Chapitre 13 : Dragonneaux
Salut les filles !
Comment étaient vos vacances ? Avec mes parents, on est allés visiter les Rocheuses ! C'était trop beau ! On a voyagé dans un groupe de no-maj, c'était un peu excitant parce qu'il ne fallait pas se faire choper. Il y a eu un jour où j'ai eu chaud, parce qu'un petit de cinq ans avait piqué mon téléphone et commençait à s'amuser avec les applis magiques. Heureusement, il était tellement minus que personne ne l'a pris au sérieux.
Et vous ? Vous avez fait quoi ? Vous allez me manquer cette année ! Treehall va paraître vide sans le tournoi et toutes vos embrouilles. Je vais tellement m'ennuyer ! Je vous écrirai souvent, alors envoyez-moi de vos nouvelles, aussi !
J'ai pas encore eu de nouvelles de Quilla, mais je lui ai écrit aussi. J'espère qu'elle répondra ! Faut pas qu'on perde contact !
Hugs !
Johan.
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La porte du compartiment s'ouvrit la première fois sur ce grand échalas de Hugo. Il passa une main timide dans ses boucles brunes et nous adressa un sourire en coin comme pour s'excuser de ne pas nous avoir rejoint de suite.
- Je préférais attendre que le train s'éloigne un peu de la gare avant de vous rejoindre. Mes vacances ont été un enfer. Ça jasait de partout et je voulais éviter d'entretenir les commérages. Je suis content de vous retrouver.
Zach, Plumeau et moi l'accueillîmes avec des cris de joie. Plumeau raconta notre voyage en France et sa rencontre avec le fameux Will qui m'envoyait dix lettres par jour l'année précédente.
Mes adieux avec Will avaient été aussi déchirants que ce que j'avais imaginé. J'avais l'impression que quelqu'un m'avait arraché une partie de moi. Et ces rêves récurrents où Will plaçait le choixpeau sur sa tête avec un clin d'œil dans ma direction n'arrangeaient rien. Je tentais de me consoler en me disant que cette année, je pourrais rentrer pour les vacances de Noël.
Hugo raconta nonchalamment ses vacances d'été. Il n'avait eu droit qu'à des vacances chez ses grands-parents, au Terrier.
- Ah, l'horreur, compatit Zach. Chez moi aussi, le passage grands-parents est obligatoire. Heureusement, on est aussi partis aux îles Baléares, et c'était géant ! Et, préparez vos oreilles, j'ai une grande nouvelle pour vous ! Surtout pour toi, Many !
- Tu t'es fait greffer des neurones ? Chouette ! m'écriai-je.
- Tout faux !
- C'est vrai que ça s'est pas beaucoup amélioré, commenta Plumeau devant sa réponse sincère à ma question ironique.
- Sache que tu pourras plus jamais réussir dans tes tentatives de me noyer, m'adressa-t-il avec un clin d'œil appuyé.
- Ah oui ? Tu t'es fait pousser des branchies ? proposai-je.
- J'ai appris à nager ! s'exclama-t-il.
J'éclatai de rire en écho avec Plumeau. L'image de Zach en train de faire des brasses dans le lac me remplissait de bonheur.
Zach ne se démonta pas et se tourna vers notre quatrième camarade qui écoutait en silence.
- Tu parles pas beaucoup, Hugo.
- Au moins, j'ouvre pas la bouche pour dire des trucs stupides, comme certains.
- Tu parles de moi ? Sache que j'ouvre pas la bouche que pour dire des trucs stupides. Regarde.
Il ouvrit grand la bouche et souffla son haleine au nez de Hugo, qui grimaça.
- Saumon-citrouille-basilic, commenta Zach. Arme de destruction massive.
- Je confirme, souffla Hugo avec peine.
- Comment tu manges ça au petit-déjeuner ? demanda Plumeau.
- J'ai besoin de manger un truc solide avant de prendre le train, sinon j'ai l'estomac qui ballote et je fais des gerbis, avoua-t-il.
- Fais-moi un gerbi saumon-citrouille-basilic dans ce compartiment et je transfère son aspect sur ta face, menaçai-je.
- Toi, tu transféreras plus rien du tout sur ma personne, menaça-t-il avec un doigt accusateur. Je sais comment ça finit, tes métamorphoses ! J'en garde encore des stigmates !
Devant mon air perplexe, il sourit de toutes ses dents et s'expliqua.
- Je l'ai découvert cet été. Un joli souvenir de toi. Du genre permanent et gluant, mais un joli souvenir quand même, poursuivit-il à voix basse.
Il tourna la tête pour nous montrer derrière son oreille gauche et écarta la mèche de cheveux qui cachait son secret. Une tentacule minuscule sortait de sa peau à cet endroit.
- Je peux aussi la faire bouger, regarde.
Il se concentra et la tentacule s'enroula et se déroula.
- C'est génial ! lançai-je. Comment tu fais ça ?
- Je sais pas, répondit-il. C'est comme s'il y avait une région de mon cerveau dédié à bouger ce truc. C'est comme bouger la main. Marrant, non ?
- Très sexy, commenta Plumeau.
- Donc si un jour j'ai envie de te traiter de mollusque, notai-je, ce sera plus une constatation qu'une insulte.
Il replaça sa mèche.
- Avec ça, normal que t'aies appris à nager, glissa Hugo. On pourrait presque te confondre avec un majestueux animal marin.
- Si je dis à Will que je suis avec Catwoman et Aquaman, il va faire une attaque, souris-je.
- Avec Catqui ? fit Zach en ouvrant de grands yeux interrogateurs.
J'allais me lancer dans une explication mais la porte du compartiment s'ouvrit une seconde fois sur une petite fille aux boucles d'or dont la tenue à elle seule devait coûter plus cher que la maison de mes parents. Elle entortilla un doigt dans ses boucles parfaites et afficha une bouille innocente.
- Salut les bouseux, sourit-elle. Vous auriez pas croisé Kathleen ?
- Hé ! Salut les meufs ! Vous avez vu Kath ?
La main de la fille vint s'écraser sur le visage de Face-de-rat qui venait de surgir au-dessus d'elle. Il fut repoussé en arrière en une poussée nonchalante.
- Laisse parler les filles, Eli, pria la douce voix flûtée de la fille. Où diable as-tu appris les bonnes manières ?
- Tu m'as fait mal, Philippa !
- C'est l'éducation qui rentre, rétorqua celle-ci.
- Laisse tomber, Philippa, fit une troisième voix traînante derrière. Elle est pas là, tu vois bien.
- C'est pas grave, Leda, j'entretiens une conversation mondaine avec ces pauvres gens. J'élève leur conscience par ma présence.
La silhouette de croque-mort de Leda apparut dans l'embrasure. Ses longs cheveux noirs lui donnaient une allure de vautour et la seule touche de couleur de son accoutrement était l'épingle rouge retenant au-dessus de son oreille le lourd rideau sombre qui lui tenait lieu de frange.
- Tu perds ton temps, répondit-elle d'une voix macabre. On devrait pas se mêler à ce genre de vermine. Viens.
Philippa nous adressa un signe de main amical et suivit son amie dans le couloir. Un garçon aux cheveux ras et ternes portant un anneau à l'oreille soupira en laissant ses comparses s'éloigner.
- Tu peux fermer la porte, Sullivan, s'il-te-plaît ? demandai-je.
Seth Sullivan lança un regard dans ma direction et partit sans un mot.
- Merci beaucoup pour ta gentillesse, ajoutai-je en un murmure.
Plumeau se leva pour fermer.
- Ces quatre-là sont de pire en pire, observa-t-elle.
- J'ai peur pour Kathleen, grimaçai-je. Je vais jeter un œil.
