Louis XIV & Philippe d'Orléans
La vraie vie
Grand frère-petit frère
Il était le monarque le plus puissant d'Europe. Personne ne pouvait contester sa grandeur, sa force, et l'éclat qu'il donnait à la France à travers Versailles, fleuron des arts de toutes sortes. Il était un grand roi. Sa lumière irradiait comme les rayons du soleil auquel il se comparait volontiers, régnant en maître sur le royaume de France, seul, bien supérieur à tous. Parfois, sa prestance était accompagnée par la splendeur et la grâce de ses maîtresses. On voyait parfois à ses côtés son fils le Dauphin, ou ses enfants illégitimes, surtout sa préférée, Mademoiselle de Blois. Et puis son frère, Philippe d'Orléans. C'était une très grande famille que Louis XIV avait là, mais qui, comme toute famille royale, était liée à lui par des relations d'obéissance et de soumission très fortes. C'était plus facile pour ses enfants, qui auraient eu l'habitude d'une telle docilité, quelles que soient leurs racines. Ça l'était moins pour son frère.
Quand ils étaient enfants, on avait tout fait pour qu'ils ne se détestent pas, à cause du cuisant souvenir de leur père Louis XIII qui avait été, toute sa vie, cible des machinations de son frère, Gaston d'Orléans. Mais ils s'étaient quand même brouillés, disputés, battus à l'occasion, parce qu'ils étaient frères.
Quand ils avaient grandi, toutes ces choses n'avaient pas disparu. Ils avaient continué à se disputer. Pas en public, mais dans les très rares occasions où Louis XIV était seul -c'est-à-dire, où seuls les gardes étaient présents dans la pièce-, ils se disputaient encore. Ils avaient des tas de choses à se reprocher l'un l'autre -des choses de l'enfance, même. On pouvait jaser que ces querelles -pourtant très rares- étaient les seules vraies indicatrices de la nature de leurs liens fraternels. C'était pour cela que Philippe n'avait plus le droit de se battre en première ligne, n'est-ce pas ? Il ne devait pas éclipser le soleil.
On oubliait trop souvent qu'ils étaient frères, que la mésentente faisait partie de leurs liens, comme avec toute autre fratrie. Qu'en réalité, le roi aimait Monsieur, et que Monsieur l'aimait aussi. Pourquoi tenter de le protéger en l'écartant des champs de bataille, sinon ? Pourquoi aller vers lui à chaque fois que quelque chose n'allait pas ? Pourquoi compter sur lui pour assurer ses arrières ? Pourquoi être toujours si affecté quand ils se disputaient ?
Ils n'étaient pas comme Louis XIII et Gaston d'Orléans. Eux, ils étaient frères avant tout, et ils s'aimaient.
