Chapitre 8 : La Troisième epreuve, ou Many sans baguette se promène dans Ilvermorny
- … La course est très serrée ! Gardener a comblé son retard et continue à progresser malgré son handicap hérité de l'épreuve précédente ! Quiroz la talonne de peu, et semble adopter comme tactique de suivre son sillage pour s'épargner les affrontements avec les créatures magiques. Malin ! De son côté, Mahi'hai continue de tracer en tête avec déjà six anneaux sur les treize nécessaires pour amadouer les nuées de feux follets qui barrent le passage final !
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Ce chalet était un dédale. Je ne voyais pas l'ombre d'une sortie. Je traversais des pièces désertes mais toujours meublées. La plupart étaient remplies de tables et de chaises, mais d'autres ressemblaient plus à des salons ou des salles de détente. Des objets reposaient un peu partout dans un désordre chaleureux, mais l'absence de vie rendait le lieu étrange. Il y avait des fenêtres un peu partout, mais pas moyen de les ouvrir. Elles donnaient sur une forêt en pleine nuit et on devinait que la maison se trouvait dans une sorte de clairière.
La sensation d'étrangeté se concrétisa quand je m'aperçus après avoir monté plusieurs escaliers que les fenêtres donnaient toujours sur le rez-de-chaussée et la même forêt.
Je me surpris à trottiner gaiement malgré ces bizarreries. Après tout, le vide qui m'habitait pouvait vivre dans un univers où la notion d'étage n'existait pas. Tout était très simple, finalement.
Frétillait dans l'air une brise chaude qui provenait d'un peu plus loin. Je savourai l'instant et me décidai à flâner un peu dans les salles de classe en direction de cet agréable courant d'air chaud. Je trouvai un tableau noir et saisis une craie avant d'y dessiner quelques fleurs. D'autres avaient laissé leur prose là-dessus.
«Mon cœur est stupéfixé par les courbes de ta longue robe rouge, Mary 3 Veux-tu venir au bal avec moi ? Thomas »
«Allez les Serpents Cornus ! »
«Bite »
«Ilvermorny 1781 ! »
«Thunderbird wins ! »
J'y ajoutai ma patte : « Malany was here » avec un petit arc-en-ciel à côté. Tiens ! C'est vrai que c'était mon nom, ça, Malany. Il sonnait bizarre. Ma tête n'était donc pas si vide que ça, tout compte fait. Elle hébergeait quelqu'un avec un nom. Mon regard se posa sur un monticule de magazines, cahiers, et affiches qui traînaient par terre, débordant de la petite étagère dans laquelle ils avaient dû être rangés un jour. Je fourrai la craie dans ma poche et feuilletai quelques pages.
- AaaAtchoum !
J'agitai la main pour éparpiller le nuage de poussière qui m'avait assailli. Celui que j'avais ouvert indiquait à la une : Menelas Molock a enfin accompli l'impossible, devenant le premier sorcier à poser le pied sur Titan. Je le retournai. Il datait de 1758. L'article montrait un homme avec une perruque, la tête dans une bulle mouvante sur le croquis, agitant un coquillage en conque au bout d'une ficelle. Il avait un air rigolo et des poils de nez dépassaient de ses narines. J'arrachai la page et la fourrai dans ma poche arrière.
Je dénichai de cette manière des tas de jolies trouvailles. Je me baladai donc, légère comme une brume, l'esprit aussi vide que la conque du poilu, l'âme en joie, avide de découvertes.
Le souffle d'air chaud se faisait plus palpable à mesure que l'avançais. Je couloir que je suivais était à présent marqué au sol par des traînées noirâtres, comme tracées au tison.
Je jetais des coups d'œil par-ci par-là par les portes ouvertes que je dépassais. Débordant de l'une d'elles, des mèches de cheveux blonds étaient étalées sur les lattes. Les traces au sol et le souffle chaud provenaient de cette pièce. Je m'approchai pour regarder. Je ne m'attendais pas à ce que je découvris. Les cheveux appartenaient à une crinière de lion profondément endormi. Plus étonnant, sa queue était remplacée par un long dard de scorpion. Je me fis fourmi et traversai la salle à pas de velours. Quel étrange animal.
Je passai plusieurs portes et longeai quelques couloirs. La chaleur m'enveloppait à présent comme une couverture. Des braises rougeoyaient encore de manière éparse dans le creux des sillons noircis. Quand le chemin obliquait, les traces remontaient contre le bas du coin du mur en des accrochages griffés encore fumants. La chaleur devenait brûlante mais la curiosité était trop forte. Je me laissai guider. Je marchais en longeant les murs, le centre du couloir étant complètement carbonisé. Des petites flammes survivaient encore, isolées et rares d'abord, puis une ligne de feu se poursuivit, ininterrompue. Je passai le dernier coude et en découvris enfin l'origine.
Une tortue de la taille d'un chien gisait au milieu de la pièce, sa carapace épaisse couverte de pierres précieuses flamboyantes grâce au reflet du feu. Elle reposait au milieu d'un foyer de flammèches naissant du magma qui s'écoulait de la profonde fissure craquant sa carapace. Je la crus morte d'abord, puis un gémissement d'animal blessé s'échappa de son bec. Je m'accroupis à côté mais sans vraiment savoir quoi faire.
- T'es qui, toi ? me parvint une voix derrière mes épaules. Non ! Pas de mouvement brusque ou je t'explose.
Une fille étrange avec de beaux cheveux blancs nattés se tenait à quelques de mètres de moi, comme si j'allais la mordre ou quelque chose du genre.
- Malany, répondis-je.
C'était bien la seule réponse que je pouvais lui donner.
- J'ai mal formulé ma question. T'es quoi, exactement ? Une créature métamorphe ? C'est toi qui as tué ce crabe de feu ?
Sa question me laissa perplexe. J'étais un être humain. Enfin, normalement. Anglaise. Je me souvenais avoir grandi à Cambridge, avec mes parents. Et Will.
- Tu comprends ce que je dis ? Tu sais parler ?
- Oui, oui, acquiesçai-je. Est-ce que tu aurais vu un garçon blond, un peu gros ? Je crois que je l'ai perdu, mais je sais plus très bien où... Tu sais où on est ?
L'impression de néant dans mon esprit disparaissait, mais ma mémoire restait mitée comme un vieux pull de grenier. Je devrais être à la maison en train de prendre le goûter avec Willie, pas dans cet endroit bizarre. Est-ce que j'étais en train de rêver ?
- Reste où tu es, ordonna la fille en se rapprochant prudemment. J'ai l'impression de t'avoir déjà croisée...
- Moi aussi, pensai-je tout haut en avançant d'un pas.
Elle fit un bon en arrière et me pointa avec le bâton qu'elle tenait dans sa main. Je ne voyais pas trop quelle était la signification de son geste. Peut-être qu'elle voulait que je le prenne ? C'était la première vraie personne que je croisais ici et avec un peu de chance elle m'emmènerait loin de ce lieu étrange.