- Je viens avec toi, fit Zach en se levant.
Nous sortîmes tous les deux et progressâmes dans le couloir. Des éclats de voix nous parvinrent. Puis les quatre compères du gang de Philippa sortirent en vitesse d'un compartiment pour s'éloigner sans traîner.
- Je vous jure que la prochaine fois que je vois vos sales faces de goules pustuleuses à moins de dix mètres de Kathleen, je vous étripe et j'arrache vos dents avec vos boyaux pour en faire des osselets !
- Calme-toi, Laura !
- La ferme, Chris ! Cette année, Tony est plus là, je suis responsable de Kathleen et il pleuvra des éruptifs le jour où je laisserai une horde de gnomes imbus d'eux-mêmes saboter mon attrapeuse de génie !
Je soupirai de soulagement. Si Kathleen était en compagnie de Charybde et Scylla, il n'y avait rien à craindre. Les deux batteurs de l'équipe de Quidditch de Serpentard la considéraient comme leur poule aux œufs d'or et je pouvais faire confiance à la violence de Scylla pour faire le ménage autour de Kathleen.
Je fis signe à Zach et nous retournâmes auprès de Plumeau et Hugo.
- C'est bon, elle est entre de bonnes mains, répondis-je à leur regard interrogateur.
- Au fait Zach, l'interpella Plumeau, tu nous montres comment ton Goldenseal a grandi ?
Celui-ci devint subitement gris et porta une main à sa bouche.
- Zut. Je l'ai oublié.
- Comment ça, tu l'as oublié ? demanda Plumeau.
- Tu l'as oublié chez toi ? s'enquit Hugo. C'est pas grave, ta famille s'en occupera.
- Non, je l'ai oublié depuis le premier jour des vacances. Je l'ai posé sur un meuble et il m'est complètement sorti de l'esprit.
- T'es sérieux ? Il doit être complètement mort, dit Plumeau avec tristesse.
- Quand tu disais que t'avais pas la main verte, je pensais pas que c'était à ce point là, s'amusa Hugo avec un sourire en coin.
- Quel débile ! pesta Zach.
- Lucide, approuvai-je avec mon pouce en l'air.
Puis son visage s'illumina à nouveau.
- C'est pas grave, je piquerai une autre plante en cours de Botanique. Cette fois, je l'oublierai pas. Tu m'aideras, Hugo ?
- J'ai le choix ? rigola ce dernier.
- Chouette, merci !
La porte du compartiment s'ouvrit une troisième fois sur un garçon de première année avec la peau aussi mate que celle de Zach et les mêmes cheveux noirs. En plus ébouriffés.
- Zach ! Je te cherchais !
Une moue contrariée déformait sa bouche. Il vint s'arrimer à lui comme un coquillage à son rocher.
- Steven est méchant avec moi ! Il veut pas que je reste avec lui ! Mais je m'en fous, je préfère rester avec toi !
- Steven a raison, Jojo-chéri, répondit Zach. Il faut que tu trouves un compartiment avec des première année pour te faire des copains. Tu vas pas rester tout le temps avec tes grands frères.
Le visage de son petit frère s'imbiba de larmes et il l'agrippa encore plus fort.
- Je veux rester avec toi ! Je veux rester avec toi !
- C'est pas possible, insista Zach. Je suis avec des amis et je préfère rester avec eux.
- Je vais crier si tu veux pas de moi !
- Lâche-moi, Jojo-chéri, tu vas m'arracher le pull !
Le petit se mit à hurler pendant que Zach le traînait hors du compartiment.
- T'as pas le droit de me mettre dehors ! Je le dirai !
Zach referma la porte en soufflant et les cris s'éloignèrent dans le couloir. Nous étions tous restés figés pendant la scène.
- C'est ton frère ? demanda Plumeau.
- Malheureusement, gémit-il en se rasseyant.
- Dire que je me plaignais de ma famille, souffla Hugo.
- On fait un échange ? s'illumina Zach.
La porte du compartiment s'ouvrit une quatrième fois et je commençai à trouver que cet endroit se transformait en moulin.
- Tu vois ? Je t'avais dit que Hugo était pote avec Vivent-les-moldus. J'ai gagné ! Tu me dois dix gallions. J'accepte un versement en plusieurs fois, avec intérêts.
- Qu'est-ce que tu fous, Hugo ? J'hallucine ! Je me fais dépouiller par Louis à cause de toi !
Un gloussement nous parvint de derrière les deux garçons qui barraient le passage. Louis Weasley, James Potter et leur cortège de noisettes. Louis Weasley caressait sa natte rousse en adressant un sourire de tombeur aux filles derrière lui pendant que James Potter passait ses deux mains dans sa touffe auburn pour les décoiffer de frustration. La porte se referma avant que quiconque ait pu dire un mot.
Hugo passa ses doigts sur ses paupières en soupirant.
- Bon, finalement, je veux bien garder Jojo-chéri, glissa Zach.
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Le climat au sortir du train était infiniment plus accueillant que celui qui nous avait accompagnés l'année précédente. Le concierge agitait un bras qu'on aurait dit confectionné avec des allumettes. Son allure maigrichonne et ton teint maladif n'inspiraient pas la confiance des première année qui se regardaient en se demandant s'ils devaient vraiment le suivre. Il tenta un sourire avenant mais ses gencives épaisses faisaient ressortir ses dents de manière effrayante et avaient l'effet inverse de celui recherché.
- Il paraît que le concierge est un vampire, murmura un première année en nous dépassant.
- Mais non, ça existe pas, les vampires.
- Si, je te jure, c'est vrai !
Je soupirai. Dire qu'on avait gobé les âneries de Jess lors de notre arrivée ici. Je pariai que si Will était là, il aurait lui-même alimenté les rumeurs avec des détails fantaisistes.
Je suivis le flot des élèves plus âgés qui se dirigeaient vers des diligences. En arrivant devant, je fus surprise de constater que je n'étais toujours pas capable de voir les sombrals. J'étais pourtant certaine que le traumatisme de la vision de Chourave l'an dernier aurait eu comme effet secondaire de les voir. Mais c'est vrai que quand nous étions arrivés, elle était déjà...
Le regard que Plumeau portait sur les voitures attira mon attention. Son teint était encore plus blême que d'habitude. Elle dévisageait le vide avec terreur et fascination.
Est-ce que...
Mais elle se tourna vers moi et me sourit maladroitement.
La plupart des diligences étaient déjà remplies. Nous poursuivîmes un peu plus loin, jusqu'à tomber sur Alyss qui nous faisait de grands gestes depuis l'une d'elles.
- Grimpez avec nous, il y a de la place, encore, dit-il.
Son autre main était ancrée dans celle de Rowena, assise à ses côtés. Elle nous adressa un signe de bienvenue. En face d'elle, Lyra leva l'épais grimoire qu'elle lisait devant sa tête en nous apercevant.
- Oh, non, pas les blaireaux, marmonna-t-elle.
- Contente de te retrouver aussi, sourit Plumeau en s'installant sur le banc à côté d'elle.
Lyra abaissa son livre pour regarder sa voisine.
- Je parlais pas pour toi, Plumeau, corrigea-t-elle. T'es bien la seule avec quelque chose entre les deux oreilles sur cette diligence. Enfin, à part moi.
Rowena leva les yeux au ciel et Alyss pouffa.
- Tu sais, depuis que Luke est parti, les personnes sur cette diligence sont probablement tes seuls amis, répliqua Hugo avec un regard noir. Tu devrais peut-être les chouchouter un peu plus, ou bien ils vont plus vouloir t'adresser la parole.
- Ce serait merveilleux, répondit-elle en reprenant sa lecture.
