Chapitre 16

Lâcher Prise


Chagum était nerveux derrière les portes de l'assemblée royale Kanbalese. Maman posa sa main sur son épaule avec un sourire rassurant. De mon côté, j'étais très excitée et contente de pouvoir voir les lanciers du roi et le roi Radalle lui-même. Les femmes et les filles qui portaient des lances ne couraient pas les rues et je devais être la première adolescente à en porter une au monde dans toute l'histoire de Kanbal. J'étais contente d'avoir l'exclusivité. De plus, Maman avait été celle qui avait exécuté la danse des lances lors de la cérémonie de remise des luisha dans la salle du roi de la montagne, quand j'avais sept ans. Jiguro avait été son prédécesseur. Cette pensée m'envahit d'une fierté un peu trop orgueilleuse. J'entendis un bruit comme une poignée de porte qui s'agite et les portes s'ouvrirent, nous invitant à entrer. Maman se tenait à la droite de Chagum, un peu en retrait, alors que j'étais à sa gauche.

Clairement, les lanciers du roi et les conseillers ne savaient pas du tout à qui s'attendre. Lorsqu'ils nous virent, surtout Maman, ils se levèrent et provoquèrent un brouhaha monstre. Ils finirent par se calmer quand un des lanciers frappa de sa lance le sol pour ramener le calme et l'ordre. Chagum inclina légèrement la tête en guise de salutation, puis dit en Kanbalese :

- Je suis heureux que nous puissions nous revoir, roi Radalle. Cela fait si longtemps que nous ne nous sommes pas salués depuis Sangal.

Le roi Radalle ne répondit rien sur le coup. Il analysait Chagum, puis le regarda droit dans les yeux sans détourner les siens. Il avait les cheveux châtains et un regard qui donnait l'impression qu'il se mettrait à chigner à n'importe quel moment. Je pouvais sentir à l'aura qu'il dégageait qu'il n'était pas très confiant. Il posa son menton dans sa main. Il semblait étrangement petit sur l'énorme trône.

- Je suis également heureux de vous revoir, prince héritier Chagum, répondit-il sincèrement, sa voix était calme. Nous avons appris que vous étiez mort en mer. J'ai été très heureux quand Kahm m'a annoncé que vous aviez survécu.

- Merci, Votre Majesté, sourit Chagum. Je n'ai jamais eu l'intention de faire quelque chose d'aussi imprudent que cela, mais d'innombrables vies dépendent de moi. C'est la raison pour laquelle je suis ici en ce moment-même.

Son sourire s'envola lorsqu'il sortit de sa poche de poitrine un tube qui contenait un parchemin enroulé.

- Roi Radalle, je suis ici en tant que représentant du royaume de Rota. Le roi Yosam est actuellement trop malade pour s'acquitter de ses fonctions, ce pourquoi son jeune frère, le prince Ihan, gouverne à sa place. Puis-je lire ici le message du prince Ihan ?

- Vous le pouvez, accepta Radalle. Écoutez attentivement, tout le monde. Ceci est d'une très haute importance.

Chagum-Niisan déroula le parchemin et lut d'une voix forte et claire :

- « Au nom du roi de Rota, et possédant sa pleine autorité légale, moi, le prince Ihan, jure que j'accepterai toute proposition d'alliance avec le roi de Kanbal qui sera négocié par le prince héritier Chagum du Nouvel Empire de Yogo. Le prince héritier Chagum a tout mon accord et mon soutien. Son pays est envahi par l'empire Talsh. Rota et Kanbal s'unissant dans une alliance est le meilleur moyen pour les deux pays d'éviter le même sort. Nous sommes les dirigeants et les principaux diplomates du continent nord. Il ne conviendrait pas que nous cédions aux envahisseurs sans combattre. Je considère le roi de Kanbal comme un homme honorable qui est plus courageux qu'il ne peut le croire. Il prendra toujours la bonne décision pour son peuple. »

Chagum enroula le parchemin. C'était si silencieux dans le hall qu'on aurait pu entendre de l'eau s'égoutter quelque part, ou une mouche qui n'avait pas gelé voler dans les airs. Il leva les yeux vers le roi Radalle.

