Le retour de Pietro


La journée avait commencé assez étrangement dans le quartier général des Avengers. Certains estimaient qu'il s'agissait peut-être d'une expérience qui avait mal tourné ou d'un problème avec l'une des machines made in Stark Industries mais rien ne semblait expliquer la raison pour laquelle plusieurs créatures avaient fait leur apparition depuis le début de la matinée. Wanda avait vu passer devant sa chambre une accumulation de bêtes comme des pangolins, des chauves-souris, des loirs et d'autres petits animaux qui se tenaient habituellement à distance du complexe des super-héros.

Vision avait supposé que la date actuelle était à l'origine de ces manifestations étranges. Le trente-et-un octobre n'était pas un jour anodin, plusieurs cultures y voyaient là un instant crucial pendant lequel la frontière entre les morts et les vivants s'affaiblissait jusqu'à disparaître. Il se demandait si l'arrivée d'autant de bêtes chez eux n'en était pas l'un des effets, sans doute étaient-elles attirées par l'excès de magie qui se dégageait de l'immense demeure. Wanda avait cru à une mauvaise plaisanterie de sa part jusqu'au moment où il lui avait montré qu'il ressentait une augmentation particulièrement importante de ses pouvoirs. La jeune femme ne s'en était pas rendue compte avant de l'entendre de sa part et, maintenant qu'elle en avait conscience, elle percevait son énergie qui s'accroissait à chaque heure.

Elle avait préféré se tenir à l'écart des autres Avengers en constatant que quelques filaments rouges s'échappaient de ses mains un peu trop souvent, n'acceptant que la compagnie de Vision qui ne risquait rien avec elle. Ils s'étaient installés dans l'un des nombreux salons privés pour regarder quelques films mais leur soirée avait été interrompue par un invité inattendu. Alors que la musique de l'exorciste retentissait en fond sonore, une silhouette presque trop rapide pour un regard humain avait fait irruption dans la pièce, allumant toutes les lampes et déplaçant des objets dans un même mouvement. Si l'androïde s'était mis en position d'attaque en craignant un individu louche, Wanda avait tout de suite compris qui se trouvait avec eux.

« Pietro ? murmura-t-elle après une courte hésitation. »

L'intru s'était arrêté pour se figer devant elle, dévoilant en effet son frère jumeau qui lui adressa un sourire triste. Il portait les mêmes habits que ceux qu'il avait au moment où les robots aux ordres d'Ultron l'avaient tué, du sang séché ornait encore ses blessures. Pourtant, il se tenait là, en chair et en os, comme si les balles qui l'avaient perforé n'avaient touché aucun organe vital.

« Hey, salut sœurette ! lui lança-t-il d'un air enjoué qui ne la trompa cependant pas.

— Qu'est-ce que tu fais là ? s'enquit-elle. Tu es … tu …

— Je suis mort oui, avoua-t-il en perdant son enthousiasme. Mais j'ai droit à une petite journée tranquille avec les vivants tous les ans, à la date d'Halloween. Tu te rappelles quand on mettait des citrouilles aux fenêtres avec les parents ? Bah maintenant, c'est le signal qui me dit que je peux revenir et te voir. »

La jeune femme eut du mal à assimiler ses propos, elle avait l'impression d'être en train de rêver – ou d'être en plein cauchemar, dans l'un de ceux où elle revoyait sans cesse sa défunte famille. Mais l'intervention de Vision lui confirma qu'elle était dans la vraie vie, bien éveillée, et qu'il n'était pas surpris par l'aveu de Pietro. L'androïde avait lu de nombreux ouvrages sur la magie afin de comprendre la sienne et de se familiariser avec les pierres ou toutes les autres énergies, et il avait découvert cette fameuse faille entre les mondes.

« Mais si tu … si tu viens de l'au-delà ou je ne sais quel endroit, pourquoi n'avons-nous jamais revu nos parents ?

— Peut-être n'ont-ils jamais voulu passer. Tous les morts ne franchissent pas cette frontière, heureusement. Tu imagines ce que ça donnerait ? »

Il valait mieux éviter de songer à l'horreur que serait leur planète si l'intégralité des défunts refaisait surface car des millénaires s'étaient écoulés et la Terre ne saurait supporter autant de monde. Wanda aurait aimé profiter de cet instant pour parler avec son frère comme autrefois, pour rire à ses côtés, pour le taquiner sur sa vitesse ou pour évoquer les Avengers – sa nouvelle presque famille – mais elle n'y parvenait pas. L'apparence physique de Pietro était un rappel constant de sa mort, il avait ce teint pâle si caractéristique des cadavres, et il n'avait aucune lueur de vie dans le regard.

Vision dut sentir son désarroi car il la rejoignit et posa une main sur son épaule, lui certifiant par ce geste qu'il était à ses côtés. Elle lui sourit avec un brin de soulagement avant de reporter son attention vers son jumeau qui semblait un peu gêné par le fait de ne pas pouvoir bouger aussi vite qu'il le voulait.

« Je ne resterai pas longtemps, on a juste la permission de minuit, plaisanta Pietro.

— Sinon quoi, tu te métamorphoses en citrouille.

— Oh non, je serai simplement bloqué ici sous forme de fantôme pour l'éternité. »

Le ton s'était sans doute voulu humoristique mais Wanda ne le perçut pas ainsi. Un frisson glacé s'empara d'elle et, inconsciemment, elle tendit la main vers celle de Vision, savourant sa présence auprès d'elle. Son jumeau leva un sourcil en avisant son geste mais ne fit aucun commentaire, croisant seulement les bras dans l'attente d'une autre question ou d'une autre remarque de la part de la jeune femme. Cette dernière ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil à l'horloge qui ornait l'un des murs du salon, la gorge nouée par une certaine appréhension. Elle en regrettait le pangolin qui avait surgi par sa fenêtre le matin-même car l'animal était nettement moins impressionnant que son frère.

Les heures qui suivirent furent bien trop longues. Chaque déplacement de Pietro inquiétait sa jumelle qui craignait un geste imprévisible. Elle accueillit les douze coups de minuit avec bonheur, essayant toutefois de le dissimuler à son frère pour éviter de lui faire de la peine. Alors qu'il commençait à s'effacer à sa vue, il accorda à Vision un dernier regard vide et un sourire quelque peu dérangé.

« Profitez du temps qu'il vous reste, l'androïde. Nous nous reverrons vite vous et moi. »

Et l'avenir allait prouver qu'il avait raison.