Éponine, Azelma, Gavroche et les deux petits garçons Thénardier

Les Misérables (roman)

Sœur - sœur - frère - frère - frère (dont les deux derniers ignorent qu'ils sont de la même famille que les trois premiers, et vice-versa)

Édit : Au début, je devais juste écrire un texte sur Éponine et Azelma, en suivant des scènes fluffies du film de 1985 avec Lino Ventura (la meilleure de la galaxie, soit dit en passant). Et puis, en repensant à la version avec Gérard Depardieu de 2000 où il y a une scène fluffie entre Éponine et Gavroche, je me suis dit que autant concentrer tous les feels de fratrie.


"Hé, dis, viens voir par là une seconde. T'aurais pas quelque chose à grailler pour mes petits ? Ils sont si maigrelets que je pourrai bientôt voir leurs côtes.

-Tu n'as pas déjà assez à faire avec toi, que tu t'embarrasses de la marmaille des autres ? Si tu continues comme ça, tous les gamins du quartier viendront te demander à manger, et tu n'auras plus rien à te mettre sous la dent !"

Une bise glaciale tomba du ciel en même temps que les deux enfants parlaient; les trois plus jeunes, transis de froid, se pelotonnèrent comme ils purent sous les lambeaux de toile qui constituaient leur maigre trousseau. L'aînée des filles, remarquant les extrémités rouges de froid de sa cadette, d'un oeil rendu morne par l'habitude, mais ne pouvant point se résoudre à abandonner tout à fait ses sentiments de sœur, passa son bras autour de la petite fille de quatorze ans pour la serrer contre son flan maigre. Ce faisant, elle décolla son autre bras, raidi par le froid, de ses genoux crasseux, et tendit un quignon de pain à Azelma.

"Tu vois bien que je n'ai déjà rien pour nourrir la petite, dit-elle en revenant sur son frère. Et où diable as-tu trouvé ces deux-là, d'abord ? Ils sont trop ronds, trop tièdes, trop pâles pour venir du ruisseau où tu pêches d'habitude.

-Je les ai trouvés au bord de la route, répliqua Gavroche, et pour être ronds, tièdes et pâles, comme tu dis, ils n'en meurent pas moins de faim. Eh là !, je n'allais quand même pas les laisser dehors.

-Tu peines déjà à te nourrir, rétorqua Éponine une nouvelle fois, presque distraitement, que vas-tu donner à ces oiseaux-là ?"

Pourtant, sa main avait glissé au tissu troué de sa jupe. Elle en sortit un second morceau de pain, à peine entamé celui-là, qu'elle regarda avec attention, comme s'il eût le pouvoir de lui exprimer si ce qu'elle allait faire était bien ce qu'il fallait . Finalement, elle lança le croûton à son frère.

"Allez, va ! s'exclama-t-elle. Je ne suis pas une bonne âme, mais je ne peux pas laisser ces petits-là...

-Merci, ma bonne dame ! répondit Gavroche en attrapant le pain au vol. Dieu vous le rendra !"

Éponine sourit à travers son visage brun de terre. D'un geste faussement autoritaire, Gavroche rassembla les deux petits autour de lui et les fit assoir sur le même banc qu'Éponine et Azelma afin qu'ils puissent se nourrir. La fratrie Thénardier se trouvait assemblée là pour la première et dernière fois.