- Roi Radalle, veuillez accepter de former une alliance avec le roi de Rota, demanda solennellement Chagum. Si vous le faites, vous anéantirez le plan d'invasion de l'empire Talsh pour le continent nord. J'ai vu le sud de Rota de mes propres yeux. Si vous capitulez devant Talsh, vous ne serez un dirigeant que de nom. Ils soumettent toutes les terres qu'ils prennent rapidement et efficacement. Votre peuple sera recruté comme soldats Talsh, les pères, les fils. Ceux qui resteraient souffriraient d'impôts élevés. Quelques mois après la capitulation de Sangal sud, de nouvelles forteresses Talsh ont été construites sa la péninsule et sa marine Sangalese a été complètement engloutit par celle de Talsh. J'ai vu les marins Sangalese faire des exercices avec des soldats Talsh quand j'ai été fait prisonnier.

Il parlait sans point ni virgule. Je pense qu'il a même oublié de respirer. Son gardien FangFang était tout aussi nerveux. Chagum fit face au roi Radalle et continua.

- Le sort du continent nord dépend de Kanbal. Vous pouvez aider à mettre fin à la guerre civile de Rota plus rapidement et ainsi, éviter davantage de morts inutiles. Joignons nos mains dans une alliance et affrontons la vague qui avance ensembles. Avec Rota en paix, nous pourrons ajouter leurs armées à celles de Kanbal et le nord de Rota. Accepter cette alliance aiderait toutes nos nations. S'il vous plaît !

Le roi Radalle regarda silencieusement Chagum. Il jeta un coup d'œil aux neuf lanciers et à ses conseillers. L'un d'eux se pencha en avant sur sa chaise. Jiguro me murmura que c'était le cousin du roi, Aron.

- Il y a trop de situations inconnues dans tout ça. Nous savons avec certitude que Rota est en guerre intestine. Se précipiter à leur aide épuiserait nos propres ressources sans aucune garantie de victoire.

Je sentis la tension de Chagum augmenter d'un cran. Il tremblait. Le roi de Kanbal le regarda avec une expression amère.

- Il n'y a aucune garantie que nous gagnerons contre les Talsh même si nous nous allions avec le sud de Rota qui a la plus grande armée et le plus de ressources, continua Aron. S'allier avec le nord de Rota est encore plus douteux.

Les lanciers hochèrent la tête en signe d'accord aux paroles d'Aron. Je me concentrai uniquement sur l'énergie de Radalle et ne me gênai pas pour soutirer des informations en secret. Je compris qu'il était déchiré. Kahm et Chagum semblaient avoir de nouvelles informations, mais d'après ce qu'il comprenait de la situation selon les dires d'Aron, il était clair que Kanbal devait protéger ses propres intérêts et ne pas s'impliquer dans la situation désordonnée de Rota. Or, la situation n'était pas si simple. Dans son énergie et son aura, avec mon côté empathique, je sentis que la poitrine de Radalle était tendue alors qu'il réfléchissait à sa décision.

L'image d'un collier me vint à l'esprit. J'analysais rapidement cette information : il avait reçu un magnifique collier de l'ambassadeur de Talsh et sa femme le chérissait avec beaucoup d'intérêt et d'affection. S'il revenait sur sa parole avec les Talsh maintenant, il serait raillé et ridiculisé pour avoir perdu du temps et fait une telle erreur. Son cœur battait plus vite et son aura devint plus pâle et tremblait. Il était proche de faire une crise de panique. Ses conseillers et les lanciers le regardèrent avec appréhension.

Je jetai un œil à Chagum-Niisan. Il continuait de fixer les yeux de Radalle. Il était clairement à court d'idées sur ce qu'il devait dire ou faire. Je vis FangFang lui murmurer de quoi à l'oreille, comme un aide-mémoire.

- « Le roi Radalle est de nature généreuse, mais il lui faut du temps pour prendre une décision. Les lanciers lui sont tous inflexiblement loyaux, comme il l'est avec eux. Ils doivent respecter sa décision, quelle qu'elle soit. » C'est bien ce qu'a dit le lancier du clan Muro, Hagu Muro, n'est-ce pas ?

