Chapitre 6 : Suspects
1. VIOLONISTE/LIAM LEWIS + ? → PLAISIR (PLAISIR) : NON
2. SOLEIL-MAN + PONCHO → MAITRE DU MONDE (?) : A VERIFIER
3. MYSTERIEUX BARBU + ? → ? (?) : A VERIFIER
4. LE RÊVEUR + ? → ? (?): A VERIFIER
5.
Je jetai un dernier coup d'œil à la maigre liste de suspects que Plumeau et moi avions dressée avant d'aller aider Steven pour les derniers préparatifs du bal. J'avais encore du mal à digérer d'avoir eu à rayer si vite notre suspect numéro un de la liste.
Le professeur Lewis n'était que le neveu du Violoniste et n'avait que rarement croisé son psychopathe d'oncle avant qu'il ne commence sa série de meurtres. C'était ce que nous avait répondu Swan avec mépris quand nous étions arrivées toutes angoissées et paniquées dans la salle des profs l'autre jour.
Aller parler aux profs de cette histoire d'assassinat avait été notre premier réflexe, persuadées qu'ils en parleraient aux aurors immédiatement.
Mais nous avions tout faux.
D'après le professeur Swan, notre directrice n'était la cible de personne, ne courait aucun danger et ne suscitait que de l'amitié chez ses collègues d'outre-mer. Aussi, si nous voulions bien aller en classe et cesser de la faire tourner en bourrique pour des bricoles, elle en serait ravie.
Soleil-man devenait donc notre premier suspect, mais j'avais du mal à faire le lien avec le professeur Chourave. Plumeau et moi avions convenu d'écrire entre parenthèses ce que les suspects gagneraient, directement ou indirectement, de l'assassinat de la directrice. Le point d'interrogation de Soleil-man rappelait amèrement que la manœuvre ne le rapprochait pas vraiment de son but écrit juste avant : devenir maître du monde. A moins que ce ne soit de devenir un dieu. J'avais du mal à discerner ce qu'il voulait au milieu de ses discours qui puaient la folie à des kilomètres.
C'est pour cette raison que nous avions accepté d'aider Steven à préparer son bal clandestin. La soirée nous servirait à approcher Poncho pour la faire parler de notre suspect numéro un.
Il nous avait chargées des invitations. Pour faire simple, inviter signifiait se faufiler dans les dortoirs pour prévenir les autres Maisons, Tribus et écoles qu'un bal se tenait au Raton. Pour ne pas se faire choper par les élèves les plus âgés ou par les profs, nous devions attendre que le vrai bal ait commencé pour foncer prévenir les élèves restant dans les dortoirs.
L'idée peut paraître débile, mais c'est le plus efficace que nous ayons trouvé pour éviter la moindre fuite d'info. Et si un élève réticent décidait d'aller au bal principal prévenir un adulte, il s'apercevrait bien vite que les profs avaient déjà entamé le bal et que aller faire la police chez les petits n'était pas une priorité. Bon, c'était clairement bancal, mais c'était le mieux que nous ayons trouvé.
En attendant, nous aidions à accrocher les branches du lierre à lumières colorées que Romwald, un ami de Steven, était allé chiper dans les affaires de son grand frère et de Huruk-haï. Le dernier projecteur végétal mis en place, Steven sauta de son tabouret et fit tournoyer sa baguette en récitant des formules alambiquées.
- Riri-chou, tu peux éteindre la lumière, pour voir ?
Zach lui jeta un regard noir et s'exécuta. Il n'y eut plus que des couleurs vives dansantes dans la semi-obscurité. Il ne manquait que la musique.
- Bon, les filles, c'est à vous. Allez, on se bouge, nous pressa-t-il. Matt, t'as ta musique ?
Nous filâmes dans les couloirs.
- On réveille qui en premier ? demanda Plumeau.
- Les Gryffondor, répondis-je. Ils sont pas loin, au Chat, et je suis sûre qu'ils vont tous vouloir venir. On aura qu'à terminer par les Serdaigle, comme ça, s'il y a des refus, ça laisse le temps aux profs de se resservir deux ou trois fois.
L'aile du Chat était juste en dessous. Heureusement pour nous, les américains n'avaient pas barricadé leurs salles par des mots de passes comme à Poudlard.
Au fin fond de leur arbre creux perdu dans le grand Nord canadien, la paranoïa anglaise leur était inconnue. Le sorcier Nord-américain moyen avait de tout temps considéré le moldu comme une race inférieure qui ne méritait pas qu'on y prête attention autrement qu'un berger surveille ses moutons. J'avais appris, par le garçon de la Tribu du Cheval qui était avec nous en cours d'Astronomie, que Treehall n'était pas protégée par des sorts repousse-moldu comme Poudlard. En réalité, l'école n'en avait pas besoin. Il y avait des kilomètres avant le premier village moldu. L'école était assez bien isolée par la distance et par le climat. Le moldu qui s'aventurerait par ici en hiver était soit fou soit... fou, probablement.
Sans surprise, les Gryffondor poussèrent des exclamations de joie et se dépêchèrent de trouver de quoi s'habiller décemment pour un bal. Apollo Matthews vint même à clamer que ceux qui disaient que les Poufsouffle ne servaient à rien n'avaient qu'à rester moisir dans leur dortoir pendant que les autres allaient faire la fête. Je ne sus trop comment prendre le compliment. Est-ce qu'il venait bien de sous-entendre que les Poufsouffles ne servaient qu'à l'inviter à des soirées ?
Les Serpentard eurent un accueil mitigé, mais je compris plus tard que leur étiquette voulait qu'ils méprisent les petits amusements pour se tourner vers leurs devoirs et leur réussite, alors qu'en leur for intérieur ils réfléchissaient déjà à la tenue qu'ils allaient enfiler. Je fis signe de la main à Kathleen et m'assurai qu'elle serait bien de la partie en glissant à Andrew Huang, son camarade de classe à la tignasse décolorée, qu'il avait intérêt à l'inviter au bal.
Nous eûmes moins de succès chez les Serdaigle, et je me félicitai d'être venue chez eux en dernier. Mais Rowena Fox nous assura que toutes ses copines étaient excitées à l'idée d'aller au bal.
- Bon, fis-je une fois sortie dans le couloir. Il reste Treehall, Nocheira et Kai'ohana. Je propose qu'on aille voir Treehall en premier, et puis je parlerai espagnol à Nocheira. Ensuite, on a qu'à espérer que ceux de Kai'ohana comprennent tous l'anglais.
- Ça me va.
Il n'y eut de résistance dans aucune Tribu du côté de Treehall. Au contraire, ils n'avaient pas l'habitude des soirées improvisées à la Poufsouffle et paraissaient agréablement surpris. Nous passâmes dans chaque Tribu délivrer notre message et croisâmes même notre ami du cours d'Astronomie, qui se sentit tout fier de dire qu'il était au courant depuis longtemps parce qu'il était un VIP.
Je fis mon annonce au milieu de la foule de Nocheira en un mélange espagnol-français-anglais approximatif mais je crois que le message passa quand même. Je tentai de repérer Poncho parmi le bazar mais ils étaient trop nombreux pour que je puisse l'apercevoir.
A notre grande surprise, les élèves de Kai'ohana s'exprimaient dans un anglais presque parfait et nous n'eûmes donc pas grand mal à les inviter.
Quand nous revînmes au Raton, la fête battait déjà son plein et la majorité des élèves de Poudlard étaient arrivés. Nous nous glissâmes au milieu des danseurs pour rejoindre nos dortoirs. Je remerciai silencieusement ma mère d'avoir insisté pour que j'emporte une robe de soirée au cas où. Pour la touche finale, je nouai un ruban rose au serre-tête hideux de Will.
- Wahou, siffla Plumeau. C'est classe.
- Sois pas sarcastique. Pas question que j'enlève ce serre-tête.
- J'étais sérieuse, rit-t-elle.
- Tu te changes pas ?
Elle m'avait regardée sans bouger.
- Je sais pas trop si j'ai envie de me mettre en robe.
- Oh, allez ! C'est la soirée de l'année ! En plus, on est en robe toute la journée je te rappelle.
- C'est pas pareil, opposa-t-elle. Je suis en pantalon sous l'uniforme, en général.
- Ouais, c'est la même pour moi, avouai-je. Mais aujourd'hui, c'est un jour spécial.
- D'accord, mais ne rigole pas !
