6 septembre 1988
Lorsqu'il rencontra son filleul, Remus eut beaucoup de mal à reconnaître Altaïr. Le petit garçon au regard moqueur et espiègle qu'il avait quitté quelques années auparavant avait laissé place à un garçon froid entrant dans l'adolescence. Son visage quittait petit à petit ses rondeurs de l'enfance pour laisser place à la même mâchoire carrée que son grand-père paternel. Il avait aussi bien grandi, il devait certainement dépasser le mètre cinquante et si Remus ne connaissait pas sa date de naissance, il lui aurait certainement donné deux bonnes années de plus.
Mais ce qui avait le plus changer était son regard. Désormais, ses yeux rougeoyants étaient aussi expressifs que ceux d'un poisson mort. Son expression morne et indifférente témoignait elle aussi parfaitement de l'éducation qu'avait dû lui inculquer les différents Black chez qui il avait vécu.
Cependant tous ces changements n'effacèrent en rien la joie de Remus d'enfin pouvoir revoir son précieux filleul. Ce dernier lui fit rapidement comprendre que ce sentiment était réciproque en lui offrant une étreinte chaleureuse, mais bien trop rapide au goût de Remus.
La fin d'après-midi se passa rapidement et Pollux fut bien surpris de découvrir que le garçon pouvait être aussi bavard. En sa compagnie il n'avait pas prononcé plus d'une centaine de phrases et cela en un peu moins d'un mois.
En début de soirée, les deux lycanthropes quittèrent le Square Grimmaurd afin de se rendre auprès de la meute que Remus fréquentait depuis quelques mois déjà. Bien que la plupart des membres proviennent d'Angleterre et des pays de l'Ouest de l'Europe, ils se réunissaient tous les mois en Suède. De nombreuses meutes occupaient déjà ce pays mais les forêts y étaient si grandes et le gouvernement sorcier si peu regardant qu'il était facile pour d'autres loups-garous de s'y rendre.
Par la suite, Altaïr revit régulièrement son parrain qui l'invitait à se promener sur le Chemin de Traverse ou quelconque autre rue de Londres dès qu'il avait un peu de temps libre. Pollux acceptait toujours ces invitations avec un sourire en coin, conscient qu'il était lui-même trop âgé pour se permettre de s'occuper en extérieur d'un enfant aussi curieux qu'Altaïr. Il laissait donc ce rôle avec soulagement à Remus, se contentant ainsi de répondre aux questions du garçon une fois qu'il était de retour au manoir sur les diverses choses qu'il avait vues ou apprises pendant la journée.
Altaïr n'était pas en soit un enfant turbulent et pouvait se tenir immobile et silencieux pendant de longues minutes voire heures. Cependant Remus et Pollux savaient très bien qu'il adorait découvrir de nouvelles choses bien qu'il n'oserait lui-même jamais demander pour cela en premier. Ce devait certainement être l'une des nombreuses choses que Cygnus avait dû lui imposer pendant son séjour chez lui.
C'est pourquoi les deux sorciers tentaient tant bien que mal d'intercepter chacune de ses émotions afin de lui offrir tout ce qu'il souhaitait et dont il avait été privé pendant ce deux dernières années.
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27 septembre 1988
Aujourd'hui, Altaïr allait enfin pouvoir revoir son petit-frère. Cela faisait un peu plus de trois ans qu'ils de s'étaient pas vus et cette tout nouvelle rencontre le tracassait beaucoup. Bien sûr, il n'en montrait rien devant Pollux ou Remus, mais intérieurement ses pensées bouillonnaient et perturbaient son train-train quotidien.
Altaïr avait envoyé une lettre à Thomas il y a plus d'une semaine de cela et il venait seulement de recevoir une réponse affirmative. Ce silence prolongé l'avait beaucoup inquiété. Son frère avait l'habitude de lui répondre dans la journée même à l'époque où il vivait encore avec Walburga et Arcturus. C'est ainsi qu'il avait passé tous les jours de cette semaine à gêter discrètement chaque fenêtre du manoir dans l'attente d'une réponse.
Alors ce matin-là, lorsqu'une chouette toqua à sa fenêtre, Altaïr fut levé en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Il eut alors le plaisir d'apprendre que Thomas acceptait avec joie son invitation et qu'il avait monté un plan avec Remus pour pouvoir le rencontrer dans le dos de son père. Apparemment James avait refusé tout net de permettre à son précieux fils de rencontrer le vilain petit canard de la famille.
