Chapitre 15 - Nemo Sylvermith


Hola,

Comen vus ale ? Resu la letre de Johan, et la votre. Merci !

A Nocheira tus va bien, le curs de segund ane son dures mais je suis tre forte donc je suis tre bien. Vus vere, quan je sere grande vus me vere a la tele comme presidente, promi. Mais je sere tujurs votre copine, ce sure, promi osi.

Mon frere a fini Nocheira donc il etude a la universitad de magos de Andes. Il tre forte osi mais je espere que le prof von accepte son obsesion san juge a malo.

Je vus fe de gros bisus,

Quilla.

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La lettre de Poncho avait été déposée par un oiseau légendaire paré de couleurs flamboyantes qui avait émerveillé toute la Grande Salle au moment du repas. Au milieu des hiboux, cet animal était magnifique. Je n'avais pas tout compris à sa lettre mais Plumeau et moi étions heureuses qu'elle ait fait l'effort de nous écrire.

- Jolie bestiole, commenta Norah Littlerock.

Elle s'était glissée à côté de nous pour contempler la beauté de l'oiseau. Ses cheveux étaient aussi multicolores que le plumage de l'animal qu'elle détaillait. Des mèches, des tresses et des rasta partaient dans tous les sens dans des longueurs disparates, plus ou moins ornées de plumes, perles et autres babioles. Je n'avais jamais réussi à compter le nombre de piercings sur sa personne. Un certain nombre. Elle posa sa mâchoire carrée dans une large main osseuse. Cette fille était aussi musclée qu'un rugbyman. Elle avait beau être petite en taille, je n'aurais jamais souhaité devoir faire un exercice de lutte contre elle.

- Tu nous fais gagner, demain, hein ? me dit-elle. Je compte sur toi pour tacler comme une championne.

Je souris et acquiesçai.

J'avais un peu le trac pour le match contre Serdaigle. J'essayais de penser à autre chose pour ne pas me faire envahir par le stress.

Rentrer bredouilles après notre cambriolage de carnet avait porté un coup à notre imagination et les hypothèses de Lyra avaient perdu leur saveur mystérieuse. Nous lui avions fait comprendre qu'elle devrait se débrouiller sans nous pour trouver des preuves. Elle s'était faite jeter par les parents Sylvermith à peine entrée en contact. Sa réponse à notre échec avait été assez nonchalante et Hugo s'était borné à répéter qu'il nous l'avait bien dit que c'était n'importe quoi cette histoire de carnet. Lyra avait assez bien pris le fait de ne plus nous avoir à disposition pour l'aider, et elle nous avait répliqué que de toute façon elle voulait juste nous trouver des occupations amusantes pour pas nous laisser nous ennuyer. Ce à quoi Hugo avait répondu qu'on savait très bien s'occuper seuls et qu'on n'avait pas besoin de ses histoires.

Il avait fallu attendre mi Novembre pour que les disparus refassent surface. David Emmerson avait été retrouvé en train d'errer dans un couloir du deuxième étage sans aucun souvenir des deux derniers mois. Il était pourtant persuadé d'avoir eu affaire au démon des cachots.

Nemo Sylvermith se promenait entre les chaudrons de la salle de cours de Potions quand Mojito lui avait mis la main dessus. Lui non plus ne se souvenait de rien depuis début Septembre.

Dès la semaine suivante, Aiken Robart, un Serdaigle de cinquième année, avait à son tour disparu. Tout était revenu à la normale. Le brigadier du Ministère faisait maintenant tache au milieu d'une école qui avait repris son fonctionnement habituel.

Deux semaines plus tard, tout le monde s'était rendu à l'évidence que la double disparition du début d'année n'était qu'une exception étrange.

Je parvins à convaincre Plumeau et Zach d'aller voir Lyra pour obtenir des nouvelles sur la fausse disparition de Nemo Sylvermith. En revanche, impossible de motiver Hugo, qui prétexta une envie d'aller étudier à la Bibliothèque pour ne pas nous suivre.

- Il fuit parce qu'il veut pas admettre que j'avais raison ? interrogea Lyra Fox.

Nous avions trouvé place sur des escaliers du premier étage menant à la salle de Littérature. Pendant la pause déjeuner, le coin était assez désert en dehors des armures qui semblaient nous regarder.

- Bah, balaya Zach. Laisse tomber. Il est mauvais perdant.

- J'avais cru comprendre, souffla Lyra en étirant discrètement un sourire de mal triomphant.

- T'as trouvé qui était à l'origine de la fausse disparition ? mis-je les pieds dans le plat.

Les yeux de rapace rétrécirent en deux fentes désapprobatrices.

- Non, Baker, fit-elle.

- Mais...

- Nemo se souvient de rien, ajouta-t-elle. Impossible de construire des hypothèses sur le néant. Il se souvient pas non plus d'avoir jeté ses perles, mais il est d'accord sur le fait qu'il les aurait jamais perdues sans que ce soit intentionnel.

- Tu te souviens vraiment de rien ? demanda Plumeau au garçon discret assis près de Lyra.

Il secoua la tête. Décidément, il n'était pas bien bavard.

Ce garçon dégageait une aura particulière. Les mèches noir corbeau qui tombaient souplement contre son front pâle semblaient absorber toute forme de lumière dans un néant d'obscurité. Ses perles bleues avaient repris leur place. L'un des bijoux pendait à son oreille gauche et l'autre d'une épingle à cheveux au-dessus de sa tempe droite. Les amples manches de sa robe étaient deux ailes noires posées sur les marches en pierre. Les plumes de sa frange d'un noir absolu léchaient deux yeux cernés couleur océan faisant contraste avec son aspect noir et blanc de film muet.

Aspect qu'il s'efforçait de suivre en ne prononçant aucun mot.

- Salut ! Vous venez pas voir la première session des ateliers de duel ?

Alyss s'était arrêté à notre niveau en compagnie d'Apollo Matthews et Harry Ling. Pour ne pas se défaire de son habitude, Apollo passa une main séductrice dans ses boucles noisettes et envoya un baiser moqueur en direction de Plumeau. Celle-ci fit semblant de ne pas avoir remarqué et regarda ailleurs en s'empourprant. Harry pouffa en envoyant une bourrade à son ami pour donner un semblant de protestation. Alyss n'avait rien remarqué et poursuivit.

- Hemingway organise ça dans la Salle aux Tapisseries dans les cachots. Il a remis les duels au goût du jour avec l'aide du prof de Runes. Ce sera tous les jeudi entre midi et deux.

- Cool ! commenta Zach. On y va ? Je suis sûr qu'avec mon agilité du Quidditch je vous mets tous à terre.

Plumeau roula des yeux.

- Tu me crois pas capable de ça ? se tourna-t-il.

- Moi si, répondis-je, je sens déjà que je vais me rouler par terre à force de rire de toi.

- Ah ! Tu vois ? sourit-il à Plumeau.

Le trio de Gryffondor s'éloigna quand je leur expliquai que nous devions aller chercher Hugo à la Bibliothèque au passage.

- Par contre, j'ai un miroir à effet Katz, déclara Zach en fouillant dans sa poche. Si ça peut nous éviter un détour par la Bibliothèque.

Il sortit un minuscule miroir rond qui tenait entier dans sa paume et prononça une formule incompréhensible.

- C'est quoi, ce truc ? demandai-je. Et c'est quoi l'effet Katz ?

- C'est une liaison magique entre deux objets, m'expliqua Plumeau. On s'en sert pour communiquer. Allez, souviens-toi, on en a parlé le mois dernier en cours de Sortilèges. Tu dormais ou quoi ?

- Ben... justement, répondis-je.

