Aucune surprise sur l'expéditeur de ce cadeau si vous avez bien suivit le raisonnement d'Aho, qui avait mieux flairé le truc que vous visiblement ! Mouhahah Je suis contente de ne pas m'être fait griller, ça vous a laissé du suspens !

Stella: Merci pour tes reviews, ravie d'apprendre que le chapitre 10 t'ait touché, c'était le but :)


11 décembre

Mardi onze décembre. Le onze. La veille, Aomine était très heureux de découvrir que sa petite théorie se vérifiait. Mais si Kagami représentait le dix, forcément, son ombre ne pouvait que le suivre. Alors aujourd'hui il pouvait s'attendre à trouver un présent de Kuroko. Les yeux dans le vague, perdu dans son omelette, il hésite encore à ouvrir le tiroir ce matin. Étrangement, si la boule dans son ventre hier n'était lourde que d'excitation, aujourd'hui elle n'est qu'anxiété. Nouant même son estomac, empêchant l'omelette de passer. Et si Tetsu n'avait pas participé ? S'il lui en voulait encore pour la façon dont il l'avait traité ? Et si… Il ne méritait plus d'être sa lumière ? Décidément beaucoup trop nerveux de découvrir la réponse, il pose sa fourchette et repousse son assiette. Sa mère s'en inquiète et l'interroge. Il prétexte ne pas vouloir enchaîner deux retards de suite et sort de table pour terminer de se préparer. Son père, toujours planqué derrière son journal jette un regard successif à sa montre et son fils, puis retournant à sa lecture il émet un grognement appréciateur.

Il y a du brouillard ce matin… Temps aux allures angoissantes, reflétant parfaitement sa météo interne. La joie et l'allégresse ressentis ces derniers jours sont masquées, assourdies, asphyxiées dans l'étreinte doucereuse d'une nostalgie plus opaque, plus présente, plus pesante. Sur le chemin de l'école, les lumières sont diffuses, perçants difficilement ce nuage humide gris et froid. Des images floues se déplacent, aux traits gommés par l'incertitude. Des sons étouffés émergent, faussant les perceptions de distances, rendant plus périlleuse l'avancée des piétons sur la chaussée.

Comme hier, il a beaucoup de mal à se concentrer en cours. Et bien que la raison soit la même, l'obsession pour le casier de bois resté clos, l'impatience ne crépite pas dans ses tripes. S'il tremble ce n'est pas de hâte, mais de peur. Il se demande même s'il ne devrait pas le laisser tel quel. Encore une fois, pour laisser le chat vivre à moitié, dans cette foutue boîte fermée. Nerveusement, il triture son petit bracelet. Geste oublié qui lui est revenu aussi rapidement et aussi naturellement que l'eau du fleuve reprend sa place après des mois de sècheresse. Il le fait tourner, joue avec les fils résiduels s'échappant du fermoir. Tic qu'il avait développé bien des années au paravent, qu'il ne se rend même plus compte d'effectuer. Après tout Satsu est toujours là elle, tente-t-il de se rassurer… Seulement, le joueur fantôme est réputé pour sa rage de vaincre, qu'il tire d'une volonté de fer, d'un sens aigu de la justice mais aussi d'une rancœur tenace. Même si Tetsu avait toujours attendu d'être sur un terrain pour régler ses comptes, il n'en est pas moins vrai qu'il a quelques raisons d'être en colère…

Voilà plus d'une heure que la panthère a rejoint sa tanière, et elle n'a toujours pas décidé quoi faire. Il est tellement indécis que pour une fois, pour retarder ce moment le plus possible, il a même fait ses devoirs. Demain c'est sûr, il neige ! Face à l'objet de ses tourments, il se ronge l'ongle du pouce. Finalement agacé par sa propre attitude, se voyant comme un gamin effarouché, il prend son courage à deux mains et en tend une vers le tiroir numéro onze. Il inspire un grand coup, passe le bout de son index dans la petite fente et tire doucement vers lui. Déjà, il n'est pas vide. Il soupire de soulagement mais ne relâche pas totalement la pression. Il ne sait pas ce qu'il se cache dans la boite qu'il vient de révéler. Il s'en saisit et referme le tiroir. Dans ses mains, un étui cartonné rectangulaire tout simple. Avant d'en ouvrir le couvercle, il s'assoit sur son lit d'un mouvement d'automate, l'esprit totalement obnubilé par ce que contient l'écrin. Enfin, dans un geste précautionneux, presque solennel, l'inverse même de Pandore lorsqu'elle ouvrit la sienne, il soulève le couvercle.

