Déni

Wanda avait entendu les derniers mots de Vision, ce Je t'aime déchirant qui avait brisé son dernier espoir de bonheur avant de voir la pierre de l'esprit éclater en mille morceaux, à l'image de son cœur. Elle l'avait tué pour sauver leur monde, pour offrir à cette planète et aux univers un avenir dans lequel Thanos n'aurait rien gagné. Peut-être aurait-elle dû s'en réjouir d'avoir ainsi défait les plans du Titan mais elle n'avait plus que ses larmes pour exprimer la douleur qui menaçait de la submerger. Elle ne bougea pas lorsque l'ennemi s'approcha d'elle et s'adressa à elle sur un ton empli d'une compassion qui la rendait malade. La jeune femme ne réagit qu'à l'instant où une lueur verte illumina le gant de l'infini, activant les pouvoirs de la pierre du temps pour redonner vie à l'homme qu'elle aimait.

Une nouvelle colère l'inonda, plus vive qu'un raz-de-marée, noyant ses paumes sous l'éclat rouge de sa propre magie. Elle tendit la main vers Thanos, décidée à lui faire payer cet affront, en même temps affolée par le regard perdu de Vision. Elle n'avait été que douceur et tendresse envers lui, y compris dans ce moment où elle lui avait ôté la vie, et elle n'allait pas laisser un Titan le blesser avec violence. Wanda n'eut cependant pas le temps d'intervenir, leur adversaire était plus fort, soutenu par le pouvoir des six gemmes surpuissantes. Lorsque le claquement de doigts marqua le commencement de l'échec des Avengers, la jeune femme se traina jusqu'au corps de Vision, pleurant sa seconde mort, heureuse d'être emportée dans cet ailleurs – enfer, purgatoire ou paradis, elle s'en moquait.

Wanda eut l'impression d'être morcelée, comme un puzzle rangé dans sa boîte après son utilisation. Le paysage disparut de sous ses yeux, monde de sons et de couleurs qui s'estompa jusqu'à devenir un univers de brume et de questionnements. Elle était morte, elle ne devait pas pouvoir percevoir quelque chose autour d'elle. Se relevant, elle marcha de longues minutes sans but précis, ses jambes rendues lourdes par les combats, son cœur serré par la perte qu'elle avait vécue. Elle errait sans croiser personne, elle était seule dans un monde abandonné, encore une fois – comme après tous ces deuils qu'elle avait eus à supporter.

« Wanda ? »

Elle tourna son regard vers la silhouette qui se dessinait au loin, plissant les paupières jusqu'à reconnaître la démarche familière de Vision. Un sourire s'esquissa sur ses lèvres et elle courut vers lui, l'étreignant en sentant qu'il était bien vivant, sa peau d'androïde réelle contre la sienne. Il l'embrassa sur le front avec amour avant de reculer d'un pas, une lueur amusée dans ses yeux d'un bleu presque transparent.

« Si je suis avec toi, tout va bien, murmura la jeune femme en prenant ses mains dans les siennes pour garder un contact tangible avec l'homme qu'elle aimait. Sais-tu où nous sommes ?

— Dans l'au-delà, je suppose, répondit-il avec une note d'incertitude. Les données que je possède ne sont pas assez précises quand il s'agit de la mort.

— Alors c'est définitif, frissonna Wanda. »

Au fond d'elle, elle avait eu cet espoir minime de revoir un jour briller le soleil, en compagnie de Vision. Sans doute avait-elle surestimé les capacités des pierres de l'infini. Ou peut-être avait-elle esquissé dans son esprit trop de théories farfelues pour se rassurer. Si elle était vraiment morte alors ce n'était pas si terrible, elle était accompagnée de la meilleure personne avec qui passer l'éternité. Elle préférait disparaître d'un monde sans Vision plutôt que de survivre seule dans les ténèbres de sa douleur. Elle avait mis tant d'années à surmonter la perte de Pietro, elle n'était pas prête à recommencer.

« Monsieur Stark pense qu'il n'y a rien après la mort mais je crois qu'il se trompe, reprit Vision en regardant autour d'eux. Je me demande si ce ne serait pas un condensé de ce que les gens ont en tête.

— Alors mon cerveau est brumeux, plaisanta Wanda en espérant voir un sourire sur les lèvres rouges de l'androïde.

— Il n'y a pas de brume ici. »

Elle pencha la tête sur le côté, arborant un air interrogateur. Peu importait l'endroit où elle posait son attention, il n'y avait que de larges pans de brume, formant un monde étrange où sa vision avait des limites. Elle aurait pu être dépossédée de ses yeux que le résultat aurait sûrement été le même.

« Que vois-tu ? s'enquit-elle auprès son compagnon en repoussant l'angoisse qui serpentait en elle.

— Une ville, avec des maisons de belle qualité. Il y en a une d'où provient un peu de musique, quelque chose de plus agréable que les préférences de Monsieur Stark. Des enfants jouent dans le jardin et … ils te ressemblent un peu.

— C'est impossible, tu dois … tu dois avoir tort. Je n'ai pas … »

Sa voix se changea en murmure. Puis tout vola en éclats, une fois encore, dissipant la brume. Elle se réveilla en sursaut, entendant des pleurs venant de la chambre de ses jumeaux. Elle repoussa les draps en catastrophe et alla voir si tout se passait bien pour eux, les berçant tour à tour contre elle en leur chantant sa fameuse berceuse, écho de son enfance en Sokovie. Elle venait encore de faire un cauchemar, elle n'en avait plus de doute. Elle avait revécu la … Non, Vision était dans leur lit, bien vivant, à ronfler en attendant le lever du jour prochain. Tout ceci n'était que le résultat de sa fatigue, celle d'une jeune mère très occupée dans la grossesse avait été très rapide – trop rapide, trop pour que ce fût naturel, trop pour que ce fût normal, mais elle oubliait déjà ce sentiment d'être dans un univers qui n'était pas le sien.

Oui, tout ceci n'était qu'un affreux rêve qu'elle aurait tôt fait d'effacer de sa mémoire dès qu'elle retournerait se coucher. Thanos était mort, Stark et Natasha aussi, mais il n'y avait pas eu d'autres victimes au sein des Avengers. Wanda et Vision filaient le parfait amour sans avoir besoin de craindre une menace extérieure, ils formaient le couple le plus idyllique, avec des enfants qu'ils chériraient jusqu'à la fin des temps. Ainsi était sa vie, leur vie, car rien ne se mettrait en travers de leur chemin, pas même un passé inexistant.