Plumeau leva les yeux au ciel en pouffant.

- Quoi ? Comme tout le monde, non ?

- Zach ?

La voix de Hugo sortait du miroir. L'image que l'objet renvoyait était assez peu informative. Il était tellement petit qu'il ne transmettait que l'image des trous de nez de Hugo.

- Pose ton pavé et viens nous rejoindre ! On va au premier atelier de duel d'Hemingway ! C'est dans la Salle des Tapisseries aux cachots.

- C'est aujourd'hui ?

- Tu viens, alors ?

- Allez-y, je vous y rejoindrai.

- Ah ! s'exclama un Zach ravi alors que le nez de Hugo laissait la place au sien dans le miroir.

Il se leva et nous entraîna avec lui. Lyra et Nemo ne firent aucun signe pour nous accompagner.

- Vous venez pas ? demanda Plumeau.

- Non, fit Lyra. Merci.

Nemo hocha la tête en signe de dénégation.

- Allez, insista Zach. On va apprendre plein de nouveaux trucs !

- J'en doute pas, accorda-t-elle.

- Vous, les surdoués, insista-t-il, vous aimez bien apprendre des sorts nouveaux, pourtant, non ?

- On peut pas vraiment dire que je suis surdoué, corrigea Nemo avec un sourire timide. C'est juste que j'ai une bonne mémoire.

Je sursautai presque au son de sa voix. Ainsi donc, ce garçon savait parler.

Lyra n'avait pu réprimer un rire devant la formulation innocente de Zach.

- Je suis flattée que tu me considères à ma juste valeur, Andersen, enchaîna Lyra en retrouvant son visage froid, mais je préfère éviter de me montrer dans un atelier de duel.

- Ah bon ? s'étonna Zach. C'est si dégradant que ça ?

- Non, non, le rassura-t-elle. C'est juste que j'aime pas trop me donner en spectacle.

- Hein ?

- Laisse-les, Zach, lui fis-je en le tirant dans le couloir. Ils font ce qu'ils veulent. Mais nous on va finir en retard.

Plumeau les salua et nous suivit. Les cachots étaient plus animés que d'habitude. Un paquet d'élèves était déjà attroupé dans la Salle des Tapisseries. L'endroit était immense et les murs entièrement couverts d'illustrations brodées.

Le brouhaha diminua quand Hemingway entra avec un tabouret sous le bras et l'épaisse silhouette de viking du prof de Runes sur ses talons. Je le voyais régulièrement assis à la table des profs, mais l'observer debout était une autre expérience. Le colosse trimbalait un tas de planches en bois qui paraissaient aussi légères que des cure-dents. Les cheveux cascadant sur ses épaules étaient couleur paille mais sa barbe, ses sourcils et ses mèches de devant étaient teints en un intense bleu roi.

- Faites de la place, rugit-il en se frayant un passage au milieu des élèves.

Il s'éloigna et commença à disposer les planches en ligne sur le sol. Le professeur Hemingway posa son tabouret et se hissa dessus avec agilité. Ses petits yeux noirs humides donnaient l'impression qu'il venait de pleurer de joie à l'idée de nous voir.

- Bienvenue à l'atelier de duel, accueillit-il. Je vois que vous êtes nombreux à vous être intéressés à cette discipline. J'ai obtenu la permission de tenir cet atelier une fois par semaine, mais soyez certains que je n'hésiterai pas à y mettre fin si je vois du bazar ou des dérives. A savoir, interdiction de se provoquer en duel en dehors de cet atelier, et si je croise des duellistes en flagrant délit dans les couloirs, ce sera l'arrêt définitif de l'atelier. Maintenant que les choses désagréables sont dites, on va pouvoir commencer. Ces ateliers sont surtout destinés à ceux qui aspirent à une carrière dans la Brigade de Police Magique ou le Bureau des Aurors, mais tous les autres sont les bienvenus également.

Je repérai Alyss un peu plus loin, en compagnie de Rowena. Ses deux compères, Apollo Matthews et Harry Ling, avaient rejoint le trio de filles de Jess, Lily Potter et Lily Bird. Les trois pouffaient devant l'imitation d'Apollo qui avait gonflé ses joues et agitait ses doigts au sommet de son crâne pour faire un plumeau. Je jetai un coup d'œil inquiet à ma voisine, mais elle n'avait rien vu. Zach avait les yeux remplis d'admiration fixés sur Hemingway.

- J'ai attendu le mois de Novembre pour débuter l'atelier car il était absolument indispensable que les première année maîtrisent le Charme du Bouclier avant de commencer. Vous vous apercevrez vite que cet enchantement est votre meilleur atout lors d'un duel, que ce soit un duel amical ou réel. Gardez cependant à l'idée qu'un sortilège puissant bien exécuté traversera votre bouclier comme une vulgaire toile d'araignée. C'est le cas des sortilèges impardonnables par exemple. Malgré tout, il reste une solide protection contre la grande majorité des sorts et je vous conseille de le maîtriser à la perfection si vous prévoyez de disputer un duel magique avec qui que ce soit... Oh ! Bonjour, Rowan.

Il fit un signe de la main en direction du professeur Rosendale qui venait d'entrer en douce dans la salle.

- Je viens juste en tant que spectateur, dit ce dernier en souriant.

Il était inutile de le préciser. Le professeur de SMIS n'avait jamais appris la magie et ne pouvait donc pas participer de toute façon. Il trafiqua dans ses nattes épaisses pour masquer sa gêne.

- Sois le bienvenu, alors. La séance d'aujourd'hui traitera du sort de Désarmement. Le professeur Dijkstra et moi-même vous montrerons comment l'exécuter.

- Daïkstra ? demandai-je à Zach. C'est le prof de Runes ?

Il acquiesça.

- C'est celui qui est en train d'installer les lattes de bois, me souffla-t-il en désignant le viking.

Le prof de Défense contre les forces du mal poursuivit son discours.

- Le professeur Dijkstra a accepté de se prêter au jeu et nous allons enseigner dans ces ateliers uniquement la magie latine traditionnelle. Pas de magie runique.

Un brouhaha de déception parcourut l'assemblée. Dijkstra redressa sa carrure de titan et sourit de toutes ses dents.

- On verra si vous êtes sages, précisa-t-il.

Un murmure d'enthousiasme se propagea. Hemingway regarda son collègue avec un sourire de désapprobation amusée et hocha la tête en soupirant.

- Bon. Allons-y...

Les deux profs s'installèrent chacun à un bout des deux rangées parallèles de lattes de bois déposées par Dijkstra. Les élèves se pressaient pour mieux voir. Le professeur de Défense contre les forces du mal avait un physique athlétique, mais la comparaison avec son adversaire le ramenait à l'état de maigrichon.

- La formule est Expelliarmus, déclara Hemingway. Regardez le mouvement de main que je vais faire. C'est assez simple.

Son adversaire pointa sa baguette et il l'imita.

- Expelliarmus !

- Protego !

Un grésillement bleuté vint troubler l'air devant le viking, toujours souriant.

- Voici la preuve qu'un Charme du Bouclier bien exécuté est votre meilleur ami, rappela Hemingway. Expelliarmus !

- Protego !

Le grésillement bleuté réapparut. Le viking éclata de rire.

- Tyr... dit Hemingway. Je peux pas montrer si tu...

- Ok ! Ok ! coupa celui-ci avec les deux paumes levées en signe d'innocence.

Hemingway soupira et recoiffa ses mèches noires bien fournies sur ses tempes dégarnies. Sa houppette s'affaissait un peu. Il leva à nouveau sa baguette.

- Expelliarmus !

- Protego !

