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« Maître Cygnus, le jeune monsieur Altaïr demande s'il peut aller au Chemin de Traverse ce matin. Sa garde-robe ne va plus au jeune monsieur. »

C'était une règle ici, personne ne devait appeler Altaïr « jeune maître » devant Cygnus, bien que cela allait à l'encontre des règles que les elfes de maison se voyaient inculquées depuis des siècles. Cygnus hocha simplement de la tête, indiquant à l'elfe qu'il autorisait cette sortie, après tout cela ferait honte à la famille si le jeune héritier n'avait pas accès à des vêtements à sa taille. Les Black n'étaient pas désargentés, loin de là.

Etonné que Cygnus avait accepté sa demande, Altaïr n'en montra pourtant rien. Il ne manquerait plus que le vieux sorcier le prenne pour un ingrat et revienne sur sa décision. Cela faisait des mois qu'il n'avait pas pu sortir du manoir sauf pour des repas de famille important où il serait mal vu qu'il n'accompagne pas Cygnus.

Il ne lui fallut qu'une dizaine de minutes pour se préparer et se rendre sur le Chemin de Traverse avec l'aide de Derry. Il était pratique de posséder l'une des seules créatures capables de transplaner à travers des barrières qui protégeaient l'allée sorcière. Une fois sur place, il se rendit dans la partie sud du Chemin de Traverse. Une fois au bout de l'allée, il pénétra dans une boutique de vêtements. Altaïr ne fit pas attention aux quelques clients regardant les articles présents dans la partie prêt à porter du magasin.

Il préféra se rendre au fond de la boutique et de s'arrêter devant une porte close sur laquelle était indiqué que l'accès était restreint. Cependant, il n'y réfléchit pas à deux fois et posa sa main portant une chevalière familiale sur un socle en métal posé non loin de là. Ce n'était pas vraiment une bague d'héritier, cependant elle était suffisante pour prouver qu'il faisait partie de la descendance Black et que sa famille l'acceptait plus ou moins.

La porte scintilla quelques instants avant de le laisser entrer dans la seconde partie de la boutique. Là, une vendeuse le prit rapidement en charge et moins d'une heure plus tard, Altaïr eut la promesse que l'ensemble de ses fournitures seraient livrés à son manoir avant la fin de semaine. Il quitta ensuite la boutique par-là d'où il venait et flâna quelques instants dans la rue commerçante.

Il s'arrêta quelques instants devant la boutique de Quidditch, regrettant de ne pas avoir le droit de voler dans le jardin à cause de Cygnus. Le vieil homme refusait d'accéder à ses demandes lorsque cela pourrait le rendre trop heureux. Il vit la librairie, puis un apothicaire, une confiserie et bien d'autres boutiques. Cependant, son regard s'arrêta sur une petite boutique à l'air vétuste et dont l'emplacement jouait dangereusement entre le Chemin de Traverse et l'Allée des Embrumes. Suffisamment proche du chemin pour ne pas éveiller les craintes du Ministère mais assez éloigné pour n'attirer qu'un certain type de clientèle.

Lentement, Altaïr s'approcha de la vitrine de la boutique et y découvrit toutes sortes d'articles, allant d'une potion de soin basique à un artéfact valant le prix de sa garde-robe complète. Altaïr en était certain, il y aurait quelque chose d'intéressant dans cette boutique. Il rabattit le capuchon de sa cape sur son visage et pénétra le magasin.

Un simple tintement de carillon indiqua son arrivée, cependant aucun mouvement ne se fit entendre. Le vendeur semblait être absent, pourtant l'impression d'être épié ne le quittait pas. Altaïr tenta tant bien que mal d'ignore cette impression et se dirigea vers l'étagère la plus proche. Divers objets sans réel lien entre eux y étaient exposés, aucune barrière ne l'empêchait d'y toucher, cependant son instinct lui criait que ce n'était pas une bonne idée.

Soudain, il sentit une présence derrière lui ce qui le fit se retourner vivement. Juste derrière lui se tenait un homme qui semblait être dans la cinquantaine, cependant son regard semblait aussi vieux que le monde. Ils se dévisagèrent quelques instants avant que l'homme ne se détourne de lui pour avancer vers le comptoir.

« J'ignorai que les vampires faisaient leurs achats en plein jour désormais. » marmonna-t-il pour lui-même.