Zach éclata de rire.
- Tu l'as cherché, fit-il à Hugo.
- Tu fais pousser tes cheveux ? demanda Rowena.
Plumeau passa ses doigts dans sa couette en rougissant.
- Peut-être. On verra.
Je n'avais pas prêté attention au fait que mes camarades de Maison avaient changé pendant l'été. Son plumeau ressemblait davantage à une petite couette, à présent. Mais ses yeux bleus sans fond étaient immuables au milieu de son visage rond décoré d'une voie lactée de taches de rousseur en travers de son nez. Un havre de quiétude où on pouvait toujours trouver un sourire amical et sincère, malgré les moqueries sur son apparence qui lui passaient très loin au dessus de la tête.
Je constatai avec amertume que Zach m'avait dépassée pendant l'été. Je fis mon deuil de ma grande taille. Hugo me faisait me sentir naine depuis le jour de notre rencontre, de toute façon, et pour ce qui était de Kathleen, c'était toujours une demi-portion. Je remarquai son absence et interrogeai sa famille de fortune.
- Elle s'est mise avec ses potes du Quidditch, m'informa Alyss. C'est pas plus mal qu'elle s'entende bien avec d'autres de Serpentard. Comme ça, Eli la laissera tranquille et j'aurai moins l'occasion de lui taper dessus. Pas que ça me déplaise, hein, mais bon ça m'éviterait quelques retenues en mauvaise compagnie.
- Comme avec Potter ? s'enquit Rowena.
- Tu rigoles ? fit Alyss. Elle, aucune chance que je la trouve en retenue. C'est une vraie anguille, cette fille, elle s'en sort tout le temps d'une pirouette.
Je repérai les doigts de Rowena qui s'enlaçaient plus étroitement avec ceux de son voisin.
- Désolé, Hugo, regretta Alyss. Je parlais de ta cousine comme si t'étais pas là.
- T'excuse pas, le rassura-t-il avec un sourire en coin. C'est la vérité.
- Arrêtez, se plaignit Plumeau, vous me donnez faim avec vos histoires d'anguille. Je sens que ça va être l'enfer d'attendre toute la répartition.
Les cahots du chemin n'arrangeaient pas les choses. Il nous fallut encore marcher un moment pour arriver à l'entrée du château. Le redécouvrir me fit chaud au cœur. Je luttai pour ne pas imaginer Will à mes côtés. Son absence ternissait le bonheur de retrouver l'école.
Dans le Hall d'entrée, un fantôme avec un chapeau à plumes coupa mes ruminations en me traversant et mon estomac remonta dans ma gorge.
- Je m'habituerai jamais à ces trucs, gémis-je.
- Oups, pardon, toutes mes excuses, dit le fantôme en replaçant ses loupes sur son nez. Je ne vous avais point remarquée.
- Pas grave, l'excusai-je d'une voix éteinte.
- Je crois que Many est pas dans son assiette, plaisanta Zach.
- Je saurai me faire pardonner, m'adressa le fantôme en s'envolant d'un air contrit.
- T'inquiète pas, Zach, c'est juste que mes boyaux ont eu tellement peur de mourir qu'ils sont remontés dans mon cou. Faut leur laisser le temps de redescendre.
- A plus, les gars, lança Alyss en s'éloignant vers sa table. A toute à l'heure, Rowe.
Je me faufilai avec mes trois camarades de Maison sur un banc libre à la table de Poufsouffle. Je fis un signe à Fergusson mais il avait le nez plongé dans sa DS et ne me remarqua pas. Grâce était assise à côté de lui et avait laissé tomber les efforts pour lui parler. Elle gloussait à présent avec ses autres voisins, des garçons de troisième année ravis de sa compagnie.
Par curiosité, je cherchai le nouveau professeur. Swan siégeait à la place de directrice de l'école. Quelqu'un devait bien la remplacer pour les cours de Soins aux créatures magiques. Je le repérai. On ne pouvait pas le rater.
Je devais bien reconnaître que le nouveau avait de l'allure. Il était en grande discussion avec Rosendale. Je distinguais mal son visage d'ici, mais son splendide manteau coloré attirait l'œil. Les couleurs se mouvaient en un chaos lent et majestueux. Une fine corde dorée terminée par deux pompons reliait les deux pans du manteau. De jolies tiges de métal aplaties décoraient le fil.
- Il a la classe, le nouveau prof, non ? fis-je à Plumeau. T'as vu son manteau ?
Elle regarda dans la direction que je lui montrais et s'empourpra.
- Eh, il est trop vieux pour toi, Plumeau, se moqua Zach. Il a l'âge d'être ton père.
- N'importe quoi, répliquai-je. Il doit pas avoir plus de trente ans. T'es myope ?
- C'est ce que je dis, renchérit Zach. Trente ans, c'est vieux.
Je roulai mes yeux au plafond.
- De toute façon, on admirait juste son manteau, crétin sans cervelle, répliquai-je. Regarde.
Il suivit notre regard et resta aussi bouche bée que nous.
- Waouh, j'avoue que c'est joli, accorda-t-il.
Les mouvements des motifs sur le manteau étaient hypnotiques. Les cheveux du prof tombaient en courtes mèches châtain clair de part et d'autre de son front, traçant une raie au milieu débutante. C'était comme s'il avait tenté de se les coiffer en arrière mais que ses efforts n'avaient pas suffi à les tenir en place.
- On l'aura pas cette année, de toute façon, précisa Hugo. Les cours de Soins aux créatures magiques sont accessibles qu'à partir de la troisième année.
- C'est pas plus mal, remarqua Zach. J'aurais passé mes cours à regarder son manteau et j'aurais rien écouté.
- Parce que c'est pas déjà ce que tu fais ? me moquai-je.
- Pas du tout ! Pendant les cours de Hemingway, je suis hyper concentré.
- C'est pas très difficile, observai-je. Lore, par contre...
- C'est différent. Lore fait un cours de sieste, répliqua-t-il. Alors je m'exécute avec beaucoup d'application.
Le troupeau de première année fit son apparition et le choixpeau chanta. Même Zach se tut pour écouter la douce mélodie du vieux chapeau rapiécé. J'essayai de ne pas faire attention aux images de Will sous le chapeau qui se superposaient avec ce que je voyais. Si je commençais à confondre mes rêves avec la réalité, j'allais devenir timbrée. J'eus un pincement au cœur quand il chanta la hardiesse de Gryffondor, mais je souris en pensant aux amis qui m'entouraient. J'avais trouvé ma place, à Poufsouffle.
Le professeur Lettriminel annonça le début de la répartition et appela le premier élève.
- Andersen Dahlia.
Une petite fille à la peau mate et avec deux jolies nattes noires plaça le choixpeau sur sa tête.
- Andersen ! Comme c'est original !
- T'as une sœur, Zach ? demandai-je. Tu nous avais caché ça.
- Non. C'est la petite sœur de Elton et Justin, corrigea-t-il.
- Avec toi, pas le moindre doute ! Poufsouffle !
Des cris fusèrent tout autour.
- Bienvenue à la maison, Dahlia ! félicita Marvin.
- Viens, qu'on te fasse des bisous ! cria Zach.
- Dahlia, avec nous ! chanta Steven.
Elle vint s'asseoir, tout sourire, et fit coucou de la main.
- Elle est chou, fit Plumeau.
- Oui, je sais, j'aurais bien fait un échange, grogna Zach.
- Andersen Joey.
Le petit frère de Zach avança sa bouille contrariée sous le choixpeau qui poussa une exclamation.
- Andersen ? Encore ? Vous les faites par deux, à présent ? Poufsouffle et encore Poufsouffle !