Un rire surpris secoua les élèves alors que réapparaissait le miroitement bleuté. Hemingway posa ses mains sur ses hanches et inclina la tête. Le viking était mort de rire.

- T'as fini ?

Le prof de Runes essuya ses larmes et acquiesça.

- J'arrête, j'arrête, c'était pour rigoler un peu. Mais ça y est, je suis sérieux. Regarde, mon visage est de marbre.

En effet, son expression neutre lui donnait un air de Zeus à barbe bleue. Hemingway se remit en position pour la quatrième fois.

- Expelliarmus !

- Prooooo-teeeeeee... Oups ! fit la voix faussement ralentie de Dijkstra.

Sa baguette s'envola dans les mains du prof de Défense contre les forces du mal.

- Excellent acteur, soupira-t-il.

Le viking lui fit un grand sourire d'excuse et leva les bras.

- Je me rends.

Le public était captivé par la pièce de théâtre qui se jouait devant lui. Hemingway se joignit au rire des élèves et s'avança pour lui rendre sa baguette.

- Je comprends maintenant pourquoi Marvin adore ce prof, glissai-je à Zach. Vous avez le même sens de l'humour débile.

- Il est génial, gémit-il de bonheur.

- Bien, poursuivit Hemingway. Grâce à mon estimé collègue, vous avez pu voir à plusieurs reprises l'exécution de ce sort. Mettez-vous deux par deux pour vous entraîner, et nous passerons parmi vous pour vous donner des conseils.

Avant que je puisse faire un geste, Zach avait chopé Plumeau dans ses bras.

- C'est à mon tour d'être avec Plumeau, me lança-t-il.

Je haussai les épaules et cherchai un autre partenaire potentiel des yeux. Toujours pas de trace de Hugo. Alyss s'était mis avec Rowena et Apollo avec Harry. Les deux Lily s'étaient mises ensemble et Jess cherchait des yeux un adversaire, le visage défait. Je n'étais pas très emballée à l'idée de me mettre avec Jess. Mais je ne voyais personne d'autre. J'évitai James Potter et Louis Weasley qui paradaient devant leurs noisettes, et me baissai précipitamment en apercevant Joey Andersen en train de chercher un partenaire au milieu de la foule.

Je sursautai quand une main se posa sur mon épaule.

- On fait équipe ?

En me retournant sur celui qui m'avait parlé, je crus que j'étais devenue folle.

- Will ?

- Hein ? Mais non, c'est Tom ! fit mon interlocuteur en explosant de rire.

Je détaillai ce garçon blond rieur qui ressemblait tant à Will. Il lui ressemblait vraiment. Sans ses dix kilos en trop. Je laissai mon cerveau se reconnecter correctement.

Tom Kindeye.

Je me souvenais de lui. C'était un des potes de Alyss, à Gryffondor. Je me secouai. Qu'est-ce que je m'imaginais ? Que Will pouvait apparaître ici, tout d'un coup ? Je nageais en plein délire. Will ne serait jamais un sorcier.

- T'as pas l'air d'avoir les yeux en face des trous, aujourd'hui, nota-t-il. T'es sûre que tu veux participer à l'atelier ?

- Oui, oui, le rassurai-je. J'étais juste un peu à l'ouest.

- T'es d'accord pour qu'on se mette ensemble, alors ?

J'acquiesçai en rougissant un peu. Comment j'avais pu les confondre ? Ils ne se ressemblaient pas du tout ! Tom Kindeye avait un paquet de cils blonds et des tas de taches de rousseur. Will n'avait pas de taches de rousseur et bronzait plus vite qu'un congolais.

Mais pourtant... Ce rire...

- Ici ! s'écria-t-il en sautant sur un des rares espaces encore vides.

Je me plaçai face à lui et sortis ma baguette.

- Honneur aux dames, sourit-il. Vas-y.

Je repassai la démonstration de Hemingway dans ma tête. Le sort avait l'air assez facile à jeter. Je levai ma baguette vers le visage souriant de mon adversaire.

- Expelliarmus !

- Protego !

Sa riposte était inutile. Ma baguette avait à peine craché quelques étincelles, ce qui eut pour effet de le lancer dans un nouveau fou rire.

- A moi ! A moi !

Il souffla pour se concentrer et ne put retenir complètement quelques gloussements qui s'échappèrent.

- Expelliarmus !

Il fit un geste trop grand et le sort se perdit en l'air. Il explosa à nouveau en se laissant tomber par terre. Ce garçon passait sa vie à rire. Ma théorie était qu'étant toujours super content, son humeur le faisait éclater de rire spontanément. Je finis pas me laisser aller et me joindre à son rire communicatif.

- Tiens, tonna une voix amusée, on vous a pas appris le sort de chatouilles, pourtant.

La carrure massive du viking à barbe bleue était apparue au-dessus de Tom Kindeye. Il l'aida à se relever à l'aide d'une poigne puissante et nous encouragea à poursuivre.

- Expelliarmus ! lançai-je.

- Protego !

Mon sort était si mal ajusté qu'il avait filé vers le prof avant de s'écraser sur un puissant bouclier de Dijkstra.

- Tu t'attaques à un trop gros morceau pour toi, petite ! Commence plutôt par ce genre de demi-portions, fit-il d'un air hilare en donnant une grande tape dans le dos de mon adversaire.

Le rire de Tom Kindeye s'éteignit dans un souffle et il faillit être projeté au sol.

- Continuez comme ça, c'est bien !

Le viking s'éloigna vers d'autres victimes en nous laissant nous remettre de son passage. J'adressai un sourire d'excuse à mon coéquipier qui se releva tant bien que mal.

En quelques minutes, nous avions tous les deux réussi à produire un sort à peu près consistant, malgré les accès de fou rire intempestifs de Tom Kindeye. Hemingway nous félicita en passant à côté et nous lui fîmes une ultime démonstration.

Lorsque mon sort de Désarmement traversa le Charme du Bouclier mal exécuté de mon adversaire et que sa baguette vint se loger dans ma main, je crus voir des larmes émues couler sur les joues du prof. Enfin, c'était probablement encore à cause de ses yeux irrités.

- Magnifique, Malany, fit-il en essuyant rapidement son visage du dos de sa main.

- Et moi ? C'était bien aussi ? s'enquit Tom Kindeye en venant récupérer ce qui lui appartenait de mes mains.

- Très bien aussi, acquiesça le prof. Tu dois juste te concentrer plus.

Il paraissait beaucoup moins intéressé par les exploits de l'autre élève. Hemingway nous abandonna pour rejoindre d'autres duellistes.

- Il m'a complètement snobé, constata Tom Kindeye en ébouriffant sa touffe.

Cette révélation ne l'empêcha pas de pouffer à nouveau et je le secouai pour qu'il retrouve un minimum de sérieux. Notre sort de Désarmement s'était bien étoffé lorsque Hemingway annonça la fin de l'atelier.

J'abandonnai le blond rieur et retrouvai Zach et Plumeau.

- Nous arrêtons la séance pour cette fois. Pour ceux qui sont intéressés par la poursuite de l'atelier, l'accès reste libre toutes les semaines. La semaine prochaine, nous poursuivrons la pratique. Je prévois de débuter les tournois à la rentrée de Janvier. Bon après midi à tous.

- Des tournois ? demanda Plumeau.

- Cool ! commentai-je.

Le prof était descendu de son perchoir et les élèves recommençaient à discuter.

- La fille maudite est pas venue, remarqua un élève plus âgé à côté de nous. Vous croyez qu'elle participera aux tournois ?

- J'espère pas, fit un deuxième. De toute façon, si elle participe, je m'inscrirai pas, c'est certain. J'ai quand même envie d'avoir une chance de gagner. Et puis, j'ai pas envie de finir figé ou aveugle ou quoi que ce soit d'autre. Mais c'est le cas de tout le monde, alors je pense pas qu'elle viendra.