Chagum avait l'impression d'avoir été gelé au sol. Je vis son aura devenir bleuté, puis très soudainement virer au noir. Je connaissais parfaitement cette couleur d'aura chez lui. C'était très mauvais signe : il était en colère. Je m'imposai une barrière protectrice pour ne pas me laisser contaminer à mon tour. Il se souvenait de son voyage ici et de tout ce qui s'était passé pour qu'il puisse atteindre cet endroit, ce lieu, en ce moment. Il avait fui le prince Raul de Talsh et traversé la mer noire à la nage. Il se souvenait à quel point il s'était senti désespéré à ce moment-là. Il voulait désespérément sauver son peuple et tous les habitants du continent nord.

Tant de gens avaient fait des sacrifices pour le faire venir ici. Tant de marins de la marine du Nouveau Yogo étaient morts maintenant. L'armée de Talsh débarquerait sur la péninsule de Nayoro et marcherait sur sa maison. Il pouvait voir tout ce qui se passerait clairement devant ses yeux. Tout arriverait si le roi Radalle faisait le mauvais choix.

Alors qu'il observait les yeux larmoyants et indécis du roi Radalle, il sentit les frémissements d'une rage froide. Le roi Radalle avait toujours été un monarque isolationniste qui accordait la priorité aux besoins de son peuple et à ses propres besoins personnels avant tout. Alors que le temps s'écoulait et que le roi de Kanbal ne prenait toujours pas de décision, la rage de Chagum se mêlait à l'irritation. Sa vision devint blanche et il trembla de partout. Il voulait tirer le roi Radalle par le col et le forcer à écouter. Il voulait crier à tue-tête qu'accepter l'alliance sauverait des milliers de vies.

Je me mordis les lèvres et tentai quelque chose de désespérer pour balancer l'énergie de Chagum, et ainsi, éviter un possible faux pas. Je posai ma main sur son bras et me liai avec son énergie, me laissant envahir par sa colère et rage. Je ferai une balance et un catalyseur. C'était extrêmement dur à faire, même pour une médium et magic-weaver de mon calibre actuel. Je me mis à trembler et envoyai le plus gros de l'énergie colérique dans le sol, avec mes pieds. Je calmai ma respiration et comptai jusqu'à dix. Malgré tout, la rage déformait les traits normalement paisibles de Chagum.

- Roi Radalle ! cria soudainement Niisan d'une voix claire et aiguë. Les princes du Nouvel Empire de Yogo sont les enfants de Ten no Kami, Roi des Cieux. Ils ne s'agenouillent jamais devant personne, et pourtant...

Tout le monde était surpris, même moi.

- Je vais m'agenouiller devant vous, maintenant !

Sa voix tremblait et ses mains aussi. Ma main quitta le toucher de son bras alors qu'il s'agenouillait et posait sa tête sur le sol, directement devant le roi Radalle. Plusieurs hommes poussèrent des hoquets de surprises. Ils étaient tous abasourdis.

- Roi Radalle, je me prosterne devant vous comme le fils d'un dieu pour vous supplier. Prenez la décision courageuse et sauvez votre peuple ainsi que le mien.

Il eut des sueurs froides. Il tremblait de façon incontrôlable et ne pouvait pas s'arrêter. Je ne voulais pas le toucher dans une telle position qui était un acte d'humiliation pour la personne qui l'exécutait, surtout pour un prince. À la place, je lui projetai une vague d'énergie apaisante et relaxante. Je regardai ensuite le roi Radalle.

- Je vais..., opina Radalle d'une voix rauque. Je vais accepter l'alliance.

Chagum leva la tête à quelques centimètres du sol. La sueur coulait de son front. Radalle le regardait comme s'il était la personne la plus étrange qu'il n'ait jamais vue.

- Je suis d'accord, alors s'il vous plaît, levez la tête et levez-vous. J'enverrai un messager à Rota tout de suite.

