01/07/2016

Encore un retard, vous commencez à être habitué(e)s, non ? Mais bon, pour me pardonner ce chapitre est long ! Le plus long que j'ai écrit, pour l'instant :D

Mot de l'auteure : Je suis à la Japan Expo le vendredi et le samedi ! Si vous voulez me voir, ce serait avec joie, surtout que je serais peut-être seule X3 (ou avec ma soeur et sa pote donc bon). Sinon j'espère que vos épreuves si vous en aviez se sont bien passées :p
Courage #ElogesFunèbres #MauriceEtSesGouttesD'eau

Reviews :

Mimica3466 : Déjà, merci pour ta review... J'avoue que je suis assez hésitante sur ce thème : j'ai pas eu beaucoup de retour du coup j'ai peur que ça ait pas plu :/ Ravie de voir que tu as aimé, en tout cas :3
Ehh... de base je voulais une française. Mais une française au Japon, elle aurait galéré. Du coup elle est presque plus anglaise que française : elle ne se souvient de quelques mots/phrase typiques... J'avoue que je me laissais également une porte si je voulais aller dans ce sens, parce que je ne connaissais pas la fin de ma fic et que j'attendais celle du manga. :)
Merci pour cette réaction XDDDD J'avoue, c'était horrible de couper là mais je le fais rarement. Donc bon x)
Encore merci pour la review, en espérant que ça te plaise :D

TheWorldOfManea : Ok. Merci pour la review !

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Ok, j'arrête de déconner et je réponds : Et oui, j'ai fini mon devoir d'esclave. Mais du coup je ne t'ai pas donné ton devoir. J'étais pressée, tu ne répondais pas et puis je me suis dit "Au pire elle le fera plus tard", "Je faisais comment avant ?". Du coup je l'ai posté. #GrosseThugLife
Mais tes commentaires en violets me manquent :'(
Voilà, remercie pour la review, à plus :3

IMPORTANT : CE CHAPITRE CONTIENT UNE DESCRIPTION/SCENE POUVANT CHOQUER LES PLUS SENSIBLES. LA SCENE EN QUESTION SERA INDIQUEE AVANT ET APRES. Vous comprendrez même sans la lire. (Et c'est pas du sexe, ni un meurtre, au passage)


Chapitre 26 : Leçon de survie – La fin du cauchemar

Dos à Okuda une ombre se découpait. Doucement, les yeux d'Eve s'habituèrent à la scène et à son obscurité quasi-invraisemblable. Elle scruta ce qu'elle devina être une silhouette humaine avant que son souffle ne se coupe.

Un cadavre. Pendu.

Eve écarquilla les yeux et ne put dire un mot. Ses lèvres tremblèrent et un cri resta coincé dans sa gorge nouée.
Ce n'est que lorsqu'elle entendit des bruits de course qu'elle trouva le courage d'hurler :
— N'AVANCEZ PAS. RESTEZ OÙ VOUS ÊTES !

Le silence était comblé par les halètements d'Okuda, qui toujours accroupie semblait vouloir effacer cette image de sa mémoire.

— Tout va bien ? demanda une voix masculine, qu'elle reconnut être celle de Karma.
— Rien de dangereux. N'avancez pas. J'arrive, répondit Eve par saccades. Ne bougez pas.

Plus loin, les adolescents se regardèrent, inquiets. Pourquoi Eve ne voulait-elle pas qu'ils avancent ? Qu'y avait-il pour qu'elle réagisse aussi violemment et qu'Okuda hurle ?

L'anglaise avança doucement, pas à pas pour arriver à la hauteur de la japonaise. Elle se baissa, toujours aussi lentement pour serrer Okuda contre elle, la rassurer et indiquer sa présence.
Cependant, la brune ne put s'empêcher de détailler le cadavre qui était face à elle.