- Hum. Dommage, j'aurais bien aimé revoir ça...

- J'ai tout raté, non ? fit une voix derrière moi.

- Hugo !

Il était tout essoufflé.

- T'étais où ? On allait repartir en cours, dis-je.

- Nulle part, répondit-il en reprenant son souffle. La Bibliothèque. Mais j'ai croisé Lyra en partant alors...

- … alors vous vous êtes frités, terminai-je.

Il grimaça.

- J'y peux rien, s'excusa-t-il. Elle m'agace, c'est tout.

- Sois plus diplomate, conseilla Plumeau.

- Moins rigide, tu veux dire, plaisanta Zach.

Hugo caressa l'arrête de son long nez. Son regard partit en biais et il haussa les épaules en guise d'excuse.

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J'avais le trac.

Zach tentait de faire retomber le stress en balançant des blagues creuses dans les vestiaires mais je gardais l'estomac noué en enfilant mes jambières. On entendait la voix lointaine du commentateur au dehors et les cris venant des gradins.

- Bon, déclara Marvin, on se souvient de la stratégie. Riri-d'amour et Jojo-de-mon-coeur, je veux que vous leur laissiez aucun répit. Balancez leur tous les cognards que vous pouvez. Je sais pas qui est leur nouveau gardien, mais sans Hélène Cerblanc, l'équipe de Serdaigle est juste une équipe ordinaire. Malany, t'es la reine du tacle. Montre-moi ce dont t'es capable. Norah, Steevie-joli, vous foncez et vous me marquez des buts. J'ai confiance en vous. Vous avez une bonne dynamique. Brutus, je veux que tu sois un mur. C'est clair ? Et moi, je me fais Mathilda Goldhand. C'est pas son Foudroyeur qui va m'empêcher d'attraper le vif d'or avant elle.

Nous frappâmes tous nos gants pour nous encourager et sortîmes sur le terrain. Par bonheur, il ne pleuvait pas. Les nuages gris envoyaient en revanche une luminosité éblouissante qui risquait de nous gêner.

Les gradins donnaient le vertige. On distinguait à peine les banderoles d'ici. Je trouvai la tribune de Poufsouffle à leurs couleurs abeille assorties à ma tenue. Nous étions entièrement habillés de noir, et seules quelques bandes jaunes apparaissaient çà et là. Je me sentais un peu dans la peau d'un All Black. J'espérais que notre performance suivrait. Il était facile de voir dans l'expression de Marvin le peu d'espoir de victoire qu'il gardait. Il faisait ce qu'il pouvait avec nous, mais on restait une belle bande de novices.

Malgré tout, avec le départ d'Hélène Cerblanc, l'équipe de Serdaigle avait probablement dû rencontrer des difficultés similaires pour recruter. Il fallait garder espoir.

L'équipe adverse avança sur le terrain face à nous. Un des joueurs m'adressa un timide signe de main avec un sourire. Je reconnus Nemo Sylvermith. Il tenait une batte. Ce garçon si délicat, dans l'équipe de Quidditch ? Il y avait des choses qui dépassaient ma compréhension. Il avait gardé ses perles même pour le match. Et à y regarder plus attentivement, ses yeux étaient plus indigo que bleus. Je lui fis un signe amical en retour.

Les deux capitaines s'approchèrent au signal du commentateur et se serrèrent la main. Puis j'enfourchai mon balai avec les autres et m'envolai. Une fois tous les joueurs placés, un coup de sifflet retentit et le match débuta.

Mes espoirs se concrétisèrent rapidement. Les Serdaigles étaient beaucoup plus mous sur leur prise au souaffle que Norah à l'entraînement. Je les taclais avec une facilité bienvenue. Steven et Norah débordaient d'agilité et le gardien de Serdaigle était dépassé. C'était un magnifique pied de nez à tous ceux qui n'avaient pas cru en nous. L'équipe de Poufsouffle ne reposait pas que sur Elton Andersen !

- Poufsouffle mène 120 à 20 ! Cette équipe est incroyable ! Littlerock semble foncer comme une météorite au milieu des joueurs de Serdaigle !

Je fonçais vers mon premier but du match quand Zach se jeta devant moi pour frapper un cognard in extremis. Sans lui, j'étais KO.

- Jojo-chéri ! Qu'est-ce que tu fous ?

Il repartit aussi vite qu'il était arrivé. La manœuvre m'avait perturbée et le gardien arrêta mon souaffle. Joey était en train de râler en agitant sa batte devant un des batteurs de Serdaigle. Il était loin, mais j'étais sûre qu'il s'agissait de Nemo Sylvermith. Zach s'interposa et la batte de son frère fit un bruit assourdi en s'abattant sur son crâne. Le batteur adverse le rattrapa avant qu'il ne bascule du balai. Un coup de sifflet retentir.

- Faute ! annonça le commentateur. Un batteur de Poufsouffle a frappé de la batte directement ! Et contre sa propre équipe ! C'est totalement incompréhensible !

Je rejoignis le troupeau qui se formait autour des batteurs et des deux élèves plus âgés qui avaient pris le rôle de brancardiers au sol. Marvin contenait mal sa fureur.

- Mais qu'est-ce qui t'est passé par la tête, Joey ? T'es malade ?

Rien que le fait qu'il ait laissé tomber le surnom affectueux de son frère en disait plus long qu'une phrase assassine.

- C'est pas ma faute ! hurlait Joey. Il s'est mis sur la trajectoire de ma batte !

- Et dis-moi où est-ce que tu comptais la faire atterrir, ta batte, alors que les deux cognards étaient à l'autre bout du terrain ?

- C'est l'autre, là ! Il la jouait pas fair-play du tout ! Il envoyait tout le temps des cognards sur Malany et comme c'était le rôle de Zach de la couvrir, ben moi je pouvais jamais jouer !

- Tu te moques de moi ? s'étrangla Marvin.

- Non, je te jure ! C'est la vérité ! C'est lui !

- Mais c'est le jeu, espèce de crétin fini ! Je rêve !

Je m'approchai de Zach pour voir comment il allait. Il était toujours assommé et un filet de sang coulait de son arcade.

- Ne t'inquiète pas, me rassura le brancardier, il va bien. Il se réveillera avec une belle bosse, mais c'est tout. Par contre, il va finir le match à l'infirmerie.

- Andersen est hors-jeu ! annonça le commentateur. L'équipe de Poufsouffle n'a plus qu'un seul batteur pour finir le match !

Marvin se tenait la tête entre les mains et ne tentait plus de dissimuler son visage désespéré. Norah attrapa Joey par le bras et l'attira vers nous.

- Marvin est trop en colère pour te le dire, alors je vais te donner les consignes pour le reste du match. Tu nous as privé de notre meilleur batteur, donc maintenant tu vas assumer tes conneries et tu vas assurer comme jamais. Tu joues pour deux ! C'est clair ?

Norah impressionnait trop Joey pour qu'il proteste. Il hocha la tête d'un air contrit et se replaça sur son balai. Je m'envolai à sa suite et le coup de sifflet annonça la reprise.

La fin du match fut un calvaire. Je dus redoubler d'agilité pour éviter la pluie de cognards qui me tombait dessus en permanence.

- Incroyable remontée de l'équipe de Serdaigle ! Poufsouffle ne mène plus que 120 à 60 ! La perte d'un batteur est un handicap lourd à compenser ! Sylvermith et Huygens sont déchaînés !