Sans son ouïe très bien développée, Altaïr ne l'aurait jamais entendu, un vampire non plus ne l'aurait pu. Il eut un peu de mal à assimiler les propos de cet inconnu. C'était très insultant pour un lycanthrope d'être assimilé à un buveur de sang, leurs deux espèces ne s'appréciant pas depuis plusieurs siècles maintenant. Il en ignorait la raison puisqu'il n'en avait encore rencontré aucun dans sa courte vie, cependant son subconscient lui soufflait qu'il devrait en être offensé. Cependant sa curiosité enfantine prit bien vite le dessus sur la colère.

« Pourquoi un vampire ?

- Tu as les yeux rouges. » lui répondit le vendeur sans même s'en rendre compte.

Il semblait étonné d'avoir été entendu à cette distance. Altaïr quant à lui fronça ses sourcils et bascula la tête vers le côté, ce qui fit basculer sa capuche de son visage. Il ne savait pas que seuls les vampires pouvaient avoir les yeux rouges. Comme dans le monde magique, il existait des familles ayant des yeux ambre, noir, gris, violet ou encore blanc, il avait pensé que rouge se fondrait dans la masse.

« Les sorciers peuvent avoir les yeux rouges que s'ils sont des nécromanciens ou après avoir réalisé un certain rituel de magie noir que tu n'as pas l'âge de connaître. Le dernier nécromancien est mort il y a quatre siècles. Donc tu n'es ni l'un, ni l'autre et la seule créature magique à avoir de tels yeux sont les vampires. Alors tu dois forcément en être un. » lui expliqua le vendeur en voyant sa mine perdue.

« Arrêter de me comparer à eux ! » Cette-fois-ci, ce fut la colère qui prit le dessus.

Le sorcier se figea quelques instants. Il le fixait si intensément qu'Altaïr finit par détourner le regard, mal à l'aise. Préférant mettre fin à cette étrange discussion, il finit par décider de disparaître derrière une autre étagère.

C'est là qu'il découvrit une multitude de petites fioles opaques entreposées parfois seules et d'autres fois par deux. Sur l'une était inscrit le nom d'une maladie et sur l'autre son antidote s'il existait. Il parcourut du regard quelques flacons mais il lui fut rapidement évidant qu'il ne connaissait pas la moitié des noms. Après tout, il n'était qu'un enfant et n'était presque tombé malade grâce à sa condition de lycanthrope.

Soudain, le regard d'Altaïr se figea sur l'une d'elle. Il connaissait très bien cette maladie, il s'agissait de la plus connue dans le monde magique, juste après le rhume et la grippe, bien évidemment. Elle était réputée pour toucher les enfants mais surtout, d'être très dangereuse une fois un certain âge passé. C'est pourquoi lorsque les jeunes sorciers l'attrapaient, on les gardait éloignés des grands-parents pendant quelques semaines.

« Est-ce que c'est vrai que si on attrape la Dragoncelle une fois dans sa vie, on ne peut plus l'avoir plus tard ? »

Il n'avait pas le vendeur dans son champ de vision, cependant Altaïr était certain qu'il ne se trouvait pas loin de lui et pourrait donc facilement l'entendre.

« Dans la plupart des cas, oui. Certains parents emmènent même leurs enfants chez des amis lorsque leurs enfants l'attrapent pour immuniser les leurs.

- Très bien, je vais vous acheter ceci avec son antidote. »

Le vendeur s'approcha de lui et fit quelques mouvements de baguettes avant d'attraper les deux fioles. L'instinct d'Altaïr ne l'avait pas trompé en lui faisant comprendre qu'il ne devait essayer de ne rien toucher ici. Apparemment les objets entreposés étaient très bien protégés par l'homme.

Altaïr paya rapidement ses articles mais avant de quitter la boutique, le vendeur l'interpella une dernière fois.

« Dis-moi gamin, comment es-tu entré ici ?

- J'ai vu la boutique, alors je suis simplement entré. » fronça des sourcils Altaïr, ne comprenant pas l'intérêt de la question.

Les yeux du vendeur s'écarquillèrent d'autant plus et Altaïr y vit pour la première fois une lueur de vie. Il ne voyait pas ce qu'il y avait de si extraordinaire dans son apparition dans ce magasin et s'en fichait un peu. Cette personne le mettait mal à l'aise et il n'avait plus qu'un seul souhait, quitter cet endroit. C'est ce qu'il s'apprêtait à faire lorsqu'il entendit un marmonnement derrière lui.

« Un humain n'aurait jamais pu venir ici sans en connaître le mot de passe. » Altaïr se figea. « Tu es un descendant de Romulus. » souffla finalement le sorcier.