Elle passa sa robe et se redressa timidement. L'ensemble était pas mal mais des bourrelets dépassaient par endroits du tissu bleu. Malgré ça, elle dégageait un charisme incroyable, que ne voyais malheureusement pas chez moi.
- Alors ? Tu te sens comment ? demandai-je.
- J'ai l'impression d'être une patate dans une peau de banane.
- Hein ?
- Je te vois rigoler.
- Pas du tout, pouffai-je.
- J'avais dit : ne rigole pas, sourit-elle.
- Je suis bon public, ok ? m'exclamai-je.
Elle éclata de rire, et je la suivis de près.
- On descend à la fête ? proposa-t-elle quand nous eûmes calmé notre fou rire.
- Tu gardes ton plumeau ?
Elle fit la grimace et le défit pour me montrer. Ses cheveux désordonnés ne lui arrivaient pas aux épaules et avaient une longueur disparate. Elle noua son plumeau à nouveau.
- Je pense que c'est mieux avec, s'excusa-t-elle.
- Comme tu veux, accordai-je.
Nous primes une inspiration et nous plongeâmes dans la foule et la musique.
En nous approchant de l'entrée du Raton, nous pûmes constater que des flots d'élèves continuaient d'arriver. Et au vu de la foule déjà entassée dans la salle, l'air allait vite devenir irrespirable. Je notai aussi que si les trois première année de Poudlard ou Kai'ohana comptaient un peu moins de cent élèves, celles de Treehall en comptaient quatre fois plus et celles de Nocheira pas loin de dix fois plus. Autour de moi, ça n'arrêtait pas de piailler en espagnol.
Mais au milieu de ça, pas le moindre signe de Poncho. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Je me résolus avec Plumeau à faire la fête et s'amuser en priorité. Si Poncho daignait se monter, nous irions lui taper la discute. Sinon, il restait un millier d'autres élèves à qui tenir compagnie.
Troisième chose que je constatai : les garçons en robe de soirée étaient extrêmement rares. La plupart avaient adopté l'ensemble pantalon-chemise du moldu en sortie. Ceux en robe étaient parmi les plus réservés et gardaient un port noble en se faufilant entre les autres.
- Ho les filles !
Steven agitait les bras en souriant comme un idiot. Les fauteuils et canapés du Raton avaient été poussés contre les murs. Tous étaient occupés par le triple de leur capacité. Steven et ses copains formaient un tas désordonné sur l'un d'eux. Nous le rejoignîmes en soupirant.
- Alors, je vous présente Waldo, Matt et Kelvie de ma promo. Vous voulez à boire ?
Les trois garçons nous saluèrent avec des clins d'œil épars. Si ces trois-là étaient aussi excités du bulbe que Steven, autant ne pas rester longtemps dans les parages. Malheureusement, il n'en avait pas fini avec nous.
- Les gars, voici celles sans qui cette soirée n'aurait pas pu exister, clama-t-il.
Il leva son verre de jus de citrouille et le but d'un trait.
- C'était ton idée, répliqua mon amie, tu peux t'en attribuer les mérites.
- Te rabaisse pas, Plumeau, je sais que t'es beaucoup plus intelligente que tu le laisses paraître. D'ailleurs il paraît que Riri-chou serait ravi de danser avec toi ce soir.
- La vache, Harry, t'as vu comment Plumoche s'est déguisée ? Cette charmante façon d'habiller sa touffe me laisse admirateur, s'exclama la voix d'Apollo derrière nous. Tiens, tu débordes, remarqua-t-il en s'approchant. Vous auriez pas vu Grace ? J'aimerais l'inviter à danser.
Plumeau l'ignora mais ne put s'empêcher de devenir rouge tomate.
- C'est qui, ce gnome malpoli ? gronda Steven en se redressant.
Voyant qu'il n'obtenait pas de réponse, il planta un regard de caïd dans la bouille espiègle du bichon qui lui faisait face.
- On était en train de discuter entre êtres humains. Les macaques de ton espèce ont pas été invités. Allez, au coin ! Mais dégage ! insista-t-il quand Apollo lui fit un sourire moqueur. Loin, ajouta-t-il en lui faisant un geste de la main. C'est ça, va jouer plus loin.
Il attendit que le trouble-fête se soit fondu dans la foule pour enchaîner.
- C'est qui ce trou du cul ? Vous vous coltinez ça souvent ?
- Assez souvent, avoua Plumeau. Il est de notre promo, à Gryffondor.
Les sourcils de Steven, haussés d'un air entendu, se perdirent dans ses mèches en bataille.
- Ha... Tout s'explique, dit il. Les filles... et je pense que vous êtes d'accord avec moi les gars... Sachez qu'un Gryffondor se définit ainsi...
J'attendis la énième théorie vaseuse sur les Maisons de Poudlard.
- Le cœur sur la main... fit-il en posant une main dans la paume de l'autre et les pressant amoureusement sur sa poitrine, et un ENOOOORME complexe de supériorité.
Il écarta les bras violemment et manqua de mettre un coquard à Waldo.
- Et c'est la raison pour laquelle Rose Weasley ne voudra jamais de nous, conclut-il.
J'eus une impression fugace de largage total, vite estompée. Il faut croire que c'était là où il voulait en venir depuis le début.
- D'ailleurs elle est où ? demanda Matt. Elle devrait pas tarder, non ?
- Ho, gars, t'es devin, s'amusa Kelvie en lui tapant l'épaule.
Elle venait d'entrer avec un petit groupe de Gryffondor. Je tentai de l'apercevoir à travers la foule de danseurs, curieuse de savoir à quoi ressemblait la fille de mes héros. En quelques secondes, j'avais compris les sentiments de Steven. Il y avait bien une foule mais on ne voyait qu'elle. Ses cheveux étaient une véritable crinière de lion, sauvage et auburn, qui donnaient un air fauve au reste de sa silhouette aux formes parfaites. Même ses mouvements étaient ceux d'un gracieux félin. Deux yeux d'un bleu profond perçaient au-dessus de joues rondes constellées de taches de rousseur, et des lèves pleines souriaient à la soirée de rêve qui s'annonçait.
- J'hallucine, les gars, balbutia Steven, c'est une BOMBE cette fille ! Pourquoi ? geignit-il.
Je repérai derrière elle un garçon qui, décidai-je, était Albus Potter. Il était aussi terne que sa cousine brillait, mais j'étais sûre que c'était lui. Il y avait les lunettes et les cheveux noirs. Un autre garçon les accompagnait, la touffe châtain clair, avec l'air effacé. Je lui attribuai le surnom de « Mandarine numéro deux » à défaut de trouver autre chose de mieux. Scorpius ? Dans les histoires il était toujours en couple avec Rose ou avec Albus. Même dans L'Enfant Maudit. Quoique, ce garçon qui les accompagnait paraissait bien timide pour être Scorpis Malefoy et aussi... trop en train de se faire bousculer par Scorpius Malefoy au même instant. Oui, celui-là aussi, j'étais sûre de mon coup. La raie soigneuse sur le côté, la couleur blond platine presque blanche, le nez long et le sourire sarcastique. Puis le fauve se jeta sur lui en hurlant.
Je ne saisis pas grand chose de la dispute, mais il semblait que Mandarine numéro deux était un ami du fauve (Rose, certainement). Le garçon aux lunettes (Albus? Moins certain...) usa de toute sa force pour l'écarter. Le blondinet moqueur (Scorpius?) se redressa dignement et lança une dernière tirade avant de plonger dans la piste de danse.
Elle lui cracha une gerbe d'insultes dont quelques bribes seulement me parvinrent. Il était question de scrout et de bouffeur de faykrill, ainsi que d'autres mots appartenant à un bestiaire que je ne connaissais pas encore.
- Tu danses ? demanda une voix derrière nous.
Zach s'était faufilé entre Plumeau et son frère.
- Cette fille est une bombe dans tous les sens du terme, murmura Steven Andersen. Je voudrais tellement l'inviter à danser mais j'en tremble de peur.
- Tu veux danser ? réitéra Zach à l'attention de Plumeau.
Je n'avais pas fait attention, mais celui qui passait la musique avait décidé que c'était l'heure des slows. Elle sourit et accepta d'un haussement d'épaules. Je me retrouvai seule avec la bande de Steven. Génial.
- Qu'est-ce que je dois faire ? pleurnicha Steven. Elle me donne la chair de poule.
- Vas lui demander, dis-je pour me débarrasser de lui, tu peux pas savoir tant que t'as pas demandé. Et si elle refuse, au moins tu seras fixé.