Il leva les yeux vers le roi et ne dit pas un mot. Ayant accompli sa tâche, il se sentait tellement épuisé qu'il ne pensait pas pouvoir se tenir debout. Maman et moi l'aidâmes à se redresser et le menâmes dans nos appartements. Chagum se sentait tellement épuisé, qu'il s'endormit sur le lit peu de temps après. Plus tard, quand il se sentit mieux, il assista au conseil du roi qui se transforma en conseil de guerre. Maman et moi ne pouvions pas y assister, mais nous décidâmes d'en profiter pour relaxer dans nos appartements d'invités.

- Maman..., sortis-je avec hésitation, jouant avec mes doigts.

- Oui, ma belle ?

- Est-ce que ça veut dire qu'on ne verra pas Tante Yuka ?

Je fis un regard remplit de déception. Je voulais vraiment la revoir. Maman m'attira dans ses bras pour me réconforter un moment.

- Nous devons retourner au Nouvel Empire de Yogo, maintenant.

- On ne peut pas s'arrêter au territoire Yonsa quand Niisan partira avec les guerriers Kanbalese ? Ne serait-ce que pour quelques jours ? Tu avais dit qu'on avait besoin de ravitaillement et de nourriture...

- Il y a une guerre à l'horizon, Alika. Nous n'avons pas une seconde à perdre. Le territoire Yonsa est aussi loin que le territoire Muga.

- Oh...

- Et puis, ton père nous attend toujours dans les montagnes.

- Tu crois que Papa va bien ?

- Ton père a toujours eu de la chance. Je suis sûre qu'il va bien. Lui aussi nous attend. Si on se sort indemne de cette guerre, tu pourras toujours revenir voir Tante Yuka en voyage plus tard dans l'année... ou dans quelques années, pour la visiter.

- Tu me le promets ?

- Sur la tête du dieu Yoram !

Elle me donna un bisou sur le front.


Les nuages étaient rougeâtres et dorés dans le ciel alors que le soleil commençait à descendre vers l'horizon.

- Alam laï la, récitai-je comme un poème.

- Tu es vraiment Kanbalese jusqu'au plus profond de ton âme, me sourit Jiguro.

Il m'avoua – avec amusement pour me taquiner – que contrairement à moi et mon corps physique, il avait été capable de jeter un coup d'œil et rendre visite à Tante Yuka. C'était « l'avantage » d'être un esprit : les distances physiques ne les concernaient aucunement. Les esprits pouvaient se téléporter n'importe où, n'importe quand. La seule chose qu'ils ne pouvaient pas faire était d'être à deux places simultanément. C'était impossible pour eux. Mais pour ce qui était du reste, parfois, ils aimaient beaucoup nous agacer par affection. Je lui tirai la langue, verte de jalousie. J'entendis des pas derrière nous. Maman se retourna vers Chagum.

- Tu m'as vraiment surprise, avoua-t-elle. Je pensais que tu allais crier après le roi pendant une minute là-bas. Je n'aurais jamais pensé que tu te mettrais à genoux devant lui.

- Moi non plus, ajoutai-je dans une petite voix aiguë.

Il détourna les yeux de nous.

- C'était un brillant exemple de « hoi », tu ne trouves pas ? nota-t-elle.

Chagum regarda Maman avec confusion pendant un moment, puis il hocha la tête en signe de compréhension. Il y avait des moments où sacrifier une seule chose pouvait faire la différence pour sauver tout le reste. « Hoi » signifie que vous jetez tout ce que vous ne pouvez pas transporter et que vous vous contentez de courir. L'expression craintive et perplexe de Chagum se transforma alors qu'il souriait lentement. Je le comprenais. Il s'était humilié devant le roi Radalle et n'éprouvait qu'un profond sentiment de honte. Il avait été élevé comme l'enfant de Ten no Kami, Dieu des Cieux. Ce n'était pas quelque chose qui était facile à oublier. Se mettre à genoux devant une personne ayant la même autorité que le Mikado était une insulte à la fois à sa fierté et à sa personne.