Alors qu'il voulait demander des précisions, un vent souffla dans son dos et l'expulsa du magasin. Mais alors qu'il allait pousser une nouvelle fois la porte de ce dernier, il découvrit avec surprise qu'elle était close. Comprenant qu'il était congédié, Altaïr appela son elfe de maison afin de retourner dans sa chambre.

Altaïr ne comprenait pas vraiment ce qu'il venait de se passer. L'homme avait découvert qu'il était une créature magique, pire, il savait qu'il était un lycanthrope. L'enfant ne pouvait pas être dans une plus mauvaise situation. Si l'homme parlait alors tout le monde saurait que l'héritier des Black n'était qu'un loup-garou, un homme-bête, un demi-sorcier. Cela ne devait pas arriver, sinon il ne donnait pas cher de sa peau, Cygnus l'étriperait.

Mais peut-être que le fait qu'il avait aussi découvert qu'il était désormais un loup complet allait jouer en sa faveur. Il ne savait pas vraiment comment le sorcier avait fait le lien, mais l'expression « descendant de Romulus » ne pouvait signifier qu'une seule chose. En effet, Romulus était le premier lycanthrope à avoir brasser et avaler le philtre lunaire en plus d'y avoir survécu. Depuis, on appelait les loups ayant pris ce filtre ainsi en son hommage. Cependant seuls les lycanthropes et les sorciers très tolérants utilisaient cette appellation. Peut-être que finalement, cet étrange vendeur n'allait pas le dénoncer, puisqu'il avait utilisé ce surnom pour le désigner.

Ce fut la tête pleine de questions et de doutes qu'il tenta tant bien que mal de débuter une lecture afin de détourner son attention.

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20 juillet 1988

Altaïr était heureux. C'était la première fois depuis bien longtemps qu'il ressentait un tel sentiment. Tout d'abord, sa précédente transformation avait été bien moins douloureuse qu'à l'accoutumé même si cela restait désagréable et difficile à surmonter. Mais le plus important était que pour tester l'assimilation du filtre lunaire, il avait tenu à se transformer dans la forêt et non dans son cachot habituel. Et comme prévu, Altaïr avait réussi à insuffler plusieurs idées à son loup, comme celle de ne pas dépasser les limites de la forêt, de ne pas s'attaquer à des animaux magiques ou à un humain perdu dans la forêt et même celle de ne pas s'auto-mutiler. Bien sûr même si cela n'avait pas fonctionné, les elfes étaient prêts à intervenir à tout moment.

La seconde raison de sa joie était que le vieux Cygnus était décédé la veille, seulement une heure avant le début de la pleine lune et il ne pourrait donc jamais connaître le résultat de son expérience. Bien fait pour lui.

Cygnus avait été terrassé par la Dragoncelle. Si cette maladie était inoffensive pour une personne jeune et en bonne santé, elle restait tout de même extrêmement dangereuse pour un sorcier de l'âge de Cygnus. Bien sûr, il ne dit à personne que cela avait certainement un lien avec le flacon qu'il avait acheté quelques semaines plus tôt dans l'étrange boutique du Chemin de Traverse. Ou encore le fait qu'il en avait versé le contenu dans le garde-manger du manoir lorsque les elfes avaient le dos tourné.

Les médecins avaient simplement pensé qu'il ne l'avait pas attrapé lui-même parce qu'il avait dû l'avoir dans sa petite enfance sans développer de forme grave et donc que cela n'avait pas été reporté dans son livret médical. Bien sûr, ils ne se doutaient aucunement que la seule raison de sa bonne santé était qu'il possédait un antidote dans sa chambre.

Les médecins l'ayant prévenu que l'homme avait peu de chance de passer la nuit afin qu'il puisse préparer son deuil, Altaïr était allé voir Cygnus une dernière fois dans sa chambre. Il était si faible, si pathétique, il ne pouvait même pas lever son bras pour attraper sa baguette et lui lancer un sort. Pitoyable.

« Ils ont dit que tu mourras cette nuit. N'est-ce pas risible, tu as dépensé tant de temps, d'argent et d'énergie pour me faire souffrir et évoluer comme tu le souhaitais et tu ne sauras même pas si cela a fonctionné correctement. Je vais me transformer cette nuit pour la première fois dans ma forme complète et tu ne pourras même pas assister à cela. Je trouve ça très amusant. » rigola froidement Altaïr. « Si tu m'avais traité correctement, tu n'en saurais pas là. Finalement ce qui te tuera, ce n'est pas moi, mais bel et bien toi-même et ta cruauté. »

Un léger silence s'installa et Altaïr se pencha lentement vers l'avant afin de pouvoir croiser le regard du vieil homme qui fixait alors le plafond.