C'est ainsi qu'en cet après-midi de dimanche, Altaïr s'apprêtait à rencontrer son ex-petit-frère dans l'appartement de Remus. Cela lui rappelait l'époque où ils se rendaient chaque week-end chez leur oncle afin d'y grignoter plein de cochonnerie devant la télévision ou en faisant des jeux de société dont personne ne respectait les règles.
Mais d'autre part, cela stressait beaucoup le jeune Black. Et si Thomas était toujours aussi effrayé par lui, aussi bien à cause de sa lycanthropie que de leur dispute passée. Et si Thomas voulait simplement lui dire en face qu'il ne le considérait plus comme son frère. Et si Thomas était dégouté d'apprendre que son apparence avait changé à cause du filtre lunaire. Et si encore plus que dans le passé, sa part lupine le terrifiait. Et si tout cela finissait dans un fiasco total.
Altaïr n'eut cependant pas le temps de se faire davantage de films car la vieille horloge accrochée au-dessus de la cheminée venait de sonner quatorze heures. Puisque Remus avait enfin fait installer une cheminée magique dans son appartement, il était désormais possible de se rendre chez lui sans avoir besoin de prendre le Magicobus ou de passer par un elfe de maison.
Prenant enfin son courage à deux mains et sous les encouragements de Derry, Altaïr pénétra dans la cheminée, lança une poignée de poudre verte à ses pieds et s'écria :
« Appartement de Remus Lupin, Londres !»
Aussitôt les braises devinrent flammes et quelques secondes plus tard, Altaïr avait quitté le Square Grimmaurd pour réapparaître devant son parrain et son petit-frère.
Il avança de quelques pas dans le salon et s'arrêta finalement devant son petit-frère. Ce dernier semblait avoir eu une petite poussée de croissance mais il avait toujours l'air aussi fragile aux yeux d'Altaïr. Finalement, Thomas n'avait pas tant changé que cela : ses yeux étaient toujours aussi émeraude et la même lueur d'amusement qu'autrefois y brillait, ses joues étaient un peu moins rebondies mais toujours aussi mignonnes, ses cheveux étaient un pétard comme à l'accoutumée et même ses lunettes rondes n'avaient pas changé.
« Salut. » lui sourit-il timidement.
Apparemment Altaïr n'avait pas été le seul à bien stresser pour cette rencontre. Ne sentant aucun crainte ou malaise liée à sa présence à ses côtés chez son cadet, Altaïr se permis de se rapprocher un peu plus. Comme Thomas ne montra aucun signe de recule, il approcha ses épaules dans un geste pour le serrer contre lui.
Quelques secondes plus tard, alors que Thomas lui rendait son étreinte, Altaïr finit par craquer. Ses jambes le lâchèrent ce qui le fit tomber à genoux devant son cadet tandis que son visage désormais beigné de larmes s'enfouissait contre le torse de Thomas. Black avait l'impression de nager en plein rêve. Cela faisait si longtemps qu'il attendait de pouvoir revoir Thomas, de pouvoir retrouver un semblant de normalité dans sa vie, d'enfin pouvoir se détendre et oublier le temps d'un instant son horrible vie aux côtés de Cygnus.
« Ce n'est pas un rêve ? » sanglota-t-il en resserrant sa prise sur le t-shirt de Thomas, comme pour s'assurer de cela.
« Non Altaïr, c'est bien réel. Je te promets qu'on ne se quittera plus. On sera toujours ensemble » le rassura Thomas tant bien que mal.
Il n'avait pas l'habitude d'être dans cette position, habituellement c'était Altaïr qui prenait soin de lui. C'était bien la première fois que son aîné semblait aussi fragile, aussi dépendant de lui, aussi humain. Jamais il n'avait vu son grand-frère pleurer si bien qu'il avait fini par oublier que tout comme lui, Altaïr n'était qu'un enfant au final. Un enfant qui avait été abandonné par son père, qui n'avait plus de mère comme lui, qui avait été séparé de force de toute sa famille et qui n'avait certainement jamais pensé la revoir ou alors pas avant plusieurs années. Cependant Thomas ne réaliserait pleinement tout cela qu'en grandissant et ne comprenait que quelques bribes de la douleur de son frère, mais c'était déjà bien plus que par le passé.
Finalement, Altaïr avait fini par s'endormir contre lui, complètement épuisé par sa crise de larmes. C'est seulement à ce moment-là que Thomas remarqua les cernes violettes qui creusaient les joues de son aîné. Déjà par le passé, Altaïr ne dormait pas beaucoup, mais jamais au point d'avoir des cernes aussi prononcés. Il commençait à comprendre à quel point sa réponse tardive avait dû inquiéter Altaïr.
