Chapitre 2 - La Traversée (Partie 1)

Je crois qu'il est temps maintenant de continuer ce que j'ai commencé, et entreprendre de vous raconter ma journée avec le professeur Neville Londubat. Qui ne s'appelle pas vraiment Londubat d'ailleurs. Je vous assure, son nom ne change pas en traversant la manche. Il s'appelle bien Longbottom, et « long-du-bas » est juste une illumination du traducteur. Mais ce sont ses noms à lui que je vais continuer à utiliser, parce que c'est quand même vachement mieux si vous comprenez ce que je raconte.

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Le professeur Lettriminel essuya d'une manche une goutte de sueur qui perlait sur son front. Enfin plutôt devrais-je dire Neville, mais je n'arrivais toujours pas à réaliser que j'étais en présence du Neville, le vrai.

- Il fait vraiment trop chaud. Si seulement il n'y avait pas autant de moldus, je pourrais lancer un frigoris discrètement. Avec cette foule, ce n'est même pas la peine d'y penser.

Il me jeta un œil en biais et eut l'air de réaliser quelque chose.

- Les moldus, continua-t-il, c'est comme ça que nous appelons les...

- ... gens qui n'ont pas de pouvoirs magiques, terminai-je. Je suis au courant.

Il parut surpris puis se renfrogna. Aucune idée de ce qui avait bien pu le chiffonner dans ma phrase. Je détachai mes yeux de lui et repris l'activité que je menais depuis près de cinq minutes, pendant que nous descendions Tottenham Court Road : chercher le Chaudron Baveur. Il devait bien être quelque part dans le coin. C'était là où nous allions, de toute façon.

Le petit monde londonien se pressait sur le trottoir à grandes foulées en ce début d'après midi. Sûrement pour retourner travailler. Ou bien peut-être pour rejoindre quelqu'un. Si bien que je n'arrivais pas à distinguer les noms de boutiques de mon côté de la rue. Dépitée, je reportai mon attention de l'autre côté de la route, où j'apercevais parfaitement toutes les enseignes. Depuis mon côté, je voyais les gens se bousculer là-bas, toujours plus rapides.

Il y eut un mouvement de foule et une pointe de chapeau de dessina entre deux couples de touristes. L'homme, roux, fin et de grande taille, tenait une carte, et sa femme agitait le doigt dessus en discutant. Leurs trois filles paraissaient s'ennuyer ferme et la plus petite, qui devait avoir à peu près mon âge, emmêlait son rideau de cheveux châtains avec un bâton de bois qui ressemblait vraiment à une...

- Par la barbe de Merlin ! Tout ça à cause de cette cueilleuse de Faykrill ! Je suis désolé de t'avoir pressée à partir de chez toi de cette façon. Au moins tes parents sont compréhensifs...

Sa voix me tira de ma contemplation béate et il me fallut un moment pour m'apercevoir que je n'avais rien compris à sa phrase. Il sourit et soupira. Sûrement à cause de ma tête ahurie. Je tentai de me reprendre et me lançai dans l'élaboration complexe d'une expression hybride entre le sourire confiant et la moue curieuse. Son sourire s 'élargit et le mien se déforma sous mon désespoir d'être ridicule en toute situation. Bon. Au point où j'en étais :

- Je ne comprend pas...

- Bien sûr. Ça ne te concerne pas toi en particulier, c'est un souci pour moi et les autres professeurs de l'école. Je ne vais pas t'assommer avec ça...

Non, ça ne m'assomme pas du tout ! Voilà ce que j'avais envie de lui dire ! Un secret des professeurs de Poudlard enfin révélé à une écolière ordinaire. J'étais Harry Potter découvrant la pierre philosophale avec Hagrid, voilà ce que j'étais en ce moment même. Et je sentais qu'il avait envie de partager tout ça, avec moi. Je l'encourageai d'un signe de tête et ouvris grand mes oreilles.