« Je te hais. J'ai tellement rêvé du jour où t'allais enfin crever. J'ai enfin pu venger Betty. Je suis juste triste que ça se fasse aussi paisiblement. Mais je ne veux pas qu'on puisse m'incriminer une fois de plus alors je n'avais pas je choix. » haussa-t-il finalement des épaules.

Cygnus écarquilla ses yeux d'effroi lorsqu'il réalisa qu'il n'était pas tombé malade par hasard mais bel et bien à cause de ce foutu mioche. Altaïr lui adressait un sourire mi-amusé, mi-arrogant, comme un enfant réussissant quelque chose qu'un autre enfant n'a pas réussi à faire avant lui. C'était Altaïr qui avait tué Cygnus et non l'inverse. Il était fier de lui.

« Je vais rester ici jusqu'à ce que tu meures. J'espère pour toi que cela arrivera avant le début de la pleine lune, sinon je ne te promets pas que ta fin sera douce. »

Altaïr observait chaque mimique de l'homme, à la recherche de la moindre parcelle de peur, d'effroi ou de regret sur le visage de Cygnus. Cependant le voir céder à la panique et à la terreur était la plus belle des récompenses pour lui.

Cygnus avait fini par décédé trois heures plus tard non pas sous les crocs du loup ou à cause de la maladie, mais bel et bien après s'être mordu si violemment la langue qu'il avait fini par mourir étouffé dans son propre sang. Bien que cela avait contrarié Altaïr, il s'était rapidement satisfait de cela puisque c'était plutôt pathétique de voir un homme aussi arrogant et fier que Cygnus mourir aussi pathétiquement. Visiblement être dévoré vivant par un loup l'avait effrayé à ce point. Pathétique.

Cette fois-ci, Altaïr ne ressentit aucune culpabilité envers sa victime et cela l'effraya quelque peu. Peut-être bien qu'au final, il était bel et bien un monstre ou un maudit comme Cygnus le pensait.

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Il ne fallut pas attendre longtemps avant qu'un nouveau tuteur ne soit assigné à Altaïr et bien qu'il n'attendait plus grand-chose venant de l'assistante sociale chargée de le placer, Altaïr put tout de même profiter d'un sentiment de soulagement lorsqu'il reconnut Pollux Black. L'homme n'était ni réputé pour sa folie congénitale ou ni pour un quelconque trouble de la personnalité. De plus il était le père de Walburga et bien que ne l'ayant jamais rencontré lui-même, il savait de par celle-ci qu'il était un bon père pendant sa jeunesse. Altaïr essayait également tant bien que mal d'oublier que Pollux était également le père de Cygnus.

Pollux s'était exilé en Amérique du Sud depuis la fin de la guerre et n'avait plus communiqué avec sa famille depuis plusieurs années. Lorsqu'il avait reçu la missive du Ministère lui proposant de reprendre la garde de son arrière-petit-fils, il avait été dévasté d'apprendre par la même occasion les décès de plusieurs membres de sa famille dont celui deux de ses enfants.

Les premiers jours se déroulèrent calmement. Altaïr réinvesti petit à petit le Square Grimmaurd puisque Pollux avait décidé d'y vivre depuis son retour en Angleterre. Si ce fut dans un premier temps afin d'y faire un peu de tri dans les biens familiaux et la bibliothèque, il avait fini par s'y installer définitivement. De plus, la présence de nombreux portraits familiaux dans la demeure, ainsi que celui de Walburga depuis peu, l'avait d'autant plus incité à vivre là.

Petit à petit, les deux sorciers avaient appris à cohabiter. Altaïr voulut vivre dans une froide indifférence afin d'éviter de revivre une trahison comme avec Lucretia ou de se faire haïr comme Cygnus l'avait fait. Mais Pollux ne voyait visiblement pas les choses de la même manière. L'homme tenait particulièrement à partager ses trois repas avec son arrière-petit-fils, travailler ensemble dans la bibliothèque, lui sur ses papiers et Altaïr sur ses devoirs et surtout à partager une partie d'échec en fin d'après-midi. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait plus eu l'occasion d'affronter un adversaire à ce jeu qu'il refusait catégoriquement qu'Altaïr n'échappe à ce petit rituel de fin de journée.