Finalement, Thomas avait réussi à légèrement se déplacer pour pouvoir s'adosser contre le canapé et attraper la télécommande afin d'allumer la télévision et le magnétoscope. Il allait devoir revoir les aventures de Bernard et Bianca bien qu'il ait déjà vu le dessin animé la semaine passée. Cependant il ne pouvait pas vraiment atteindre le coffre de rangement où se trouvaient les autres cassettes que possédaient Remus puisque la tête d'Altaïr était posée sur ses genoux.
C'est dans cette position que Remus les retrouva dix minutes plus tard en rentrant chez lui. Il s'était discrètement éclipsé afin de laisser les deux frères se retrouver en priver et était allé faire quelques courses pendant ce temps.
Voyant très bien que la position n'était pas confortable pour Thomas, il souleva Altaïr afin de permettre au plus jeune de rejoindre le canapé et il déposa son aîné à ses côtés en les couvrant d'un plaid.
En attendant qu'Altaïr se réveille, Remus allait en profiter pour préparer la pâte à crêpes. Pour le goûter, ça sera crêpe party.
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Par la suite, Altaïr et Thomas réussirent à faire en sorte de se voir une fois par semaine. Thomas et Remus prétextant qu'ils passaient leur dimanche à deux seulement comme depuis trois ans. Cependant à peine James partit qu'Altaïr débarquait chez Remus pour profiter un peu de son petit-frère. Les deux garçons passaient ensuite une bonne heure à se raconter leur semaine puisque l'échange de lettres n'étaient malheureusement pas possible. Après tout cela paraitrait suspect auprès de James que du jour au lendemain, son fils passe son temps à écrire et recevoir des lettres pile au moment où Remus reprenait contact avec Altaïr.
Puis, Remus se joignait à eux pour jouer à des jeux de sociétés jusqu'au goûter. Là, c'était toujours la surprise, Remus étant un excellent pâtissier il lui était facile de concocter d'excellentes gourmandises pour les deux enfants. Ensuite, ils regardaient un Disney ou les rediffusions de leurs épisodes de dessins animées préférés que Remus enregistrait pendant la semaine sur des cassettes.
Puis aux alentours de dix-neuf heures, ils commençaient à préparer le dîner. Ou plutôt Remus préparait le dîner tandis que les deux enfants l'observaient faire tout en grignotant quelques aliments dans le dos de leur oncle. Ensuite, à la fin du dîner, Remus ramenait Thomas chez son père juste après qu'Altaïr en est fait de même de son côté.
Ce petit rituel était devenu une habitude et cela permettait à Altaïr de se détendre quelque peu, de regagner sa part enfantine que Cygnus l'avait obligé à supprimer et surtout de s'assurer que ses retrouvailles avec son frère étaient bien réelles et non un rêve.
Altaïr aimait bien sa nouvelle vie, il aimerait que cette période dure indéfiniment.
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21 décembre 1988
Pollux n'aimait plus vraiment les réceptions et autres galas. Il avait apprécié tout cela pendant sa jeunesse : revoir ses amis, parler à de jeunes femmes, déguster de bons plats, s'enivrer de champagne coûteux et raconter des ragots dans le dos des autres. Mais cela n'était plus vraiment de son âge, cependant avec l'annonce de son retour sur le continent, plusieurs invitations lui étaient déjà parvenus. Bien qu'il réponde toujours positivement à un simple thé ou déjeuner, il n'avait jamais voulu se rendre à nouveau dans une réception.
Mais celui de Yule était très important pour les sorciers si bien que pour un Black, manquer ce genre de festivité revenait à cracher sur la culture sorcière vieille de centaines d'années. De plus, Pollux voyait bien qu'Altaïr s'ennuyait mais comme le garçon ne s'en plaignait jamais, ils n'avaient pas encore abordé ce sujet. Pollux avait tout d'abord voulu lui proposer d'inviter ses amis lors de son anniversaire, mais Altaïr avait simplement décliné en arguant qu'il n'avait pas d'ami, qu'il n'avait qu'eu Betty.
Se rendre à cette réception organisée par Narcissa Malefoy comme chaque année était donc une bonne occasion pour Altaïr de voir des enfants de son âge. Cependant Pollux n'avait pas prévu qu'à peine il autorise son pupille à aller s'amuser, ce dernier se rendrait auprès du buffet et non vers les enfants de son âge. Mais connaissant le grand appétit du garçon, il n'en fut pas non plus très surpris.