Une cloche sonna la libération du vif d'or. J'étais tellement épuisée de garder mon attention soutenue en continu pour ne pas finir assommée que je ne souhaitais plus qu'une chose. Que le match prenne fin. Je ne suivais même plus le souaffle. Les annonces du commentateur me passaient au-dessus de la tête. Joey arrivait à dévier la trajectoire de certains cognards, mais la plupart passaient à travers son filtre.

Et puis un coup de sifflet marqua la fin du match sans que je comprenne ce qu'il se passait. Je me posai sur la pelouse dans un état second. Les visages déprimés de mon équipe me confirmèrent que nous avions perdu. Marvin serra la main du capitaine de Serdaigle d'un air dépité. Il quitta les vestiaires sans nous faire de commentaire et ce fut Norah qui entreprit de mener le débriefing du match.

- Bon, hésita-t-elle. Brutus, c'était très bien.

Je m'effondrai sur un banc et mordis mes gants pour les retirer. Toute mon énergie m'avait quitté. Je fis un effort pour écouter Norah.

- Les poursuiveurs de Serdaigle étaient des mollassons, commenta Brutus. Leurs tirs étaient pas difficiles à arrêter. N'importe qui aurait pu le faire.

- Effectivement, accorda-t-elle. Mais tu as su profiter de leur faiblesse, et c'est ça qui compte. Steven, c'était nickel. Malany, tu m'as bluffée, t'as très bien joué ton rôle d'appât à cognard, ce qui a permis à...

- On est d'accord, hein ? coupa Joey. Il tirait tout le temps sur elle ! C'est pas du jeu, ça !

- Si, Joey, corrigea-t-elle. C'est le jeu. En les taclant tout le temps, Malany empêchait leurs poursuiveurs de s'approcher des anneaux. Ils ont choisi la stratégie de la mettre hors course pour se laisser le champ libre. Malheureusement pour eux, Steven tacle très bien, et moi aussi. Ce qui fait qu'on a pu bien remonter à la fin pendant qu'ils se concentraient sur Malany...

- C'était pas une stratégie ! intervint Joey. Ce batteur arrêtait pas de la viser exprès ! Et puis vous voyez bien que ça tient pas, comme stratégie ! Vous avez eu tout le loisir de marquer pendant ce temps !

- Arrête de crier, Jojo-biquet, tu vas nous rendre sourds, grimaça Steven.

- Et on a gagné, alors, demandai-je d'une voix éteinte.

- Non, Mathilda a attrapé le vif d'or, dit Brutus. Avec les 150 points, ça leur fait 210 à 180. On a pas perdu de beaucoup.

- Mais, pour être honnête avec vous, Marvin est meilleur que Mathilda, ajouta Norah. S'il avait pas été perturbé par tes crétineries, Joey, on aurait pu gagner. Sérieusement. Qu'est-ce que tu nous as fait ?

- Arrêtez de me regarder comme si j'étais débile ! Je vous dis que c'était pas une stratégie, de tirer sur Malany ! C'était juste ce batteur, là ! Et à la fin du match ses cognards frappaient beaucoup trop fort pour que ce soit régulier ! Il a triché, c'est sûr !

- Tu veux dire qu'avec tes petits avants-bras musclés, t'arrivais pas à les rattraper, Jojo-biquet ? minauda Steven. Quel affreux bonhomme !

- Je déconne pas ! Arrêtez de rigoler, tous !

Il croisa les bras sous les moqueries et ne prononça plus un mot. Je finis de me changer et quittai les vestiaires pour retrouver la salle commune avec le reste de l'équipe.

Hugo et Plumeau m'apprirent qu'ils n'avaient pas pu aller voir Zach à l'infirmerie parce que Bernadette ne les laissait pas entrer. L'ambiance n'était pas à son plus joyeux. La défaite n'avait pas encore été digérée, surtout après le coup d'éclat de Joey. Celui-ci se prit de nombreuses remarques désagréables sur le chemin, et garda son air bougon.

Zach nous retrouva au repas du soir. Il avait un beau coquard.

- Bernadette m'a dit que j'avais le crâne dur, fit-il. Je me suis vite réveillé.

- C'est surtout qu'il y a pas grand chose à abîmer à l'intérieur, ajoutai-je.

- T'es jalouse de mon indestructibilité. C'est tout.

Il prit place sur le banc de la table de Poufsouffle avec Plumeau, Hugo et moi. Je lui racontai la fin du match. Il parut se souvenir de Joey. Il le chercha des yeux et finit par le trouver.

- Hé ! Jojo-chéri ! Viens faire un bisou ! lança-t-il en montrant son sourcil gonflé.

Celui-ci rayonna de joie en découvrant que son frère était revenu et se leva pour courir lui faire un câlin. Zach ne devait pas s'attendre à cette réaction et éclata de rire.

- Calme-toi, je suis costaud, Jojo-chéri, le rassura-t-il en lui frottant les cheveux.

- Pardon, gémit celui-ci.

- Pardon qui ?

- Pardon mon grand frère adoré chéri que j'aime d'amour trop fort.

Zach s'esclaffa et le serra fort dans sa poigne en lui déposant un bisou bruyant sur la joue. Joey se releva avec une grimace dégoûtée en s'essuyant le visage et regagna sa place.

- Je vais mourir de vieillesse à trente ans, avec une famille pareille, soupira Zach.

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- Tu voulais ma mort ou quoi ? apostrophai-je Nemo Sylvermith.

Nous étions en route vers le cours de Botanique et notre chemin avait croisé le sien dans un couloir où il marchait en solitaire. Il sortit de sa rêverie et me découvrit.

- Moi ? s'étonna-t-il en posant un doigt sur sa poitrine.

- Non, ta chouette naine.

Il ne se séparait pas de son air surpris. Ses grands yeux indigo clamaient son innocence.

- J'ai fait un truc qui fallait pas ? demanda-t-il.

- Tu veux dire à part t'acharner sur moi pendant le match ?

Il parut réfléchir.

- Ah oui ?

Je le détaillai. Il n'avait vraiment pas l'air de comprendre. Il n'avait quand même pas fait ça inconsciemment ?

- Me dis pas que tu te souviens pas m'avoir arrosée de cognards pendant tout le match ?

- J'ai fait ça ?

Je fronçai les sourcils.

- Et que Joey Andersen a failli te mettre un coup de batte ?

Son regard s'était voilé d'une pointe d'inquiétude devant mes questions insistantes. Il contempla un coin du mur.

- Heu... Oui. Peut-être, hésita-t-il. Désolé, je vais être en retard.

Il fit un sourire gêné et continua sa route. J'échangeai un regard avec mes trois amis, mais eux non plus n'avaient pas d'explication.

- Celui-là, il a l'air complètement à l'ouest, commenta Zach.

- En même temps, pour être capable de traîner avec Lyra plus de quelques minutes, il faut au moins ça, remarqua Hugo.

Une fois arrivés dans la serre, le professeur Lettriminel nous demanda de nous mettre par quatre, mais en faisant des groupes moitié Poufsouffle, moitié Gryffondor. Zach agrippa Hugo en vitesse. Puis il repéra Alyss et Tom Kindeye qui cherchaient un groupe et les attira dans sa prise. Il nous tira la langue en s'éloignant avec ses trois poissons.

- Bon, fis-je à Plumeau, tu vas être obligée de te mettre avec moi. Désolée.

- Cool, sourit-elle.

- Par contre si on pouvait éviter les Lily et Jess...

- Ok, acquiesça-t-elle. Éviter les casse-pied, ça me va.

La serre était remplie de grands pots vides. J'en sélectionnai un qui n'avait rien de spécial et m'assis à côté avec Plumeau. Tous les groupes étaient à peu près formés. Nous étions les seules à n'être que deux. Les discussions faisaient un bruit de fond constant.