Si pendant les premiers jours le silence régnait en maître entre eux malgré leur proximité, Pollux teint une nouvelle fois à remédier à ce problème et tout cela grâce à ses elfes de maison et le tableau de sa fille. Celle-ci lui avait soufflé à l'oreille que l'enfant aimait bien Kreattur et était certainement ce qui se rapprochait le plus d'un ami pour Altaïr à l'heure actuelle. Pollux n'avait donc pas hésité une seule seconde à demander à son elfe quelques sujets de conversations qui pourraient intéresser le garçon.

C'est ainsi qu'après deux semaines de cohabitation, Pollux réussi à recevoir une réponse un peu plus développée que celles monosyllabiques que lui servait habituellement Altaïr. Visiblement, Kreattur avait raison, cet enfant était aussi passionné par les plantes que sa défunte mère.

Mais c'était bien là le seul moment où le garçon se détendait en sa présence. Autrement, il analysait constamment chacun de ses gestes tout en s'assurant de n'être jamais dos au vieil homme. Altaïr agissait comme une bête traquée et cela inquiétait beaucoup Pollux. Il savait très bien que Cygnus, son propre fils, n'avait jamais été un enfant de cœur et ses filles avaient souvent porté des traces de coups de cannes sur leurs mains. Bien sûr Pollux n'avait jamais toléré cela, mais Cygnus avait toujours été si têtu et en conflit avec lui qu'il n'écoutait plus vraiment ce que son vieux père avait à lui dire.

Alors qu'est-ce que cet homme avait pu faire à un enfant qui n'était même pas le sien. D'autant plus s'il s'agissait d'un enfant aussi particulier qu'Altaïr. Pollux était terrifié à l'idée de découvrir ce qu'il avait pu se passer dans le manoir de son fils. Mais d'un autre côté il pressentait que pour pouvoir s'occuper au mieux d'Altaïr, il allait devoir comprendre d'où ce garçon venait et ce qu'il avait traversé jusqu'ici.

Mais depuis quelques temps une idée lui traversait l'esprit pour régler ce problème. A la mort de leur maître, les elfes n'avaient envers eux plus aucune obligation envers ces derniers. C'est pourquoi la plupart d'entre eux restaient des dizaines d'années dans les mêmes familles car une fois libérer de l'emprise d'un maître ils pouvaient raconter ses secrets à qui voulait bien les entendre.

C'est pourquoi il avait décidé de récupérer Derry, l'elfe le plus jeune que Cygnus possédait. Ainsi en plus de pouvoir lui parler du garçon, le jeune elfe pourrait aider Kreattur qui se faisait vieux et avait de plus en plus de mal pour gérer toutes les tâches ménagères du Square Grimmaurd.

Cela ne lui prit que quelques jours pour récupérer le fameux Derry et ce fut encore plus simple de le faire parler. Habituellement les elfes avaient du mal à dévoiler les secrets des leurs anciens maîtres, mais Derry n'avait jamais aimé Cygnus à l'inverse d'Altaïr qu'il adorait. Il avait suffi à Pollux de lui dire que c'était pour le bien du garçon et moins d'une seconde plus tard, le petit elfe lui racontait le déroulement des deux dernières années qu'avait vécu Altaïr en compagnie de Cygnus. Bien sûr, il n'entrait pas dans les détails par respect pour l'intimité d'Altaïr. Mais juste connaître les grandes lignes de tout cela suffisait à Pollux pour comprendre l'ampleur et la gravité de la situation.

A la fin du récit de Derry, Pollux eut beaucoup de mal à se remettre du choc. Jamais il n'avait imaginé que son fils puisse se montrer aussi abominable envers un si jeune garçon. Altaïr avait vécu l'enfer pendant plus de deux ans, presque deux ans et demi. Pas étonnant qu'il ne veuille pas avoir à faire à son nouveau tuteur, certainement s'attendait-il à recevoir une punition à n'importe quel moment.

Il fallut un peu de temps avant que Pollux choisisse comment il allait agir envers le garçon. Puis il eut finalement la réponse en observant le jeune Derry s'installer dans les quartiers de elfes présents sous la cuisine du Square Grimmaurd. Il avait dû agrandir un peu la pièce puisque le brique à braque de Kreattur y occupait la plupart de l'espace, mais Derry semblait heureux de sa nouvelle chambre.