Des acclamations s'élevèrent autour de nous. Je me joignis à eux.
- Bienvenue, Jojo-de-mon-cœur ! félicita Marvin.
- Bon retour à la maison, Jojo-chéri ! hurla Zach.
- Viens faire un câlin, Jojo-biquet ! cria Steven.
Joey Andersen rentra la tête dans les épaules et vint s'asseoir le plus loin possible de ses frères. Puis il croisa les bras et bouda.
- Quel grincheux, commenta Zach en hochant la tête.
- T'étais pareil, lui rappelai-je.
- N'importe quoi !
- Si, si, Zach, tu ronchonnais pareil le premier jour, m'épaula Plumeau.
- Vous avez une mémoire pourrie, insista-t-il.
Le seul résultat fut de faire pouffer Hugo.
- Toi aussi, tu t'y mets, râla Zach. Bande de faux amis.
Il croisa les bras. Puis il remarqua nos mines réjouies et s'aperçut qu'il avait pris une position identique à son frère.
- Ah, bouse de magyar, se décomposa-t-il. J'étais si chiant ?
J'acquiesçai énergiquement, suivie par Plumeau.
- Comment vous avez pu me supporter ? interrogea-t-il alors que Plumeau ne parvenait plus à se retenir de rire.
Le tas de première année s'amenuisait à mesure que la répartition se déroulait. Deux filles vinrent s'asseoir près de nous. L'une d'elle, une rousse avec les cheveux courts et un nez en boule, nous bombardait de questions sur l'école, les fantômes, le démon des cachots, les passages secrets, l'aile Ouest interdite et autres trucs intéressants.
- On a passé toute l'année à Treehall, alors on connaît pas l'école beaucoup plus que vous, expliqua Plumeau.
- Ah ouais ! Trop cool ! Et comment c'est Poufsouffle ?
- On s'amuse bien, sourit Zach.
- Vous croyez qu'on va finir dernier ? Mes parents disaient toujours qu'ils s'étaient éclatés, à Poufsouffle, mais qu'ils étaient toujours arrivés derniers.
- Eh ben tu peux dire à tes parents que je suis entouré de deux des plus gros cerveaux de l'école, souffla Zach avec un clin d'œil.
- De toute façon, vous pouvez compter sur moi, fit l'autre première année, brune avec une grande tache bleutée sur un œil. Mes frères et sœurs sont à Serpentard, et j'ai pas envie de perdre contre eux ! Vous allez voir les points que je vais leur mettre dans les dents !
Difficile ensuite de s'en dépêtrer. Elles étaient aussi collantes que du chewing-gum.
- C'est quoi, vos noms ? J'ai pas trop prêté attention à la répartition, demanda poliment Zach.
- Harrie, fit la rousse.
- Harriet, fit la brune.
Je me retins de pouffer devant l'origine évidente des noms.
- C'est vrai qu'il y a une fille maudite, dans l'école ? demanda Harriet.
- Jamais entendu parler, fis-je.
- C'est mon frère qui m'en a parlé, insista-t-elle. Il est dans sa classe. Il paraît que si on lui parle, il peut arriver des trucs affreux.
- Ça me dit rien, haussai-je les épaules. Ton frère a dû te raconter des histoires pour te faire peur.
- Je crois que ça va bientôt être à mes cousines de passer, fit Hugo.
- Quelles cousines ?
- Roxanne et Lucy.
Comme pour lui faire echo, le professeur Lettriminel appela une des deux dernières élèves encore en train d'attendre.
- Weasley Lucy.
- Encore une Weasley ! Décidément ! Rien ne vous arrête ! Hummm. Tiens, tiens... Ah !... Oooh... Moui... Très intéressant... Serdaigle !
Des applaudissements chaleureux s'élevèrent de la table des Serdaigle quand la petite fille à lunettes alla ramener sa couette blond vénitien sur leurs bancs.
- Tiens ! Une autre qui atterrit pas à Gryffondor, fis-je à Hugo.
- Bah, ça compte pas, répondit-il. C'est la fille de tonton Percy et tatie Pénélope. Molly aussi est à Serdaigle.
- Molly ?
- La grande sœur de Lucy.
- Weasley Roxanne.
- Nom d'un cache-nez enchanté ! Encore ! Vous renchérissez sur Andersen ? Bien. Pas de doute. Gryffondor !
Des rugissements s'élevèrent de la table des Gryffondor. La petite fille métisse retira le choixpeau de ses tresses et courut rejoindre sa Maison.
- Tu vois ? montra Hugo. Tous les Weasley normaux sont à Gryffondor.
- Mais toi t'es pas normal, t'es exceptionnel, rétorquai-je.
Il marmonna et ses oreilles prirent une teinte cramoisie.
- La répartition est terminée.
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Les première année avaient semblé s'entendre à merveille pendant le cache-cache géant de la soirée du bizutage, grâce à l'accueil chaleureux de Marvin qui avait été un ombric adorable. Il avait suffi pour en être persuadé d'observer la façon dont les deux Harries, les cousines de Hugo, la cousine et le frère de Zach plaisantaient entre eux à la fin de la traque effrénée dans les couloirs du château. Hugo avait été forcé de reconnaître que finalement, les Maisons n'avaient plus vraiment d'importance du moment qu'on passait un bon moment. Je le félicitais dans ses efforts d'ouverture d'esprit quand Louis Weasley avait fait s'écrouler tous mes espoirs lorsqu'il avait entrepris de caresser les boucles brunes de Hugo en l'appelant « mon petit blaireau ». Ce dernier s'était refermé dans un silence vexé tout le reste de la soirée, même lorsque sa cousine Lucy avait gagné le cache-cache, au grand dam de Joey Andersen qui avait décrété que c'était injuste parce qu'elle était toute petite et qu'on ne la voyait pas bien.
La première semaine de cours m'avait désespérée, tant l'année écoulée à Treehall m'avait fait oublier à quel point le favoritisme de O'Noguel en Métamorphose et les cours confus de Sortilèges de Lore étaient agaçants. Pourtant, Hemingway était parvenu à rallumer des lueurs d'émerveillement dans nos yeux blasés en annonçant qu'il organiserait des ateliers de duel magique cette année.
Le vendredi nous avait fait enchaîner les cours de Sortilèges, Métamorphose, Histoire de la magie et Littérature. La pagaille pendant son cours empêcha Lore de nous donner des devoirs, mais O'Noguel fut plus maline. Alors que tous les élèves s'enfuyaient de sa salle de classe, la vieille momie hurla les consignes pour la fois suivante et menaça de renvoyer du cours tout élève qui ne rendrait pas le devoir. J'avais somnolé pendant les deux cours malgré le bruit ambiant, et Binns acheva de me bercer. Si tous mes vendredis étaient aussi ennuyeux, j'allais attaquer tous mes week-ends avec un cerveau ramolli.
En fin de journée, je n'avais qu'une envie, aller m'affaler sur les fauteuils de la salle commune de Poufsouffle. Les petites fenêtres rondes qui ornaient le haut du mur laissaient filtrer les derniers rayons de soleil. Ces derniers faisaient ressortir l'âme chaleureuse des tons ocre de la pièce. Je m'écroulai sur le premier fauteuil venu.
- Vive le week-end ! s'exclama Zach en se laissant tomber près de moi.
- Je vais faire le devoir de Métamorphose tout de suite, fit Hugo en sortant un rouleau de parchemin de son sac.
- Moi aussi, ajouta Plumeau. Comme ça, ce sera fait.
- Quoi ? s'étrangla Zach.
- Bon, ben moi aussi, alors, les suivis-je. Ça va me réveiller.
- Toi aussi, Many ? Mais... Mais...