/!\ À partir d'ici, si tu es un petit rouleau de cannelle sensible, ne lis pas la description qui suit ! /!\

Sa peau brunâtre se décollait, tout comme ses ongles. Ses orbites étaient vides, mais Eve aperçut quelques insectes qui grouillaient à l'intérieur. Les yeux inexistants du corps semblaient la fixer comme s'ils voulaient l'attirer dans des abîmes sans fin. Ses entrailles dépassaient de la chemise qu'il portait. Les vêtements étaient teintés de vert gris poisseux.

L'anglaise tenta de détourner le regard, sans succès.

La peau gris-verdâtre laissait voir ses os saillants, qui menaçaient de sortir à chaque mouvement trop brusque à cause du vent. L'angle de son cou était anormal, et renforçait le malaise de la jeune fille. Sa mâchoire pendait dans le vide, laissant voir une bouche noircie par un sang coagulé et pourri, et des dents qui émergeaient de la gencive putréfiée.

/!\ Tu peux revenir, petit rouleau de cannelle /!\

— Eve ? appela Rio.
— N'AVANCE PAS, cria-t-elle une nouvelle fois.

Cette fois, l'anglaise aida Okuda à se relever et partit vers son groupe. Les deux filles remontèrent la pente et rejoignirent leurs amis qui les attendaient, le visage inquiet. La petite chimiste se mit alors à sangloter, toujours en cachant ses yeux. Eve tenait toujours Okuda, et la fit avancer vers Nagisa et Karma. Rio fixait son amie avec appréhension.

Eve jeta un regard aux deux garçons qui disait « Rassurez-la. ».

— Il y avait quoi là-bas, chuchota la blonde assez doucement pour que Manami ne l'entende pas.
— … Je… Il… Quelqu'un s'est pendu, fit-elle entre deux tremblements.

Rio resta interdite quelques instants, comprenant mieux pourquoi son amie ne voulaient pas qu'ils approchent.

— Depuis longtemps, en plus. Un vrai zombie de The Walking Dead, continua-t-elle, sous le choc. Il aurait pu faire ça ailleurs, quand même…
— Eve… fit Rio qui ne savait pas quoi dire.

La blonde se tourna quelques instants vers le rouquin qui serrait Okuda contre lui et Nagisa qui essayait de la rassurer.

— On y va. Mieux vaut retourner près du camp, décida Rio.

Les deux garçons hochèrent la tête.
Ils retraversèrent, et Eve ne put s'empêcher de fixer une nouvelle fois la voiture qui était là. Ah, maintenant elle avait une idée de sa présence.

Okuda était avec Nagisa, tandis que Karma se rapprocha des deux amies qui marchaient derrière.

— Il y avait quoi ? Elle n'a rien dit et je n'ai pas voulu l'interroger, demanda Karma.

Rio jeta un regard désolé à Eve.

— Ça va, dit-elle à l'intention de son amie. (elle regarda le rebelle droit dans les yeux) Un cadavre. Pas très frais, dirons-nous.
— … Je vois, fit-il après quelques secondes. Ça… Va ?
— Bah je viens de voir un mec pendu depuis un moment. À part ça, ça va, répondit-elle presque sèchement.

Karma ne répondit pas. Elle était en état de choc, pas étonnant à ce qu'elle réponde comme ça. Mais il haussa un sourcil : sa réaction était bien différente de celle d'Okuda.
En voyant le visage de ses amis, Eve baissa les yeux.

— Désolée. Je me sens pas bien. Je…

Les détails du cadavre lui revinrent. Plus glauques les uns que les autres.
Un haut le cœur la prit.

Poussant Rio, elle se jeta sur le tronc d'un arbre pour vomir.

— Eve ? demanda Rio après la ''crise''.

Elle toussota et haleta avant de répondre :
— Ça va. Laisse-moi deux minutes pour me reprendre.

L'anglaise respira de grandes bouffées d'air. Son cœur battait trop vite et sa vue se floutait. Son estomac se contractait douloureusement et sa gorge était serrée comme jamais.
Là c'était clair et net : elle ne pourrait jamais faire assassin.
Sa gorge se noua et ses yeux s'humidifièrent. L'européenne toussa une nouvelle fois et prit la bouteille d'eau de son sac pour se rincer la bouche et boire.

