Bon... nous y voilà. On approche du dénouement. Pas sûr que ce chapitre vous plaise, il m'a posé questionnement... Mais je crois que j'aurais réagis de la même façon alors...

Bonne lecture !


23 décembre

Le réveil de ce matin est moins rude. Comme tout dimanche qui se respecte, il est débuté par une grasse matinée… vraiment très grasse. Daïki émerge en douceur, se laissant porter hors du sommeil par des pensées incohérentes et décousues, encore toutes imprégnées de rêveries… Après la palette d'émotions par laquelle il est passé ces dernières semaines il faut dire qu'un peu de repos ne lui fait pas de mal. C'est que c'est fatiguant de ressentir ! Il avait oublié ce détail… s'étant vite accoutumé au vide et au silence intérieur, s'habituant à la douleur sourde en bruit de fond. Une seule émotion, monotone, terne, sans surprise. Si pesante qu'elle effaçait tout le reste, anesthésiait toutes les autres. Soit absolument tout l'inverse de ces derniers jours ! Même si ça fait quelques mois déjà qu'il revit en couleur, depuis l'apparition du sapin dans son quotidien, elles sont à l'image des guirlandes qui l'ornementent. Vives, lumineuses, et un peu plus magiques.

Là, étendu dans son lit en repensant à toutes ces nuances, il a l'impression que Kagami a foutue son cœur dans un manège du type montagne russe et s'amuse à le regarder faire des loopings et des virages à trois-cents-soixante degrés. D'ordinaire il aime les sensations fortes, mais personne n'est capable d'enchainer vingt-deux tours de grand huit sans finir ne serait-ce qu'un peu chancelant sur ses guiboles. Pas même lui… Voilà c'est ça ! Le tigre lui file le tournis, et un peu le vertige aussi. Décidément cette comparaison lui plait bien… parce que la sensation qu'il éprouve au fond de ses tripes quand il est avec lui, celle-là même qu'il avait abandonné un soir sur son paillasson, trop dévorante, c'est un peu la même que celle qu'on a au sommet des rails, juste avant la chute. Quand on a l'impression que son estomac est resté derrière soi, laissant la place qu'il occupait s'emplir de chatouilles presque désagréables pendant la dégringolade. Sans plus rien d'autre qu'un cœur battant trop fort entre les côtes, un cri de joie et de peur mêlées au fond de la gorge, et un visage figé dans une expression de bonheur par le vent exaltant de la vitesse. Ouais… c'est à peu près ça, l'effet Kagami.

Après un temps indéterminé à fixer son plafond, où il aime décidément projeter le film de ses pensées pour mieux les visualiser, il se sent fin prêt pour un vingt-troisième tour. L'avant-dernier avant de descendre définitivement du manège. À ce sujet justement, il est partagé. Une part de lui est soulagé que ça s'arrête. Pour éviter de finir en version déshydratée de lui-même. Et aussi puisqu'il s'approche du terme, il s'approche de la résolution du mystère ! Pourtant, une autre part, le gamin en lui qui boude déjà à l'idée de descendre du grand huit, aimerait que ça ne s'arrête jamais… D'ailleurs il se demande… Ça existe les calendriers de l'après ?

Le gros chat s'étire une dernière fois sur cette question et consent enfin à sortir de sous la couette. Il enfile son jogging spécial dimanche et se poste devant le sapin de bois. Le tiroir qui l'attend n'est pas bien grand. Mais il ne s'y fit plus, ce n'est pas la taille qui compte. Parce que Kagami lui a prouvé plus d'une fois que les plus grands trésors, se trouvaient parfois cachés dans les plus petites choses. Aomine inspire profondément en avançant une main fébrile de la petite poignée, et expire lentement en tirant le tiroir vers son torse où vibre son palpitant, faisant pulser son sang jusque dans ses tempes.