- Tenez, mettez-vous là, nous montra le professeur Lettriminel.

Il accompagnait deux élèves de Gryffondor qui étaient seuls.

- Oh, non, pas elles, professeur, par pitié. Je suis un adolescent débordant de qualités, je mérite que mon champ de vision soit rempli de sorcières esthétiques, pas de crapauds.

La même grimace se forma sur nos visages en nous dévisageant. C'était Apollo et Harry.

- Vous allez quand même vous asseoir ici, Mr Matthews, et avec dix points de moins pour Gryffondor pour vos propos insultants. Ne me faites pas répéter.

Apollo se laissa tomber de dépit, suivi de Harry qui imitait sa mine bougonne.

- Maintenant que vous êtes tous par groupes de quatre, commença le professeur, faites le silence, qu'on puisse commencer.

Le bruit s'atténua peu à peu.

- Vous avez devant vous un pot et des bulbes. Nous allons aujourd'hui planter ces bulbes et votre groupe devra s'en occuper pendant toute l'année. Vous garderez les mêmes groupes jusqu'en juin. Vous aurez une note commune pour votre plante.

J'eus l'impression de tomber au fond d'un puits. Toute l'année avec eux ? Plumeau avait la bouche et les yeux grands ouverts.

- C'est la punition, marmonna Apollo.

- Avant de débuter, quelqu'un reconnaît-il la plante enfermée dans ces bulbes ?

- On dirait de l'ail, non ? fis-je à Plumeau.

Elle hocha la tête. Plusieurs mains se levèrent.

- Oui, Mr Kindeye, interrogea le prof.

Le blond rieur aux taches de rousseur de Gryffondor proposa comme moi qu'il s'agissait de gousses d'ail.

- Tout à fait. Et quelle sorte d'ail ?

- Heu...

- C'est de l'ail de Jarvey, répondit Hugo à sa place.

- Excellent !

- Ah, oui, maintenant qu'il l'a dit, ça paraît évident, commenta Plumeau.

- Connaissez-vous les utilisations que l'on en fait ? demanda le prof à Hugo.

- Il me semble qu'on s'en sert pour fabriquer le papier des beuglantes, non ?

- C'est effectivement l'une des utilisations les plus connues de... Oui, Miss Potter ?

- Les feuilles font partie des ingrédients pour une potion de babillage, récita-t-elle.

- Très bien, la félicita le prof. Vous faites regagner à votre Maison les dix points perdus par Mr Mattews. Mais vous ne verrez la préparation de cette potion qu'en quatrième année.

Lily Potter étira un sourire fier et Lily Bird poussa un petit cri de victoire. Harry Ling poussa un soupir profond.

- Qu'est-ce qu'elle est belle, cette fille, murmura-t-il.

- Désolé, mon pote, mais je crois que t'es pas son genre, chuchota Apollo. Tente ta chance avec Jess, plutôt.

- Les deux utilisations qui ont été citées sont les plus courantes, reprit le professeur Lettriminel. D'ailleurs, j'accorde également dix points à Mr Weasley pour sa bonne réponse. Nous allons maintenant passer à... Oui, Miss Cayle ?

Je n'avais pas remarqué mais Plumeau avait tendu la main avec hésitation.

- L'essence tirée des fleurs d'ail de Jarvey est aussi un élément essentiel du Veritaserum, finit-elle par dire.

Le professeur haussa les sourcils en la dévisageant.

- Possible, oui... Nous allons donc commencer la partie pratique. Vous allez tous planter deux bulbes par groupe. Vous devez les espacer d'au moins vingt centimètres pour que...

Plumeau avait rentré la tête dans ses épaules et s'était faite toute petite. Je ne comprenais pas pourquoi le prof avait ouvertement ignoré sa réponse. J'enfilai les gants en peau de dragon et attrapai un outil pour creuser un trou dans le pot.

- Je vais faire le deuxième trou, fit Harry Ling en m'imitant.

Apollo se posa en arrière et soupira. Plumeau enfonça un des bulbes dans le trou que j'avais fait et Harry fit de même avec un deuxième bulbe.

- T'es bien installé ? demandai-je à Apollo qui se prélassait. Tu veux qu'on t'apporte une boisson chaude ?

- Ah, oui, pourquoi pas, sourit-il en passant ses doigts nonchalamment dans sa chevelure noisette de bichon.

- Tu veux pas nous aider ? demanda Plumeau.

- Hein ? Désolé, je parle pas aux moches, répondit-il en s'allongeant.

- Si tu veux te rendre utile, insista-t-elle, tu peux aller chercher du fumier de dragon là-bas dans le...

- Qui me parle ?

Plumeau perdit son sourire et soupira. J'allais intervenir mais Harry s'interposa.

- Arrête d'insulter nos coéquipières et va chercher de l'engrais. On va être toute l'année ensemble, alors c'est pas la peine de partir sur de mauvaises bases.

- T'as raison, Harry, fit-il en lui ébouriffant les cheveux et sautant sur ses pieds.

Il partit chercher le fumier.

- Merci, Ling, hésita Plumeau.

- Oh, de rien, répondit-il avec un sourire forcé.

Je n'étais pas certaine que Harry soit beaucoup plus sympathique que son camarade. Si Apollo était bouclé comme un bichon et soignait son air séducteur, Harry avait les cheveux noirs et raides, les yeux bridés, et sa silhouette taillée comme un cure-dent restait le plus souvent en retrait. Malgré tout, c'était le meilleur ami d'Apollo et le premier à rigoler de ses vacheries.

Apollo réapparut et nous pûmes apposer les finitions sur notre travail.

- Ça pue et ça ressemble à rien, dit-il.

- Tu vas voir, la plante qui va pousser sera super jolie, répondit Plumeau.

- Hmm, l'ignora-t-il.

- Vous avez fini ? intervint le professeur Lettriminel en passant. Vous allez pouvoir commencer à ranger. Miss Cayle, je veux vous voir à la fin du cours.

Il repartit et Apollo ronchonna de devoir nettoyer. Une séance de cours théoriques sur les différentes espèces d'ail et leurs utilisations fit suite au rangement. Il nous demanda de réviser ça pour un contrôle prévu dans deux semaines et nous rappela que chaque groupe devait se relayer pour venir arroser et entretenir nos plantes tous les jours.

- Je suis surpris que vous connaissiez la composition de cette préparation qui est tout de même réservée à une magie relativement avancée et secrète, déclara-t-il à Plumeau quand nous vînmes le voir à la fin du cours.

Elle devint rouge tomate.

- Je l'ai lu dans un livre à la maison.

- Ah, fit le prof avec un air suspicieux.

En voyant la mine penaude de Plumeau, il se ravisa et tenta un sourire avenant.

- Bon, oubliez ça. Ne vous inquiétez pas comme ça, essaya-t-il de la rassurer. C'est juste assez rare de croiser une deuxième année avec autant de connaissances en Botanique que vous, Miss Cayle. Continuez à travailler comme vous le faites, c'est une bonne chose d'être curieuse.

Il nous salua et nous rejoignîmes Hugo et Zach dehors.

- Vous en avez mis, du temps, remarqua Hugo.

- C'était trop bien, sautilla Zach. On fait une super équipe, avec Hugo.

- Alyss et Tom étaient super gentils, aussi, ajouta Hugo. On a de la chance... C'est quoi ces têtes d'enterrement ?

- Devinez avec qui on est tombées, lâchai-je.

- Avec Lily ?

- Quoi ? Non, heureusement ! Quoique, je sais pas vraiment ce que j'aurais préféré, grommelai-je. On est avec Apollo Matthews et Harry Ling.