- Tu sais, il est de plus en plus difficile pour nous d'enseigner aux nés-moldus, à cause de tout le foin autour de la Biographie romancée dans le monde des moldus. Ce livre a eu un effet paradoxal sur eux ; ils sont moins enclins à croire aux sorcières maintenant que quelqu'un a tout révélé qu'avant quand il n'y avait aucune trace de nous. Certains sorciers aux parents moldus arrivent à l'école en retard, parfois en milieu d'année, parce que leurs familles et eux-mêmes n'acceptent pas l'existence de la magie. Il devient de plus en plus compliqué d'être convainquant. J'en ai été réduit à devoir transplaner devant ta mère pour prouver que je n'étais pas un kidnappeur d'enfants.

J'étais déçue. Je m'attendais à mieux, dans le genre révélation. Enfin, il avait pris un air de chien battu alors je l'invitai à préciser ce qui le tracassait.

- C'est vrai que tu n'es pas au courant de toute l'histoire, soupira-t-il. J'ai tendance à oublier que tu n'as pas grandi dans le monde des sorciers, avec tout ce que tu sais sur nous. Quand il y a eu le scandale de la Biographie, quand le livre est paru pour la première fois dans les librairies moldues, le ministère a renoncé à la procédure habituelle des cas d'accident magie-moldus, c'est-à-dire le retirer et procéder à un effacement de mémoire massif. Son argument était qu'un roman fantastique parmi tant d'autres n'aurait pas d'impact sur la société moldue et que le problème était mineur.

- Vous voulez parler de Harry Potter ? Effectivement, il s'est plutôt planté sur le point de l'impact minuscule. Il a cru prévoir un gravier et il s'est pris un retour de rocher dans les dents. Pas de bol. Mais, attendez, c'est écrit par... JK Rowling est une sorcière ? m'écriai-je.

- Chuuut ! Moins fort, chuchota-il.

- On est au milieu de la foule, personne ne s'intéresse à ce que vous racontez. Sans vouloir vous offenser, monsieur le professeur Lettriminel.

Je savourais cette nouvelle information.

- C'est une vraie sorcière !

- Était, plutôt. Après le scandale, sa baguette a été brisée et elle a été interdite d'usage de magie. C'est une peine rare, réservée aux grandes confrontations entre les moldus et les sorciers. Elle a accepté sans rechigner et est devenue riche grâce à la suite de ses livres, grommela-t-il. Il n'y a vraiment aucune justice. En plus, l'interdiction de magie est théorique en tout ce qui concerne les transformations des animagus. Je suis persuadé qu'elle espionne encore en douce grâce à ça. Je ne serais même pas étonné si elle sortait un livre avec un titre comme Londubat, une vie de professeur dévoué ou Kingsley Shacklebolt, le scandale ministériel de la Grande Erreur.

Il haussa les épaules avec un nouveau soupir.

Pour ma part, mon esprit était resté bloqué au milieu de sa tirade. Tout cela devenait de plus en plus fou. JK Rowling devenait sorcière animagus en moins de cinq minutes. Je redoutais la prochaine révélation. JK Rowling ; un zombie ressuscité par du pâté d'horcruxe ?

- Comment ça, JK Rowling est un animagus ? Elle se transforme en quoi ? demandai-je. Je sais, en oiseau ! Non, ça y est, je sais : en scarabée, comme Rita Skeeter !

Devant mon impatience et mon excitation, sa tête de groumf qu'il affichait depuis un quart d'heure redevint le visage rieur et bienveillant de mon lettriminel. Quand même ! Ça faisait plaisir.

- Tu es douée pour lire dans l'esprit des gens. Il faudra que je veille à ce qu'on ne t'enseigne jamais la légillimancie, ou bien je suis sûr que même mes premières vocalises ne seraient plus secrètes longtemps.

- J'avais raison ? C'est un scarabée ? Aha ! Vive moi ! m'exclamai-je.

J'entamai un moonwalk approximatif sur le trottoir, mais le professeur me coupa dans mon élan artistique avec une phrase qui me fit l'effet d'un ouragan. Oui, même le pâté d'horcruxe ne m'aurait pas autant décoiffée.

- Non, tu avais raison en citant Rita Skeeter, elles sont cousines et ont les mêmes méthodes d'écriture, crois moi ; par contre elle ne se transforme pas en scarabée, mais en chat ; avant qu'on s'aperçoive que c'était un animagus, on l'appelait Pattenrond.