Entre rire et sanglot, il laisse échapper un son de sa mâchoire crispée. Dans la boîte, non pas les maux de l'humanité, mais des photos. Et la première de la pile l'émeu autant qu'elle le fait rire. Avec leurs têtes de gosses, la génération des miracles et une version plus jeune de lui-même lui adressent des grimaces plus loufoques les unes que les autres. Il prend la photo pour mieux l'observer, ricane plus franchement et la dépose à côté de lui pour voir la suivante. De nouveau sa bande de potes. Le jour de leur toute première victoire nationale. L'époque où ils étaient encore insouciants et naïfs de leur destin. Il caresse du bout du doigt la coupe qu'il soulève sur le souvenir, qui doit toujours être dans les couloirs de Teïko. La gorge nouée, il passe à la suivante. Le coin écorné, il reconnait l'image. Une des plus vieilles photos existantes de lui et Satsuki… En couche-culotte, jouant avec un ballon en mousse dans le salon de la jeune femme qu'il reconnait aisément, malgré les années qui se sont écoulées. Il rit de leurs bouilles de bébés joufflus, mais ses yeux le brûlent à présent. Ravalant ses larmes, il passe à la prochaine image : une soirée karaoké pour l'anniversaire de Kise, mémorable... Au fur et à mesure qu'il les fait défiler, il se rend compte qu'il les connait toutes. Qu'en fait ces photos sont à lui. En effet, chaque pliure, chaque marque d'usure lui sont familières. À se troublant constat il se tourne légèrement sur son lit pour regarder son tableau de liège. Ce grand tableau vide censé représenter sa vie, qui les avait toutes accueillit autrefois.

Ça lui revient… Il se souvient de la dispute qui avait éclaté avec sa mère. Un jour, sûrement après une énième victoire sans saveur, il avait passé sa colère sur ses affaires. Et de rage, détaché tous ces moments de vie capturés sur papiers glacé pour les envoyer directement dans sa corbeille. Tout ce bonheur, ces sourires, ces souvenirs de jours heureux lui étaient devenus insupportables. Leur vision ne faisant qu'agrandir et approfondir le gouffre de néant durcissant son cœur. À cette période il souffrait tellement qu'il ne voulait plus rien ressentir, rien du tout. Alors il avait effacé même le bon, le peu qui restait, les échos de rires, leur amitié, la confiance, tout. Seulement… une fois calmé, pris de regrets, voulant se raccrocher à quelque chose, à l'espoir que de beaux jours pourraient bientôt revenir, il avait cherché les photos. En vain. Photos qu'il avait accusé sa mère d'avoir jeté, visiblement à tort... Il ne sait pas quand, ni comment, mais il semblerait que Kuroko les ait récupérés.

Le cœur gonflé de gratitude, il reporte son attention sur la petite pile de clichés. Les images restantes sont plus récentes, et n'ont jamais été accrochées sur son mûr. Il tombe sur celle que Satsu avait tenue à prendre le jour de l'anniversaire de Tetsu… Et cette fois s'en est trop. L'émotion le submerge. Il essuie ses larmes embuant sa vue d'un revers de main pour mieux voir la prochaine. Et ce coup-ci il explose de rire. Le visage figé dans une expression de terreur, Kagami essaye de fuir son ombre et son double canin porté à bout de bras. Ce jour là aussi il avait ri aux larmes, quand Kuroko leur avait montrer le point faible de sa téméraire lumière. Au premier plan, même Shin esquisse un sourire, preuve ultime de l'hilarité générale qu'avait provoqué la scène. À cet instant Daïki a les joues trempées, il ne prend même plus la peine d'estomper le flot salé ruisselant jusque dans son cou. Il pleure à la fois de rire, de joie, de nostalgie, de tristesse et de soulagement en fonction des clichés. Un arc en ciel d'émotions explose dans sa poitrine, réchauffant son cœur que le brouillard avait glacé depuis ce matin. Peut être même depuis qu'il avait essayé de tirer un trait sur tout ça. Sur eux …