Maman me réveilla un peu avant Chagum. Je dormais avec elle alors que Chagum dormait dans un autre lit. J'aurai pu faire comme les grandes personnes et dormir dans mon propre lit, mais j'aimais dormir avec Maman quand je voyageais. Ça me sécurisait d'une manière. Et comme c'était notre relation mère-fille, personne n'avait à dire quoique ce soit sur nos manières d'agir et nos façons de penser. Je sentais que l'atmosphère était plus légère dans le palais soudainement. Ou c'était parce que mon âme était bien à Kanbal, comme si j'étais à la maison. Chagum se réveilla et s'étira à son tour de façon très détendue et relaxe.

- Bon matin, dit-il endormit.

- Bon matin, salua Maman.

- Alika, tu n'as toujours pas changé.

- Hein ? ne compris-je pas.

- Je veux parler de tes habitudes : tu es toujours et encore réveillée avant moi le matin.

- Oh, ça... ça dépend. Il y a des matins où c'est plus difficile de sortir du lit.

- Il est tôt, je le sais, indiqua Maman. Désolée Chagum, mais tu devrais t'habiller.

Chagum se frotta les yeux et sortit du lit. Le sol était aussi froid que la glace et il claquait des dents.

- Quelque chose est arrivé ? questionna-t-il alors que Maman lui passait un ensemble de vêtements d'hiver pliés Kanbalese.

- Les bergers ont convoqué le roi et les lanciers du roi dans les grottes.

- Les bergers peuvent convoquer le roi de Kanbal ? s'étonna-t-il en clignant des yeux, comme s'il venait de sortir d'un rêve.

- Oui. Tu l'as probablement déjà remarqué, mais les bergers et les Kanbalese viennent de lignées complètement différentes. Alors que les Kanbalese vivent et travaillent dans les montagnes à la surface du sol, les bergers sont nés du cœur des montagnes, dans l'obscurité. Kanbal possède deux mondes qui sont très différent l'un l'autre et ils n'ont pas un pouvoir ou une autorité égale : ce sont le monde à la surface de la terre et le monde souterrain des montagnes. Lorsque le peuple du roi de la montagne convoque le roi de Kanbal, ce dernier doit répondre, sans aucune hésitation.

Je connaissais déjà ces informations et je ne me lassai jamais de les entendre. Chagum-Niisan écouta les explications alors qu'il enfilait les vêtements en laine épaisse. Ceux-ci étaient d'ailleurs plus lourds.

- Je sais que tu étais en colère contre les bergers pour avoir refusé de convoquer le roi Radalle à la salle du roi de la montagne, mais cela reviendrait à déformer l'ordre naturel d'ici, ou, du moins, à contourner les règles. Le roi de la montagne n'appelle le roi de Kanbal que pour des raisons spécifiques, et ces raisons n'incluent pas la formation d'une alliance avec des nations étrangères. J'aurais dû m'y attendre avant d'aller demander de l'aide aux bergers. Pardonne-moi.

Elle regrettait un peu, puis sourit avant de lui tendre un épais manteau karro et un couvre-visage shuma. J'avais terminé de m'habiller également.

- Les bergers m'ont demandé de te guider au cœur de la montagne. Allons-y.

Nous sortîmes dans le couloir. Il n'y avait personne dans les environs. Marcher dans un palais désert à la lumière de l'aube était étrange et onirique. Je gravai cet instant dans ma mémoire. Habituellement, la porte nord de la chambre du roi était bien verrouillée, mais aujourd'hui, elle était grande ouverte. Il n'y avait même pas de gardes devant. Nous quittâmes le palais, par derrière : les montagnes s'élevaient au-dessus du palais royal. Un peu plus loin, il y avait une large ouverture qui indiquait l'entrée de la grotte. Chagum-Niisan détourna le regard.

- Est-ce que tu vas bien ? se renseigna Maman.

Pour toutes réponses, Chagum prit une profonde inspiration et chercha frénétiquement la main de Maman.

- Tiens-moi la main, Balsa. Cette grotte... n'est pas sûre.

Maman hocha la tête et serra sa main pour le rassurer. Je pris son autre main-libre. Nous traversâmes la grotte ensembles, côte à côte. Jiguro s'était volatilisé un moment.