Je tendis la main pour attraper la branche et un éclair jaillit. Je sentis un choc et perdis connaissance.
Mes idées se remirent en place très vite. J'imagine qu'un esprit à moitié vide remet plus rapidement de l'ordre en son sein. La première chose que je constatai était que la tortue en feu était morte. Le feu était éteint. La fille avait disparu, évidement. J'eus à peine le temps de me relever qu'un garçon arriva en courant à l'endroit même où s'était tenue la fille quelques minutes plus tôt. Celui-là était vêtu richement. Les étoffes rouge sang qui tombaient de ses épaules étaient brodées de fil d'or et des disques dorés ornaient sa poitrine et ses oreilles. Les disques se mirent à briller.
- Comment on sort d'ici ? Je suis per...
Un éclair et un choc.
On s'habitue vite à sortir de l'inconscience. Je bondis sur mes pieds, à l'affût du prochain à surgir du couloir d'en face. Mais rien ne vint.
- Qu'est-ce que c'est que cet endroit pour tarés ?
Je repris mon chemin d'un pas plus rapide, et moins guilleret.
- WILL ! MAMAN !
Je choisis cette fois de descendre tous les escaliers que je croisais. Si toutes les fenêtres montraient un rez-de-chaussée, alors il n'y avait aucune raison que l'étage par lequel j'étais arrivée soit le vrai rez-de-chaussée. Le véritable devait se trouver quelque part en-dessous.
Je traversai mille salles et mille couloirs, tous différents, mais toujours le bois, les poutres et le parquet dominaient l'atmosphère. Je dépassai quelques foyers qui crépitaient dans leur âtre et me demandai qui avait bien pu les allumer. En dehors des deux bandits que j'avais croisés tout à l'heure, l'endroit était désert.
Je traversai une bibliothèque immense. Je ne distinguais même pas les rayonnages les plus hauts. Une couche de brume tombait comme un deuxième plafond à quelques dizaines de mètres au-dessus de moi. Des échelles montaient à la verticale vers l'inconnu.
- Vous paraissez bien jeune pour être une participante du tournoi.
Je frôlai l'arrêt cardiaque en me retournant sous le nez d'un personnage translucide flottant au-dessus du sol.
- Un... un... un FANTOME ! Aaaaah !
- Chht, chuut, calme-toi... Aïe, mes pauvres tympans...
J'étais déjà en train de prendre mes jambes à mon cou. Où est-ce que j'étais tombée ? Un chalet où tous les étages donnent sur le rez-de-chaussée et où errent des fantômes ? J'étais tombée dans un manoir hanté !
Je courais dans tous les sens, mais je tournais en rond, sans arriver à quitter la bibliothèque. Je courus jusqu'à-ce que le souffle me manque, puis me résolus à faire une pause.
- La sortie est en haut. Tu n'arriveras à rien en courant comme...
- Aaaah ! Vas-t'en ! Je veux sortir d'ici !
- Alors arrête de te tortiller comme ça, voyons ! Écoute moi. Je vais te montrer le raccourci, on m'a posté ici exprès.
Je retrouvais mon calme petit à petit. Mais la situation gardait une étrangeté manifeste. Peut-être étais-je juste en train de rêver. Le fantôme soupira. Il était habillé d'une redingote et d'un chapeau haut-de-forme, et me fixait à travers un monocle grossissant, ce qui lui donnait un air idiot avec ses yeux dépareillés.
- C'est une vraie corvée, cette épreuve. Le syndicat des fantômes en entendra parler, tu peux me croire. Je fais ça bénévolement, en plus, tu imagines ?
- Quoi ?
- D'accord, je ne dépense ni en nourriture, ni en garde-robe, ni en un logement, mais je garde une dignité et j'estime que tout travail mérite salaire, n'est-ce pas ?
- Euh... Oui, j'imagine.
- Qu'est-ce que tu me veux ?
- C'est vous qui me courez après ! m'insurgeai-je.
Il ôta son monocle et sembla remettre les idée en place. Puis il éclata d'un rire fantomatique.
- Je me laisse facilement emporter à cause de ces histoires de droits civiques des fantômes, c'est un combat que je mène depuis tant de siècles sans avancer d'un poil...
Il se racla la gorge et se para d'un air solennel.
- Bienvenue, chère championne, dans la Grande Bibliothèque d'Ilvermorny, où est accumulé le savoir de générations de sorciers aventureux, mais aujourd'hui c'est pour toi l'opportunité de prendre dix longueurs d'avance sur tes concurrents. Tu es au seuil du trou d'occamy percé juste pour l'épreuve, et j'en suis le gardien.
Je ne pigeais rien et ça devait se voir, car il commençait à se balancer d'un pied sur l'autre, enfin d'un nuage brumeux sur l'autre, devant mon silence, comme si j'étais supposée dire quelque chose.
- Voilà, ajouta-t-il.
Je ne voyais pas bien de quoi il parlait. Il se racla la gorge à nouveau.
- Tu veux passer par le raccourci ou pas ? Tu es bien une championne, non ? Je ne devrais pas dire ça, mais le trou d'occamy mène quasiment à l'arrivée. Je suis censé énoncer une énigme stupide, et si tu donnes la mauvaise réponse, te conduire dans le mauvais raccourci pour te faire tomber dans un nid de créatures maléfiques, mais honnêtement, ça me brise le monocle de jouer le jeu docilement contre mes principes. Le jour où on reconnaîtra les droits des fantômes, on verra pour les énigmes. Je vais juste te monter le bon raccourci, et tu leur raconteras comment tu as finement répondu à mon énigme si difficile. Marché conclu ? Pas un mot à Armstrong.
Je hochai la tête, trop contente d'avoir trouvé une sortie inespérée.
Il me désigna une échelle un peu plus loin.
- C'est tout en haut, au sommet de cette bibliothèque, il y a des ouvrages sur les chimères, qu'il faut pousser pour faire un passage. Pile à cet endroit, il n'y a pas de fond. Il y a un portrait à côté, c'est le faux raccourci, ne t'en approche pas. Ah ! Tiens, j'oublie.
Il me tendit un petit anneau en métal que je glissai dans ma poche pour ne pas le vexer et le remerciai.
En quelques vingtaines d'échelons, j'étais perdue dans le brouillard dense et humide. C'était pratique de ne pas voir le sol qui devait être très loin, à présent. Difficile de continuer à croire que j'étais à l'intérieur d'une bibliothèque. Je crus voir filer deux ou trois souris. Du moins je supposai. Je préférais ne pas trop y penser. L'odeur de poussière et de vieux papier était enivrante. Je ne comptais plus les éternuements.
- Ah ! Régime alimentaire des chimères du Péloponnèse, Histoire des relations entre chimères et sorciers... Parfait.
Je poussai les gros ouvrages et me glissai entre. Il faisait sombre et il n'y avait pas trace de fond. Je progressai à quatre pattes en espérant que les gros volumes n'allaient pas me tomber dessus.
- Psst. Petite. Par ici.