- Tu le penses vraiment ? Tu crois qu'il se pourrait qu'elle accepte ?
J'hésitai.
- Oui, vas-y, mentis-je.
Il retrouva le sourire, sautilla sur place pour se donner du courage, puis m'embrassa sur le front avant de trottiner gaiement vers le râteau de sa vie.
Je me tournai de l'autre côté pour ne pas assister au massacre. Et mes yeux tombèrent sur Luke et Lyra en train de s'embrasser au milieu de la piste de danse.
J'essayai de faire signe à Luke pour le féliciter, mais il ne me voyait pas. Et puis je repérai Poncho. Elle n'avait ni son poncho, ni son bonnet, mais le capharnaüm de ses cheveux était tout aussi caractéristique.
Je traçai dans sa direction en espérant ne pas la perdre au milieu de tous ces couples qui tanguaient en rythme. Comment est-ce que je devais l'aborder ? Nous n'avions pas pensé à discuter de ça. Elle allait sûrement se braquer si je lui parlais directement de Soleil-man.
- Hé ! hélai-je sans conviction.
Elle se retourna quand je posai ma main sur son épaule. Deux grands yeux globuleux posèrent un regard étonné sur moi. Elle était plus petite et plus maigrichonne. Elle me faisait penser à Kathleen, en version inca.
Je tentai la suite en espagnol avec l'espoir que mon accent n'allait pas la faire fuir.
- Hola que tal ? Yo y amiga pensamos que poncho guapo, articulai-je. Donde buscar?
Ce qui signifiait à peu près qu'on trouvait son poncho joli et qu'on voulait le même. Mais vu l'éclair moqueur qui passa sur son visage, la tournure de phrase laissait à désirer. A moins que ce ne soit l'accent.
- Poncho de famille, dit-elle en anglais. Ancêtres. Pas trouvé. Je parle anglais un peu, ajouta-t-elle, mais tu dois parler lentement.
Je soufflai de soulagement. Quelle idée de lui parler de son poncho ? J'avais de la chance qu'elle n'ait pas cru à une remarque ironique.
- On va parler plus loin de la musique ? Il y a trop de bruit.
Elle acquiesça. Je n'en revenais pas d'avoir réussi à l'aborder si facilement.
Je n'eus pas le loisir de développer le sujet. A peine installées, assises le dos contre le mur du Raton, quelqu'un nous hélait déjà.
- Héééé ! Je te trouve enfin ! Elle est où ta copine ?
Je rageai intérieurement. L'élève américain du cours d'Astronomie venait de débarquer au-dessus de nous. Je tenais enfin Poncho et il fallait qu'un guignol décide de me taper la conversation juste maintenant. Pour ne rien gâcher, il vint s'asseoir entre elle et moi contre le mur.
- Elle danse, répondis-je froidement. Mais elle sera libre bientôt.
- Bah, faut pas se vexer, s'exclama-t-il. Je te cherchais autant qu'elle. Tu voudras danser avec moi ce soir ?
Je rougis en comprenant qu'il avait pris ma remarque glaciale comme une pique de copine jalouse. Et puis je me maudis de le lui avoir confirmé en rougissant comme une gamine prise en faute.
- Tu nous présentes ? proposa-t-il en remarquant Poncho.
- On venait de se rencontrer, grommelai-je.
Il se para d'un large sourire et lui tendit la main.
- Bon, alors on va faire ça tout seuls. Johan Brown, de Treehall, enchanté.
- Salut, hésita Poncho. Quilla Quiroz, de Nocheira.
Quilla Quiroz. Finalement, il m'aura aidé à avoir son nom. C'était déjà ça dans la poche. Il serait toujours temps de faire des recherches sur elle plus tard, au pire. Je levai les yeux et faillis sursauter quand je vis leurs regards braqués sur moi.
- A toi, poursuivit Johan Brown. Il faut que tu te présentes.
- Ah, euh...
Je ne savais pas si j'avais envie d'être parmi les connaissances de Poncho. Mais je ne voyais pas vraiment comment contourner le problème. Tan pis.
- Malany Baker, de Poudlard, marmonnai-je. Bon, ça y est ? T'es ravi ?
- Très, confirma-t-il. Comme ça, si je te vois dans un couloir, je pourrai t'appeler autrement que « Hé toi ». C'est mieux, non ? Et puis, dit-il en se tournant vers Poncho, je suis content de rencontrer quelqu'un de Nocheira, parce que pour le moment, ce tournoi, c'est chacun dans son coin. Moi, ça m'attriste.
- Mais il faut juste parler, rétorqua-t-elle. Comme maintenant. C'est facile.
- Dis, en profita-t-il, c'est vrai que l'école Nocheira est dans les montagnes des Andes ? Je me suis toujours demandé...
- Non, secoua-t-elle la tête. Tu trompes avec Machu Pichu. C'était ancienne école de magie du peuple de l'Inca avant la venue des assassins espagnols sans magie. Depuis, nous sont accueillis à Nocheira qui est nouveau nom de ancienne école de magie Maya. Elle est dans jungle. Personne trouvera école jamais. Le nom est changé depuis qu'elle accueille aussi les enfants des envahisseurs de l'autre côté de la mer. C'est erreur.
- Attends, heu... réfléchit Johan Brown. La plume ne révèle pas ses secrets au chasseur qui a tué l'oiseau. C'est ça, c'est ça ? J'ai tout juste ?
- Oui, rigola Poncho. C'est phrase devise Nocheira. Mais c'est bizarre de l'entendre en anglais. C'est en maya normalement.
- C'est carrément plus stylé que notre L'Automne comme bouclier, se plaignit-il. En plus ça veut rien dire. Mais t'as vu celui de Kai'ohana ? C'est tellement badass que je me souviens plus... C'était un truc avec la lave, le feu et l'eau je crois. Faudrait que je trouve un de leurs élèves pour lui demander. En plus, il paraît que leur école est à l'intérieur d'un volcan ! C'est tellement la classe, il faut que je vérifie ça. Et Poudlard, c'est quoi la devise ?
- Heu... essayai-je de me rappeler. Draco dormiens nunquam titillandus.
- Et ça veut dire quoi, ça ?
- J'en sais rien du tout, avouai-je. Sûrement un truc à propos de dragon qui dort, et de titiller ? Tu m'en demandes beaucoup, là. C'est du latin, je crois.
- Bah ! T'es européenne et tu parles pas couramment latin ? Tss. Quelle décadence, les jeunes, de nos jours, se moqua-t-il.
Je mis une bourrade dans son épaule.
- Au fait, Quilla, se tourna-t-il pour changer de sujet, qu'est-ce que t'as pensé de la première épreuve ? C'est Lys qui a gagné, mais même si je suis censé la soutenir, je pense qu'elle a triché en utilisant des oiseaux. Ils étaient pas censés avoir d'aide extérieure, alors même si elle les a appelés avec un sort, je trouve que c'est un peu facile de s'en tirer comme ça.
- Euh... Tu peux parler moins vite ? s'excusa Poncho.
L'occasion était trop belle. Je ne laissai pas Johan Brown reprendre la parole.
- D'ailleurs, Quilla, tu connais le champion de Nocheira, non ?
- Inca, acquiesça-t-elle. C'est mon frère.
Inca Quiroz. Je mémorisai soigneusement ces nouvelles informations.
- Sérieux ? s'écria Brown. Je suis en train de discuter avec une divinité, alors.
S'il faisait allusion aux discours enflammés de Soleil-man, il y avait des chances pour que je grappille des informations capitales dans les prochaines minutes. J'ouvris grand mes oreilles.
- Non, dit-elle en secouant la tête. Inca dit des choses, parfois. Il ne faut pas trop écouter. J'essaie de l'arrêter quand il se rend ridicule, mais il croit vraiment ce qu'il dit, alors...
- Tu veux dire que tu l'aiderais pas à atteindre son but, s'il te le demandait ?
J'espérais ne pas avoir été trop directe. Si Poncho décidait de me mentir, je ne pourrais plus rien en tirer. Mais elle ne marqua aucune hésitation.
- Son but est impossible. Être un dieu. Alors s'il me demande de l'aider, je dirai toujours non, parce que je sais que s'il réussit une chose, il voudra autre chose plus difficile. Il ne finit jamais, parce que être dieu, ça n'existe pas.
- Désolé, la rassura Brown en passant un bras autour d'elle. T'es courageuse, quand même. Avoir un fou en tant que frère, ça doit pas être facile tous les jours.