Pris par les discussions et accaparé par de nombreuse personne, ce ne fut qu'une heure plus tard que Pollux reconcentra son attention sur Altaïr. Il fut tout d'abord surpris de ne pas le voir avec les autres enfants, il chercha ensuite vers les adolescents mais encore une fois, il n'était pas là. Ce fut seulement en portant une nouvelle fois son attention sur le buffet que Pollux retrouva le garçon.
Depuis toute cette heure écoulée, le jeune Black n'avait pas bougé ou presque. Il était désormais un peu plus proche d'une table présentant des coupes de champagne et de jus pour les jeunes que du buffet principal. Altaïr fixait simplement un pilier droit devant lui, les bras croisés sur son torse et ses doigts se crispant et décrispant sans fin sur les manches de sa chemise. Pas étonnant qu'aucun enfant ne se soit approché de lui, il ne semblait vraiment pas engageant.
« Ne veux-tu pas aller t'amuser avec les autres jeunes ? »
Altaïr détourna enfin son attention de son pilier pour le fixer d'un air interrogatif. Comme s'il ne comprenait pas le but de cette question.
« Vous ne voulez pas que je surveille ?
- Surveiller ?
- Oui, surveiller. Cygnus disait que je devais écouter ce que les autres se disent grâce à mon ouïe. Je pensais que vous m'aviez emmené ici pour que j'espionne aussi pour vous. »
Pollux grimaça. Encore une fois son fils avait bien merdé avec ce gamin. Mais ce n'était pas le moment de s'énerver sur cela, il y avait trop monde ici pour paraitre renfrogner ou aborder quelque chose d'aussi personnel pour Altaïr.
« Eh bien, pour que tu n'aies pas fait tout cela pour rien, raconte-moi ce que tu as entendu.
- Pour l'instant, rien de très intéressant ou alors rien qui pourrait vous concerner de trop près. Lord Greengrass est en froid avec son frère car ce dernier l'a apparemment saoulé pour lui extorquer de l'argent au Poker. Mais cela n'est qu'une petite querelle puisque leurs femmes en discutaient en rigolant. Lady Zabini semble en froid avec son mari, ils ne se sont pas parlés depuis le début de la soirée et certaines mauvaises langues parlent déjà du décès prochain de cet homme. Lady Parkinson est également très critiquée pour son choix de bijoux qui ne s'accordent apparemment pas avec sa robe, de même pour sa fille qui est trop maquillée pour son âge selon Mrs Amenda Bulstrode. Les seules informations qui pourraient donc vous intéresser sont que beaucoup de personne se demande si vous allez reprendre le siège Black au Magenmagot. Ils se demandent aussi si vous allez confier votre siège à un autre Lord si ce n'est pas le cas ou bien le laisser vaquant pour le moment. La seconde est que Lord Flint va bientôt revendre l'une des boutiques qu'il possède dans l'Allée des Embrumes, cette famille a beaucoup perdu à la fin de la guerre et semble avoir du mal à remonter la pente. La dernière information est que Mr Barjow cherche à marier sa fille, Marylène Barjow, et qu'il n'y a que peu de prétendant devant sa porte. Cependant la branche secondaire des Nott semble déjà s'intéresser à cette fille donc une alliance avec Barjow sans se les mettre à dos semble compliquer à envisager.
- Es-tu intéressé par cette fille ? » demanda Pollux d'un air taquin.
« Non pas spécialement. Sa famille est désargentée et ne semble pas avoir les meilleures manières qui soient. » répondit Altaïr en observant la jeune fille à l'autre bout de la pièce, sans comprendre l'allusion de Pollux. « Cependant son sang est précieux de par sa mère, je comprendrai donc si vous souhaitez que je l'épouse. »
Pollux hocha de la tête. Il était rare de voir un enfant être aussi ouvert à la possibilité d'un mariage arrangé. Bien que chaque aristocrate soit voué à cela, les jeunes nobles espéraient toujours que leurs parents fassent exception à la règle et les laissent choisir leur partenaire de vie. Le vieil homme était au moins satisfait de constater que cela ne serait pas un sujet de discorde entre eux plus tard.
