Louis & Marie-Anne (la première Mademoiselle de Blois) de Bourbon

Marie-Anne, fille de roi (roman jeunesse, et la vraie vie)

Grand frère-petite sœur (demi-frère et sœur)


Louis de Bourbon était assis, seul, ayant ordonné aux gentilshommes de sa suite qu'on le laissât en paix, dans le salon de musique de sa suite. Il avait pris place sur le banc devant son instrument, et en contemplait les touches brillantes sans faire mine de les toucher. Depuis plusieurs jours, il perdait un peu goût à tout. Tout ce dont il raffolait d'habitude ne parvenait guère plus à le distraire de ses soucis.

On frappa alors de petits coups à la porte.

"Laissez-moi ! ordonna le Dauphin. Je ne veux voir personne !

-Pas même moi, Monseigneur ? appela une petite voix féminine derrière le battant."

Louis hésita. Cette voix, c'était celle de sa demi-sœur Marie-Anne, l'un des enfants illégitimes de son père, la fille qu'il avait eue avec Mademoiselle de La Vallière. Contrairement à ses frères bâtards, il l'aimait bien. Elle était douce, généreuse, espiègle, et puis surtout, c'était une fille.

"Vous pouvez entrer, cria Louis avant de changer d'avis, mais seulement vous !"

La poignée tourna et la jeune fille, sur la pointe de ses souliers satinés, vint rejoindre son demi-frère dans la pénombre. Sans un mot, elle s'assit près de lui sur le banc du clavecin.

"Vous avez l'air bien triste, Monseigneur, dit-elle après un silence. Sont-ce encore les frasques de votre premier valet qui vous tourmentent ainsi ?

-Que non, Mademoiselle ma sœur, répondit le Dauphin amèrement. C'est encore du fait de la préférence affiché de notre père pour ses bâtards... Quand je vois son attention envers le duc du Maine et le comte de Vexin, je ne peux m'empêcher de ressentir de l'indignation. Qu'ont-ils donc de plus que moi qui mérite ainsi la tendresse du roi !"

Il sentit Marie-Anne se raidir imperceptiblement. C'était vrai, il l'avait en partie insultée en disant cela. Pourtant, il ne s'excusa pas. Cette préférence avait tout d'injustifiée.

"Monseigneur, ne vous tourmentez point ainsi, finit-elle par dire en posant ses doigts sur les siens. À la fin, vous serez son unique fierté, en tant que roi de France. Jouons donc du clavecin ensemble, comme à la fête de Pâques d'il y a deux ans, vous souvenez-vous ? Ça vous fera du bien."

Louis hésita un instant puis s'exécuta. Peu à peu, de belles notes et de joyeuses chansons envahirent la pièce. Quand le Dauphin se tourna vers sa sœur, il s'aperçut qu'elle lui souriait. Il s'en sentit étrangement soulagé. Elle, sans aucun doute, elle l'aimait.