, yeux vert…
- Il a à peine 23 ans, continua Naruto, et il est voué à une grande carrière. Il a un talent indéniable.
- Fais attention Naruto, bientôt on ne parlera plus de toi mais de lui ! s'amusa Itachi.
- Hey oh ! Je suis encore la star incontestée du hockey.
- Ouais mais tu te fais vieux, ajouta Itachi.
- Vieux toi-même ! riposta Naruto en lui balançant un coussin en pleine tête.
Sasuke contempla les deux se lancer des piques de temps en temps, grignotant son dîner et se sentant étrangement bien une fois son estomac rempli. La migraine qui l'avait accablé toute la journée semblait enfin s'apaiser. Après tout, boire et manger étaient nécessaires et, ces derniers temps, il avait négligé bien des choses…
Lorsqu'il eut fini de manger, Sasuke décida de s'intéresser à la partie. Itachi et Naruto la regardaient avec passion, sautant lorsqu'un but était marqué. Visiblement, les deux semblaient encourager l'équipe de Suna même si, techniquement, cette équipe était en compétition avec Konoha. Sasuke comprit rapidement, il avait beau ne pas être un fan de hockey, il n'était pas idiot. La raison de cet engouement était probablement le jeune homme dont ils avaient parlé plus tôt. Le dénommé Gaara, un joueur de cette équipe à l'avenir prometteur.
Sasuke sortit son portable et, discrètement, retourna observer la photo.
Gaara n'était pas exactement son type. Mais, de façon générale, il n'était pas repoussant. Il avait un quelque chose de plaisant. Son cœur se remit à faire des sauts dans sa poitrine, en se demandant s'il y avait plus entre eux… Entre Naruto et lui. La photo les montrait très proche, après tout…
- Allez, vas-y, tu y es presque… ! s'exclama Itachi.
Sasuke leva les yeux vers la télé : un joueur s'élançait à toute vitesse vers le but adverse, maniant la rondelle avec talent.
- Il va marquer, dit Naruto avec confiance.
Le joueur, dont le numéro était le 23, remarqua Sasuke à la dernière seconde, allait sans contredit terminer cette avancée en comptant un but. Mais tout d'un coup, et au tout dernier instant avant qu'il ne parvienne à lancer, tout devint noir.
Les lumières lâchèrent et la maison plongea dans les ténèbres.
- PAS VRAI ! grogna Naruto.
- Cette fichue tempête ! gronda Itachi.
À travers la pénombre, Sasuke vit la forme de son frère se relever. Le peu de lumière qu'offrait la fenêtre – grâce à la clarté de la neige qui tombait, qui soufflait intensément à l'extérieur – lui permit de dessiner la silhouette d'Itachi.
- Bon sang, cette tempête ne se calme pas.
Naruto se leva à son tour pour s'approcher de la grande fenêtre. Sasuke n'avait pas besoin d'aller voir, il arrivait tout juste de dehors et il avait expérimenté cette tempête d'aussi près que possible. Il se demandait encore comment il avait pu ne pas s'envoler avec les vents puissants.
- Je vais appeler la centrale, annonça Itachi. Si le courant ne revient pas de sitôt, la nuit sera pénible.
Itachi sortit son portable et s'éloigna vers la cuisine pour placer son appel.
Sasuke, dont les pupilles étaient dilatées dans cette noirceur, posa son regard vers la haute forme de Naruto. En silence, le blond revint vers le canapé – vers lui. Sasuke se tendit soudain, nerveux, mais heureux de savoir l'autre près de lui. De savoir qu'il était là, avec lui, seuls dans cette pièce plongée dans la pénombre. Ça avait quelque chose d'intime, et le fait de ne pas pouvoir se voir rendait l'instant moins… éprouvant.
- On ne verra pas la fin de ce match, soupira le blond. Dommage…
- Vous êtes de bons amis… pour que tu encourages une équipe adverse, commenta Sasuke à voix basse.
- Tu parles de Gaara ?
- Hm.
- J'étais avec les Red Scorpion, auparavant, déclara Naruto.
C'était si étrange, de discuter sans pouvoir distinguer les traits du blond à travers cette noirceur opaque. Il apercevait à peine le contour de son visage…
- À l'époque, Gaara jouait avec les équipes junior, mais il était un grand fan de… eh bien, de moi.
Naruto s'esclaffa doucement.
- Il venait toujours voir les parties. Quand il a été repêché pour faire partie de la vraie ligue, nous avons joué ensemble quelques mois. Il avait à peine 19 ans et j'ai, si on veut, été son mentor. C'est un type vraiment cool. Évidemment, désormais, nous sommes rivaux. J'encourage ses succès, mais c'est parce que c'est mon ami.
- Je vois…
Un silence suivi les confidences du blond. Sasuke avait le cœur qui battait la chamade, mais avec l'habitude, cette sensation commençait à devenir plaisante. Douce et agréable.
- Attends, on voit rien, s'exclama soudain Naruto.
Sasuke l'entendit bouger à côté de lui. Quelques secondes plus tôt, une lumière jaillit de son téléphone. La lampe de poche de son portable jeta un filet lumineux entre eux, et enfin, Sasuke put apercevoir le visage et les yeux bleus, sombres dans cette pénombre, du jeune homme.
- Tu sais, Sas'ke… commença Naruto après un moment. Je repense à nos textes et… je… je ne suis pas sûr de croire vraiment à ce que tu prétends.
- De quoi tu parles ?
- Je ne te connais que depuis un court moment, mais… Je ne te crois pas quand tu dis que tout va bien.
Sasuke fut incapable de cacher sa surprise. Heureusement, l'absence de lumière jouait en sa faveur. Le pauvre filament qui émergeait du téléphone de Naruto ne le laissait pas voir son trouble.