À l'intérieur une enveloppe. Encore. Mais celle-ci est différente de celles qu'il a déjà pu trouver dans d'autres tiroirs. Elle est longue, et imprimée d'une sublime photo d'un soleil couchant. Au vu des couleurs orangées, or et pourpre, sa respiration s'accélère un peu. Son rythme cardiaque aussi. Il croit reconnaître ce genre d'étui. Ce ne serait quand même pas ça… si ? Il déglutit à cette idée, préférant reculer de quelques pas pour s'assoir sur son lit. Juste au cas où il ait raison. Finalement il n'était peut-être pas si près que ça pour ce looping …

Il hésite à ouvrir. Admirant encore l'astre solaire tomber derrière un horizon dont il n'aurait jamais osé rêver, si c'est bien ce qu'il pense. Il le caresse du bout des doigts, l'émotion étreignant déjà farouchement sa poitrine. Doucement il ouvre le petit rabat, laissant apparaître ce qu'il avait deviné. Il les tire un peu pour lire la destination et il vient plaquer une main sur sa bouche à la lecture du billet, étouffant son hoquet de stupeur :

Narita [NRT] to Los-Angeles Intl [LAX]

Dire qu'il est sous le choc est un euphémisme. Ce n'est tout simplement pas possible. Kagami n'a pas fait ça… Non, non c'est invraisemblable, inconcevable. Il n'a pas pu lui offrir des billets d'avion pour Los-Angeles. En fait, il dort encore et cet instant n'existe qu'en songe. Là où absolument tout lui est permis. Là où son rival est assez dingue pour lui faire ce cadeau improbable. Oui, il ne voit que ça. C'est un rêve. Dans la vraie vie, il n'a rien fait qui justifie un tel présent, de son point de vue, il ne mérite tout simplement pas un tel trésor. Et dans la vraie vie ce tigre de malheur est le gars le plus responsable qu'il connaisse. Loin, très loin du mec qui pourrait claquer comme ça sans raison un putain de billet d'avion pour un pote ! Aomine voit trouble. Les yeux emplis de larmes qu'il retient avec difficulté, seulement contenues par l'incrédulité et la consternation. Soudain pris d'un doute, il fait glisser le premier ticket pour découvrir le second. Un billet retour. S'il en croit les dates, trois semaines après l'aller, pour le printemps prochain.

Bordel de merde. Est-ce que Taïga a complétement perdu les pédales ? Est-ce que c'est bien de lui ? Los-Angeles… c'est là-bas que son rival a grandi se souvient-il, ça ne peut pas être une coïncidence, ni un hasard ! Un Ange parmi les anges… Décidément, le destin a un sacré sens de l'humour. Mais là tout de suite ça ne le fait pas rire. Non, pas du tout. Au fur et à mesure que la réalité de ce qu'il tient toujours entre ses mains s'insinuent dans son esprit, rendant cette opportunité véritablement concrète, littéralement palpable, des larmes dévalent de nouveau son visage stupéfié dans la surprise et l'incompréhension. Aomine le déteste. Il le maudit de le faire chialer comme ça. Encore ! Les sillons sur ses joues barbouillent sa figure, et ne font qu'ouvrir les vannes de l'immense lac salé soigneusement rempli et endigué au fil des ans. C'est trop. C'est beaucoup beaucoup trop. Il ne peut décemment pas accepter. Ce coup-là, il ne peut pas l'encaisser. Une immense et puissante vague de pur bonheur vient se fracasser sur sa digue en béton armé déjà bien érodée. Et il craque.

Une larme vient s'échouer dans un "ploc" sonore sur la mer calme figurant sur la pochette contenant les billets. Il la dépose alors sur son chevet pour éviter de l'abîmer et enfouit son visage dans ses mains. Tentant vainement de contenir le flux intarissable menaçant de l'inonder dans le silence de sa chambre, briser uniquement par ses sanglots hachés qu'il essaye aussi de retenir sans grand succès. Ce fameux vertige le reprend. Et il entend quasiment la sensation délaissée, l'émotion abandonnée, défoncer sa porte pour revenir se loger au creux de lui, contractant presque douloureusement sa poitrine. La tête lui tourne, même ainsi maintenue entre ses doigts tremblants. Il se laisse tomber en arrière, repli les jambes et se recroqueville pour se réfugier entièrement sur l'îlot réconfortant que représente son lit dans cette tempête agitée, et attrape un de ses oreillers en guise de bouée de sauvetage. Prêt à affronter l'ouragan qui gronde en lui et menace de tout emporter. Entre ses cils humides, il risque un regard sur le mur derrière lui et tombe nez à nez avec le visage de Kagami. Souriant. Fier de lui. Un éclat de rire lui échappe, vite englouti dans un torrent d'émotions. Cette fois, un revers de main et un exercice de respiration ne suffiront pas à endiguer la marée qui le submerge. Kagami a frappé fort. Trop fort. Trop profondément. Caressant sa corde la plus sensible, effleurant son besoin le plus primaire : la liberté. À croire que tout ça était ni plus ni moins qu'un moyen de l'atteindre. De creuser un tunnel dans la roche protégeant son cœur à coup de cadeaux d'apparence inoffensifs. Bien joué Tigrou… touché. Pense t'il en se laissant enfin librement aller, s'arrimant solidement à son oreiller pour ne pas se noyer.