« Viens avec moi, nous allons voir Altaïr. »

L'elfe le suivit joyeusement jusqu'à la bibliothèque où le garçon devait travailler comme à son habitude. Avant même qu'il ne pénètre dans la pièce, l'enfant était déjà tourné vers la porte de cette dernière. Maintenant au courant de part Derry de la lycanthropie de l'enfant, Pollux comprenait enfin comment il pouvait toujours savoir lorsqu'il s'approchait de lui et ne jamais être surpris par son apparition.

« Altaïr, voici Derry. Il va travailler ici désormais, mais je crois que vous vous connaissez déjà bien tous les deux. »

Lorsque l'enfant aperçut l'ancien elfe de Cygnus, il se précipita vers ce dernier et se pencha à sa hauteur pour l'observer de plus près. Certainement n'arrivait-il pas à croire que l'elfe qui l'avait aidé chez Cygnus après le décès de Penny et sa transformation difficile avec le filtre lunaire était bel et bien devant lui. Délicatement, il attrapa ses mains frêles dans les siennes et lui offrit l'un de ses plus rares sourire.

« Je suis heureux de te revoir Derry.

- Moi aussi jeune maître Altaïr, c'est un honneur de pouvoir vous servir ! » s'exclama joyeusement la petite créature.

« Viens, je vais te faire visiter. C'est très différent de là-bas ici. » ordonna gentiment Altaïr.

En les observant de loin, Pollux se rendit compte qu'Altaïr ne parlait pas à Derry comme un sorcier le faisait envers un individu de cette espèce, bien au contraire. Il ne le considérait pas comme un égal, bien conscient d'être un Black, un Sang-Pur et un aristocrate, mais Altaïr ne semblait pas non plus le voir comme un vulgaire elfe de maison. Comme avec Kreattur, le garçon avait semblé nouer un lien spécial avec le petit elfe.

Pollux se dit que finalement, il avait bien fait de récupérer Derry pour le bonheur d'Altaïr.

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Quelques jours plus tard (fin août 1988)

Pollux observait depuis une fenêtre du manoir Altaïr en train de se recueillir sur une tombe. Lorsque Derry était arrivé au Square Grimmaurd, il avait réalisé qu'il n'avait jamais demandé à son pupille s'il souhaitait récupérer quelques affaires dans son précédent foyer. Mais alors que Pollux pensait plutôt à des jouets, des souvenirs ou peut-être même un livre, Altaïr lui avait simplement demandé s'ils pouvaient déplacer une tombe.

Pollux avait tout de suite accepté sa demande, bien qu'il en fût vraiment surpris. C'est que ce genre de requête n'était pas vraiment commune, d'autant plus qu'il s'agissait de la tombe d'un elfe de maison. Lorsqu'ils s'étaient rendus dans l'ancien manoir de Cygnus, il avait enfin réalisé à quel point cela avait dû être dur de vivre là pour Altaïr. A peine sorti de la cheminée que l'enfant s'était précipité à l'extérieur de la demeure et l'évitait consciencieusement du regard depuis.

Altaïr voulait simplement pouvoir enterrer Betty dans son nouveau jardin, même s'il n'était pas bien grand. Cette simple volonté avait suffi au garçon pour trouver le courage de retourner là où il avait vécu l'enfer. Cependant, au moment du retour cela fut bien plus dur pour lui de devoir retourner dans le manoir afin de réemprunter la cheminée. Pollux lui avait proposé de sortir du domaine afin de transplaner, mais Altaïr haïssait tant ce moyen de transport depuis le décès de Walburga qu'il n'hésita pas plus longtemps pour retourner dans le hall.

A leur retour, Altaïr avait insisté pour creuser lui-même le caveau et préparer la tombe de Betty. Cela semblait vraiment lui tenir à cœur donc Pollux accepta facilement la demande, même si cela lui semblait être beaucoup de travail pour un enfant de dix ans en cette chaude journée d'août.

C'est ainsi qu'il se retrouvait à observer le garçon par la baie vitrée de son bureau en train de planter quelques fleurs autour de la croix en bois planté devant la tombe du petit elfe. Il était partiellement couvert de terre et une belle marque brune fut laissée sur son front lorsqu'Altaïr essuya la sueur de son front. Il avait visiblement terminé son travail et s'était simplement assis en tailleur devant la petite tombe.

Bien que cette apparence et posture ne correspondait pas le moins du monde à l'attitude que se devait d'avoir un Black, Pollux décida de laisser passer pour cette fois. N'ayant pas voulu déranger Altaïr pendant son travail, il s'était retenu de le rejoindre avant bien qu'il était évident depuis son poste d'observation que l'enfant mourrait de soif. Cependant il avait envie de voir son travail d'un peu plus près et ce prétexte semblait être une bonne solution.