La voix venait de derrière un tableau représentant une boulangère au travail de son pain. Ensuite je réalisai que c'était la boulangère qui me parlait, et je me figeai d'horreur.
- Il t'a conduit dans un piège, petite. Le vrai raccourci est dans mon dos. N'avance pas plus loin ou tu es perdue.
- Qui parle ? demandai-je, affolée.
Je ne pouvais croire que c'était le tableau, mais la boulangère était bel et bien en train de bouger. Je sentais ma mémoire se retourner sur elle-même. Des souvenirs me démangeaient mais restaient inaccessibles. Et puis en un éclair, je me souvins qui était l'affreux personnage sans nez qui était sorti de l'armoire.
- C'était Voldemort ! Le méchant de Harry Potter !
La boulangère se figea. J'étais contente que ma mémoire me revienne. Comment est-ce que j'avais pu oublier mon livre préféré ? Restait que la situation actuelle était un vrai casse-tête. Soit j'étais en train de rêver que j'étais dans le monde de Harry Potter, soit j'étais en plein jeu de rôle grandeur nature très réaliste.
Je décidai que j'avais plus confiance en mon fantôme syndicaliste qu'en un tableau aguicheur et avançai dans l'obscurité complète devant moi. Je ne voyais rien mais sentais de la paille sous mes paumes en progressant à quatre pattes.
Je sentis que j'étais sortie du trou par le courant d'air froid qui vint frôler ma peau. Pourtant, l'obscurité restait envahissante. Les ombres étaient plus présentes que les esquisses de mobilier qu'on devinait par une faible clarté nocturne depuis la fenêtre. Ombres que j'étais quasi certaine d'avoir vues se mouvoir comme par une vie propre. C'était sous un des lits. J'étais dans un dortoir. L'ombre d'un des lits ondulait lentement, et si mon œil n'était pas tombé dessus par hasard en entrant, c'était si subtil que je ne l'aurais pas noté. Je me redressai, et la fatigue me tomba dessus comme un fardeau. Je pouvais faire une petite pause et dormir un peu. Je choisis le lit le plus loin de l'ombre étrange. Elle était redevenue immobile à présent. C'était sûrement une illusion d'optique. Je m'étalai sur le lit. Je tentai en vain de creuser ma mémoire.
Une sensation d'eau froide glissant sur mes pieds attira mon attention. Je me rendis compte avec horreur qu'une ombre mouvante ondulait sur mes jambes, mais impossible de faire un mouvement. Elle remontait. Je criai de toutes mes forces dans l'espoir de faire fuir l'ombre. Elle se rétracta un instant, puis après une hésitation réapparut au bord du matelas. Je criai encore mais l'effet de surprise était passé. Libérée, je sautai au bas du lit et tentai une fuite à tâtons. Un coup d'œil en arrière et je vis la chose mouvante se glisser d'une ombre à l'autre avec une rapidité frappante.
C'était un cauchemar. J'étais forcément en train de rêver. Réveille-toi !
Des appels se firent entendre, assourdis. En détalant dans le couloir, je les entendis à nouveau à travers les murs. Je jetai un œil en arrière et compris que l'ombre était bien plus rapide que moi. Une lumière jaillit du bout du couloir, puis une gigantesque raie spectrale flotta vers moi en nageant depuis la source lumineuse, son corps lui-même émettant une lueur rassurante. Elle me dépassa et éclaira l'ombre menaçante, qui se recroquevilla et se fondit dans un coin. La sensation d'épuisement qui m'embourbait s'évanouit.
La pénombre revint sans que j'aie pu admirer le temps que j'aurais voulu l'apparition majestueuse qui m'avait sauvée.
- Est-ce que ça va ?
Mes yeux encore éblouis avaient du mal à distinguer l'origine de la voix, mais au son, il devait s'agir d'un être humain. Enfin ! Un garçon, manifestement. Il tenait une lampe torche filiforme qui m'aveuglait.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?
C'était précisément une des questions dont j'aurais bien aimé connaître la réponse.
- Et toi alors ? Qu'est-ce que tu fabriques dans mon rêve ? Si je m'étais faite boulotter par ce machin flippant, je me serais réveillée au calme chez moi avec un petit déj en perspective ! Maintenant, ça commence à traîner un peu en longueur.
- Quoi ?
- T'es qui ?
-Tu es une première année de Poudlard, non ? Vu l'accent...
- De quoi est-ce que tu...
Poudlard. Treehall. La magie. L'emmental redevint gruyère et ma tête put à nouveau remettre ses idées en place. Comment est-ce que j'avais pu oublier que j'étais une sorcière ? Le rêve de toute ma vie était-il si peu marquant ?
Je l'enlaçai pour le remercier. Je ne rêvais pas. Et il m'avait bien sauvé la vie. Je constatai l'instant suivant que j'étreignais un torse nu.
- Coupe-au-bol ? C'est toi ?
- Qui ?
- On est pas pendant la troisième épreuve, rassure moi, demandai-je.
- Heuu...
Il ne put pas voir ma grimace dans le noir. J'avais quand même une chance inouïe d'être tombée sur lui. Autrement, aucune chance de m'en tirer.
Je lui promis toute mon aide et de ne pas trop être un boulet. Il me répondit par un rire bruyant puis me fit signe de le suivre dans le couloir.
Mes yeux s'habituèrent petit à petit à la nuit. C'était bien Coupe-au-bol. C'était quoi son vrai nom, déjà ? Il retira un collier avec quelques anneaux passés dessus et se mit à les compter. Je me rappelai celui du fantôme et le lui tendis. Son visage s'éclaira et il me couvrit de remerciements.
- C'est la moindre des choses après m'avoir secourue. T'en as beaucoup ? C'est pour quoi faire ?
- J'en ai sept avec le tien. Je les ai récupérés après des rencontres un peu musclées avec des créatures sur la route. Je suppose que ces anneaux doivent être utiles pour terminer l'épreuve.
Il le remit autour de son cou et reprit sa route. Je fis quelques pas à sa suite puis me figeai.
- Ma baguette !
Mais quelle bouse j'avais dans la tête ? Je l'avais balancée sans réfléchir ! Et maintenant ? Comment est-ce que j'allais la récupérer ?
Bon, du calme, il me suffirait de retourner la chercher après la fin de l'épreuve. Pas de panique, je n'avais rien laissé d'autre derrière... moi...
- ZACH ! m'exclamai-je en frappant mes deux mains sur mon front.
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Un bébé vouivre et deux essaims de doxys plus tard, Coupe-au-bol passa son huitième anneau au collier. Il faisait toujours aussi sombre. Les étoiles étaient visibles par les fenêtres.
- Monte sur mon dos, on ira plus vite, me proposa-t-il.
Enfin, ça sonnait plus comme un ordre déguisé. Je grimpai et assurai mes prises. Il entama la récitation d'une formule compliquée en dessinant sur le parquet avec sa baguette. Un pan entier du sol se détacha pour venir flotter près de lui. Il monta dessus comme sur un skate et la planche se mit à filer à une vitesse folle pour des couloirs aussi exigus.