Elle n'aurait pas pu pleurer comme Okuda ? Ah non ! Il fallait qu'elle fasse la forte, pour vomir cinq minutes plus tard ! Heureusement encore qu'elle n'était pas héroïne de film : un prince charmant embrasse une jeune fille qui pleure, pas celle qui vomit ses tripes.

Elle secoua la tête, balayant ses pensées qui étaient encore inopportunes à la situation.

— C'est bon. On peut y aller, dit-elle.

Après une dizaine de minutes de marche parcourues dans le silence, le groupe 1 arriva au camp. Karasuma, étonné de les voir arriver si tôt, les rejoignit.

— Un problème ? demanda-t-il inquiet.
— On est décidément un groupe maudit, commença Eve, le visage livide.
— On a eu un… petit souci de parcours, raconta implicitement Karma.

Le regard de l'ex-militaire dévia sur Okuda qui avait encore les yeux rougis et gonflés et hoquetait nerveusement toutes les cinq secondes, puis sur Eve dont le visage était fermé et aussi frais que si elle venait d'apercevoir un mort.

Cette fois, Eve regarda son amie. Rio comprit le signal et attendit qu'Okuda, accompagnée de Nagisa se soient éloignés. La blondinette expliqua ensuite la raison de leur retour aussi soudain.

— Je vois… Ah, j'aurais dû m'en douter… soupira-t-il en passant une main sur sa nuque, mal à l'aise. J'aurais dû prévenir les groupes de ne pas s'éloigner du lac.
— Pourquoi donc ? demanda Karma.
— Nous sommes proches du Mont Fuji, ça ne vous a pas échappé. Nous sommes également proches d'Aokigahara, expliqua Karasuma.
— Oh mon Dieu, souffla Rio, visiblement surprise.
— C'est logique quand on y pense, fit Karma. J'aurais dû y penser aussi…
— Je suis la seule qui suis paumée ? C'est quoi « Aokigaraha » ?
— « Aokigahara », Eve. C'est une forêt qui est tristement connue pour ses nombreux suicides, raconta l'ex-militaire.
— Ah. En effet, je confirme. (il y eut un silence où tout le monde regardait ailleurs) C'est pas tout ça, mais je vais… me poser un peu, si ça ne dérange personne, déclara-t-elle en s'éloignant.

Eve s'allongea dans son sac de couchage en fermant fort ses yeux, comme pour oublier cette image qui la hantait.

Sur sept personnes du groupe, il y avait le choix entre un malade, une blessée et deux traumatisées. Super.
Quelle était la suite ? Il restait encore trois personnes. Il y allait avoir un mort ? Une tempête ? Une chute de météorites ? Une apocalypse zombie ? Des marcheurs blancs ?
Au point où ils en étaient, il était difficile de faire pire.

Trois petits coups se firent entendre sur sa tente, comme si quelqu'un tentait de toquer à une porte.

— Hm ? Entrez, fit-elle en s'asseyant, toujours emmitouflée dans son duvet.

Une tête rousse ouvrit, puis s'arrêta au seuil de l'entrée. Accroupi, Karma fixait la grosse boule de tissu qu'était Eve. Ses deux iris dorés constataient d'un air désolé l'état dans lequel était l'anglaise.

— Moui… ?
— On a toujours pas trouvé de nourriture, avec tout ça. Tu viens avec nous ou tu préfères rester là ?

Pas de « idiote », « ou tu préfères te morfondre seule avec ton doudou ? », « rester seule avec ta pseudo-déprime » ? Wow, je dois faire de la peine, pensa-t-elle.