- Viens, Zach, fit Plumeau.
Il nous regarda d'un air confus.
- Je vais t'aider à faire le tien, ajouta Plumeau avec un sourire dans sa direction.
Il sembla fondre et se coula dans une chaise près d'elle.
Je réprimai un gloussement en voyant son teint spectral et me concentrai sur ma feuille. Au bout de cinq minutes, je levai les yeux et compris que Zach était plus concentré sur sa voisine que sur sa feuille. Elle surprit mon regard et se tourna vers lui.
- Ah ! Crotte de Kelpy, il est où, ce manuel, s'empressa-t-il de marmonner en plongeant pour fouiller dans son sac.
- Il est là, Zach, lui montrai-je le livre sur l'accoudoir.
- Ah, oui, se redressa-t-il.
- Ouvre-le à la page 128, lui dit Plumeau. Tu devrais y trouver de quoi t'inspirer.
- Bon, c'est bien parce que c'est toi, chuchota-t-il. Cette matière me donne de l'urticaire.
Je pouffai et me replongeai dans mon livre.
Un peu plus loin, il y eut des éclats de voix, et ma curiosité me fit oublier mon envie de somnoler. Un groupe de septième année venait d'entrer en grande fanfare, Marvin Andersen au milieu, qui gesticulait et poussait des exclamations impressionnées.
- Il est génial ce nouveau prof de Soins aux créatures magiques. Rien à voir avec cette vieille peau de Swan. Quand je pense que j'ai failli abandonner l'option.
- Ouais, carrément ! C'était énorme.
- Salut Riri-d'amour, reste pas aussi longtemps le nez dans une dissertation, tu me fais de la peine, lança Marvin en cherchant la narine de Zach au passage pour y mettre son index.
- Toujours un plaisir de te croiser, dit Zach en le repoussant. C'est quoi toute cette agitation ? J'étais en plein dans une dissertation de Métamorphose. Tu sais très bien que c'est ma matière préférée et que je suis infiniment contrarié d'être dérangé et de devoir remettre à plus tard cette corvée. Vous parliez de quel prof ?
- Tout le plaisir est pour moi, Riri-d'amour. C'est Di Renzo, le nouveau prof qui remplace Swan. Il est parfait. J'ai plus appris en une matinée avec lui qu'avec six ans de l'autre aigrie. C'était géant. A la fin du cours il nous a tous emmenés voir des satyres. Des satyres ! Comment tu décrirais ça toi ? Géant, non ?
- Tous emmenés, hein ? Ce prof a vraiment aucune pédagogie. C'était nul.
- Dianaaa ! Tu casses toute mon argumentation ! Qu'est-ce que va penser mon frère maintenant ?
- Que ce prof est un crétin. Il fallait soit prendre tout le monde, soit montrer ces créatures à personne. Mais les montrer uniquement aux garçons, c'est... injuste ! Misogyne ! Machiste !
- Ah ça va ! L'an dernier t'as bien vu une licorne, toi !
- C'est pas pareil.
- Bien sûr que si.
- Les licornes s'enfuiraient. Pas les faunes.
- Satyres. Les faunes ont disparu il y a plus de mille ans, t'as entendu Di Renzo comme moi. Et si c'était des faunes on aurait pu tous y aller, même les filles.
- Il aurait quand même pu nous emmener.
- C'était dangereux. Te fais pas plus bête que tu l'es. T'as très bien compris.
- J'ai pas peur d'une bande de violeurs à pattes de chèvre. Ces types là sont tous les mêmes. Ils accordent tellement d'importance à ce qu'ils ont entre les jambes qu'un coup de genou bien placé les ramène instantanément à l'état de courgette. Ton Pan le satyre, tu peux te le mettre là où je pense. Et arrête avec cet air de mâle protecteur aussi d'ailleurs.
- Rappelle-moi pourquoi je sors avec toi ? grimaça Marvin.
- Parce que t'as pas assez de couilles pour me lâcher.
- T'es dure avec moi, un peu. C'est un des trucs que j'aime chez toi.
Elle l'enlaça violemment et il lui rendit l'étreinte. Hugo remua sur sa chaise, gêné. Zach s'éclaircit la gorge.
- On vous dérange pas j'espère. Je voudrais bien dire qu'un devoir de Métamorphose est tellement passionnant qu'il me coupe de ce genre de vision déplaisante, mais en fait non. Vous pouvez aller vous bécoter ailleurs ?
- Oui mon frère, on s'en va. Je sais que c'est dur de voir ce qu'on a pas. T'aimerais bien un bisou de temps en temps, hein, mon Riri-d'amour ?
Marvin lui posa un bisou bruyant sur le front et le serra dans ses bras épais comme un doudou. Zach grogna et se débattit mais il ne faisait pas le poids face à son baraqué de frère. Marvin le laissa tomber et ajouta :
- Au fait, on recrute pour l'équipe Dragonneau demain matin, les gnomes. Juste avant le recrutement pour l'équipe des grands. Motivez du monde, on a désespérément besoin de sang neuf dans l'équipe.
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Marvin ne perdit pas un instant de son créneau sur le terrain de Quidditch et pressa la moindre parcelle de talent caché en chacun de nous. Tout le monde s'essaya aux différents rôles plus d'une fois. Résultat, j'avais déjà mal partout et un mal de crâne indésirable à force de rester concentrée sur les différentes balles. Il ordonna enfin un temps mort et nous fit asseoir dans l'herbe. Je le vis discuter au loin avec Littlerock en secouant la tête de dépit. Il nous pointait un à un et elle acquiesçait. La petite poursuiveuse trapue était la deuxième plus âgée de l'équipe. Sa coiffure tenait plus de la serpillière arc-en-ciel que de la chevelure humaine et son visage carré était davantage percé qu'un morceau d'emmental. Mais son agilité sur le terrain démentait formellement ce que criait son allure de camionneuse.
- Bon, les gnomes, après délibération, je vais vous donner vos rôles, annonça Marvin en se posant devant nous. Vous êtes deux de trop, donc vous pourrez pas tous participer aux matchs, mais tout le monde pourra venir aux entraînements Dragonneaux. C'est bon pour vous ?
Les têtes hochèrent leur accord. Sauf Joey qui fit la moue.
- Pourquoi Zach est dans la vraie équipe alors qu'il est qu'en deuxième année, alors que moi je dois aller dans les Dragonneaux ?
Son frère aîné soupira.
- C'est une histoire longue et compliquée, Jojo-de-mon-cœur, mais s'il arrive un meilleur batteur que Riri-d'amour tout à l'heure pour le recrutement de l'équipe des grands, sois certain qu'il ira vous rejoindre.
- Hein ? s'étrangla celui-ci.
Marvin lui fit les gros yeux avec un discret bruit contrarié pour lui intimer de se taire. Zach comprit à retardement que son frère disait ça uniquement pour apaiser Joey. Il prit un air penaud.
- C'est bon pour vous ? répéta Marvin en vrillant son regard dans celui de Joey.
- Moui, marmonna-t-il.
- Ok, maintenant que tout le monde est au clair, poursuivit-il, les rôles. Malany, tu te débrouilles vraiment pas mal à la batte et je pense sincèrement que tu as du potentiel, mais t'es la moins mauvaise en attrapeur donc c'est toi qui vas t'y coller. Cyrille, tu...
- Oh, non ! Moi, je voulais être attrapeur ! s'exclama Joey.
- Évite de m'interrompre, Jojo-de-mon-cœur, c'est malpoli.
Il grommela.
- Cyrille, tu seras aux anneaux. Je pense que tu devrais bien t'en sortir.
- C'est pas juste ! Moi aussi je sais hyper bien garder les buts !