Au bout d'un moment, le tsunami se calme. Ne laissant que des vagues résiduelles minimes en comparaison de ce cataclysme sentimental, déferler de temps à autre, secouant son corps de spasmes. Aomine soupire. Exhalant tout l'air de ses poumons. Se libérant définitivement et complètement d'un poids énorme qu'il traînait depuis si longtemps, qu'il lui semblait parfois être né avec. Il se sent si léger, totalement vidé, lessivé. Il fallait bien que ça arrive, se dit-il, pragmatique. Ça fait un petit moment maintenant que son barrage est fendu, fuitant par moment, comme hier... Il vient seulement de céder. Enfin… disons plutôt que Kagami l'a réduit en poussière, explosé, complètement pulvérisé. À coup de dynamite. Visiblement fatigué de le fissurer lentement mais sûrement, de créer de nouvelles brèches chaque fois qu'il en colmatait une à coup d'orgueil, d'arrogance ou de fierté. Là, ce n'est plus vraiment possible, il n'y a plus de mûr à réparer, plus aucune brique à poser, plus rien derrière quoi se cacher. Le tigre a gagné. Il laisse tomber les armes. Ce mec est bien plus têtu que prévu. Et il semble déterminé à le rendre heureux. Ou à le buter peut-être. Vu la sensation d'oppression flippante rugissante dans sa poitrine. Depuis quand son cœur prend il autant de place ? Rendant sa respiration presque difficile ? Est ce qu'il peut exploser lui aussi ? Maintenant qu'il n'a plus d'armure de pierre pour le contenir ?

Toujours secoué mais définitivement plus stable émotionnellement, il s'autorise à contempler de nouveau les billets. S'assurant au passage de leur réalité. C'est seulement maintenant que le choc est passé, enfin presque _ pas certain qu'il se remettra de ça un jour_ c'est l'excitation qui prend le dessus. Bordel de merde ! Il va partir pour trois semaines aux États-Unis. À la découverte d'un autre univers. Son premier voyage hors des frontières du pays qui l'a vu naître, celui du soleil levant. Un périple à l'exact opposé de son monde. Tout à l'ouest, où le soleil se couche. Rien de moins que le pays d'origine du sport qui définit sa vie. Une expédition à la source. Avec comme guide, nul autre que celui qui lui en a rendu le goût et toute la subtilité des saveurs. Il ne peut s'empêcher de sourire à cette idée. Voyant cette expérience à venir comme une renaissance. L'aboutissement de tous ces changements qui ont bouleversé son quotidien depuis que cet abruti a déboulé dans sa vie. Il n'a qu'à balayer sa chambre du regard pour voir à quel point il s'y est imposé avec facilité. Et étonnamment, cet état de fait est loin de le déranger. Son regard tombe alors sur le maillot des Raptors toujours suspendu à la porte de son placard. Il sourit davantage. S'imaginant déjà le porter sur un terrain de street au bord d'une plage où l'océan serait témoin de leur affrontement. Ou de leur coopération contre des gars du coin… ça avait bien fonctionné contre les Jabberwocks après tout. Cette douce rêverie en appelle d'autres. Et il s'aventure à explorer tout ce qu'il aimerait faire là-bas. Tout ce qu'il aimerait voir. S'imaginant les paysages immenses et dépeuplés à l'autre bout de l'océan Pacifique. Les rues qui ont vu Taïga grandir. Le terrain où il a appris à jouer. Sa chambre d'enfant expatrié. Son univers, cette partie de lui qui le rend tellement unique à ses yeux.