— Okuda vient ? demanda-t-elle
— Je suis allé la voir juste avant toi, je crois que oui.
— Je viens alors.
— Te sens pas obligée, dit Karma, toujours devant la tente. Je sais pas exactement ce que tu as vu, mais si tu veux rester, reste ici.
— Si Okuda vient alors que c'est elle qui l'a découvert et a eu le premier choc, je vois pas pourquoi je resterais ici, réfuta-t-elle.
— Chacun a son propre ressenti. Tu ne peux pas juger tes propres actions sur les autres. Tu es différente d'Okuda et c'est pareil pour elle. Tu as pu le voir plus longtemps, être plus choquée, ou au contraire l'être moins mais préférer te reposer quand pour être d'aplomb cet après-midi, on ne t'en voudra pas. Arrête de vouloir faire la forte si au fond de toi tu ne le veux pas, pleure un bon coup et on reparle plus.
— Si tu fais référence au vomi, sache qu- commença-t-elle avec agacement.
— Y'avait aucune référence au vomi, Eve. Arrête voir le mal partout, soupira-t-il. Maintenant si tu veux venir je ne vais pas t'attacher de force ici. Bien que te connaissant tu pourrais apprécier.

Eve fixa quelques instants son interlocuteur pour voir une trace de moquerie dans ses yeux. Il était sérieux ou… ? Elle avait mal entendu peut-être ?
Le garçon s'autorisa un léger sourire et au même instant il reçut un coup de botte, puis une bouteille d'eau, une lampe de poche, un livre…

— On dit pas des trucs comme ça aux gens déprimés ! grogna-t-elle en cachant son amusement.
— T'as l'air en forme pourtant ! répliqua-t-il.

À cet instant, l'anglaise stoppa son mouvement, évitant à sa malheureuse autre botte d'être jetée sans ménagement. En forme ?
Elle avait vu un mort ! Comment pouvait-elle s'autoriser de RIRE ? Une personne était MORTE.

— T'as pas à te sentir mal pour ce mec. Ou fille. J'en sais rien en fait. À la rigueur c'est lui/elle qui devrait avoir honte pour toi, dit Karma, toujours en position de défense, dans le cas où il recevrait un nouvel objet.
— Ouais mais c'est moyen quand même…
— Arrête un peu de déprimer, c'est dans ces cas-là que t'es lourde, conseilla le rebelle.
— Ah ? Et je suis comment la plupart du temps ? demanda la brunette.
— Si je le disais, je recevrais cette botte en pleine face. Alors je me contenterais de dire que si tu veux partir, c'est maintenant ou jamais.

L'anglaise baissa les yeux, afficha une moue un peu déçue et enfila sa chaussure gauche, en se demandant donc bien ou la droite avait pu atterrir.

— Réflexe !

Après avoir évité sa chaussure droite de justesse Eve suivit Karma et les deux adolescents rejoignirent le reste de leur groupe.
Cette fois, ils restèrent aussi soudés que s'ils avaient été collés à l'hyper glue. Pas question de refaire deux fois la même erreur.

Au bout d'une heure, ils revinrent au camp les bras chargés. Même avec les « Mais Karma lâche-ça ! La moitié de tes champignons doivent être toxiques ! », les « OKUDA ÇA VA ? », mais aussi « Nagisa, Rio faites attention, je suis sûre que c'est Karma qui est maudit. Vous êtes les prochains. » et forcément le « Eve, si tu essaies encore une seule de fois de grimper aux arbres et d'imiter Tarzan, on te laisse moisir ici. », le groupe parvint à revenir sans accident.

— Karma-kun, presque tous tes champignons sont toxiques, apprit Koro-sensei, qui était encore réapparut de nulle part.
— On te l'avait bien dit, répéta Rio, moqueuse.
— Lesquels sont les plus toxiques ? demanda le sadique, un air tout à fait innocent sur le visage.
— Ne répondez pas Koro-sensei, conseilla Nagisa, blasé par les élans machiavéliques de son ami.
— Oh t'es pas drôle ! bouda Karma. N'oublie pas que ton sac de couchage est juste à côté du mien, continua-t-il, le visage démoniaque.
— Bonne chance Nagisa, firent les filles en partant se mettre à table.

Les filles s'installèrent autour du feu de camp principal.