- Comment est-ce que tu sais qu'on se dirige dans la bonne direction ?
Il prenait toujours des bifurcations sans hésitation. Et puis je voulais revoir Zach en vie, alors plus vite on arrivait, le mieux. J'irais directement chercher de l'aide des adultes pour retourner le chercher. A moins qu'ils ne l'aient déjà repéré et ne soient allés à son secours. Mais non, j'espérais dans le vide. Ils n'étaient pas venus pour moi, alors pourquoi pour Zach ?
- J'en sais rien, fit-il. La fin est sur le toit, paraît-il, mais plus on a d'anneaux, plus finir l'épreuve est facile. Donc, c'est un dilemme. Il faut aller assez vite pour devancer les deux autres, mais pas trop puisque sans anneaux c'est impossible. Tu vois ?
- Je vois. Tu y vas tout de suite ?
Oui, oui, vas-y !
- Oui, confirma-t-il. J'en ai assez, je pense. On fait que monter, là. On sera bientôt sur le toit, t'en fais pas. T'auras qu'à rester en retrait.
Difficile de croire qu'on ne faisait que monter. Les fenêtres ne montraient que la même prairie nocturne. Jusqu'à-ce que l'escalier nous mène au toit.
Les marches débouchaient sur une terrasse immense, avec une énorme rose des vents peinte au sol. Des centaines de feux follets dansaient dans les courants, voletant de leur lueur bleue électrique.
J'appréciai le vent dans mon cou. Aussi surprenant que ça puisse paraître au vu des dizaines et dizaines d'escaliers montés jusqu'ici, nous n'étions qu'au premier étage. L'école, vue de l'extérieur, était un patchwork de maisonnettes de bois rampant dans la forêt, reliées entre elles par de longs couloirs chapeautés de tuiles noires, comme le reste. Plus aucune étoile n'était visible. Au-dessus de nous se bousculait une nuée de cumulonimbus prêts à éclater, et au loin on distinguait par instant des éclairs suivis de beaucoup trop près par le tonnerre.
Je mis un moment à comprendre que les feux follets chantaient.
Donne nous tes anneaux d'acier
Ou nous ferons de toi un brasier
Et de tes cendres encore fumantes
Un nid où l'on chante
Sacrifice s'avance
En direction de l'avenir
La foudre danse
Pour finir
Nous n'étions pas seuls. Deux silhouettes se découpaient en contre-jour sur la lumière bleutée des créatures filant sur la rose des vents. La première était grande et je n'en distinguais pas grand chose. Elle lançait ce je supposais être des anneaux de métal dans un coin de la terrasse, et les feux follets se jetaient dessus, laissant la seconde silhouette tranquille, assise au centre du dessin, ses bras ressemblant étrangement à des tentacules.
Avant que j'aie eu le temps d'ouvrir la bouche, Coupe-au-bol m'intima le silence.
- Attends, murmura-t-il. Lys n'a pas compris le chant. Elle pense qu'il faut un sacrifice en premier pour pouvoir s'avancer ensuite, mais il s'agit d'une métaphore sur le sacrifice de soi. C'est elle qui devrait se placer au centre. En plus, elle a pas complété correctement la deuxième épreuve. Le Mur des Murmures est resté silencieux pour elle. La créature qu'elle a placée au centre est tournée vers le Nord pour prononcer l'incantation. C'est une erreur, il faut être placé vers l'Est. Laissons la se planter et nous passerons juste après. Sois patiente.
Patiente ? Alors que Zach allait servir de crash test ? Alors qu'il était en danger ? Vraiment, c'était mal me connaître.
- Per tempestate, mansi et spera ignis.
C'était une voix de fille. Celle de Lys. Puis la voix de Zach commença à répéter la formule.
- Zach ! Tourne-toi vers l'Est !
Il s'interrompit pour se retourner, confus. Une poigne ferme attrapa mon col.
- Mais qu'est-ce que tu fais ? Ferme-la !
- Tourne-toi vers l'Est, Zach ! Vite ! Est ! Est !
Une main vint se plaquer contre ma bouche.
- Tais-toi !
Son cerveau de pois chiche dut faire tourner ses rouages, car il se tourna d'un quart de tour en récitant à nouveau la formule. Un grondement assourdissant fit trembler la terre quand la foudre vint frapper le centre de la terrasse, laissant une tache noircie là où se trouvait Zach quelques secondes plus tôt. Je hurlai son nom mais la poigne de Coupe-au-bol ne me permit qu'un cri étouffé.
- Non ! hurla-t-il. Pourquoi est-ce que tu m'as trahi ? Maintenant Lys est au courant de tout ! Pourquoi est-ce que tu lui as donné la clef ?
Il me lourda sur le sol et s'élança vers la silhouette de Lys, où les feux follets recommençaient de s'amasser, lassés par les premiers anneaux.
- Stupefix !
- Expelliarmus !
Leurs baguettes restèrent aussi inertes que deux bouts de bois. En désespoir de cause, ils se jetèrent l'un sur l'autre. Les feux follets se concentraient tous sur eux, probablement attirés par la collection d'anneaux autour du cou de Coupe-au-bol. Lys avait beau être une sorcière surdouée, elle avait le dessous au corps à corps avec la montagne de muscles de son adversaire. Je n'avais pas beaucoup de temps avant qu'il n'en finisse, et avant que les feux follets ne s'intéressent à moi à nouveau. Je me précipitai au centre, face à l'Est, et récitai.
- Per tempestate, mansi et spera igni.
Je perçus le grondement du tonnerre, puis ce fut le noir.
- Mais qu'est-ce que c'est que ce bazar ? tonna une voix amplifiée par magie.
- Baker !
- Many !
Des tentacules m'enserraient dans l'obscurité, et je hurlai de toutes mes forces.
- Ouh là ! C'est moi ! Du calme ! Tu me fais flipper, sérieux !
- Zach ?
J'ouvris les yeux.
- Que c'est réducteur, fit-il. Tu as devant toi le grand Zachary Andersen, vainqueur du tournoi ! Qu'est-ce que t'en dis ?
- J'en dis que tu te la pètes un petit peu, rétorquai-je. Si j'avais pas été là pour te sauver les miches encore une fois en te filant les bon tuyaux, tu te serais peut-être retrouvé avec des mauvaises rencontres, qui sait ?
- Tu veux dire ce style de rencontre ?
Il pointait derrière lui et je découvris un visage momifié par les ans, des dents droites et blanches dans un sourire ridé sous des yeux bridés. Je reconnus le professeur O'Noguel. Elle était assise avec les autres profs, au premier rang d'immenses gradins disposés en cercle tout autour de nous. Les profs nous regardaient avec des airs médusés. J'étais entortillée dans les tentacules de Zach, dans de l'herbe mouillée et boueuse, sous la pluie. J'aperçus entre deux ventouses Hemingway et Professeur Lettriminel accourir vers nous.
- Lâche-moi, mollusque !
- Impossible, fit Zach, tout sourire.