Il quitta finalement la chaise confortable de son bureau, attrapa sa canne et descendit les étages jusqu'à atteindre le jardin. Pollux s'approcha de son pupille et ce dernier se releva en vitesse lorsqu'il l'approcha. La tête ainsi baissée et ses doigts tremblotant légèrement, Pollux se dit qu'Altaïr devait très certainement attendre une réprimande.

Mais comme aucun cri ou claque ne venaient, Altaïr se permit de relever la tête et découvrit avec surprise que l'attention de Pollux était uniquement dirigée vers la tombe et non lui. Le vieil homme lui tendit une bouteille d'eau qu'il avait en main et Altaïr s'en empara avec plaisir.

« Il semblerait que tu aimais beaucoup cette elfe.

- Oui, elle était très gentille. »

Un léger silence s'étira entre eux alors que leur regard ne quittait pas les petites fleurs blanches que venait de planter Altaïr.

« Est-ce tout ?

- Je ne comprends pas monsieur.

- Est-ce la seule raison pour laquelle tu as fait tout ça pour elle ?

- Non, monsieur.

- Pourrais-tu me parler de cette elfe ?

- Elle s'appelait Betty. Elle était la seule elfe de Cygnus qui osait me parler. Elle me préparait des cookies pour mon anniversaire et Noël, ils étaient vraiment délicieux. »

Un léger sourire étirait les lèvres d'Altaïr à ce souvenir et cela surpris Pollux. Altaïr était un enfant très peu expressif et jamais il n'avait semblé être aussi détendu en sa présence.

« C'est aussi elle qui me soignait quand je me blessais ou qui venait me donner à manger quand j'étais puni pendant trop longtemps. Elle était amusante et très curieuse. Betty et moi avions presque le même âge et comme elle a toujours vécu chez Cygnus, elle ne connaissait pas beaucoup de chose. Je l'avais emmené une fois sur le Chemin de Traverse avec moi parce que Cygnus voulait que quelqu'un me surveille. Elle avait été si heureuse. Son rêve était de monter sur un balai, je lui avais promis que lorsque je serai assez grand pour en faire, je l'emmènerai avec moi dans les airs. Mais elle ne pourra jamais faire de balais, ni revoir les commerces sorciers ou me refaire à manger. »

La voix du garçon s'était brisée à la fin de sa tirade. Son regard ne quittait pas le nom de la défunte elfe gravé maladroitement dans le bois de sa croix. Pollux qui se tenait toujours à ses côtés semblait avoir disparu à ses yeux et ses paroles quittaient sa bouche sans même qu'il n'en ait réellement conscience.

« Elle était ma meilleure amie, ma seule amie et moi… moi… Elle est morte à cause de moi. Parce qu'elle m'a aidé et Cygnus l'a puni. » Un premier sanglot échappa à son contrôle. « Betty m'aidait toujours et moi je n'ai rien pu faire. Elle est morte juste devant moi et moi je n'ai même pas pu la sauver. Si je n'avais pas été là alors … alors elle serait toujours vivante. » s'effondra Altaïr en pleurs.

Il sentit plus qu'il ne vit Pollux poser un genou à terre afin de pouvoir lui faire face. L'un de ces paumes caleuses se déposa doucement sur son épaule tandis que de son autre main, il attrapait son menton afin de relever son visage. Dans cette position, Altaïr pouvait plonger son regard larmoyant dans celui empli de bienveillance et de pitié de son tuteur afin d'y trouver tout le soutient dont il avait tant besoin.

Pollux était différent de Cygnus et le petit garçon s'en rendait enfin pleinement compte. Il ne lui voulait aucun mal, juste prendre soin de lui et apprendre à le connaître. Aucune malveillance n'était présente dans son regard anthracite, juste une envie profonde de le consoler. C'est pourquoi il ne se débattit pas lorsque l'homme le prit dans ses bras malgré que cela l'effraye beaucoup. C'est pourquoi il se laissa porter jusqu'à sa chambre. C'est pourquoi il se laissa déshabiller et laver par Pollux. C'est pourquoi il réussit à s'endormir dans son grand lit à baldaquin tandis que son tuteur le veillait en lui caressant tendrement les cheveux.

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5 septembre 1988

Altaïr était en train de ranger bien sagement les pièces du jeu d'échec après avoir partagé une partie avec Pollux, quand ce dernier lui adressa la parole. Ces derniers temps, il avait semblé comprendre qu'Altaïr ne le boudait pas ou bien ne le haïssait pas non plus mais que ses silences prolongés étaient tout simplement dans sa nature.