Elle se ferma comme une huître après ça, et il fut difficile d'en apprendre plus. Plumeau nous rejoignit peu après, toute essoufflée. Elle avait réussi à lâcher Zach en se rapprochant subtilement de Grace. La belle gosse de Poufsouffle avait marché comme un aimant.
Le slow avait pris fin et les danses habituelles reprenaient. Kathleen, Alyss et Rowena nous firent signe de les rejoindre sur l'un des canapés.
- On était en train de parler de toi, Selina, fit Alyss de sa voix fluette pendant que nous nous installions tous les quatre avec eux.
- Moi ? blêmit-elle en ouvrant de grands yeux.
- On est quasiment sûrs de t'avoir déjà croisée quelque part, continua Rowena Fox. Peut-être qu'à toi, ça te parlera plus qu'à nous ?
- Ben, on se voit depuis le début de l'année déjà, supposa Plumeau.
- Ouais, mais avant ça, insista Alyss en fronçant les sourcils comme pour mieux la détailler. Jamais ? C'est Kath qui nous l'a fait remarquer.
- C'est bizarre, répondit Plumeau, parce que moi je vous avais jamais rencontrés avant cette année. T'es sûr ?
Elle réfléchit un moment en les fixant tous les trois. Son cerveau commençait à chauffer et des gouttes de sueur à s'accumuler sur ses tempes quand son visage s'illumina.
- Ah. Je crois que j'ai compris. Le père de ma sœur a fait pas mal de dons à l'orphelinat. Vous avez dû la croiser à ces occasions. On a un petit air de famille, même si c'est pas évident au premier regard, ça a pu vous embrouiller.
- Qui c'est, ta sœur ? demanda Rowena.
- Hélène Cerblanc, de Serdaigle, lui répondit Plumeau de cette même voix hésitante qui m'avait répondu quelques semaines auparavant.
- Quoi ?
- Nooon, sérieux ?
Elle patienta, le temps qu'ils puissent chacun son tour exprimer leur incrédulité, puis elle hocha la tête.
- Quelqu'un peut m'expliquer ce qui est si incroyable, demanda Johan Brown en passant une main dans des mèches courtes couleur châtain clair savamment décoiffées. Je suis un peu largué, et Quilla encore plus, j'imagine.
Poncho présentait effectivement l'expression de faux acquiescement hésitant qui donne un semblant de contenance quand on ne capte rien à ce qui se dit autour.
Je me chargeai de faire rapidement les présentations en voyant la question muette sur le visage des trois amis de l'orphelinat de Mr Fox.
- Si tu veux, je peux te la résumer en une phrase, fit Rowena. Si Poudlard avait participé à votre tournoi, Hélène Cerblanc aurait très probablement été désignée pour être le champion de l'école.
- Et Elton Andersen ? répliquai-je.
- Oui, bon, l'un des deux, accepta Rowena.
- Au fait Rowena, je crois que ta sœur vient de se caser.
- Quoi ? C'est une blague ? gloussa-elle.
- Pas du tout, je viens de la voir embrasser Luke !
- Non, pas possible ! Comment une personne saine d'esprit peut bien supporter ma sœur, c'est un truc que je pourrai jamais comprendre.
- T'exagères, fit la petite voix de Kathleen. Elle est un peu dure mais elle a un bon fond, Lyra.
- Peut-être, mais il faut bêcher des années pour le dénicher, ce fond.
Johan Brown aperçut quelqu'un qu'il connaissait et lui fit signe de venir.
- Qu'est-ce que tu fous là ? Tu danses pas ? C'est la soirée idéale pour pécho, fit le nouveau.
- J'ai rencontré des gens d'autres écoles, répondit Johan Brown. Je danserai plus tard.
Son copain était plutôt petit, avec un brushing digne d'Hollywood, et d'énormes lunettes de hipster. Il nous détailla à son tour, surpris.
- Cool ! Vous venez d'où ? Bienvenue à Treehall ! Vous êtes bien installés ici ? C'est vous qui avez organisé la soirée ? Il faut absolument que j'appelle Joe et les filles.
- Je vous présente Joey, fit Johan Brown.
Nous fîmes nos présentations, mais le Joey en question paraissait avoir déjà d'autres idées en tête et n'écoutait qu'à moitié. Il agita les bras en direction de la piste de danse, et un autre garçon, beaucoup plus grand, nous rejoignit.
- Hey ! Joe ! Viens avec nous, on fait du social, s'exclama Joey. Elles sont où les filles ?
- Salut, lança celui-ci.
Nous refîmes les présentations, sans plus de succès. Un groupe de filles débarqua derrière leurs copains en râlant.
- La soirée est pas finie, les gars, allez !
- On fait des rencontres, expliqua Joey. Ils sont de Poudlard. En Angleterre.
J'avais l'impression d'être une statue de Laura Ingalls exposée dans un salon de SF. Et Poncho avait été complètement ignorée.
- C'est l'école anglaise qui s'appelle Poudlard ? demanda une fille avec un bandeau à fleurs autour du front et des lunettes rondes qui lui donnaient un air de hippie. Dites, c'est vrai que vous vivez comme au Moyen-Age là-bas ? Que vous avez ni internet ni smartphone ? Que vous vous éclairez à la bougie et tout ?
Le ton était tellement condescendant que je brûlais de rétorquer quelque chose, mais ce qu'elle avait dit était aussi tellement juste qu'il n'y avait rien à répliquer.
- On a internet, répondit Alyss au bout d'un moment. Et on utilise des broches Katz plutôt que des téléphones moldus.
Je me retins de demander ce qu'était une broche Katz pour ne pas passer pour une demeurée. Ils avaient tous l'air de connaître.
- On a une appli Katz sur nos portables, reprit la fille. Mais au moins on peut jouer aux mini jeux des no-maj' et prendre des photos. En ce moment il y a beaucoup d'applis magiques qui sont sorties. Vous devriez vous moderniser, un peu. En plus, vous avez vraiment un accent trop bizarre ! Comment vous dites, déjà, pour les no-maj ?
- C'est bon, Abigail, l'arrêta une autre fille au nez long et avec une queue de cheval. S'ils ont pas de portable, c'est parce qu'ils ont historiquement plus de mal à gérer les no-maj', alors ils en ont plus peur qu'ici. C'est bien dans votre école où on n'accepte que les sang-purs ?
Cette conversation devenait franchement gênante. J'échangeai un regard avec Rowena, Kathleen et Alyss.
- Pas vraiment, répondit ce dernier. Mais effectivement, jusqu'à récemment, une de nos quatre Maisons acceptait pas de né-moldu.
- C'est affreux, commenta Johan Brown.
- Mais, comme je le disais, ça a changé, continua Alyss en fronçant les sourcils. Aujourd'hui, Serpentard accueille aussi bien les nés-moldus que les sang-purs. La preuve, un des meilleurs potes de Face-de-rat est de famille moldue.
- Tu te souviens de ce qu'on avait lu l'autre fois, Emma ? fit Abigail. A propos du fait que l'Angleterre avait un cycle très productif d'environ un ennemi public raciste anti-no-maj' tous les vingt à trente ans.
- Ouais, je me souviens, confirma la fille à la queue de cheval. Ils citaient Jedusor et Bungle de ces dernières décennies. Je me souviens plus des anciens. Il y avait un Grindelwald, je crois.
- Eh bien, d'après eux, poursuivit Abigail en gloussant, le prochain devrait arriver très bientôt. Tenez-vous prêts. Il est peut-être déjà à l'école avec vous, qui sait ?
- Où est-ce que vous lisez ces trucs moisis ? grogna Alyss.
Elle leva les yeux.
- Oh, ça va c'était pour rire ! C'était dans le dernier numéro de Mégère bien aimée. Mais si tu veux une vraie info, ils disent que votre école va bientôt fermer à cause du nombre d'élèves qui diminue d'année en année, comme c'était le cas de Harsteen aux Pays-Bas à l'époque de nos grands parents. Dans quelques années, les sorciers de Grande Bretagne viendront étudier à Treehall. Ce sera chouette !
- Et ça aussi, tu l'as lu dans Mégère bien aimée ? se moqua Alyss.
- Ah, ça, c'était dans le New Orc Times ! Je cite pas n'importe quoi, répliqua-t-elle.
- C'est une blague, non ? hallucinai-je. Orc, comme dans Le Seigneur des Anneaux ?
Des paires d'yeux perplexes se tournèrent vers moi.