- Fergusson et Tanguy, on va voir comment vous vous débrouillez comme batteurs...
- Mais Marvin ! Moi aussi je...
- Jojo-de-mon-cœur, tu m'agaces. Si tu attendais patiemment le temps que j'en arrive à toi avant de râler comme un putois tu saurais que je te considère comme un excellent poursuiveur. Tu vois où est-ce que je veux en venir ?
- Je suis poursuiveur ? hésita Joey.
- Quelle vivacité d'esprit !
- Ouais !
- Hugo et Harrie aussi, vous serez poursuiveurs. Bon, je compte sur vous pour pas être trop nuls, hein ! Vos matchs, c'est dix pour cent des points pour la coupe de Quidditch. Allez, je vous libère, vous pouvez retourner jouer dans la salle commune.
- On peut rester assister au recrutement des grands ? demanda Harrie.
- Vous faites ce que vous voulez, vous êtes libérés, sourit Marvin en agitant la main pour nous faire partir.
Elle sauta de joie à l'unisson avec Joey. Je proposai à Hugo de rester aussi pour attendre Zach et il haussa les épaules.
- On a qu'à s'installer avec Plumeau dans l'herbe au bord du terrain, proposa-t-il.
Nous traversâmes toute l'étendue de pelouse. Pendant une fraction de seconde, je crus discerner Will. Puis je pris conscience que ce n'était que Plumeau. Elle parut ravie de nous voir enfin débarquer.
- Je commençais à m'ennuyer sérieusement, sourit-elle. La prochaine fois, je prendrai un livre pour étudier pendant que vous faites vos acrobaties.
- Si Zach t'entendait, ris-je.
- Ah, bouse de licorne, les excités viennent vers nous, murmura Hugo.
La pelouse orange qui poussait au sommet du crâne de Harrie vint se poser devant moi et Joey s'incrusta entre les genoux de Plumeau.
- Hugo, demanda innocemment Harrie, c'est vrai que ton père est le chef des aurors ? Est-ce que c'est vrai que l'ancienne directrice de Poudlard était une néo-mangemort ?
Une chape de plomb vint lester mes épaules. Ces rumeurs ne s'arrêteraient-elles jamais ?
Je cherchai une réponse cinglante mais Hugo me devança d'une voix dénuée de tout reproche.
- Qu'est-ce que tu en penses, toi ?
- Moi ?
Les pommettes saillantes de Harrie s'étaient empourprées.
- Oui, toi, insista Hugo avec un sourire en coin.
Je n'étais plus sûre maintenant que son intention était dénuée d'arrière pensée. Le regard interrogateur que je lui adressai fut ignoré.
- Eh ben, hésita-t-elle. J'en suis pas bien sûre. Mais le fait que ce soient les aurors, et pas la brigade de police magique, qui aient ouvert une enquête dessus, c'est louche... tu vois ce que je veux dire ? Et on m'a dit que des instruments de magie noire avaient été retrouvés dans son bureau.
- C'est ce que les gens racontent ?
Le sourire en coin avait disparu.
- Laisse tomber, Hugo, l'apaisa Plumeau.
- Je suis juste curieux, répondit-il avec un air froid qui hurlait le contraire.
- C'est vrai, insista Harrie. C'est la grande sœur de Harriet qui me l'a dit. Et il paraît qu'en plus de pratiquer de la magie noire, elle était aussi derrière les mystérieuses disparitions qui avaient lieu à Poudlard depuis plus de dix ans ! Elle lavait le cerveau des meilleurs élèves pour qu'ils rejoignent ensuite les mangemorts à leur sortie de Poudlard. C'est pour ça qu'elle choisissait les plus doués, et qu'elle les enlevait pendant leurs premières années. Quand ils étaient encore jeunes et influençables.
- Comme toi, tu veux dire ? la taquinai-je.
- Je suis peut-être en première année, mais elle m'aurait pas eu aussi facilement, s'enorgueillit Harrie. On me fait pas avaler n'importe quoi, à moi !
Joey ne put se contenir et explosa de rire.
- T'as l'air tellement convaincue, fit-il, que si j'avais pas su qu'un mec de Serdaigle avait disparu ce matin, je serais tombé dans le panneau.
- Qui ?
- Un garçon de cinquième année, précisai-je. Plus trop dans la fleur de l'âge, d'ailleurs. Mais il est peut-être toujours influençable, qui sait ?
- Oh, fit Harrie. Quelqu'un a disparu ?
- Ouais, affirma Joey.
- Il est pas juste perdu dans un des rayons de la bibliothèque comme Melinda la folle ?
- Non, non, bien disparu, sourit-il.
- Ma théorie tombe à l'eau, constata Harrie en se frottant le menton. Mais le reste est vrai, non ?
Nous échangeâmes un regard.
- Hé, Harrie, chuchota Joey en l'attirant près de lui, ces trois-là étaient avec mon frère quand l'ancienne directrice a été assassinée. C'est de la source en béton.
- C'est vrai ? se retourna-t-elle d'un bloc.
L'admiration dans ses yeux me rendit soudain nauséeuse.
- Je pense que les profs voulaient pas trop que ça se sache, Joey, grimaça Plumeau.
- Oups.
- Je suis une tombe, jura Harrie avant de rentrer ses lèvre en signe de mutisme.
- Il se passe un truc là-bas, remarqua Hugo.
Sur le terrain, les quelques membres de l'équipe de Quidditch restaient sur la pelouse à discuter avec un garçon obèse que nous ne connaissions pas. Marvin faisait de grands gestes et tournait en rond. Le nouveau venu était la seule tête inconnue.
- Les candidats pour intégrer l'équipe devraient déjà être là depuis longtemps, poursuivit Hugo en lissant ses boucles brunes. C'est pas normal.
Avant que quiconque ait pu décider de ce qu'il convenait de faire, la voix amplifiée de Marvin retentit dans le stade.
- Malany et Jojo-de-mon-cœur, vous êtes attendus immédiatement sur le terrain !
- Hein ? fis-je.
- Yes ! cria Joey.
Il sauta sur se pieds et courut vers ses frères.
- Vas-y, Many, me poussa Plumeau alors que Hugo me regardait d'un air interdit.
Quand j'arrivai à hauteur de l'équipe, Joey était déjà parmi eux depuis longtemps. Il trépignait d'impatience.
- Qu'est-ce qu'il se...
- On a un gros souci, me coupa Marvin. Jojo-de-mon-cœur, arrête de bouger, je sais que t'es content. Malany, est-ce que tu te sens de jouer avec nous comme batteuse ? Zach te formera bien, je te le promets.
Ce dernier m'envoya un clin d'œil et leva son pouce discrètement pour me rassurer.
- Mais je croyais que tu voulais que je sois attrapeuse parce que...
- Oublie, fit-il en agitant ses paumes de main.
- Ok, ok, obtempérai-je. Qui est-ce que je dois remplacer ? Tanguy ou Ferguss ?
Il resta bloqué une seconde.
- Je te parle pas des Dragonneaux, secoua-t-il la tête. Regarde autour de toi. Tu vois des candidats pour entrer dans l'équipe ? Ce terrain est aussi désertique que le cœur de ma copine.
De l'équipe d'Elton, il ne restait que Marvin, Zach, Steven et Littlerock. Trois postes étaient vacants. Une seule tête était nouvelle dans le groupe. Le garçon inconnu haussa les épaules. Son obésité tendait une peau plus noire que celle de son futur capitaine, et quelques frisettes crépues peinaient à naître de son front fuyant.
- J'ai essayé de convaincre du monde, s'excusa-t-il. Mais avec le départ d'Elton, tout le monde est persuadé qu'on va perdre, alors...