- Écoute, peut-être que ce ne sont pas mes affaires, mais… Si y'a un truc qui te… qui te tracasse. Tu peux m'en parler. Je suis là.
Sasuke se mordit la lèvre du bas. Dans le noir, privé de la vue du blond, il devenait plus conscient de ses autres attraits. Sa présence calmante. Son odeur douce et délicieuse… Sasuke ferma un moment les yeux. Il ne s'était pas senti aussi bien depuis longtemps. Trop longtemps. Naruto le faisait se sentir en sécurité, et il apaisait ses souffrances intérieures. Sasuke ne savait pas comment l'expliquer. Peut-être était-il simplement aveuglé par tout ce que le blond faisait naître en lui, mais sa douleur et sa peine étaient relégués en arrière-plan.
Il repensa à ce que Suigetsu avait dit un peu plus tôt… « Je crois que même ta copine ne t'a pas illuminé le visage depuis tout ce temps, alors… »
- La vérité, c'est que… commença-t-il.
Il s'arrêta. Prit une profonde inspiration.
Et pour la première fois depuis des mois, verbalisa à voix haute la cause de sa plus grande souffrance :
- Ma… ma mère est morte, en juillet. E-Et c'est difficile pour moi depuis. C'est rien d'autre, vraiment, a-alors ne t'inquiète pas.
- Oh… lâcha Naruto. Attends, t'es… Sérieusement ? Je n'en avais aucune idée, Sas', je suis vraiment désolé !
- Itachi ne te l'a pas dit ?
- Itachi est le meilleur ami que j'ai jamais eu, mais il est… très réservé sur ses propres sentiments. Non, il ne me l'a jamais dit. Bon sang ! En juillet ? Ça fait…
Naruto calcula silencieusement.
- À peine cinq mois…
- Je sais, souffla Sasuke.
- Tout s'explique maintenant.
- Hmm…
- Elle te manque plus que tu ne l'as imaginé, n'est-ce pas ?
Sasuke baissa la tête.
- Hey, l'appela doucement Naruto. Je sais exactement ce que ça fait. Ce que tu ressens. J'ai aussi perdu ma mère… J'étais un peu plus jeune que toi, à l'époque, mais je… Je comprends ce que tu vis.
Sasuke releva la tête et plongea dans le regard tendre du jeune homme. Naruto comprenait. Il avait vécu la même chose…
De son côté, Naruto avait le cœur serré et la gorge soudain étroite. Il fixait Sasuke à travers le léger écran de lumière offert par son téléphone, devenu chaud entre ses mains à force de fournir cette énergie.
Il comprenait enfin ce regard triste, cette constante souffrance étalée sur les traits délicats de son visage. Il s'en voulait un peu d'avoir insisté, mais il n'avait pas eu besoin de tirer la vérité de Sasuke par les grands moyens : le jeune homme s'était confié naturellement, peut-être encouragé par cette ambiance rassurante. Dans la noirceur, confiné ainsi dans les ténèbres, il était parfois plus facile de révéler un secret pesant.
Il avait de la peine, cela dit, d'apprendre cela. Quand il avait rencontré Itachi, il n'avait pas douté une seconde qu'il venait de vivre un tel drame. À peine deux mois s'étaient écoulés depuis la mort de sa mère à ce moment-là. Itachi cachait bien son jeu… Sasuke était également doué dans l'art de cacher son tourment – Naruto ne pouvait s'expliquer comment, mais il avait l'impression de voir profondément en lui. Et, depuis leur rencontre, quelque chose les reliait tous les deux. Ils se comprenaient facilement, sans avoir à forcer une explication dénuée de sens, qui souvent compliquait encore plus les choses.
- Comment ça s'est passé ? murmura Sasuke, ramenant le blond à l'ordre.
- Eh bien…
- Bon alors le courant ne reviendra pas avant demain matin, annonça Itachi en surgissant dans le salon.
Sasuke s'étonna à s'écarter, et Naruto en fit de même – inconsciemment, ils s'étaient rapprochés l'un de l'autre sur le canapé.
- T'es pas sérieux, soupira Naruto.
- Ouais.
- Sasuke, tu vas dormir ici, d'accord ? suggéra Itachi. Ton appart est probablement plongé dans le noir aussi et donc privé de chauffage et cette nuit les températures vont descendre encore plus.
- OK…
- Évidemment, Naruto, tu es le bienvenu aussi pour la nuit.
- Je devrais peut-être rentrer et voir si tout va bien pour Sai… Je ne voudrais pas le laisser seul dans le noir et le froid.
Sasuke sentit un pincement douloureux tandis que Naruto se levait et se dirigeait vers le hall. Mais Itachi l'arrêta.
- C'est un adulte, Naruto, l'encouragea-t-il. Il pourra se débrouiller pour une nuit, il a sûrement un endroit où aller et je suis sûr qu'il est assez intelligent pour se réchauffer avec des vêtements et des couvertures. En plus, c'est préférable que tu ne prennes pas la route dans ces conditions…
Naruto hésita. Sasuke le vit jeter un œil vers la fenêtre, d'où on voyait encore la tempête déverser sa colère sur la ville.
- Bon… Mais je vais quand même l'appeler pour m'assurer que tout va bien.
Et il disparut dans une autre pièce. Sasuke inspira profondément et expira, encore enfoui à sa place sur le canapé, le cœur en émoi et la tête pleine de l'odeur du blond. Il portait encore son pull…
La déception était amère. Après ce court instant de douceur, de confidences, de proximité… Un moment qui l'avait presque fait rêver et qui, indubitablement, avait réussi à lui faire oublier sa mère… Il revenait, retombait brutalement dans la réalité. Naruto…
Naruto appartenait à un autre.
A Suivre...