- Les Orc sont des créature intelligente de Amérique mais ils sont tous été tués par les colons, m'aida Poncho. Pour cette raison le titre journal est mal choisi. Il rappelle des mauvais souvenirs.
L'accent de Poncho laissa les nouveaux venus interdits. Ils remarquaient enfin que nous n'étions pas tous anglais.
- Tu m'as l'air assez minuscule, pour quelqu'un qui a connu des créatures disparues il y a plus d'un demi millénaire, ironisa Joe.
- En Nocheira, también se enseña lo que ocurió antes de la llegada de los hijos de farrencas quien mataron a mi pueblo, gilipollas.
Elle se leva rageusement sur ces paroles et disparut dans la foule dansante. Je poussai un cri interne de frustration. Je n'avais quasiment rien appris et voilà qu'un abruti venait de faire fuir ma potentielle informatrice. Tous ces efforts pour rien. L'envie de casser les dents de tout le petit groupe fut difficile à contenir.
- Qu'est-ce qu'elle a dit ? demanda Joey. Je crois que tu l'as vexée, Joe.
- Sans blague, répondit celui-ci.
- C'est qui le seigneur des anneaux ? fit Johan Brown en se tournant vers moi.
Je lui fus reconnaissante de détourner la conversation des quatre débiles.
- Tu connais vraiment pas ? C'est un livre moldu méga connu. Il y a même des films.
- Non, ça me dit rien, avoua-t-il.
- Si, je pense que tu en as entendu parler, mais sans te souvenir du nom, fit Rowena. C'est un scandale presque équivalent à celui de la Biographie. Ce livre a beaucoup fait parler de lui, plus ou moins pour les mêmes raisons. Les gobelins avaient même porté plainte pour diffamation.
- Ah, oui ! C'est vrai ! On en a parlé en cours d'Histoire de la magie. Ils ont perdu le procès, non ?
- Ouais, les créatures magiques intelligentes étaient assez peu considérées, à l'époque.
Des éclats de voix coupèrent notre discussion. Toutes les têtes se tournèrent vers l'origine du bruit. C'était quelque part vers l'entrée du Raton. Il me sembla reconnaître la voix de Steven au milieu des cris hystériques qu'il tentait de couvrir.
- Vous voyez quelque chose ? s'enquit Rowena. Qu'est-ce qui se passe ?
- Oh non... Me dites pas que c'est encore Sale Gosse qui fout le bazar, geignit Joe.
- Qui ça ?
Il se leva pour toute réponse et essaya de se frayer un passage vers l'entrée. Ses amis de Treehall lui emboîtèrent le pas et Johan Brown nous fit signe de le suivre. Le groupe hésita un moment, puis la curiosité l'emporta.
Le temps d'arriver en vue d'un Steven qui s'arrachait les cheveux, quelqu'un avait éteint la musique. Des tas d'autres élèves étaient venus demander ce qu'il se passait.
- Steven, m'inquiétai-je, ça va ?
Je me surprenais moi même à être tendre avec cet excité qui était plus lourd que drôle les trois quarts du temps. Il avait vraiment l'air au fond du trou.
- DISPERSION ! s'égosilla-t-il. Tout le monde à son dortoir ! On est grillés !
L'information se propagea dans la salle et les élèves commencèrent à vouloir partir dans la panique. Je me plaquai dans un recoin avec Plumeau en attendant que ça se calme. Une multitude de nos camarades venaient nous demander des explications, mais nous ne pouvions que leur répondre que nous en savions aussi peu qu'eux.
Une fois la foule partie, nous allâmes interroger Steven.
- Pas de question, c'est pas le moment, répondit-il, les profs risquent de débarquer à tout moment. On va se mettre dans nos lits et tout éteindre.
Cinq minutes plus tard, le Raton était plus calme qu'un cimetière. Des bruits de pas et de discussion se rapprochèrent, et de la lumière filtra sous la porte du dortoir. Une voix appela Steven Andersen dans le dortoir d'à côté.
- Tu crois qu'il va être renvoyé ? chuchota Plumeau. C'est un peu ma faute.
- Non, ils vont juste lui passer un savon et lui filer une punition magistrale.
- J'espère que t'as raison.
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- Maintenant que vous êtes des pros de la répulsion, énonçait le professeur Lewis, et ne pensez pas par là que je vous traite de gnomes repoussants, même si l'idée m'a souvent effleuré l'esprit, voire plus qu'effleurer, soyons honnêtes, bref. Voyons comment vous vous en sortez pour l'attraction.
Je soupirai de frustration.
- Si seulement on avait commencé par ça au lieu de ces trucs inutiles qu'on apprend depuis le début, j'aurais été moins dans la mouise la dernière fois, grognai-je.
- Hein ? se retourna Johan Brown.
J'échangeai un regard avec Plumeau et elle fronça les sourcils. Si je dévoilais le secret de Luke juste pour le plaisir de râler, je ne valais vraiment pas grand chose.
- Rien, rien, répondis-je.
- Vous avez eu des nouvelles de votre pote ? Celui qui a organisé le bal ?
- Pas vraiment, fis-je. On l'a pas croisé depuis.
- Kelvie nous a quand même dit en passant qu'il voulait plus nous voir, corrigea Plumeau. J'en déduis que Steven couve une certaine rancœur envers nous.
- Rien n'est sûr tant qu'on lui a pas parlé, répondis-je. Et c'était quoi cette panique d'un coup à la fin du bal ? Personne a voulu prendre le temps de nous tenir au courant.
- Sale Gosse, dit Johan Brown.
- D'accord, ça j'ai compris. C'est qui ? C'est lui qui a prévenu les profs ?
Il hésita.
- C'est plus compliqué que ça.
- Oui, je me doute bien que ça l'est, m'étonnai-je. Steven comptait sur le fait que les profs n'en auraient rien à cirer et croiraient à une mauvaise blague. Je partageais moyennement son assurance absolue mais je vois mal Hemingway ou un autre prêter attention à ce genre de mioche pendant une fête.
- Armstrong s'en fout pas, elle, lâcha-t-il.
- Attends... Il est allé voir la directrice ?
- C'est ça.
- Votre école est vraiment bizarre, lançai-je. Moi, si je vais voir Chourave pour cafarder, je risque de me recevoir des remarques et me recevoir dix points en moins de la part d'un prof avant d'arriver à destination. La directrice est pas si accessible que ça chez nous.
- C'est pareil à Treehall, mais c'est parce que Sale Gosse a un lien privilégié avec Armstrong. Elle répond à tous ses caprices, c'est saoulant.
- Pourquoi ? C'est sa mère ?
Il éclata de rire.
- Non, tu rêves ! Armstrong est complètement d'origine native et Sale Gosse est plus blond qu'un islandais. Comment ce serait possible ?
- Bon, quoi alors ?
- C'est galère à expliquer. Notre école accueille des sortes de pupilles. En Angleterre, vous devez pas connaître ça, mais il y a un certain danger à naître sorcier aux États-Unis, ces dernières décennies. Les no-maj' de ce pays ont une obsession pour le paranormal, et pas mal d'enfants se sont faits enlever par des services secrets pour pouvoir étudier leurs « superpouvoirs ». Et quand on arrive à les sortir de là, en général, il en reviennent complètement siphonnés du bocal. Sale Gosse est un de ceux-là.
- C'est horrible, commentai-je. Et Armstrong veille sur eux, c'est ça ?
- Elle s'en occupe comme ses propres enfants. Heureusement, ça arrive pas souvent. En ce moment, je crois qu'il y en a que deux à Treehall. Mais l'autre est plutôt discret et s'isole le plus souvent. Il doit être en septième année. Newt Rojas. J'ai dû le croiser une fois ou deux à tout casser depuis le début de l'année. Lui aussi, il en tient une couche.
Je jetai un œil vers Plumeau. Vu son expression, elle avait dû arriver à la même conclusion. Le rêveur taré qu'on avait croisé sur une haute branche sous la tempête avait de fortes chances d'être ce Newt Rojas. Encore un qu'on pouvait rayer de notre liste de suspects.
Plumeau et moi avions déjà éliminé Soleil-man à cause de ce que nous avait dit Poncho au bal. Si elle n'était pas sa complice, personne ne l'était. Il était trop malade pour ça. Le fait que Luke ait clairement entendu deux voix l'innocentait. Et avec le rêveur en moins, il ne restait que ce mystérieux barbu. Ce dernier n'était vraiment là que pour rallonger la liste artificiellement, mais au moins toutes les pistes ne paraissaient pas bouchées. Après une infime hésitation, je me lançai.