« Je te remercie pour tout ton travail, mais ce ne sera plus nécessaire désormais. Si je t'ai demandé de venir avec moi c'est pour que tu te fasses des amis et que tu commences à discuter avec d'autres héritiers. Ce sera plus simple pour toi ainsi une fois à Poudlard. »
Altaïr crispa ses doigts plus fortement, signe qu'il s'empêchait de dire quelque chose.
« Qu'y a-t-il ?
- Cygnus disait que je n'étais pas digne des Black. Je ne dois pas parler aux autres héritiers parce que cela mettrait la honte sur notre nom. C'est pour ça qu'il ne m'emmenait presque jamais avec lui. »
Pollux ne put empêcher une expression agacée de percer son masque froid cette fois-ci. Si Cygnus avait encore été là, il aurait mérité une bonne paire de claques. Cependant sa colère sembla être mal interprétée par son pupille et cela le fit se calmer presque immédiatement. Il ne voulait pas encore l'inquiéter davantage. Pollux posa alors une main réconfortante sur son épaule et la pressa légèrement, malgré la crispation soudaine d'Altaïr.
« Connais-tu certains d'entre eux ? » demanda-t-il en pointant du menton un groupe d'enfants et d'adolescents mélangés un peu plus loin.
« Oui, j'ai discuté trois fois avec Noah Zabini et deux fois avec Duncan Inglebee et Bacchus Nott. J'ai rapidement parlé à quelques-uns d'entre eux il y a deux ans pendant ma dernière réception.
- Ça fait peu. » soupira Pollux.
« Eh bien Cygnus m'interdisait de leur parler. Je n'ai désobéi qu'une seule fois lors de la réception qu'il a organisé au manoir.
- Veux-tu aller les voir ?
- Zabini est ennuyeux, il pose beaucoup de question et parle sans arrêt. J'ai effrayé Inglebee je crois.
- Il reste Nott.
- Il est toujours collé avec beaucoup de monde et j'ai remarqué qu'il préfère traîner avec les plus vieux que lui. Il est mature.
- Toi aussi.
- Mais je ne suis même pas encore à Poudlard. Je suis un enfant. »
(NDA : je rappelle que dans HP, il faut avoir 11 ans révolu pour aller à Poudlard. Altaïr étant né en fin d'année il va donc à Poudlard un an plus tard.)
Pollux finit par laisser tomber l'affaire, proposant plutôt à Altaïr de rester à ces côtés. Après tout il semblait assez mature pour comprendre ses conversations au vu de tout ce qu'il avait déjà écouté pendant le début de la soirée. Il lui promit également de ne pas rester trop longtemps et qu'ils quitteraient la soirée dès que les premiers invités partiront.
Au final, Altaïr avait beaucoup aimé rester au côté de son tuteur puisque d'ici, il était encore plus simple d'écouter les conversations d'autrui plutôt que debout dans un coin. Cependant c'est également de cette façon qu'il avait appris que la plupart des Sang-Purs avaient oublié ses bonnes manières du précédent bal. Cependant aucun n'avait semblé oublier son surnom d'héritier maudit.
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En janvier, Pollux avait parlé avec Altaïr à propos de la prise d'un tuteur pour le préparer à Poudlard. Le garçon n'y vit aucun problème et proposa même le nom de Miller. Pollux fut surpris de découvrir que James Potter avait fait appel à cet homme connu pour sa sévérité alors que son ancien héritier n'avait que six ans. Habituellement les tuteurs n'étaient présents que pour s'assurer de donner une légère avance aux sorciers de Sang-Pur sur les Nés-Moldus et les Sangs-Mêlés.
Cependant, sa surprise ne fut rien comparé à celle de Miller lorsqu'il comprit les raisons pour lesquelles James l'avait licencié quelques années plus tôt. Il promit bien évidemment de ne rien révéler de tout cela à quiconque, il appréciait le jeune Altaïr et ne comptait pas se le mettre à dos. De plus, il connaissait Pollux depuis longtemps et n'oubliait pas que dans sa jeunesse, l'homme l'avait beaucoup aidé.
Un autre grand changement dans les habitudes d'Altaïr fut lorsque Remus, avec l'aval de Pollux, le traîna jusqu'à Ste-Mangouste et le confia au Dr Schneider, un médecin allemand mais ayant fait ses études supérieures en Angleterre. Cet évènement faisait suite à l'une des crises de colère qui avaient envahi Altaïr et son arrière-grand-père, n'en pouvant plus de voir son neveu souffrir, avait cherché d'arrache-pied un psychomage capable de le prendre en charge. Cependant il n'avait pas pu l'accompagner lui-même car son samedi avait été réquisitionné par le Magenmagot où il siégeait en tant que remplaçant de l'ancien Lord Arcturus Black. Ce fut donc Remus qui l'emmena par cheminette jusqu'à Ste-Mangouste.