Ça y est… il est foutu, complètement mordu, déjà accro à la perspective de partir en voyage, et de partager ces moments avec lui. Parce qu'il va l'accompagner ? Pas vrai ? Il ne va pas le laisser y aller tout seul quand même ? Il freine immédiatement son scénario catastrophe, se rappelant que son rival lui a bel et bien parlé d'une visite chez son père en début d'année prochaine. Il s'en souvient bien, parce que jour-là il avait trouvé le fauve rugissant et pestant, et que pour une fois, il n'y était pour rien. L'administration de l'ambassade américaine qui n'avait pas été foutue de lui renouveler son passeport à temps pour les fêtes en revanche … Ça l'avait fait marrer de l'entendre rager et insulter copieusement une certaine Branda, découvrant tout un panel de vocabulaire anglais encore inconnu de ses oreilles, mais il avait vite compris que Kagami n'en rirait pas. Alors il avait fait de son mieux pour le distraire de ses mésaventures administratives, avec la seule chose qu'il savait faire. Un basket endiablé. Cependant ce souvenir lui laisse un arrière-gout étrange, différent de la satisfaction habituelle de lui avoir rendu le sourire, plutôt celui de l'inquiétude. Acidifiant sa bouche et glaçant son échine. Un détail le taraude. Et soudain il percute. Merde ! Un passeport ! Il n'a pas de passeport ! Il lui faut un passeport ! Comment obtient ont un passeport ?! En proie à la panique, son cœur épouvanté à l'idée de louper le voyage de sa vie pour une question ridicule de papier, son premier réflexe est d'appeler Kagami. Mais dans un éclair de lucidité il raccroche aussitôt. Avant même que la première tonalité ne retentisse. Non. Pas Taïga. Il ne veut pas lui causer du souci, il trouve ça injuste. Lui qui s'est tellement démené pour lui… Il peut bien se débrouiller pour ce rikiki, tout petit, minuscule détail ! Alors à la place, il fait l'unique chose sensée que toute personne responsable ferait dans son cas…

- Aomine – 11h48 : [S.O.S !]

Son appel à l'aide ne tarde pas à être entendu et quelques minutes plus tard, les secours débarquent. La voix de la raison salue chaleureusement ses parents au rez-de-chaussée, puis des pas pressés montent les escaliers deux à deux, et enfin, la stratégie incarnée déboule dans sa chambre, échevelée, essoufflée, affolée.

- « Daï-chan !? Ça va ? » Demande Satsuki en s'approchant de lui, inquiète.

Et le simple fait de percevoir la sollicitude et l'anxiété sur le beau visage de sa meilleure amie lui font réaliser que non. Pas vraiment. Et pour une fois, il n'a pas le cœur à lui mentir. Il n'en a tout simplement plus la force, ni l'envie. De toute façon, il doit avoir une gueule à faire peur : des yeux gonflés, embués, les traits crispés, une mine de déterré. Son sourire narquois breveté jouant les déserteurs, incapable d'en imiter ne serait-ce qu'une pâle copie, même pour la rassurer. Alors pour toute réponse, puisque les mots semblent coincés au fond de sa gorge nouée, il secoue la tête. Lorsqu'elle se précipite près de lui sur son lit pour le serrer dans ses bras, il se laisse faire, lui rendant son étreinte. Il enroule ses bras autour de sa taille fine, plonge la tête dans son cou tiède, humant son parfum de rose rassurant, tellement familier. Et là, dans le cocon de tendresse réconfortant crée par son amie de toujours, il se brise à nouveau, laissant la seconde vague d'émotions déferler en lui, s'écouler entre eux sur sa peau si délicate. Satsuki resserre alors son embrassade, l'emplissant de sa chaleur, le cajolant. Elle le berce doucement contre elle en caressant ses cheveux, lui murmurant des paroles rassurantes, attendant patiemment que sa tempête intérieure se calme, que les larmes refluent. C'est de sa simple présence, juste comme ça, avec sa démonstration d'amitié infaillible que la mission passeport s'est brusquement transformé en mission réconfort. Si l'une pouvait attendre quelques heures, l'autre était visiblement urgente, et plus que nécessaire.


Et voilà pour le 23 ! Je crois que finalement, Daïki va finir en poudre avec toute l'eau qu'il perd ! haha Le pauvre, ce que je ne lui fait pas vivre ...
Mais à un jour de la fin, il était temps qu'il lâche prise non ? Qu'il réalise deux trois petites chose aussi...

Je vous dis sûrement à demain pour le grand final ! Si non dans la semaine :)
Bises !

Setsuna: Bravo... celui là tu l'avais trouvé il y a un moment déjà, tu l'avais même prévu pour le 22, à un jour près ! Haha t'es trop forte ;) Ça mérite un point et demi je dirais non ? Quant au cadeau précédent, j'ai réfléchit et même si tu as voulu l'éviter, il fallait y penser ! En plus, même si ton "penses à moi", "aimes moi", n'est pas un cadeau à proprement parlé... On est clairement dedans ! xD Du coup je te compte un demi point de plus.

Kuro-hagi: Félicitation, tu avais deviné les billets d'avion toi aussi ! Un joli point pour toi ;)