Je crus un instant que Marvin allait se mettre à pleurer.
- T'inquiète pas, ajouta le nouveau, moi, qu'on gagne ou qu'on perde, j'aurai été content de jouer dans ton équipe, Marvin.
Le frère aîné de Zach faisait deux têtes de plus que lui mais se lova quand même dans ses bras potelés en le remerciant.
- Tu sais parler aux hommes, Brutus, ironisa Littlerock.
Celui-ci lui adressa un regard d'appel à l'aide. Mais Steven Andersen se joignit à l'accolade, et bientôt tous les joueurs se serrèrent.
- Brutus, se reprit Marvin. Bienvenue dans l'équipe.
Il répondit par un grognement.
- Attendez, vous voulez que je joue dans la vraie équipe ? percutai-je. Et Joey aussi ?
- Je veux me rappeler ton visage de maintenant pour toutes les prochaines fois où tu me traiteras de débile, sourit Zach.
Marvin passa une main sur son visage et eut un petit rire nerveux.
- On va tellement être mauvais, cette année.
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Les quatre Maisons avaient pour consigne de rester chacune à sa table pour le repas du soir, mais le reste de la journée, les grandes tables restaient libres à qui voulait s'y installer. Nous avions une heure de libre avant le cours de Sortilèges. Hugo m'avait proposé un tournoi d'échecs version sorcier lorsqu'il s'était aperçu que j'aimais y jouer. Plumeau avait accepté d'essayer et Zach avait suivi en marmonnant qu'il aurait mieux fait de réfléchir avant de choisir des amis aussi austères. Son regard s'était illuminé en apercevant Lyra Fox attablée en solitaire, le nez dans un gros tas de parchemins défraîchis. Il dut y voir une échappée miraculeuse au jeu d'échecs. Je n'enviais pas Lyra. Une alarme incendie bloquée en mode ON était moins pénible qu'un Zach qui s'ennuie.
- Salut, s'imposa ce dernier en prenant place à ses côtés. Qu'est-ce que tu lis ?
- On va pas te déranger, s'empressa d'ajouter Plumeau. On va juste jouer aux échecs à côté. On sera aussi silencieux que possible.
- Oui, ajoutai-je, tu peux continuer ce que tu faisais comme si on était pas là.
Lyra leva la tête et son regard de rapace s'adoucit en croisant celui de Plumeau.
- Ok, lui répondit-elle. Faites.
Je ne relevai pas le fait qu'elle avait ignoré les trois autres personnes présentes. Hugo secoua la tête et sortit le jeu d'échecs version sorcier.
- Many et moi, on fait la première partie, fit-il aux deux autres. Ça vous va ?
Plumeau acquiesça mais Zach était déjà occupé à lire par-dessus l'épaule de Lyra.
- Hou, ça a l'air vachement compliqué.
- C'est probablement pour ça que c'est pas toi qui est en train de travailler dessus, souffla-t-elle sans lever les yeux.
Je fis avancer mon premier pion. Hugo se frotta le nez.
- De quoi ça parle ? demanda Zach.
- C'est une formule ancienne pour faire disparaître les déficients mentaux, répondit-elle en étirant un sourire malicieux. Je cherchais justement quelqu'un sur qui l'essayer...
Non, pas malicieux. Son sourire était vil.
- Tu étudies quoi ? redemanda Plumeau.
Lyra leva les yeux vers elle et l'ombre de malice s'évanouit.
- Des parchemins extraits d'un vieux grimoire qui recueille pas mal de connaissances de la tradition orale viking. C'est super intéressant. Je l'ai emprunté dans la réserve. C'est tout écrit en runes, par contre...
- Je suis pas encore bilingue, grimaça Plumeau. Mais je sais les déchiffrer. J'irai jeter un œil dedans à l'occasion.
Lyra se replongea dans sa lecture.
- Je comprends pas l'intérêt que vous avez à vous esquinter la vue dans des salles obscures avec ces pattes de mouches, les filles, fit remarquer Zach. Vous devriez prendre l'air et faire un peu de sport, plutôt, ça vous donnera meilleure mine.
- C'est que... Je suis pas super douée en sport, s'excusa Plumeau en rougissant. Alors...
- Qu'est-ce qui te dit que je fais pas de sport, Andersen ?
Devant le ton moqueur de Lyra, Zach passa une main dans la brosse noire qui lui servait de chevelure et détailla d'un air interdit la silhouette menue de son interlocutrice.
- Tu fais du sport, toi ? Je t'ai jamais vue sur un balai, pourtant, s'étonna-t-il.
Elle ne crut pas nécessaire d'interrompre sa traduction du parchemin pour le regarder.
- Je fais de la gym et de l'escrime trois fois par semaine depuis que je suis assez grande pour marcher.
- De l'escrime ?
- Du kazekenjutsu, si ça t'intéresse.
- C'est un truc que tu viens d'inventer, non ? railla Zach.
- C'est un art qui vient d'Asie, continua-t-elle comme s'il n'avait été qu'une mouche qui bourdonnait dans son oreille, inventé bien avant que la langue anglaise ne vienne polluer la Terre.
- C'est ta langue maternelle je te rappelle, souffla Hugo entre deux coups agressifs qui me firent perdre ma dame et mon dernier cavalier.
- Mouais, fit Zach. De toute façon, la gym, c'est bien un sport de fille. Je préfère faire un vrai sport de mec.
- Tu veux parler de voler après la baballe et ne pas nécessiter plus de deux neurones ? lança Lyra.
- Je... c'est... tu comprendras jamais l'âme du Quidditch.
- Non, probablement pas.
Zach ouvrit la bouche à plusieurs reprises, comme pour chercher les mots qui exprimeraient son amour pour ce qu'elle venait juste d'insulter.
- C'est tellement... comment tu peux dire que... je peux cracher sur son sport de fillettes ? finit-il par demander innocemment dans notre direction.
- Un sport de fillettes ?
Cette fois, elle laissa tomber son parchemin runique et fit face à son adversaire. J'avais envie de me cacher sous terre à chaque fois que j'entrevoyais son rictus carnassier.
- J'ai dit « art », tout à l'heure, mais dans le sens « art martial », expliqua-t-elle. C'est un sport de combat, si ça sonne mieux à tes oreilles.
Elle s'interrompit pour laisser Zach finir de calmer son fou rire. Plumeau lui jeta un regard noir. Lyra lui fit un grand sourire.
- C'est bon, t'as bien rigolé ?
- Quoi ? C'est énorme non ?
- Qu'est-ce qui est énorme ?
- Ben... Tu m'avais presque eu, j'avoue. Mais disons que t'as pas la carrure d'un titan.
- Non.
- Plutôt du style crevette.
- On peut dire ça, oui. Même si je préfère me dire que je suis svelte et que j'ai pas encore fait ma poussée de croissance.
Elle patienta le temps qu'il fasse fonctionner son duo de neurones.
- Zut, c'était pas une blague ? s'étonna-t-il.
Il mit sa main devant sa bouche et murmura un « oups ».
- Tu veux pas nous faire une démo ? s'illumina-t-il.
Plumeau se cacha derrière ses mains pour dissimuler son embarras. Mais Lyra se contenta de hausser les épaules.
- Pas avec du monde autour, non. Si tu me donnes un sabre, je peux te faire une démo en privé, mais je peux pas assurer que tu seras toujours en un seul morceau après.
- Un sabre ? Genre ninja? Ça sonne un peu super-héros, c'est trop classe, m'emballai-je.
- Merci, miss lèche-cul, m'adressa-t-elle.
Je rougis. J'étais sincère !
- Tu fais du sport de moldu, en fait, repris Zach.