— Kayano ne devrait pas tarder, non ? demanda Eve.
— Elle devait revenir vers midi, donc oui, répondit Okuda dont le visage trahissait encore un certain malaise.
— Elle finira bien par arriver ! On devrait commencer à préparer le repas, fit Rio.

Puisque toutes les équipes devaient cuisiner elles-mêmes le midi, l'équipe de Karma fut vite prise de court.

— Quelqu'un sait cuisiner ici ? demanda Karma.
— OH MON DIEU ! s'exclama Eve. Quelque chose que Monsieur Parfait n°2 ne sait pas faire !
— Je sais cuisiner, répliqua le rouquin déjà lassé par la conversation. Les bases.
— Okuda ? tenta Rio. La cuisine, c'est comme de la chimie, non ? Mais avec des aliments.
— Heu… pas vraiment, s'excusa la petite japonaise.
— Nagisa, dis-nous que tu sais cuisiner, implora Rio. Si c'est Eve ou Karma qui cuisine, on a une chance sur deux de mourir d'intoxication alimentaire.
— Ça ne vaut que pour Eve ça.
— Je ne crois pas ! Je suis sûre que je suis meilleure cuisinière que toi, répliqua l'anglaise.
— On s'en fout, répliqua Rio, fatiguée de surveiller deux gamins dont la maturité était aussi grande que celle d'un élève de maternelle.
— Oh je sais ! dit l'européenne, dans un éclair de génie. Je sais qui cuisine super bien.

Les regards avides se tournèrent vers l'étrangère du groupe. Ils avaient faim. Très faim. Et fatigués de manger des conserves que seul Karasuma-sensei trouvait à son goût.

— Dans le groupe 3, il y a Megu. Elle sait TOUT faire, elle sait sûrement cuisiner. Et surtout… Dans le groupe 4 il y a… Hara, raconta Eve. Sinon il y a bien Muramatsu du groupe 2, mais il n'est bon qu'avec des râmens je pense.
— Bien joué. Je pense qu'Isogai ne doit pas être mauvais cuisinier non plus, il est dans la catégorie « Ikemen » aussi, ajouta le rouge.
— Autrement dit, le seul groupe qui n'a pas de cuisiner est le nôtre, réalisa Okuda.
— Pas besoin de remuer le couteau dans la plaie ! geignit Rio, faussement désespérée.
— Comment on peut les convaincre de cuisiner pour nous, aussi ? souleva Nagisa.
— Soit on les paie, soit on les enlève, soit on leur donne un peu de nos trouvailles, énuméra Eve très sérieusement.
— Les enlever serait la meilleure solution pour manger le plus, mais malheureusement ça ne va pas être possible, fit Karma, l'air presque déçu.
— On va prendre la troisième option je pense, décida Nagisa.
— On demande à qui ? demanda Rio. Isogai est vraiment généreux est le plus apte à accepter, mais les talents de Hara ne sont plus à démontrer…
— Je vote pour Hara ! jugea Eve. Je sens l'odeur de leur repas jusqu'ici…
— Hara.
— Hara.
— Bon, je pense qu'on demande à Hara, trancha Okuda.
— Qui va lui demander ?
— Rio, vas-y. Use de ta diplomatie, poussa Eve.
— Mouais. Débrouillez-vous pour commencer à préparer le terrain, accepta-t-elle en se relevant.

Le reste du groupe commença donc à préparer leur feu de camp. Si Okuda et Eve avaient interdiction de s'éloigner chercher du bois –mesure qu'elles trouvaient un poil extrême–, elles s'amusaient bien à essayer d'allumer le peu de brindilles qui étaient déjà au centre du foyer. Technique des pierres, technique de frottement avec un archer, technique de la loupe –sans Soleil–… Rien n'y faisait et ce n'était pas faute de bonne volonté.

Eve et Okuda n'avaient aucune envie de voir revenir les garçons les bras chargés de bois en ayant toujours pas de départ de flamme. Un plan machiavélique dû prendre forme, sans le consentement d'Okuda.