- Fais un effort, ça devient gênant. Tout le monde nous regarde.
- Non, mais je peux vraiment pas, en fait. C'est complètement coincé. C'est super dur à contrôler correctement, des tentacules, tu sais ? C'est vachement plus compliqué que deux bras avec quelques articulations. Je galère. T'avais qu'à me remettre comme avant, aussi.
- T'as bien vu que j'y arrivais p...
Un grondement de tonnerre me coupa, et Coupe-au-bol se matérialisa debout à un pas de nous, le port digne mais l'air en colère. Je devinais que je n'étais pas étrangère à ça.
- Toi... commença-t-il.
Les cris et applaudissements d'une foule en joie l'interrompirent. Toute la tribune de Kai'ohana était debout et faisait tout le bruit qu'elle pouvait. Il retrouva le sourire et leva les bras en signe de triomphe. La voix du présentateur retentit.
- Voici notre champion, notre vainqueur du tournoi, Kai Mahi'ai, champion de Kai'ohana !
Les hurlements de triomphe s'intensifièrent. Les autres tribunes se joignirent aux applaudissements polis.
- Que quelqu'un vienne nous détentaculer, s'il-vous plaît.
Des mains entreprirent de démêler tout ça. Tous parlaient en même temps, c'était difficile de distinguer qui voulait quoi.
- Malany, ça va ? Qu'est-ce que vous faites là ?
- Qu'est-ce que c'est que ces tentacules, Andersen ? Vu votre niveau, ce doit être un vulgaire accident. A moins que ce ne soit encore une merveilleuse réussite de Baker ? Si c'est bien de vous, je souhaiterais que vous me fassiez un devoir détaillé sur la façon dont vous vous y êtes prise.
- Comment est-ce que vous avez atterri là ?
- Vous faites honte à Poufsouffle, les enfants.
- Ces âneries vous coûteront cher, vous pouvez me croire ! Vous viendrez dans mon bureau quand tout ceci sera terminé !
Toute l'équipe enseignante de Poudlard se tenait autour de nous. Le seul professeur étranger était le professeur Lewis, un peu en retrait. Il ne fit que jeter un coup d'œil vers Zach et moi avant de faire demi-tour et retourner s'asseoir.
Nous fumes confiés aux foudres de la prof référente de Poufsouffle en attendant de pouvoir être dévorés tout crus dans le bureau de Swan une fois le spectacle terminé.
Elle nous fit asseoir sur les bancs de la tribune des professeurs et se planta debout face à nous. La prof lunatique des cours de Potions n'était pas la personne que j'aurais souhaité avoir pour prendre le rôle de juge dans mon procès. Elle avait posé ses mains potelées sur ses hanches et attendait. Les cheveux jaune canari de Mojito étaient attachés comme à l'ordinaire dans un chignon complexe retenu par ses propres mèches, mais son visage était de marbre. Dans la pénombre du soir, la montre à gousset qui pendait contre sa large poitrine nous renvoyait des reflets inquiétants. Difficile de deviner dans ses yeux en amande si elle était dans une de ses humeurs doucereuses ou bien prête à entrer dans ces colères noires qu'elle seule était en pouvoir de créer.
- Eh bien ? J'attends que vous m'expliquiez ce que vous fichiez dans ce bourbier.
- Malany ! Zach !
Un plumeau en larmes s'écrasa dans nos bras.
- Aïe ! Tu serres fort, geignit Zach.
- Fallait pas t'inquiéter, regarde, ajoutai-je, je suis débrouillarde.
- Je suis désolée ! Vraiment désolée !
- Mais non, c'est ma faute, répondis-je. T'y es pour rien.
- Tu comprends pas, sanglota-t-elle. J'aurais dû... J'aurais dû te dire de pas y aller... On aurait pas dû y aller. Tout est de ma faute.
- Tu arrêtais pas de dire que c'était une mauvaise idée d'y aller, lui rappelai-je. C'est moi qui ait insisté. J'aurais dû t'écouter.
- Eh ben, c'est pas simple entre vous, les filles, commenta Zach.
- Tout le monde est sain et sauf, tu vois ? Arrête de te culpabiliser, Plumeau, regarde, tout va bien !
- Assis ! hurla Mojito. Tous les trois. Explications ! Maintenant !
Nous obéîmes en un clin d'œil.
- C'est pas notre faute, madame, geignit Zach. C'est des sorciers du staff du tournoi qui nous ont envoyé à Ilvermorny ! Ils nous ont zappés avec l'épouvantard !
Un sourcil se leva, et le regard qui l'accompagnait nous jugeait de haut.
- Et qu'est-ce que vous fichiez avec le staff et un épouvantard, je peux savoir ?
- Heuu, ben, on était... hésitai-je.
- On allait vers les tribunes pour voir l'épreuve, poursuivi Zach sans se démonter, qu'est-ce que vous croyiez ?
- Mouiih ? Vous alliez vers les tribunes ? En passant par les tentes du staff ? Qui sont dans la direction opposée aux tribunes en sortant de Treehall ? Après le début de l'épreuve ? Vous êtes certains ? Baker, vous confirmez ce que dit Andersen ?
Son regard se chargeait d'ironie et ses lèvres pulpeuses se muèrent en sourire contrarié. Nous étions à l'extrême limite, à l'équilibre entre la cordialité et Dark Mojito.
- Haaa... émis-je sans savoir quoi dire de peur que la moindre parole puisse la faire basculer.
- Oui, c'est exactement ça, acquiesça Zach.
- Nous avons reçu, il y a environs deux heures, un message de détresse de Miss Cayle ici présente, nous signalant votre disparition dans le Sous-sol de Treehall. Rowan et votre directrice y sont encore à vous chercher. Expliquez-moi le rapport avec votre histoire stupide, Andersen ! rugit-elle.
Trop tard.
- Mais justement ! s'insurgea Zach. On venait à peine de se sortir vivants in extremis du Sous-sol en remontant par la piscine souterraine, quand on est tombé sur ces deux zigotos qui nous ont envoyés en plein cauchemar ! On y est pour rien dans l'histoire !
- Et qu'est-ce que vous fabriquiez au Sous-sol de Treehall quand vous auriez dû être dans la tribune de Poudlard, comme tout le monde ? Ne faites pas l'innocent, Andersen !
- C'est hyper simple, c'est...
- Tout est de ma faute, professeur, coupa Plumeau. Je les ai conduits au Sous-sol inondé, et une fois en bas, ils ont été happés par un tourbillon.
- Qu'est-ce que vous me racontez là, Miss Cayle ?
Dark Mojito s'était évanouie dès que son élève favorite avait pris la parole. Sa bouche avait repris sa forme en cul-de-poule et son ton sa texture mielleuse et infantilisante habituelle. Ses grands yeux en amandes étaient rivés sur Plumeau.
- Exactement ce que je viens de dire. Ils y sont pour rien, ajouta celle dernière.
-Voyons, Miss Cayle, ça m'étonne de vous, cette histoire à dormir debout. Vous n'essayeriez pas de couvrir vos camarades, n'est-ce pas ? Mmmh ?