Altaïr n'aimait pas vraiment le Dr Schneider, mais il n'aimait pas beaucoup de personne alors il supposait que c'était normal pour lui. Cependant il savait qu'il n'avait pas le choix et que changer de psychomage n'était pas une possibilité vu la difficulté qu'avait eu Pollux pour en trouver un. Chez les sorciers, trouver l'équivalant d'un psychologue ou psychiatre était vraiment une tâche ardue.
Après tout, les sorciers associaient bien trop l'idée de leur métier au soin de la folie. Ainsi la plupart de leur client était d'ancien détenu d'Azkaban ou toute autre prison et qui se voyaient imposer un traitement psychologique par le tribunal à leur sortie de prison. Dans ce monde, il était très mal vu de se différencier des autres et pour un Sang-Pur comme Altaïr, les mauvaises rumeurs que pouvait engranger ce genre de rendez-vous pourraient être catastrophique sur sa future carrière politique.
Alors Altaïr se rendait deux fois par semaine à Ste-Mangouste, rencontrait Schneider et prenait les médicaments que l'homme lui prescrivait. Et bien qu'il n'apprécie ni l'hôpital ni l'homme, il était obligé d'avouer que ses séances avec l'homme lui étaient utile. Ainsi en moins de six mois, ses crises avaient drastiquement diminué grâce à ses médicaments, bien que désormais il souffrait d'insomnie et quelques autres effets secondaires de ces derniers. Cependant il était satisfait de constater qu'il pourrait moins souffrir de son trouble de l'énervement et des effets secondaires des Doloris que Cygnus lui avait jeté une fois à Poudlard.
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23 mars 1989
« Dis Altaïr, pourquoi est-ce que tu fais toujours ça avec tes doigts ? » demanda Thomas à son aîné en pliant et dépliant ses doigts puis en les tapotant entre eux.
Cela faisait un moment qu'il avait remarqué que dès qu'Altaïr n'était plus occupé par quelque chose à cent pourcents, alors il avait tendance à jouer inconsciemment avec ses doigts. Un toc qu'il n'avait pas il y a trois ans. De plus, il avait pu passer la totalité de son week-end chez Remus cette fois-ci et en dormant avec son frère, il avait remarqué que ce dernier s'était réveillé à plusieurs reprises et que dès qu'il commençait à se rendormir, ses doigts cessaient de jouer entre eux pour laisser place à quelques tremblements.
Cela l'avait beaucoup intrigué et après avoir aperçu une nouvelle fois Altaïr tapoter son pouce contre ses autres doigts, Thomas avait finalement cédé à la tentation et avait fini par demander la raison de ce comportement. En entendant sa question, Altaïr avait sursauté comme s'il venait d'être tiré de ses pensées. Il se tourna vivement vers son frère et son regard sembla se perdre quelques instants quelque part derrière lui avant de finalement se reconcentrer sur son petit-frère.
« Je ne sais pas trop. » avoua Altaïr comme s'il venait seulement de s'en rendre compte. « Je ne l'ai pas toujours fait ?
- Non j'en suis certain, c'est un truc que tu ne faisais pas quand tu vivais encore avec moi et papa. » nia Thomas, sûr de lui.
« On dit "papa et moi", il faut toujours se citer en dernier. C'est plus poli. » le corrigea par automatisme Altaïr ce qui fit soupirer Thomas.
Avec son frère, il ne pouvait jamais espérer avoir une conversation sans ce genre de remarque. Cela ne le dérangeait pas vraiment en réalité mais par moment, Thomas avait simplement l'impression qu'il faisait cela pour lui faire oublier le sujet de la conversation en cours.
« Alors tu ne sais vraiment pas d'où vient se toc ? »
Altaïr sembla réfléchir plus sérieusement à la question. Bien sûr qu'il savait d'où ça venait. Il avait remarqué depuis longtemps que ce reflexe lui était venu au cours de son séjour chez Cygnus. Il avait toujours supposé que c'était l'un des effets secondaires des Doloris que ce dernier lui lançait. Ce n'était que depuis qu'il en avait parlé avec son psychiatre qu'Altaïr était certain de cela puisque ce dernier avait abondé dans son sens sur cette théorie.