— Je fais la conne devant le feu du groupe 3. Ils trouveront ça presque normal venant de moi, et pendant ce temps tu voles un peu de leur feu. Capiche ? répéta Eve.
— Avec quoi je leur prends ? demanda Okuda.
— Ce que tu veux. Du moment que ça prend, répondit Eve. Bon, go. Même s'il arrive un truc bizarre, fais ta mission, ne t'occupe pas de moi. Le repas de ce midi repose beaucoup sur toi, conclut l'anglaise d'un ton héroïque.

En s'approchant de l'emplacement des tentes du groupe 3, Eve aperçut Isogai et Kataoka qui cuisinaient ensemble. Ils étaient admirés par le reste de leur groupe, surtout Maehara qui ne cessait de féliciter son ami.

Qu'est-ce qu'elle pouvait faire pour ne pas paraître trop suspecte ? Et amener le groupe à ne pas se préoccuper du feu ?
Bah. Un rien ferait l'affaire.

— Youhouuuuu !

Eve tenta d'exécuter une roue, seule figure de ses années de gymnastique en primaire qu'elle avait retenue. Si sur un terrain propre et sec cela ressemblait presque à quelque chose d'esthétique, la pseudo-gymnaste avait sous-estimé le potentiel glissant d'un sol humide et recouvert de feuille. Ce fut donc sans grâce qu'elle s'écrasa sur le sol.

— Eve ! Enfin qu'est-ce que tu fais ?!

La tête contre les feuilles, elle tenta de se relever avant de ressentir une douleur aigüe dans la cheville. Elle entraperçut les élèves qui venaient vers elle et Okuda qui s'approchait du feu.

— Euuuh… Ça doit être la faim. Bon, je vais partir. Hein.
— Rien de cassé ? s'enquit Kataoka.
— Non, non ne t'inquiète pas !
— Puisque tu es là, vous avez réussi à préparer à manger ? demanda Yada.
— Presque, confirma Eve.
— On pourrait vous aider sinon ! proposa Hinano.

La culpabilité commença à s'infiltrer dans l'esprit d'Eve.

— Oh… C'est adorable mais ne vous donnez pas cette peine, on a presque fini ! Je vais y aller cette fois, bon appétit !

Elle marcha, non sans grimacer à chaque fois qu'elle posait son pied gauche au sol, vers l'emplacement des tentes de son groupe et vit Okuda essayer de transmettre la flamme au foyer. C'est avec un grand sourire aux lèvres que la petite japonaise réussit à embraser toutes les petites brindilles.

— Bien joué Manami-chan ! applaudit l'européenne. On aura réussi finalement !

L'équipe de ravitaillement de bois arriva, l'air surpris.

— Tiens, je ne pensais pas que vous réussiriez, s'étonna Karma.
— Tu as bien tort, à force de volonté, on aura allumé nous-même le feu ! déclara l'anglaise, fière comme un paon.

Okuda laissa échapper un petit rire. Les deux garçons comprirent qu'il y avait anguille sous roche mais ne cherchèrent pas à trouver la vérité. Ils avaient bien trop faim pour ça.
Au même moment, Rio arriva avec Hara.
— Tadaaaaam ! montra la blonde.
— Je ne vous aide que pour la recette, pour le reste, vous vous débrouillerez. J'ai faim moi, fit Hara, l'air déprimé à l'idée de devoir attendre pour manger.
— C'est déjà sympa d'être venue, remercia Nagisa.

Le groupe salivait déjà en pensant au premier vrai repas depuis quelques jours. Ils faisaient de piètres explorateurs pour l'instant.

— Bon, d'abord montrez-moi ce que vous avez trouvé, ordonna la cuisinière.

Le groupe s'exécuta. Hara donnait des instructions et au bout d'une dizaine de minutes, chaque bol en métal que possédaient les élèves était rempli de leur futur repas. C'était un mélange de champignons, de baies sauvages et d'un igname trouvé par Isogai. Le délégué était devenu un véritable détecteur d'igname : depuis qu'il avait appris que cette racine se vendait cher, il faisait pour en trouver.