- Ah. Pas de bol, compatit Hugo.

- Ça me rappelle quand Steven et Marvin m'avaient déguisé en botruc pour carnaval, ajouta Zach. J'étais tout petit.

- Je vois vraiment pas le rapport, dis-je.

- En fait ils m'avaient juste attaché à un arbre en me disant que c'était mon déguisement et ils étaient partis au défilé sans moi.

- C'est affreux mais je vois toujours pas le rapport.

- Après on a joué aux cartes et j'ai été obligé de faire équipe avec eux alors j'étais un peu dégoûté.

- Je te rappelle qu'on va se les coltiner toute l'année, crâne de colibri, et pas juste le temps d'un jeu de carte, répondis-je. Et on va partager la note finale.

Je soupirai. Quel enfer.

Hugo proposa de faire un tour dans le parc avant de retourner dans la salle commune. C'était probablement les derniers jours avec un temps à peu près potable de l'année alors nous acceptâmes avec joie.

En marchant, nos pas nous avaient rapprochés du lac. Des éclats de voix provenaient de la berge. Il n'y avait personne hormis un groupe de trois garçons en train de frapper un quatrième dans la pataugeoire du bord de l'eau. Ce dernier se débattait dans des gerbes d'éclaboussures.

- Hé ! criai-je.

Ils constatèrent notre présence et la vue de témoins leur fit prendre la fuite.

- T'avise pas de croiser mon regard dans les couloirs ou je t'éclate la tête, la diva ! menaça l'un d'eux en détalant.

Le temps que nous arrivions sur place, les trois avaient mis les voiles. Leur victime s'était redressée sur ses fesses et reprenait son souffle. Ses genoux et son buste dépassaient de la surface. Mais on ne pouvait pas vraiment dire qu'il était au sec. L'eau dans ses cheveux noirs corbeau gouttait sur son nez et diluait le sang de son sourcil.

- Ça va, Nemo ? demanda Plumeau.

Il attrapa la main tendue de Hugo et se laissa relever. Il repêcha son sac de cours détrempé avec un soupir de dépit.

- Sechevite, murmura Hugo en pointant sa baguette sur ses affaires.

- Oh. Merci, s'apaisa Nemo.

- On est frères de coquard, lui sourit Zach en montrant le sien fièrement.

- Qu'est-ce qu'ils te voulaient, ces abrutis ? demandai-je.

- Rien. C'est pas grave, je commence à prendre l'habitude.

Il écarta ses mèches mouillées de devant ses yeux.

- C'est juste que quelqu'un leur a parlé de mon carnet pendant que j'étais absent.

Zach se para brusquement d'une moue coupable.

- Qu'est-ce que t'as fait, comme bourde ? soupira Hugo.

- On avait dit que ça restait entre nous, grondai-je.

- Ben... Je l'ai juste mentionné à Grace, une fois, vite fait, hésita-t-il. Elle avait promis de rien dire !

- Bon, conclut Hugo d'un air détaché. Ben, on sait maintenant d'où vient la fuite.

- A quel moment t'as cru qu'une commère comme Grace allait garder ça pour elle, crâne de moineau ? accusai-je.

- Moineau ? Je vois que je monte en grade, me fit-il avec un clin d'œil.

Son sourire se transforma en grimace en regardant Nemo.

- Je suis désolé.

- Non, non, sois pas désolé, répondit Nemo. C'était qu'une question de temps avant que quelqu'un mette le nez dedans...

- Bon, fit Zach en retrouvant son sourire espiègle, soit dit entre nous... Ça nous fait un coquard pour toi par ma faute, et un coquard pour moi par ta faute. On peut dire qu'on est quittes ?

- Hein ?

- Laisse tomber, souffla Zach.

- A plus, lançai-je en commençant à m'éloigner.

Nous avions à peine fait deux pas qu'il nous rappelait.

- Attendez ! Est-ce que je... heu... En fait, je dois rejoindre Lyra à la Bibliothèque. Est-ce que vous voudriez bien m'accompagner ? Au cas où je les recroiserais...

Zach accepta avec bonheur cette occasion inespérée de se racheter. Mais nous ne recroisâmes pas la bande d'affreux.

La Bibliothèque de Poudlard n'était pas mon endroit de prédilection mais je devais avouer qu'elle avait de l'allure. Les rayonnages immenses semblaient vous ratatiner comme si tout le savoir qu'ils renfermaient pesait sur vos maigres épaules. Il y avait de longues tables en bois dans tous les recoins. On y rencontrait assez souvent les mêmes têtes.

Lyra était plongée dans la lecture d'un énorme grimoire poussiéreux.

- Colis délivré, annonça Zach.

Elle leva la tête et sourcilla en découvrant l'aspect de Nemo.

- Encore ?

Il haussa les épaules.

- Ces brutes de Gryffondor sont vraiment des débiles mentaux, constata-t-elle.

- Non, cette fois, c'était des Serpentard de notre promo, corrigea Nemo.

- Mes minions ? s'étonna Lyra. T'es sûr de toi ?

Il acquiesça. Elle se redressa complètement de son livre et fronça les sourcils.

- Eh ben, la prochaine fois, tu peux les informer que s'ils s'en prennent à toi, je considère que c'est comme s'ils s'en prenaient à moi directement. Ça devrait les tenir tranquille.

Il sembla hésiter et finit par s'asseoir à la table.

- J'ai réfléchi à ce que tu m'as proposé l'autre fois, dit-il. J'ai changé d'avis. J'aimerais entrer au club de gym.

- D'accord, accepta Lyra. Je vais t'inscrire.

Nemo se permit un sourire et elle lui renvoya son rictus de requin.

- C'est bien, l'encouragea-t-elle. Je t'apprendrai comment riposter avec style.

- Merci.

- Me remercie pas. Je fais pas ça pour toi. On est plus que trois dans le club, cette année, alors un peu de sang neuf nous fera du bien.

Elle se replongea dans sa lecture et ne lui accorda plus un regard.

- Merci de m'avoir accompagné, nous remercia-t-il.

- Vous jouez les escortes, maintenant ? intervint Lyra sans lever le nez de son livre.

- Je suis sûr que rien qu'en me voyant, assura Zach, les gros durs s'enfuient en cour...

- Chhhhhhhht ! fit une fille assise non loin.

Zach ne nota pas le sourire sarcastique que Lyra affichait. Il envoya une grimace à la fille échevelée et à lunettes qui l'avait interrompu.

- C'est bon, Mélinda, je chuchote !

- C'est un espace de travail ici, Andersen, souffla-t-elle. Vous avez rien à faire là.

- Je...

- Si vous n'avez pas l'intention d'étudier, je vous demanderai de quitter la Bibliothèque, nous chassa Mme Pince qui venait d'apparaître.

La vieille bibliothécaire fripée nous mit à la porte sans prêter attention aux jérémiades de Zach.

- C'étaient Nemo et Lyra qui papotaient ! se défendit-il en sortant. Moi, j'ai à peine dit une phrase et je me fais éjecter !

- T'as à moitié hurlé dans la Bibliothèque, aussi, précisai-je.

- C'est pas ma faute si j'ai la voix qui porte, grommela-t-il.

Plumeau pouffa et il prit un air contrit.

La salle commune était remplie et débordait d'animation. Les poufs et fauteuils étaient occupés par des groupes en train de tchatcher ou de jouer à des jeux. La musique de Steven sortait d'une plante à tête bizarre dans un gros pot. Deux petites silhouettes me firent coucou de derrière les pétales.

- Ho ! fit Mario en sautant par dessus la fleur.

- Mimimi, couina Peach en faisant du toboggan sur une feuille.