- Tu vois, exposa Lyra avec pédagogie, avant que les occidentaux diffusent l'utilisation des baguettes, une grande partie des sorciers japonais se servaient de sabres comme catalyseurs. T'as qu'à voir ça comme une sorte de duel magique. Alors ton sport de moldu, tu peux aller te le mettre dans ton crâne de faykrill à l'endroit où t'as jamais réussi à faire pousser un cerveau.
Zach éclata de rire et tendit une paume ouverte. Lyra l'ignora ouvertement.
- T'as gagné, ça a l'air cool ton truc, avoua-t-il.
- Même si ce serait encore mieux avec des sabres lasers, ajoutai-je.
L'expression étonnée des quatre autres me rappela qu'ils n'avaient pas vécu avec la même culture que moi.
- Star Wars, expliquai-je. C'est un film.
- Les films, c'est pas ces photos que les moldus regardent pendant des heures ? demanda Zach.
Je dissimulai un sourire. J'étais loin d'imaginer que la différence de culture était aussi grande. Il faudrait que j'aie une conversation avec Fergusson. Peut-être qu'il tenait là sa grande invention ? Le film magique ?
- On va dire ça, accordai-je en luttant contre le rire. Mais comment est-ce que vous racontez les histoires, en dehors des livres ?
- Bah, avec ta bouche, fit Zach avec un tel aplomb que tout le monde pouffa.
- Merci pour ton aimable et utile participation, assura Lyra en riant malgré elle.
Elle paraissait soudain beaucoup plus abordable, sans ce masque froid qui contribuait à éloigner les curieux.
- Les films sorciers existent, m'expliqua Hugo dans l'hilarité générale. Seulement, pas de la façon à laquelle tu t'attends. Mes grands-parents m'ont montré quelques films moldus qu'ils jugeaient indispensable à ma culture mais j'avoue que ça n'a rien à voir avec ce que la magie est capable de faire. Un de ces jours, on te montrera ça. Hein, Zach ?
- Carrément ! s'exclama-t-il. Si tu m'expliques de quoi tu parles.
- Les lanternes magiques, hoqueta son voisin alors que le fou rire repartait de plus belle.
Zach projeta le jus de citrouille qu'il était en train de boire en un millier de gouttelettes en explosant. Plumeau s'était étalée et pleurait de rire avec moi. Lyra avait abandonné l'idée de rester digne. Même Hugo, qui était resté à peu près sérieux par égard pour son ami, sanglotait en se pinçant le nez.
- Fallait le dire plus tôt, se plaignit la victime une fois sa capacité de parler revenue. J'y comprends rien à votre jargon de moldu moi !
- Tu voudrais pas devenir humoriste ? gémis-je entre deux éclats de rire. Non, sérieusement, penses-y, ce serait énorme.
- C'est quoi encore ce truc ? Une maladie ? s'étrangla-t-il.
Après ça, aucun d'entre nous ne fut plus capable de prononcer un mot en entier. Et nos voisins de table affichaient de telles têtes offusquées qu'ils n'arrangeaient pas l'affaire.
Pour la première fois depuis mon retour à Poudlard, j'oubliai Will, et me rappelai à quel point je me sentais bien dans cette école.
J'espérai que ce moment dure toujours.
C'était sans compter sur ma poisse.
Une fille de Serpentard plus âgée vint héler Lyra. Elle gardait ses distances comme si trop l'approcher allait la contaminer.
- Tiens, j'ai trouvé ça couvert de bave, par terre, dit-elle. C'est à Sylvermith, non ? Tu pourras les lui rendre ?
Elle posa dans la paume de Lyra deux bijoux. Les deux étaient formés de trois perles enfilées d'un bleu profond et translucide magnifique. L'un des bijoux était monté sur une épingle à cheveux, et l'autre sur une boucle d'oreille.
Nous avions du mal à stopper notre fou rire.
Lyra, elle, avait perdu son sourire en un battement de cils et peinait à masquer son trouble.
- T'as trouvé ça où ?
- C'était par terre, dans un couloir des cachots. Il a dû les laisser tomber. Tu veux bien lui rendre, alors ?
- Oui, je les lui rendrai.
La fille s'éloigna, laissant Lyra plongée dans ses réflexions, le regard toujours fixé sur les deux bijoux.
- Il y a quelque chose qui va pas ? demanda Plumeau en s'essuyant les yeux.
La main de Lyra se referma sur les perles et elle lança un regard inquiet vers elle.
- Nemo les quitte jamais, à part pour dormir. Et je peux pas croire qu'il les ait perdu par inadvertance. Pas les deux au même endroit.
- Qui ça ?
Elle ignora ma question.
- C'est à un ami à toi, Lyra ? demanda Plumeau.
- Si ça te fait plaisir, tu peux voir ça comme ça, lui concéda-t-elle.
Hugo renifla pour partager son avis à propos des mots « ami » et « Lyra » dans la même phrase.
- Qu'est-ce que tu voulais dire ? Qu'il les a semés exprès ? s'impatienta-t-il.
- Deux secondes, intima-t-elle. Laisse moi réfléchir.
Ses yeux restaient rivés sur les deux bijoux et ses sourcils froncés témoignaient de sa concentration. J'échangeai un regard d'incompréhension avec Plumeau. Nous attendîmes.
- C'est une nouvelle disparition, dit-elle finalement.
- Hein ?
- Il y a déjà un cinquième année qui a disparu la semaine dernière, fit remarquer Hugo. C'est impossible.
- C'est pourtant ce que je constate, rétorqua Lyra.
- Et qu'est-ce que tu constates, exactement ? répliqua Hugo. Une barrette ?
- Sois pas condescendant, Weasley, fit-elle.
- Je suis pas...
- Nemo était absent aujourd'hui, poursuivit-elle. Je pensais qu'il avait oublié de se réveiller, ou qu'il était malade. Mais on retrouve ça. S'il les a abandonnés, c'est délibéré.
- Tu en déduis qu'il a disparu, termina Plumeau. Je comprends, mais qu'est-ce que tu fais de David Emmerson qui a disparu la semaine dernière ?
- Et qu'est-ce que tu en déduirais, toi ? provoqua-t-elle.
Plumeau ne répondit pas, mais elle avait compris.
- Réveillez-vous, les attardés. Il y a deux disparitions en même temps, traduisit Lyra.
- C'est jamais arrivé, nous calma Hugo. Il y a toujours une disparition après l'autre. Vous emballez pas comme ça. Il va resurgir dans la journée et on s'apercevra qu'il prend de la rêveuse en douce ou un truc du style.
- Très improbable. Mais si tu le dis, alors ça doit être vrai, fit Lyra en se replongeant dans sa lecture.
- Tu veux pas prévenir Swan ? demanda Plumeau. Au cas où il aurait vraiment disparu ?
- Ils vont bien finir par remarquer qu'il est plus là, dit Lyra d'un ton détaché.
- Mais il faut partir à sa recherche, non ? répliquai-je.
- Fais-toi plaisir, invita Lyra. Une fois disparu, personne a jamais été retrouvé avant l'heure. Je préfère économiser mon énergie à des choses plus utiles.
Malgré les arguments de Lyra, je poussai mes trois camarades de Poufsouffle devant la salle des profs. Swan nous accueillit avec circonspection, puis finit par nous mettre à la porte en nous accusant de lui faire perdre son temps avec des idioties.
Son dédain se changea en inquiétude quand Nemo Sylvermith ne refit pas son apparition le lendemain, ni le surlendemain, et que David Emmerson restait introuvable.
La semaine suivante, Swan dut se rendre à l'évidence et profita du dîner pour nous annoncer la double disparition, générant une vague de panique dans l'école.