— Ça manquerait bien de viande, admit Rio, pourtant peu carnivore.
— C'est vrai. Ou de féculents, opina Okuda.
— Je ne me vois vraiment pas chasser et vider un animal personnellement. À long terme, je ne dis pas, mais on part demain… rappela Eve.
— Moi je trouve ça bien comme ça ! fit Nagisa, content de pouvoir savourer un repas sans viande.
— On aura qu'à imaginer la viande nous-même, conclut Karma.

Le groupe 1 attendit donc patiemment le membre manquant : en effet Kayano était censée revenir le midi même. En attendant de chauffer leur repas chacun, Eve voulait partir accompagnée de Rio pour faire le tour des autres groupes. En se relevant, l'anglaise se rappela de son acrobatie ratée et de sa cheville qui faisait des siennes.

— Tu t'es blessée ? interrogea Rio, maintenant devenue inquiète au moindre signe de faiblesse de son amie.
— Hm. J'ai comme qui dirait fait une mauvaise chute, sous-entendit la brunette.
— Bon, si tu veux garder ça secret, c'est pas grave. Je suis ton amie, je comprends. Je te torturerais juste.
— Tu penses vraiment qu'on a réussi à allumer ce feu seules avec Okuda ? demanda énigmatiquement Eve.
— Et donc ? répondit Rio toujours en marchant à la vitesse d'une limace, donc celle d'Eve.
— Bah on a dû en piquer un peu. Et j'ai dû attirer l'attention, tu me connais, je fais toujours le sale boulot, se plaignit ironiquement l'étrangère.
— Oui, pauvre Eve, se détendit Rio en constatant que son amie se reprenait. Et donc je suppose que tu as fait un truc bien con et que tu es mal tombée.
— Exactement, oh regarde, c'est Bitch-sensei.

Irina était en train de manger avec une moue dépressive. Karasuma n'était pas à ses côtés, les deux adolescentes en profitèrent donc pour lui demander des nouvelles.

— C'est mieux que si j'avais dormi seule, ça c'est sûr, avoua-t-elle, toujours un air de déception sur le visage. Mais vous connaissez Karasuma-sensei. Ce gros têtu est vraiment insensible. Bref, il ne s'est rien passé, vous vous en doutez.
— Vous n'avez pas parlé ? demanda tout de même Eve.
— Vous êtes plutôt éloquente en plus, ajouta Rio.
— Oui, ben ça ne suffit pas avec cet idiot ! ragea la plus belle femme à des kilomètres. Il ne me répondait même pas ou « demain ne râlez pas si vous n'arrivez pas à vous réveiller ! ».
— Vraiment rien ? s'étonnèrent Rio et Eve en chœur, déçues de n'avoir aucune information croustillante à se mettre sous la dent.
— Oh… Eh bien peut-être que… hésita l'assassin.
— Crachez le morceau !
— Je lui ai demandé assez sérieusement s'il tenait à moi, avoua-t-elle, le regard fuyant cette fois.
— Et ? Il a répondu quoi ? demandèrent les adolescentes, intéressée comme si c'était le scoop de l'année.
— Hm, c'est gênaaaaaant ! se lamenta-t-elle.

Il était toujours intéressant de voir à quel point une tueuse sexy, forte et sûre d'elle pouvait tomber au niveau d'une écolière de primaire amoureusement parlant. Pourtant, elle avait dû en côtoyer des hommes.

— Tant que ça ? réagirent d'abord les filles, avant de se reprendre, le visage malicieux. Vous savez, on ne dira rien.
— Oh, ne pensez à rien de pervers ! Il a juste « Si je ne tenais pas à vous, aurais-je risqué la vie d'une classe entière pour vous sauver l'autre fois ? »…
— ... C'est vraiment mignon, s'ébahit Eve.
— C'est pas Karma qui dirait ça, hein ? se moqua Rio en donnant un coup de coude dans les côtes de l'anglaise.
— Ooooh ! Ça veut dire quoi ça ? demanda Irina, soudain intéressée. J'ai parlé, à ton tour. Je veux savoir s'il y a quelque chose ! Je pourrais même te conseiller, dit-elle en mimant un baiser.
— Mais arrête Rio t'es ridicule ! Je vais aller voir les autres, moi, grogna l'ours agacé qu'était Eve.
— Tu me raconteras si tu sais quelque chose, fit Irina à l'attention de Rio qui lui répondit par un clin d'œil.