D'après le Dr Schneider, il avait même eu un peu de chance dans son malheur puisque Cygnus ne lui avait toujours que lancé des Doloris très rapide. Ses sortilèges ne duraient jamais plus de dix secondes et cela prouvait que le vieil homme savait ce qu'il faisait malgré la folie de ses actions. En effet la recherche avait prouvé depuis quelques années que la folie ou les troubles physiques ou de l'esprit constatés chez les victimes étaient bien plus présents chez les personnes ayant subi l'impardonnable pendant une durée prolongée sans pose plutôt que chez des sorciers l'ayant subi sur des durées très courtes, même si cela était répété.
C'est pourquoi on pouvait facilement expliquer que le couple Londubat, bien que n'ayant était torturé qu'une seule fois, était aujourd'hui réduit à l'état de « légumes » tandis que lui-même qui avait dû subir le sortilège plusieurs centaines de fois était en pleine forme. Enfin, plus ou moins en pleine forme.
Thomas passa une main devant ses yeux en l'appelant par son prénom afin d'attirer son attention sur lui. Apparemment Altaïr venait de se perdre dans ses pensées pendant un petit moment.
« C'est une habitude que j'ai prise chez Cygnus. Au départ c'était pour éviter que mes mains trembles pendant que j'écrivais et c'est finalement devenu un automatisme peu importe la situation. Même si maintenant mes mains ne tremblent plus toujours, j'ai des potions pour ça. »
C'était rare qu'Altaïr parle de sa vie chez Cygnus alors Thomas ne poussa pas plus loin. Même s'il était encore jeune et que son grand-frère le considérait comme un bébé, il avait très bien compris qu'Altaïr n'aimait pas Cygnus. Il savait aussi qu'Altaïr n'aimait pas leur papa parce qu'il l'appelait James et que dès que Thomas parlait de lui, il changeait de sujet.
Avant, il était trop jeune pour tout comprendre, mais maintenant il savait très bien que son père avait parfois été méchant avec Altaïr. Thomas avait toujours pensé que le caractère strict et autoritaire ressortait plus avec son aîné pare qu'il avait été l'héritier et qu'il devait donc avoir une éducation particulière. Mais lorsqu'Altaïr était parti, James n'avait pas du tout changé son comportement envers lui. Certes Thomas avait désormais plus de devoir et devait lire des bouquins ennuyeux au possible sur l'étiquette, mais son père ne lui avait jamais tapé sur les doigts, ne lui avait jamais mis de claque, ne lui criait presque jamais dessus, ne l'obligeait pas à travailler tous les jours du lever au coucher du soleil et ne lui avait jamais fait apprendre par cœur le contenu de ses livres de cours.
Thomas avait beau être jeune, il savait maintenant que c'était son père le fautif derrière beaucoup des problèmes de son frère. Par moment, le petit garçon se disait même que sans leur père, jamais Altaïr se serait fâché contre lui à l'époque, n'aurait pas perdu son calme, ne l'aurait pas étranglé. Si son père ne l'avait pas poussé à bout, Altaïr n'aurait jamais fait tout ça.
Plus il y pensait et plus Thomas se sentait coupable de ne plus faire de câlin à son frère tous les soirs avant de dormir, de dormir le plus éloigné possible de lui dans leur lit chez Remus ou encore de sursauter lorsqu'il approchait ses mains de lui comme pour lui ébouriffer les cheveux ou bien lui enfiler correctement son écharpe autour de son cou lorsqu'ils sortaient dans Londres. Mais il n'y pouvait rien, c'était un réflexe. Thomas avait beau essayé de retenir son instinct et ses réflexes, son corps agissait la plupart du temps avant même qu'il n'y pense.
« Les garçons ! Venez mettre la table, le repas est presque prêt ! » les appela Remus depuis la cuisine ce qui les fit sursauter.
Cela faisait bien cinq minutes qu'ils étaient perdus dans leurs pensées et le retour à la réalité avait été plutôt rude.
« Le dernier dans la cuisine est une poule mouillée ! » s'exclama Thomas en s'élançant dans le couloir.
« Tu triches t'es parti avant moi ! » le gronda Altaïr en s'élançant à sa poursuite.
Thomas avait pris une décision. Il allait être plus clément avec son frère désormais, il allait surmonter sa peur et faire en sorte que tout redevienne comme avant. Même si ça lui prendrait du temps, parole e Potter !