- Tu connaîtrais pas un barbu en septième année ou sixième année à Treehall ?
- Hein ? Pourquoi ?
- Pour rien. J'ai croisé quelqu'un, je me demandais si...
- Il y a beaucoup de barbus à Treehall, sourit-il. C'est notre côté bûcheron.
- Il est assez grand et baraqué, précisai-je. Il porte souvent un manteau beige. Les cheveux courts. Châtain. Profil d'ours.
- C'est précis, tout, ça, railla-t-il. T'es amoureuse ?
Je rougis violemment.
- Pas du tout ! N'importe quoi...
- Ah Ha ! Touché !
- Mais non, je...
- Elle les préfère poilus, renchérit ma voisine.
- Plumeau ! T'y mets pas toi aussi !
Johan Brown était mort de rire.
- Pas de problème ! Chacun ses goûts ! Même si...
Il fit mine de cracher une boule de poil.
- On a un compte insta pour l'école, pour partager les photos. Si je te montre les photos de classe, tu pourrais me dire qui c'est ?
J'acquiesçai frénétiquement. Plumeau fronçait les sourcils.
- Contemsta ? Le nom me dit quelque chose, mais...
- Non, sérieux ? Vous avez pas insta ? C'est la loose... sans vouloir paraître offensant.
- C'est un site moldu pour partager des photos et des messages, en gros, lui expliquai-je.
- Comme un téléphone portable, fit-elle.
- Mouais, sauf que non parce que c'est juste un site internet. Montre, pressai-je notre voisin.
- J'arrive, j'arrive.
Il trafiqua sur son portable un moment, puis me montra une photo de groupe. Je n'y voyais pas mon mystérieux barbu. Je secouai la tête en signe de dénégation. Il fouilla de nouveau.
- Et là ?
- Oui ! Là ! C'est lui !
- T'es sûre ?
Je confirmai.
- Ah... T'as vraiment pas de chance, c'est le petit ami de Lys, m'annonça-t-il tristement.
- La championne ? demanda Plumeau, qui s'intéressait tout d'un coup plus à la conversation.
Un échange de regards, et elle sut que j'avais aussi saisi. Nous avions notre complice.
- Ouais, répondit Johan Brown. Et pour le coup, elle, c'est une vraie belle gosse. T'as aucune chance. Désolé... C'est marrant, t'as l'air de plutôt bien accueillir la nouvelle.
Le sourire abruti qui étirait mon visage était difficile à dissimuler.
- Oh, non, je suis effondrée.
Soudain, le portable du garçon lui échappa des mains pour aller voler à travers la salle. Lewis le réceptionna agilement.
- Vous avez vu ? Un simple Accio. Et monsieur Brown se retrouve dans l'impossibilité de continuer à jouer sur son téléphone à la place d'écouter ce que je dis.
Il examina le téléphone avec intérêt en le faisant tournoyer dans les airs au-dessus de sa baguette.
- C'est le dernier sorti, on dirait. Vous savez pourtant ce que j'ai dit au début de l'année à propos des téléphones.
- Je suis désolé, professeur ! Je recommencerai plus ! Je vous jure !
- Je vous crois, fit-il en parant son visage d'un de ces rictus dont il avait le secret.
Sa baguette se leva.
- Repulso !
Le smartphone dernier cri alla exploser violemment contre le mur de la salle. Johan Brown poussa un cri et le reste de la salle eut une exclamation de surprise.
- Petit rappel du cours de la dernière fois, continua le prof comme si de rien n'était, le mouvement du poignet doit être souple mais ferme pour donner la juste puissance au sort de répulsion.
Il refit le geste plusieurs fois doucement. Notre voisin de cours avait tellement pâli que son teint bronzé habituel était presque devenu gris.
- Ensuite, petite démonstration pour l'exercice d'aujourd'hui, Accio débris !
Les morceaux épars du portable se rassemblèrent et vinrent se poser dans la main de Lewis, toujours souriant. Il déposa la carcasse sur le bureau et refit face à la classe.
- Monsieur Brown, vous viendrez chercher vos affaires à la fin du cours, et vous aurez un devoir supplémentaire pour la prochaine fois. Vous ferez des recherches sur le sortilège Reparo et vous nous expliquerez comment remettre tout ça en état, dans un petit exposé de dix minutes. Avec démonstration, évidement.
L'intéressé ferma enfin la bouche et retomba lourdement sur sa chaise.
- Passons aux travaux pratiques ! Fermez vos livres et poussez les tables contre le mur.
Il fut impossible de lui tirer un mot de tout le cours. Et à la sortie, il se contenta de dire :
- Je suis mort.
Plumeau fut plus utile que moi pour lui remonter le moral, comme souvent.
- Ne t'inquiète pas, je t'aiderai. J'ai pris un peu d'avance sur le programme.
- C'est vrai ? demanda-t-il d'un air contrit.
- Mais oui, le rassura-t-elle. Et puis c'est un peu à cause de nous, alors...
- Merci !
Il nous serra toutes les deux avant d'être appelé par ses amis du quatuor infernal. Au bout de quelques pas, il se retourna et nous lança :
- Vous avez des maillots ?
- Quoi ? répondirent la voix de Plumeau et la mienne à l'unisson.
- On va aller à la piscine souterraine ce soir, avec Joe, Joey et les filles. Vous voulez venir ?
- Une piscine souterraine ? fit Plumeau.
- C'est une blague ? demandai-je.
A Poudlard, parler de la piscine cachée était toujours une plaisanterie pour signifier qu'on racontait des mythos.
- Non, pas du tout, rit-il. Rendez-vous ce soir devant le Cheval. Je suis prêt à parier qu'il y aura Edward Griffin. Ton barbu. Et qu'il y aura une multitude de poils !
J'allais répliquer, mais Plumeau fut plus rapide.
- D'accord ! A ce soir !
Il partit en courant pour rattraper le groupe et disparut derrière un tournant.
- Des poils ? Il était sérieux ? C'est quoi cette réputation que je viens de me faire ?
- On s'en fiche, il y aura le mystérieux barbu, et probablement aussi Lys. C'est l'occasion.
- C'est une mission espionnage ?
Elle me présenta sa main en l'air et je tapai dans sa paume ouverte.
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Les étages de Treehall étaient reconnaissables à leur luminosité. Même sans aucun panneau d'indication, il était toujours possible de se situer en niveau de profondeur. L'Humus dégageait une aura sylvestre presque féerique grâce à tous les puits de jour artificiels qui perçaient les galeries et les racines qui s'enroulaient partout en une architecture complexe. L'atmosphère du Sous-sol, à mesure que l'on s'enfonçait sous terre, prenait une teinte ocre chaleureuse. On n'y rencontrait plus de puits de jour, les racines se faisaient rares et les couloirs étaient éclairés par une lueur rouge-orangée filtrant à travers des fissures qui suivaient les galeries tout du long. A chaque fois que je m'étais aventurée si bas dans l'école, j'avais toujours cette sale impression d'avancer vers les portes de l'enfer. Mais quand on continuait à descendre, les couleurs ternissaient jusqu'au gris de la Roche. Plus de terre à cet étage, les murs étaient creusés directement dans la pierre. Des lumières flottantes d'un blanc électrique couraient au plafond et donnaient un teint blafard à toute personne qui venait s'aventurer par ici.
Je n'étais jamais allée aussi loin dans l'école. Les cours ayant lieu dans la Roche étaient assez rares, et ils se situaient plutôt à la lisière avec le Sous-sol. Johan Brown et les quatre autres nous conduisaient toujours plus bas. Plumeau fit habilement remarquer qu'on allait crever quand il faudrait remonter.
Le couloir que nous suivions se terminait sur un escalier qui descendait. Seules les deux premières marches étaient au sec, ensuite elles plongeaient dans l'eau. Un visage amérindien avec une coiffe à plumes était gravé sur le mur de gauche. Nous attendîmes toutes les deux que quelqu'un nous explique comment nous allions accéder à notre destination.
Mais, contre toute attente, Joey se mit face au visage taillé dans la roche et pointa sa baguette sur le nez en bec d'aigle.
- Éloignez-vous, conseilla Emma.
- Revelio.
La pierre se fissura et toute la sculpture s'effondra en un tas de graviers, laissant à sa place un trou dans le mur. Joey s'y glissa, les autres à sa suite.