Le précipice était à nouveau en vue. Pas de boulette, Plumeau !
- Non ! Je couvre personne ! Je recommencerai plus ! Promis !
- Très bien, ce sera vingt points de moins pour Poufsouffle, Miss Cayle. Et une retenue pour tous les trois. Tâchez de mieux réfléchir à ce que vous faites, la prochaine fois.
- Et trente points pour Poufsouffle à Malany Baker pour avoir sauté sans hésitation à la rescousse de son camarade et l'avoir ramené intact, ajoutai-je avec conviction.
- J'ai été compréhensive pour cette fois, Baker, grinça Mojito toujours avec son ton aimable. Mais ne me faites pas changer d'avis. Je vous ai à l'œil.
Elle éloigna ses rondeurs un peu plus loin et s'assit à côté de Swan.
- Intact ? s'étrangla Zach. Je t'en ferais un doigt d'honneur si je pouvais !
De l'agitation se formait un peu plus loin, dans la tribune des profs de Kai'ohana. Coupe-au-bol tournait en rond sous la pluie en parlant d'une voix tendue. Il stoppa devant Lewis et l'incendia. On entendait jusqu'ici, malgré l'orage.
- C'est vous qui avez créé le sortilège, non ? Pourquoi est-ce que Lys est pas encore arrivée ? Elle était juste derrière moi ! C'est pas normal !
Le tonnerre retentit et Soleil-man apparut sous la pluie. Il écarta les bras et la tribune de Nocheira s'enflamma de joie. La tension de Coupe-au-bol se reporta sur Soleil-man.
- Qu'est-ce que tu as fait ?
Des profs de son école vinrent s'interposer.
- Nos peleamos y gané. No sorpresa.
- Quoi ? Qu'est-ce que tu lui as fait ? Parle anglais !
Soleil-man l'ignora et alla s'asseoir dans sa tribune. Coupe-au-bol dut faire de même car ses profs ne le lâchaient pas. Mais Lys ne faisait pas son apparition et tout le monde commençait à s'inquiéter. Finalement, un groupe partit à sa recherche. Ils réapparurent cinq minutes plus tard avec elle hurlant des obscénités.
- Il est où cet éleveur de faykrill ? Quiroz ! J'étais à deux doigts de me faire bouffer par une vouivre par ta faute, espèce de demeuré !
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- Du coup cette enflure l'a attachée à la rampe de l'escalier de l'étage du dessous parce que sur la terrasse, sans magie, il pouvait rien faire. Sauf que là, ben, même pour Lys, se libérer toute seule sans baguette, c'était un peu chaud. Elle s'est faite attaquer par toutes les bestioles qui passaient dans le coin, jusqu'au bébé vouivre qui a été repéré par le sortilège de sécurité des dresseurs de dragons à qui il appartient.
- Comment est-ce que tu es au courant de tout ça, toi ?
- C'est une chance que les dresseurs de dragons soient prévenants.
- J'ai mes sources, fit Johan Brown avec un clin d'œil.
- Dommage que vous ayez rien trouvé d'intéressant de votre côté, dis-je.
- Ouais, répondit-il. Pourtant, on a tout mis sens dessus-dessous. Grâce à votre petite diversion, ça nous a laissé tout le temps pour fouiller les moindres recoins. Mais rien de chez rien. De toute façon, c'était tellement rangé et psychorigide, dans son bureau, que s'il y avait eu quoi que ce soit, on l'aurait trouvé.
- On est pas plus avancés qu'avant, conclus-je.
Kathleen passa près de nous. Je la hélai et lui proposai de rester.
- Désolée, mais je dois aller à l'entraînement, fit Kathleen, à tout à l'heure !
- Hé, attends, fis-je. Je t'accompagne. J'aimerais bien voir un entraînement de Quidditch. J'ai appris les règles et tout.
- Heuu... Tu sais, Waltz veut pas qu'on vienne accompagné, surtout d'autres Maisons, à cause du risque de dévoiler nos tactiques, tout ça...
- Ah oui ! Je suis bête ! Bon, tan pis.
- Attends, répondit Zach, on a qu'à t'accompagner, juste, et puis repartir. Il y a pas de problème, non ? Charybde et Scylla me font un peu flipper, je dois l'avouer, mais si t'es là, ça devrait le faire.
- Moi, je viens pas avec vous, les gars, je dois rejoindre Joe et Joey pour le cours de Métamorphose, s'excusa Johan.
Plumeau et moi nous traînions Zach à longueur de journée depuis notre aventure dans le Sous-sol. La vieille Gonzalo lui avait refait une beauté après le tournoi et ses bras avaient repris forme humaine. On nous avait aussi rendu nos baguettes. J'aurais pensé que l'incident lui aurait inspiré de la rancœur ou juste de la méfiance envers nous. Au lieu de ça, l'effet inverse s'était produit, et il semblait apprécier notre compagnie.
Nous allâmes donc tous les trois accompagner Kathleen jusqu'au terrain extérieur, au bord du lac. L'équipe de Serpentard était là au complet. Tony Waltz avait constamment le nez enrhumé et passait son temps à se le frotter mais à part ça, il était bon tacticien et pouvait soutenir la comparaison sans flancher face à Elton Andersen et Hélène Cerblanc. Il discutait avec les effroyables Charybde et Scylla, respectivement Christopher Hawke et Laura Stark, les deux batteurs de génie. Le premier était épais comme une armoire à glace, et sa crête teinte en blanc fichait les jetons, mais il se montrait doux comme un agneau. La seconde devenait une véritable furie si une menace venait à apparaître. Elle était élancée, métisse, et ses cheveux bruns lisses étaient coiffés en tresses africaines sur un côté de sa frange. Je les avais rarement vus auparavant, à part sur le terrain de Quidditch, mais Kathleen m'en parlait tellement que j'avais l'impression de les connaître par cœur. Elle les aimait tous les trois beaucoup.
Parmi les trois autres, elle m'avait parlé de Simple, une des poursuiveuses, qui était plutôt gentille mais pas très futée. Elle était plus loin avec le gardien que l'équipe portait comme une malédiction, Pasteur, que tout le monde surnommait Passoire ou Dormeur dans son dos. Heureusement pour eux, il était en septième année et ils pourraient chercher un nouveau gardien dès la rentrée prochaine.
David Taylor, lui, avait posé sur nous un regard mauvais dès que nous étions entrés dans son champ de vision. Difficile de croire que c'était le petit frère de Marius Taylor, le co-batteur de Zach dans l'équipe de Poufsouffle, sérieux et peu loquace mais gentil.
- T'es en retard, Walker, beugla-t-il. Prends ta place et on démarre !
Une tape sur l'arrière de sa tête le fit taire. Scylla vint poser son front contre le sien.
- La ferme ! Si j'avais un crâne de faykrill autant rempli de bouse que le tien, je laisserais parler les adultes ! Tu veux faire fuir notre meilleur élément ou quoi ? T'es jaloux ? Encore un commentaire désobligeant comme ça et t'es viré de l'équipe.