- Dégagez, les minus, me secouai-je quand ils se mirent à grimper sur mon uniforme.

- It's a-me, Mario !

- Tu te fais des nouveaux amis ? se moqua Hugo.

- Zut ! Aide-moi à les choper, je vais les ramener à Ferguss, dis-je.

Ce dernier était dans son coin, comme à son habitude, mais il ne jeta qu'un œil distrait aux deux personnages avant des les empocher.

- T'es pas content de les récupérer ? m'étonnai-je.

Il leva les yeux de son nouvel objet d'étude.

- Hein ? Si, si. C'est juste que j'ai un peu laissé tomber le jeu. J'ai compris que c'était pas le chemin le plus direct vers le coup du siècle.

- Ah bon ? C'est pas ce que tu me disais.

- Regarde, me montra-t-il son nouvel objet. Un correspondant de Treehall m'a envoyé un de ses anciens téléphones pour que je puisse bosser dessus. C'est une merveille, ce truc. Aussi bien du côté des technologies moldues que magiques. Je vais commencer à développer des applis magiques. Rosendale est d'accord pour m'épauler. Et l'année prochaine, je commencerai l'option Informatique magique, et je vais faire le buzz avec mes applis, je te le dis.

Je souris en voyant ses yeux briller à nouveau.

- Je veux quand même un prototype, lui rappelai-je.

- Tu l'auras !

- C'est relativement mystérieux, ces trucs-là, contempla Zach. C'est l'appareil à effet Katz, c'est ça ? C'est impressionnant que les moldus aient pu fabriquer ces choses.

- Les téléphones marchent pas par effet Katz, mais c'est à peu près ça, accorda Fergusson.

- Par le pouvoir de la trigonométrie !

Un première année venait de beugler dans la salle commune. Il était assis par terre avec Harrie et Harriet. Tous les trois tenaient des cartes en main et un tas était déjà posé entre eux.

Le première année agitait une carte devant le nez d'une Harrie en furie.

- Ah ! Non ! Elle est trop forte, cette attaque de Rosendale ! Tu m'as tué Lore !

- Eh ouais !

- C'est mon tour ! s'écria Harriet en repoussant énergiquement une mèche brune de devant son œil bleuté. Coup de louche mortel ! Tu dois te défausser de Rosendale.

- Nooon ! gémit le garçon.

- Yes ! jubila Harrie.

En s'approchant, on pouvait voir que les images des cartes étaient des photos des profs. Le coup de louche mortel venait de Mojito.

- Tu vas prendre cher, gloussa Harrie. Avec les points de Dijkstra, je mets un tatouage de protection sur Hemingway et de multiplication de puissance sur Firenze. Au prochain coup, t'es mort, Harry !

Le première année aux boucles blondes et aux dents de lapin qui s'appelait Harry grommela avec un cheveu sur la langue que la carte de Dijkstra était cheatée et qu'il faudrait changer les règles.

- C'est quoi votre jeu ? demanda Plumeau.

- C'est le Poudlard Battle Mortel, répondit Harriet. On l'a inventé avec Harrie et Harry.

Harry poussa une exclamation en piochant et brandit sa nouvelle carte au nez de Harrie.

- Aha ! J'ai la fille maudite ! Je te jette Enraidissement maudit ! Toutes tes cartes sont bloquées ! Enfin sauf Hemingway qui est protégé.

- Oh ! Non ! J'avais presque gagné !

Je notai que sur la carte de la fille maudite, une photo montrait Lyra Fox en train de lever une main devant son visage pour se cacher du flash.

- Elle est trop puissante, cette carte, râla Harrie. Faudra changer le prix des attaques.

- Tu dis ça parce que tu perds, se moqua Harry.

- Pourquoi « enraidissement » ? demandai-je.

- Ben, c'est l'effet de la fille maudite, expliqua Harriet. Dans la vraie vie, je veux dire. Si tu la touches ou si tu la mets en rogne la malédiction te fige progressivement.

- Et tu deviens aveugle, aussi, ajouta Harrie avec enthousiasme.

- Cool, sourit Harriet en piochant. Je mets un pudding sur Mojito et j'utilise Elixir de jouvence pour faire revivre Swan.

- Vos règles me paraissent assez opaques, marmonnai-je.

Une main se posa sur mon épaule. Norah Littlerock se tenait derrière moi.

- J'ai un message de Marvin pour vous deux. On a changé la configuration de l'équipe encore une fois. Zach, tu joueras avec Brutus. Il devient batteur. Et Joey devient gardien.

- Je suis pas contre, avoua Zach. Ma tête se souvient encore du dernier match.

- Marvin est vraiment gentil, dit-elle. Si ça tenait qu'à moi, je l'aurais déjà viré. Mais bon, j'imagine que s'il reste isolé devant les anneaux, il risque ni d'assommer ses coéquipiers ni de les rendre chèvres.

- Ouais, répondit Zach d'un ton sceptique. Je serais pas si confiante, si j'étais toi. Jojo-chéri serait capable de faire perdre l'envie de lire à l'ensemble des Serdaigle rien qu'en se présentant dans la Bibliothèque.

- Ah oui ? rigola Norah. Enfin, si le démon des cachots continue d'enlever des Serdaigle, il va bientôt plus rester personne dans cette maison, de toute façon.

Plumeau s'était retournée.

- Mais il y a un seul élève de Serdaigle qui manque encore, fit-elle remarquer. Nemo et David Emmerson sont revenus et personne d'autre a disparu, à part Aiken Robart.

Hugo s'intéressa à la conversation.

- Il y en a eu un deuxième ? devina-t-il.

Norah hocha la tête.

- Ouais, affirma-t-elle. Ce matin. Une petite de première année de Serdaigle. Ah ! Mais je crois que c'est ta cousine, non ? Lucy Weasley ?

La surprise sur le visage de Hugo était difficile à louper.

- Lucy ?

- Ouaip.

Il laissa échapper un petit rire.

- Molly va être folle de jalousie, lâcha-t-il.

Norah nous fit un signe de main et s'éclipsa pour retrouver ses potes.

- De jalousie ? s'étonna Zach. Je vois mal quelqu'un être jaloux d'un élève qui va passer deux mois pendu par les pieds avec le démon des cachots.

- C'est difficile à comprendre pour toi, parce que tu vis très bien le fait de pas avoir la lumière à tous les étages, expliqua Hugo. Mais Molly est une bosseuse et elle a jamais été choisie par le démon. Comme ce sont toujours les plus doués qui disparaissent, c'est devenu comme une sorte de prestige, tu vois ?

- Mouais, pas vraiment.

- Le fait que sa petite sœur reçoive ce prestige et pas elle va la faire rager, précisa Hugo.

- Je vois ce que tu veux dire, l'aida Plumeau.

- C'est quoi ce petit sourire, Hugo ? notai-je.

- Je souris pas, démentit-il.

- Si, tu souris, insistai-je.

- Non.

- Avoue que t'es content que Lyra ait eu tort pour la fausse disparition, le démasqua Plumeau. Et que t'aies eu raison.

Il se tortilla sans parvenir à perdre son petit sourire en coin victorieux, puis plaqua ses mains sur ses joues pour l'effacer de force.

- Maintenant, t'as une tête de cul, observa Zach.

Il relâcha tout d'un coup.

- Mais j'avais raison, finit-il par lâcher. Toutes les disparitions sont de vraies disparitions.

Je pouffai avec Plumeau.

- Tu souris, me moquai-je.

Le trio de première année continuait de mugir à travers la salle commune.

- Fond de teint démoniaque !

- C'est pas juste ! J'avais galéré à te faire perdre Swan, et je dois tout recommencer !