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12 mai 1989
Le bruit de sin bol de chocolat chaud qu'il venait de faire tomber résonna sur les murs de la cuisine. Thomas avait appris quelques jours plus tôt que son frère avait reçu un Doloris de la part de Cygnus son ancien tuteur. En fait, il n'était pas sensé l'entendre, mais il avait entendu Altaïr et Remus parler de cela dans la cuisine pendant son dernier week-end chez son oncle. Les deux sorciers pensaient qu'il était endormi parce que c'était le beau milieu de la nuit mais comme Altaïr avait fait un cauchemar, Remus avait tenu à rester avec lui jusqu'à ce qu'il se sente prêt pour retourner au lit.
C'est alors qu'Altaïr avait raconté le contenu du dit cauchemar à son parrain et Thomas qui s'était simplement levé pour savoir où était son frère avait fini par tout entendre. C'est ainsi qu'il avait appris que le jeune Black venait de revivre l'un de ses souvenirs de sa vie avec Cygnus Black. Apparemment cela s'était déroulé après une leçon particulièrement difficile où il avait fait beaucoup d'erreurs et pour le punir, Cygnus lui avait lancé l'Impardonnable.
Jusque-là, Thomas n'en connaissait qu'un seul, celui qui l'avait rendu célèbre auprès de tous les sorciers de Grande-Bretagne. Mais après quelques recherches dans la bibliothèque, ce qu'y était très surprenant venant de lui, il avait fini par trouver ce que c'était. C'est ainsi qu'il avait pris conscience que son frère avait véritablement vécu l'enfer chez son ancien tuteur. Il l'avait toujours soupçonné mais n'avait jamais pu se l'imaginer. Il n'avait jamais su que c'était horrible à ce point.
Puis, en prenant un peu de recul, il s'était demandé comment est-ce que son frère pouvait plus haïr leur père que l'homme qui lui avait lancé un Doloris. Ça ne faisait pas de sens pour lui. C'est pourquoi cela faisait quelques jours qu'il réfléchissait à la question et il venait d'en trouver la solution.
Thomas ne savait pas comment est-ce qu'il avait pu oublier ce souvenir de leur enfance, à lui et Altaïr. Peut-être parce que moins de dix minutes plus tard son frère lui avait appris qu'il était renié et que donc, il n'était plus vraiment son frère. Ou bien parce que Thomas avait toujours tant idéalisé son père qu'il aavit refusé de comprendre la situation. Ou bien encore parce qu'il avait trop peur de réaliser à quel point son frère avait souffert par sa faute.
Mais toujours était-il que Thomas venait finalement de ce souvenir de ce jour-là plus de quatre ans plus tard. C'était alors que Thomas avait joué avec des souafles alors qu'il était loin dans n'avoir le droit du haut de ses quatre ans, cela avait vraiment été très inconscient de sa part. Il le réalisait aujourd'hui. Sans surprise, Thomas avait fini par casser quelque chose et par peur de se faire gronder il avait mis la faute sur son frère. Il avait si honte en y repensant d'avoir été aussi lâche.
Altaïr avait toujours été surprotecteur envers lui. Il avait toujours dévoué tout son temps libre et même des moments où il était occupé, abandonnant ses devoirs dès qu'il le lui demandait. Altaïr avait toujours été un super grand-frère envers lui, même si Thomas enchaînait les gaffes, comme la fois où leur père avait trouvé les machines à musique d'Altaïr par sa faute.
Et pour le remercier de tout cela, qu'est-ce qu'il avait fait ? Il avait dénoncé son frère pour une bêtise qu'il avait faite. Thomas avait voulu s'excuser et il avait donc suivi son frère jusqu'à sa chambre. C'est alors qu'il avait vu Moby soigner son grand-frère. Il avait des blessures dans son dos, beaucoup de vieilles blessures mais surtout, une dizaine de toutes fraîches.
Maintenant Thomas comprenait. James, leur père, avait frappé Altaïr. Il l'avait frappé pour une simple vitre brisée alors que cela ne prenait quelques minutes à être réparée avec la magie. Cela avait été si injuste. Son frère avait tant souffert par sa faute.
Thomas se sentait trahi par son père. Il l'avait toujours tant idéalisé et admiré que réaliser que tout cela n'était qu'une apparence, une façade conçue juste pour lui, lui enserrait le cœur.
« Je suis tellement désolé Altaïr, tellement désolé. » sanglota Thomas en tombant accroupi sur le sol.
Il n'avait pas envie de voir son père pour le moment. Il ne voulait voir personne. Il voulait juste s'enterrer quelque part de honte et s'excuser auprès de son frère.