- Wahou, murmurai-je.
- Énorme, hein ? fit Johan Brown avec de la fierté plein la voix.
- Qu'est-ce qu'il y a en bas de cet escalier ? demanda Plumeau.
Elle montrait le passage inondé.
- Aucune idée, répondit-il. Encore des couloirs et des salles de cours, probablement. L'école continue encore beaucoup plus profondément qu'ici, mais comme c'est sous l'eau toute l'année, maintenant, c'est condamné. C'est un peu la partie mystérieuse de Treehall, si vous voulez. Au début de l'année, dès qu'on m'en a parlé je me suis promis d'aller explorer ce qu'il s'y trouve. Mais depuis qu'on m'a dit que ça grouillait de bestioles dangereuses, là-dessous, j'ai changé d'avis. Il y a quelques années, un septième année a voulu faire le malin en y allant quand même et il s'est fait bouffer par un kelpy.
- On va en rester à la piscine souterraine, conclut Plumeau avec un demi-sourire inconfortable avant de s'engouffrer dans l'ouverture derrière Johan Brown.
Je passai en dernier et débouchai sur une immense salle creusée par l'eau, avec des centaines de stalactites au plafond et des colonnes de pierre un peu partout. Au milieu, dans un énorme bassin, il y avait effectivement une étendue d'eau, même si elle tenait plus du lac souterrain que de la piscine. Il y avait foule, à la fois dans l'eau et au-dehors. Il y avait un brouhaha permanent et des bruits d'éclaboussures quand des téméraires plongeaient du haut de promontoires rocheux.
Je jetai un coup d'œil derrière moi et remarquai que le mur était intact. Des plumes en pierre faisaient saillie le long de l'endroit où se trouvait sûrement la coiffe du visage de l'autre côté.
Je tentai sans succès de repérer le mystérieux barbu. Avec le monde qu'il y avait, c'était peine perdue. En un temps record, nous étions changés et immergés. L'eau était une merveille de pureté. On pouvait apercevoir le moindre détail de la roche polie au fond du bassin. En revanche, elle était étonnamment chaude.
Un tsunami nous éclaboussa quand un garçon plongeant du haut d'un promontoire fit un énorme plat juste à côté de nous. Il émergea et cria joyeusement une phrase d'une langue inconnue en direction de là d'où il avait sauté.
- Les cachalots, sur le rivage ! pesta Joey qui avait maintenant les lunettes pleines de gouttes d'eau. Gros débile !
- Pousse-toi, Joey, je crois qu'il y a son copain qui va suivre, remarqua Emma.
Un autre garçon était effectivement en train de prendre son élan tout là-haut. Il courut jusqu'au bord et bondit dans les airs. Il eut le temps de réaliser un paquet de pirouettes acrobatiques avant de se mettre en boule et nous renvoyer une vague monstrueuse. Joey gesticula en vociférant son avis sur la taille de leur cerveau.
- C'est un des champions, s'excita Abigail. Celui de Kai'ohana. Ah, qu'est-ce qu'il est beau !
Joey arrêta de râler et afficha une tête hurlante de jalousie.
- Je vois pas ce qu'elles lui trouvent, fit-il. Il est laid comme un troll.
Il avait un visage atypique, en effet. Long, avec des pommettes hautes et le menton massif, des grands yeux de biche et une coupe au bol qu'on aurait trop laissé pousser. Il s'avança aux côtés de son ami vers le bord et se découvrit un corps musclé taillé en V. C'était peut-être ça qu'elles lui trouvaient, supposai-je. Je me retournai vers les autres et tombai nez-à-nez avec le sourire moqueur de Johan Brown.
- C'est pas la peine de le détailler comme ça, lança-t-il. C'est pas du tout ton genre, il est complètement glabre.
- Ça veut dire quoi, ce mot barbare ? demandai-je avec la certitude que ce ne serait rien de bon.
- Ça veut dire qu'il a pas un poil, sourit Plumeau.
- Vous allez arrêter avec ça ? m'écriai-je alors qu'ils se mettaient à rire comme des bossus.
- On va dans la grotte ? proposa Joe.
- Oh non, ça va être plein de septième années ! On va se faire jeter, râla Joey.
Mais la proposition était plus une invitation à le suivre, car Joe s'éloigna sans donner de réponse. Les autres le suivaient alors nous fîmes de même.
Il nagea vers un endroit où l'eau était plus profonde et plus sombre. Juste avant d'atteindre le mur rocheux qui plongeait à-pic dans l'eau, nous le vîmes disparaître sous la surface.
- Joeey, tiens-moi la main, j'aime pas ouvrir les yeux sous l'eau, ça me pique après, pleurnicha Abigail.
Il soupira et l'attrapa par le bras. Un par un, nous plongeâmes.
Le mur vertical et lisse continuait un ou deux mètres plus bas maximum, jusqu'à se terminer brutalement, laissant la place à un passage sous la roche d'aspect peu accueillant. Les autres s'engouffrèrent dans l'obscurité. Je me glissai à leur suite en priant pour que les tonnes au-dessus ne choisiraient pas ce moment pour nous aplatir.
Un boyau de lumière apparut. Faible, puis plus intense. J'émergeai dans une petite grotte baignée d'une luminosité douce et chaude. Le sol remontait en pente douce vers une minuscule plage de galets qui était déjà bondée.
- Plus une seule place au sec, constata Johan Brown d'un ton dépité. On a plus qu'à s'installer dans l'eau.
Mais mon attention était déjà accaparée ailleurs. Je donnai un coup de coude à Plumeau.
- Regarde, chuchotai-je.
Ses yeux s'agrandirent et l'excitation apparut sur son visage.
- Le Mystérieux B...
Elle me fit signe de me taire. Elle avait compris. Il était à un mètre de nous à peine, et discutait bruyamment avec son groupe. Ou plus exactement, son groupe parlait fort et il se contentait de hocher la tête de son air mystérieux. Lys, la championne de Treehall, était parmi eux et se lovait contre lui. Je ne l'avais jamais aperçue auparavant. Ses formes trahissaient clairement une origine native. Pourtant, ce n'était pas évident au premier regard, car sa peau et ses cheveux étaient d'un blanc laiteux. Elle les avait coiffés en une lourde natte passée sur une épaule.
Un coude dans les côtes me coupa de ma contemplation. Johan Brown me faisait des clins d'œil appuyés qui ne pouvaient passer inaperçus que pour un myope. Je lui lançai un regard assassin. Si après ça notre cible venait à se méfier, j'allais lui déterger la face avec un récurant pour chaudron.
- Bouge tes fesses, Joey, tu prends toute la place, geignit Abigail.
- … arrêtez de me mettre la pression, je trouverai bien un moyen.
- Laisse-moi t'aider, Lys. Rien ne l'interdit, dans le tournoi. Et lors de l'épreuve, tu seras vraiment seule, cette fois. Les aigles viendront pas t'aider à chaque fois.
- Je sais, rétorqua-t-elle d'un ton agacé. J'ai déjà grillé ma cartouche auprès d'eux. De toute façon, continua-t-elle en chuchotant, si la prochaine épreuve est bien un labyrinthe de glace, ils me seraient d'aucune utilité. Si je trouve pas un moyen de me protéger du froid d'ici une semaine, je vais geler sur place dès les premières secondes.
- Ah, ça y est, il était temps que tu me dises ce que tu avais trouvé sur la prochaine épreuve !
Le Mystérieux Barbu semblait se réveiller.
-Parle moins fort, chuchota-t-elle, on est entourés d'oreilles indiscrètes. Et puis, fais-moi confiance.
- Je voulais juste me rendre utile. Bien sûr, mon amour, je te fais entièrement confiance. Tu es la fille la plus douée de l'école, de loin.
- Attends, Lys, tu viens vraiment de dire que t'as pas la moindre idée de comment survivre à la prochaine épreuve ? coupa un troisième. Tu dois absolument gagner cette coupe. Au moins pour les Louveteaux. On nous donne enfin notre chance de prouver notre valeur. Si on se plante, notre réputation nous collera pour toujours.
- Je m'en polis la baguette de la réputation des Louveteaux. On aura beau pondre mille présidents on sera toujours les bébés.
- Mais Bean...
- Tu peux pas être un Louveteau et écouter ce que Bean dit, cracha-t-elle. Ce sont tous nos ennemis, et par-dessus tout Bean et ses Ourses.
- C'est lequel, Bean ? demandai-je à voix basse vers Plumeau.