- T'es pas capitaine, tu peux pas me virer, sale harpie !
Il se mit à rire. Elle n'eut pas l'air d'apprécier.
- Ah ouais ? Ouvre bien tes oreilles, raclure, le jour où je serai capitaine... et ça ne saurait tarder, au cas où tu l'aurais oublié... je te jure qu'au moindre commentaire, le moindre regard de travers, à la moindre occasion, si t'as pas un comportement exemplaire, t'es dehors, et faudra pas venir pleurer.
Il éclata de rire de plus belle.
- Tout le monde se calme, si vous voulez pas finir sur la touche, tonna Waltz d'une voix douce mais qui ne laissait pas le doute quand à la nécessité absolue d'obéir. Vous pouvez partir, il y a plus rien à voir, nous adressa-t-il.
Kathleen nous fit un sourire éblouissant et je me rappelai où était sa passion. Nous nous apprêtions à nous éloigner quand apparut au bout du terrain une deuxième équipe en train de s'approcher. Eux étaient vêtus de rouge.
- Doreen ? Qu'est-ce qu'elle fait ici ? lança Waltz.
- Ouais, qu'est-ce que cette garce de Delgado fait sur le terrain qu'on a réservé pour l'entraînement, ça m'intéresse, renchérit Scylla.
- Salut les gars ! lança Louis Weasley. Tiens, salut, Vivent-les-moldus.
James Potter entoura Plumeau de son bras en éclatant de rire.
- Hé ! Les sept nains ont enfin trouvé leur Blanche Neige, on dirait ! Une Blanche Neige avec un plumeau !
Kathleen m'avait raconté cette histoire de sept nains aussi. On les surnommait comme ça depuis que le professeur Dayan faisait étudier les contes en classe d'Étude des moldus. A cause de la goutte au nez de Waltz, Atchoum, le caractère de Taylor, Grincheux, le gardien passoire, Dormeur. Simple devenait Simplet, Charybde et Scylla, Joyeux et Prof. Kathleen s'était retrouvée dans le rôle sur-mesure de Timide.
- Arrête de draguer, James ! Elle est en première année en plus.
- C'est bon, Mary, sois pas jalouse, c'est toi que j'aime !
- Vous me donnez envie de vomir, commenta une fille avec une crinière de magnifiques cheveux auburn et des yeux bleus à faire tomber le plus difficile des être humains.
Je reconnus celle dont Steven Andersen était dingue amoureux, Rose Weasley. En retrait, près d'elle, je crus deviner Albus Potter à ses lunettes et ses cheveux noirs cachant une paire d'yeux verts tristes. Louis Weasley et celle qu'ils avaient appelé Mary n'étaient pas en tenue de Quidditch. Je supposai que la capitaine de Gryffondor n'était pas aussi stricte sur les accompagnateurs que Waltz.
- Qu'est-ce que tu fiches ici, Delgado ? cracha Scylla.
- Je te retourne la même question, Stark. Qu'est-ce que tu fiches sur le terrain que j'ai réservé ? Pour mon équipe ?
- Holà, minute, Laura, fit Waltz. Laisse le capitaine prendre les commandes et n'envenime pas la situation, s'il-te-plaît. Qu'est-ce qu'il se passe, Doreen ?
- Salut, Tony, répondit la capitaine de Gryffondor, une fille fine et petite avec les cheveux coupés courts. Ben, il se passe que j'ai réservé le terrain, en fait.
- Mais c'est impossible, répondit-il. Je l'ai réservé il y a un mois déjà ! C'est idiot ! Il a dû il y avoir une erreur de planning.
Elle lui lança un regard triste.
- T'es pas au courant ?
- Au courant de quoi ?
- Que ton équipe est disqualifiée.
- Quoi ? se décomposa Waltz. C'est une blague ?
- Je blague pas sur ces trucs-là, répondit-elle en secouant la tête. Un gnome de première année a été chopé en train de saboter les balais des Scorpions. Et comme c'était un Serpentard, ben...
- Ils nous ont pris pour de sales tricheurs, compléta Charybde avec amertume. Cette réputation va nous coller à la peau encore longtemps, avec ça.
- Et on sait qui est le crâne de faykrill qui a fait ça ? demanda Scylla. Que j'aille le lui exploser avec ma batte.
- Pour une fois, je suis avec toi, la harpie, renchérit Taylor.
- Moi pas, rétorqua-t-elle en mimant la nausée.
- Aucune idée, avoua Delgado. Mais le mal est fait, de toute façon. Je suis désolée, Tony.
Waltz s'éloigna et lâcha un juron. Scylla jeta sa batte de rage et alla le réconforter, suivie de Charybde et Delgado. Taylor attrapa son sac et sortit du terrain.
- Bon, ben ça fait une équipe de moins, s'esclaffa James Potter.
- Mais tais-toi ! lui envoya Rose Weasley. T'es lourd !
- Quoi ? Je fais que dire tout haut la vérité, se défendit-il. On est mauvais, cette année, alors c'est toujours ça de pris.
Kathleen était restée figée à l'annonce, puis s'était recroquevillée petit à petit, jusqu'à s'asseoir dans l'herbe. Elle passa ses doigts dans ses cheveux.
- Oh non... Non... Non non non non...
Plumeau et moi nous étions installées contre elle.
- T'inquiète pas, ça recommencera l'an prochain, tentai-je de la rassurer.
- Tu peux toujours faire des matchs amicaux, supporta Plumeau. Comme les Dragonneaux.
- Mais il nous restait plein de matchs à faire, bégaya Kathleen. Et Tony avait plein de tactiques nouvelles pour le prochain. Il sera plus là l'an prochain, il est en septième année.
Je restai silencieuse. Qu'est-ce que je pouvais répondre à ça ?
- Hé, Walker, lança Albus Potter en posant une main sur sa tignasse rousse. On fait souvent des petits matchs amicaux entre nous, mais il y a pas de raison de toujours faire des matchs Gryffondor contre Gryffondor, non ? Tu peux venir, de temps en temps, si ça te dit.
Elle releva la tête vers lui. On aurait vraiment dit un bébé souris.
- C'est vrai ?
- Bien sûr que c'est vrai, rigola Rose Weasley. Mais à une seule condition.
Un doigt menaçant pointa sur ma copine mandarine.
- Tu seras dans mon équipe.
Elle se tourna vers son cousin aux cheveux auburn ébouriffés.
- Hé, James ! T'as vu ça ? Avec Walker dans mon équipe, t'es mort !
- Merci ! Ce serait trop bien, dit Kathleen.
- Y a pas de quoi, sourit James Potter.
- Bon, ça suffit la récréation, hurla Delgado. Tous sur vos balais !
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La pluie battait fort sur les carreaux magiques du Foyer, pour un mois d'avril. Treehall semblait en deuil autant que Kai'ohana fêtait sa victoire. Plumeau et moi nous étions étalées sur les canapés bien chauds pour faire notre devoir de Sortilèges quand Kathleen avait débarqué.