Il prend un peu le temps de se calmer, de sécher ses yeux humides. Parce qu'il ne voit plus rien, et il reste deux tirages à découvrir. Quand il se sent prêt, il poursuit son périple dans le passé. Passé pas si lointain sur les dernières images, plus proches du présent à vrai dire. Sur l'une d'elle, lui et le tigre de Seirin en train de se bouffer le nez. Il ne sait plus à propos de quoi s'était exactement, mais de toute façon entre eux, tout est sujet de discorde. Parce qu'il adore le répondant et le mordant de cet abruti. Sauf que parfois il se prend les retours de bâtons, qui l'obligent à sortir les griffes ! Il n'avait même pas réalisé que quelqu'un les prenait en photo… Il pense que la coupable est sa meilleure amie, puisque le fantôme est sur le cliché, l'air impassible, très peu concerné par leur dispute. Quant à Ryota, véritable détecteur à objectif sur pate, prend la pose comme si de rien était. Daïki secoue la tête dans un rictus amusé avant de passer à la dernière. Et son sourire s'efface pour laisser place au trouble. Son cœur ratant un battement. Une photo de lui, datant de pas plus tard que cet automne, suspendu à l'arceau du panier du vieux terrain de street, affichant un sourire dont il ne se savait pas capable. S'il ne se reconnaissait pas dans la gestuelle, il pourrait jurer que ce n'est pas lui qui vient de dunker. Et là, assis par terre sous le panier, les bras tendus derrière lui : Kagami. Kagami au regard de braise fixé sur lui. Son expression le surprend, ni blasé, ni déçue, ni dégouté… Pourtant il venait de lui infliger une millième cuisante défaite, il s'en rappel bien. Mais il oublie souvent que son rival n'est pas comme tout le monde. Un mec à part, pas comme les autres. Qu'il réagit toujours d'une manière inattendue, d'une façon qu'il n'envisageait jamais, d'où leurs querelles. Et cet air là sur son visage… Sans même savoir comment le nommer, il en frémit. Il n'ose y mettre des mots dessus, ne voulant pas se tromper, mal interpréter. Cependant il lui semble reconnaître de l'admiration. Il avait croisé celle-là dans assez de regards pour la reconnaître. Pourtant… il y avait là au coin de ses yeux, une pointe d'il ne sait quoi, une étincelle supplémentaire qui lui donne inexplicablement chaud et emballe son cœur.

Perdue dans sa contemplation, il renifle, efface les dernières traces de son débordement émotionnel et expire toute la tension qui se détache enfin de lui. Le laissant vidé et plein à la fois. Plus serein, Aomine avise son tableau dépouillé une dernière fois et se lève pour récupérer quelques bricoles sur son bureau encombré.

Un quart d'heure plus tard, sa mère l'appelle pour manger, ça tombe bien, il a terminé. Avant de passer le seuil de sa chambre, le cœur léger, l'âme soulagée, il sourit tendrement à la fenêtre enfin réouverte sur sa vie, son passé, ses amis. Et avant de fermer la porte, il fait un pas en arrière et tire la langue au portrait de Kise, SON plus grand fan…


Sacré fantôme... Il aura réussi à nous faire pleurer Daïki ! Encore !
Mais je crois que la chanson de la veille avait déjà bien remué notre faux cœur de pierre, non ?

À très vite pour le 12 ! ;)