- Le directeur adjoint, le costaud avec un sourire de pub qui donne toujours l'impression d'avoir du soleil dans les yeux.
- Ah oui, c'est vrai. C'est quoi le problème avec les Louveteaux ?
- Qu'est-ce que tu veux que j'en sache ? Demande à Johan.
Je reposai la question à mon voisin, qui fut plus que content de trouver une distraction à la parade nuptiale entre Abigail et Joey.
- C'est une histoire qui remonte à des siècles. Au moment de la fusion entre Ilvermorny et Adoeete.
Jusque là, je m'étais faite à l'idée qu'Ilvermorny n'était finalement qu'une autre invention. Un souffle d'excitation vint me traverser.
- Ilvermorny ?
- C'était l'école pour les colons européens, expliqua Johan Brown. Fondée par une anglaise de Poudlard, d'ailleurs. Après des années et des années de conflits avec les natifs américains de Adoeete, les deux directeurs de l'époque, Franklin Fletcher d'Ilvermorny et Gaagi de Adoeete, ont décidé de fonder une même école où tous les sorciers Nord-américains seraient sur un pied d'égalité et apprendraient les mêmes choses. L'école d'Ilvermorny a été laissée à l'abandon et Adoeete a pris le nom de Treehall.
Alors pourquoi JK Rowling parlait d'Ilvermorny mais ne mentionnait jamais Treehall ? Elle ne s'était pas gênée pour Poudlard. J'exprimai ma perplexité à Johan Brown.
- Ah... En fait... Briser le secret de la magie aux no-maj' est passible de la peine de mort, ici, en fonction des conséquences. Elle est pas passé loin en parlant du MACUSA ces dernières années, mais d'après notre cours de Gestion des no-maj', elle a reçu un avertissement avec le détail de toutes les conneries qu'elle devait dire pour noyer l'info. On en a plus entendu parler depuis...
- Wahou... ça rigole pas, chez vous... mais ça me dit pas pour les Louveteaux... commençai-je.
- Attends, j'y venais, mais tu me fais dériver de sujet, m'arrêta-t-il. Ilvermorny avait repris le système de Maisons de Poudlard, mais Adoeete en avait aucune. Pour partir sur de nouvelles bases, les quatre Maisons d'Ilvermorny ont été laissées de côté et quatre nouvelles Maisons, enfin Tribus, ont été créés selon des animaux totem choisis par les élèves et profs d'Adoeete. Les Ourses, les Scorpions, les Vautours et les Chevaux. Sauf qu'au bout de quelques mois, ils se sont aperçu qu'avec la fusion des deux écoles les élèves étaient trop nombreux pour le vieux système à quatre Maisons, et une cinquième a été créée.
- Les Louveteaux ?
Il hocha la tête.
- Sauf que les Tribus étaient déjà soudées. Personne ne voulait changer. Donc il ont pris les cancres et les sans amis dans chaque Tribu pour former les Louveteaux.
- D'où la sale réputation de bons à riens, j'imagine, conclus-je.
Je tendis à nouveau l'oreille vers le groupe de septième années, mais la conversation avait déjà bien évolué.
- … t'y vas un peu fort. Je vois mal Bean faire un truc pareil.
- Il en est parfaitement capable. Son but, c'est de faire des Ourses une Tribu d'élite. Avec un objet comme le Choixpeau de Poudlard, il pourrait facilement réaliser son rêve.
Il n'existait qu'un seul objet comme le Choixpeau et il était bien gardé dans le bureau de la directrice de Poudlard. Bean ne risquait pas de mettre la main dessus tant que Chourave était en vie, me rassurai-je.
- … En tout cas, continua Johan Brown qui n'avait pas capté que je ne l'écoutais plus, les Louveteaux comptent bien redorer leur image cette année avec le tournoi. Lys est en tête, et c'est pas que de la chance. Les autres concurrents ont qu'à bien se préparer. Allez Treehall !
- Garde ta salive pour l'épreuve de la semaine prochaine, le coupa Emma qui semblait elle aussi s'être lassée des autres.
- Vous devriez être avantagés, fis-je, étant donné que les deux autres écoles sont au niveau des Tropiques. Ils doivent probablement connaître le froid pour la première fois cette année. Alors une épreuve dans la glace...
- Dans la glace ?
- Heuu...
Je ne savais pas si j'avais vraiment intérêt à répandre l'info. Je noyai le poisson tant bien que mal, mais je sentis que Johan Brown abandonna plus par politesse que par réelle satisfaction.
Bien plus tard, le groupe nous fit ressortir de la piscine souterraine par un passage incroyable. Il n'était pas question pour Abigail de remonter tous ces escaliers depuis la Roche jusqu'à l'Humus. Emma entra la première dans ce qui ressemblait à une alcôve dans la pierre où pouvait se tenir une personne debout. Sauf qu'au-dessus de sa tête s'ouvrait un tunnel creusé s'enfuyant vers le haut. Elle le pointa du doigt.
- On repart par là, nous fit Joe.
- Hein ? Et comment on escalade ça ? C'est tout lisse.
Johan Brown nous fit signe de regarder. Emma leva sa baguette et marmonna quelque chose, puis en une demi-seconde elle fut happée dans le tunnel et disparut.
- Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Je rentre pas là-dedans, moi, recula Plumeau.
Elle y rentra quand même et fut aspirée de la même façon. Les autres suivirent et Johan Brown me fit passer avant lui. Je me plaçai avec hésitation dans le creux taillé sous la pierre et regardai en haut. Le tunnel était juste assez large pour laisser passer une personne. Il ne fallait pas être trop gros. Le bout n'était pas visible et on ne distinguait que l'obscurité au-delà d'une dizaine de mètres.
- La formule c'est Ascendio, souffla Johan Brown.
Je levai ma baguette et prononçai la formule avant de commencer à réfléchir que je pouvais très bien aller m'écraser contre un rocher planqué dans le noir au-dessus. En une fraction de seconde, le sol ne fut plus palpable sous mes pieds et je sentis l'accélération au creux de mon estomac. Ce fut d'abord le noir, puis le tunnel s'éclaira en une multitude de cristaux multicolores luminescents accrochés aux parois, transformés en étoiles filantes par la vitesse. Les éclairs de lumière pure finirent par se tarir et ce fut à nouveau le noir.
Enfin, je finis par jaillir dans une pièce remplie de coussins, où les autres me regardaient m'envoler en souriant en attendant l'atterrissage. Celui-ci fut rendu moins violent par les multiples matelas et édredons censés amortir le choc, mais ce ne fut pas non plus agréable. Je me relevai avec la nausée et décidai d'attendre un peu.
Johan Brown surgit à son tour et atterrit souplement sur ses deux pieds.
- Alors ? C'était comment ?
J'évitai d'ouvrir la bouche de peur de retapisser la pièce.
- Génial ! fit Plumeau.
Il parut satisfait par sa réponse et je n'eus pas à compléter, heureusement. La pièce donnait sur l'extérieur par une trappe au plafond, et la température se faisait sentir. Heureusement, une porte classique nous fit sortir au niveau -1 de la Litière. Il ne restait plus qu'à redescendre les escaliers jusqu'à l'Humus.
Sur le chemin du retour, je sentais quelque chose me titiller, sans arriver à mettre le doigt dessus. C'était extrêmement désagréable.
- Au fait, Johan, tu connais Luke ? demanda Plumeau. Il était à Treehall en première année l'an dernier. Il a déménagé en Angleterre, donc il est à Poudlard cette année.
- Non, ça me dit rien. Mais s'il est parti à la fin de l'année dernière, je risque pas de l'avoir rencontré. Il était des Chevaux ?
- Ah, il m'a jamais dit de quel Tribu il était. Je te pose la question parce que depuis le début de l'année, il a pas eu l'air d'aller retrouver des copains de l'an dernier. Il devait être bien seul, en première année.
Le détail qui m'échappait m'apparut en un éclair. Je saisit Plumeau par les épaules.
- Bean !
- Quoi, Bean ?
Elle affichait un air choqué.
- Bean ! C'est lui ! Le Choixpeau ! Chourave ! Luke !
Seuls les mots clefs sortaient.
Malgré mes difficultés de communication, je devinai à son expression qu'elle avait saisi l'essentiel.
- Bordel de banquet de faykrill.
Toute notre ridicule liste de suspects partit en fumée, et je pris enfin conscience que nous nous étions mêlées de quelque chose qui dépassait ce que deux première année pouvaient empêcher.
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