- Raconte tes exploits, Kathleen !
- Quels exploits ? rougit-elle.
- Fais pas semblant, la taquinai-je. Tu fais copain copain avec des célébrités, figure-toi. Ils sont gentils avec toi, au moins ?
- Ils me parlent pas trop, la plupart du temps, mais ça me va bien, tant qu'on peut jouer au Quidditch. Sauf Lily Potter qui me hait.
- Ah bon ? C'est possible de te détester à toi ? s'étonna Plumeau.
- Elle me le dit tellement souvent que ça doit être vrai, supposa Kathleen.
- Elle est jalouse, et en plus elle est bête et méchante, la rassurai-je. Tu rates rien. Est-ce qu'elle a déjà attrapé le vif d'or avant toi ? ajoutai-je avec un clin d'œil.
- Heuu... Non, sourit-elle.
- Ha !
- Salut !
La double voix venait de Alyss et Rowena.
- Kath fait des prouesses, à ce que j'ai entendu, félicita Alyss.
- Elle en a toujours fait, corrigea Rowena. Mais depuis que tu mets la pâtée à la grande Lily Potter, tu es célèbre dans toute l'école, Kath.
- Ouais, et d'ailleurs je tiens à présenter mes excuses pour m'être montré si aveugle vis-à-vis de cette fille. Elle est monstrueuse, avoua Alyss.
- Non, ça te va pas du tout de dire ça, remarqua Rowena en plissant du nez. Tu as beaucoup changé en traînant avec moi. Je te dévergonde.
- Hein ? Ah bon, tu trouves ?
- Mariooo ! Reviens ici !
Fergusson apparut, le front en sueur, sa DS à la main. Il avait un air d'épuisement total.
- J'en peux plus, gémit-il. Je vais le zigouiller.
- Ouh là, commenta Alyss. Tu veux qu'on t'aide ?
Il le regarda comme le sauveur.
- Tu veux vraiment ?
- Oui, viens Kath, on va lui donner un coup de main tous les trois et tu nous raconteras pendant ce temps. On va laisser les filles à leurs devoirs, dit Rowena.
Une fois seules, nous étions à peine le nez dans le devoir qu'un énergumène vint étaler le sien sur la table et s'asseoir à côté.
- Zach, si c'est pour papoter, c'est pas le moment.
- Non non non, pas papoter, pas papoter, promis. Chut. Travailler. Silencieux.
Il se plongea lui aussi dans sa feuille blanche à la recherche d'idées. Au bout de deux secondes et demie, il se redressa d'un bond en poussant un cri de désespoir.
- Zach ! C'est ça que t'appelles silencieux ? T'es pire qu'une sirène de pompiers !
- Ah ! Me parle pas de sirène ! Je suis tellement traumatisé que j'en ai des reviviscences !
- Je m'en fous ! Travaille ! Et pas un bruit !
- Hé ! Les filles !
- Zach !
- Mais c'est pas moi ! J'ai rien dit !
En effet, c'était Luke qui se tenait au-dessus de nous, avec ses cheveux roux, ses paupières toujours à demi fermées et son truc à mâchonner permanent. Aujourd'hui, c'était une touillette à café. Il s'installa dans un fauteuil.
- Alors, ça avance votre enquête ?
J'échangeai un regard avec Plumeau.
- Pas d'un poil.
- Quelle enquête ?
- Toi, Zach, travaille.
- Non, mais j'aime bien les enquêtes, moi. Vas-y, dis, c'est quoi ? C'est pour ça que vous deviez aller au Sous-sol l'autre jour ?
Je soupirai.
- Oui, c'est pour ça.
- On peut le mettre dans la confidence, non ? Trois têtes valent mieux qu'une, proposa Luke. Du moment que Lyra est pas au courant, ça me va. Aïe ! Pourquoi tu me donnes un coup de pied ! J'ai super mal !
- Quelle confidence ? Et pourquoi je dois pas être au courant, au juste ?
Lyra se tenait debout juste derrière son fauteuil. Elle s'assit avec nous et attendit sa réponse.
- C'est rien, mentit Luke.
- C'est bon, répondis-je. Avec le cerveau de Lyra en course, on trouvera beaucoup plus vite, c'est sûr. C'est mieux comme ça.
- Je vous dirai si je suis d'accord pour mettre mon cerveau en course uniquement si vous me dites de quoi il s'agit.
Luke eut un soupir et je pris ça pour un acquiescement. Je racontai à Zach et Lyra ce qu'avait entendu Luke à propos d'assassiner Chourave.
- La vache ! C'est du méga lourd, s'exclama Zach.
Quand j'en arrivai au passage où nous soupçonnions les élèves, Lyra ne put retenir un commentaire.
- Mystérieux barbu ? C'est quoi ça ? Vous jouez au cluedo ?
Je l'ignorai et passai à la théorie selon laquelle Bean tentait de recréer pour les Tribus de Treehall une répartition par le choixpeau en allant le voler à Chourave.
- Waouh... Vous aimez échafauder des théories foireuses à partir du néant. Le choixpeau appartient à Poudlard, pas à Chourave. Et même si... Admettons. S'il était volé et utilisé ici à Treehall, ce serait le vol le moins discret de l'histoire. Personne serait assez stupide pour faire ça.
Je ne relevai pas et poursuivis avec la Roche innondée et Ilvermorny. Mais tout ça ne nous avait rien apporté. Je m'arrêtai et laissai Lyra réfléchir. Elle lança un regard de travers à Luke.
- Tu es sûr de ce que tu as entendu ?
- Oui.
- T'as conscience que tu as très bien pu mal comprendre la tournure de phrase, ou juste mal entendre, ou bien prendre une blague au sérieux ?
- Je sais, mais je vois mal quelqu'un plaisanter là-dessus. Et si c'était vrai ? J'ai pas envie d'avoir la mort de Chourave sur la conscience.
- Arrête de t'embrouiller. C'est pas toi qui vas la tuer, non ?
Il ouvrit la bouche pour expliquer en quoi la question était légèrement plus subtile mais elle ne lui donna pas l'occasion de s'exprimer.
- Alors ne t'en mêle pas. C'est simple. Dans la vie, c'est chacun ses oignons, et si un taré a décidé d'assassiner Chourave cette année, je vais pas l'en empêcher.
- Mais pourquoi ? Elle est...
- On a douze ans, rappela-t-elle avec un calme froid. Tu espères quoi, à part mourir de manière héroïque ?
Sa remarque jeta un silence gênant.
- Si on décide de l'en empêcher, nous, tu nous laisseras faire ? demanda Luke. Tu nous dénonceras pas ?
- Pour quoi faire ? Vous êtes grands, vous faites ce que vous voulez.
- Tu nous aiderais à trouver le coupable ? fis-je.
Elle haussa les épaules.
- Je suis pas contre le principe de vous prêter quelques neurones. Tant que vous m'impliquez pas physiquement, je m'en fous.
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