« Où souhaites-tu passer la pleine lune ? »

Altaïr fixa quelques instants son regard dans celui du vieil homme, il semblait plutôt surpris par la question. Il avait toujours passé les pleines lunes dans un cachot et ne voyait pas comment cela pourrait se dérouler autrement.

« Comment est-ce que tu gérais ça avant ? Restais-tu dans ta chambre avec des sorts de protection ou bien y avait-il une salle spécialement conçue pour cela ? Il me semble que certains lycanthropes se rassemblent pour leurs transformations, faisais-tu partis de ceux-là ?

- Dans un cachot. »

Pollux fut perplexe quelques instants. En vivant pendant si longtemps en Amérique latine il avait fini par oublier certaines mœurs de son pays natal. Le racisme envers les créatures magiques faisait parties de celles-ci. Enfermer un lycanthrope dans un cachot tel un vulgaire prisonnier ou esclave, cela le rebutait. Les sorciers savaient créer toutes sortes de barrières magiques, il n'y avait donc nul besoin de gérer le problème de façon aussi drastique.

« Cela ne me plaît pas comme solution. Que voudrais-tu faire à la place ? »

Le regard de l'enfant dévia quelques instants sur le plafond puis sur ses mains qui tenaient toujours quelques pièces d'échecs. Il déposa ces dernières dans leur boîte, comme s'il avait besoin de temps pour répondre à Pollux. Altaïr prit finalement une profonde inspiration avant de finalement répondre à l'adulte.

« Mon parrain est comme moi. On passait parfois des pleines lunes ensemble quand j'étais petit.

- Très bien, comment s'appelle-t-il ?

- Remus Lupin. »

Pollux tiqua, ce n'était pas un nom de noble.

« Je le contacterai dans la journée.

- Il vit et travaille chez les Moldus alors les hiboux ne peuvent pas le trouver avant qu'il ne se rende dans le monde sorcier. Enfin c'était comme ça avant, je ne sais pas s'il vit toujours au même endroit.

- Très bien, je lui enverrai Derry dans ce cas. »

Pollux hocha de la tête. Cela voulait dire qu'il n'aurait peut-être pas de réponse avant le lendemain, date de la pleine lune. Décidant que plus tôt il enverrait sa demande à ce fameux Remus Lupin, plus il y avait de chance que ce dernier lui réponde rapidement, il se rendit dans son bureau afin de la rédiger immédiatement.

Un dernier coup d'œil vers son pupille lui indiqua que ce dernier semblait vraiment impatient de revoir son parrain, même s'il essayait tant bien que mal de le cacher.

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Même journée

Remus fut plutôt surpris lorsqu'un elfe de maison apparut juste à ses côtés dès qu'il pénétra dans son appartement. Habituellement, seul des hiboux le contactait puisque sa seule connaissance étant assez aisée pour avoir un elfe était James, or ce dernier préférait largement venir le déranger à son travail plutôt que de lui envoyer un elfe. De plus, la petite créature lui faisant face lui était inconnue et donc ne venait certainement pas de la famille Potter.

« Bonjour, êtes-vous monsieur Remus Lupin monsieur ?

- Oui, c'est bien moi. Et toi, qui es-tu ?

- Je suis Derry, monsieur Remus Lupin monsieur. Maître Pollux Black m'a donné cette lettre pour vous. Le maître espère que vous répondrez à son invitation. »

Puis l'elfe disparu aussi simplement qu'il était venu.

Maintenant seul dans son appartement, Remus fixait béatement l'enveloppe qu'il tenait entre ses mains. Cela faisait près de deux ans et demi qu'il n'avait pas eu de nouvel de son filleul alors recevoir une lettre d'un Black était une grande avancée pour lui. Les mains tremblantes, il décacheta cette dernière et découvrit avec surprise durant sa lecture que Pollux semblait vouloir l'inviter pour boire un thé le lendemain.

Remus n'y réfléchit pas à deux fois avant de se jeter vers le placard où se trouvait son matériel d'écriture afin de répondre positivement au nouveau tuteur d'Altaïr. Il attendait de revoir son filleul depuis si longtemps qu'il refusait de passer à côté d'une telle occasion. Toujours sous le choc de la nouvelle, il finit par s'effondrer à même le sol en éclatant dans un rire de soulagement.

Il avait si hâte d'être au lendemain.

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