En faisant un tour auprès des autres groupes, les deux filles virent arriver Kayano au camp. C'est avec une joie presque exagérée qu'elles accueillirent la nouvelle venue. En arrivant à l'emplacement du feu de camp, Kayano fut surprise d'y trouver son bol déjà prêt et chauffé. Rio et Eve pour leur part avaient encore à le réchauffer, ce qui valut un nouveau savon de l'anglaise qui était décidément une spécialiste en la matière. La blondinette rentra dans le jeu de son amie en essayant de récupérer un peu de nourriture pour « réparer le tort mentalement commis pour le traumatisme de devoir attendre pour manger ». Elles n'obtinrent rien si ce n'est des rires et des « dépêchez-vous avant qu'il y ait trop de mouches dans votre plat ». Et ce n'est que devant son bol qu'Eve se rappela que son estomac était noué. Finalement, heureusement qu'il n'y avait pas de viande : elle aurait eu du mal à la manger.

Les élèves avaient un peu de temps de libre avant le retour des cours de survie. Karasuma demandait aux adolescents de se détendre pendant cette pause, pour apprendre à rester plus calme dans la forêt. Il avait expliqué après avoir parlé de l'effet chimpanzé que s'ils étaient déjà habitués à la forêt, ils seraient beaucoup moins paniqués s'ils s'y perdaient.

Eve rejoignit donc sa tente en ayant envie de lire. Puisqu'elle n'avait pas eu l'idée de prendre un livre, elle devait se contenter du seul ouvrage dont elle disposait, soit le guide de Koro-sensei. Version allégée, six cents pages.

En zieutant au hasard le sommaire qui faisait déjà quatre pages à lui tout seul, l'Anglaise tomba sur le conseil « Que faire si on a aperçu un cadavre ». Elle glapit presque de surprise et étouffa un petit rire : ce genre de situation était impensable, vraiment. Son professeur était tout simplement cinglé.

Pourtant, elle le lut. Bien sûr, ce n'était pas très long. Il l'avait écrit « au cas où ». Mais ce poulpe trouvait toujours les bons mots pour apaiser ses élèves. Ce fut encore le cas cette fois. C'était pourtant simple comme recommandations : en parler à des amis, avertir un professeur, ne pas dormir seul, ne plus se promener seul… Mais le tout était écrit à la manière de Koro-sensei –et dans un bon anglais, d'ailleurs– et entouré de petits dessins de poulpes, ce qui rendait le texte plutôt comique et rassurant.

Rio feuilletait également le guide d'un air ennuyé à la page « que faire si vous vous ennuyez », ce qui fit plutôt rire son amie.
Après avoir regardé l'heure, la brunette avertit Rio qu'il était temps de retourner voir Karasuma.

— Bien. J'aurais dû faire ce cours avant, mais je préférais d'abord vous enseigner les bases pour que vous puissiez vous déplacer plus librement dans la forêt. Vous vous rappelez de la règle de trois ? Trois secondes sans prudence lorsqu'on se déplace, Trois minutes sans air, trois heures sans abri et… ?
— Trois jours sans eau ? se rappela Sugino.
— Bien. Je rappelle encore une fois que cette règle dépend des conditions dans lesquelles vous vous trouvez. Dans un désert chaud, la priorité ne sera pas de construire un abri mais de trouver de l'eau. Au pôle Nord, ce sera de vous trouver un abri pour ne pas mourir de froid… Et donc je reviens à notre sujet principal : l'eau, continua Karasuma.
— C'est génial que Karasuma-sensei puisse autant parler, chuchota Hinano à sa voisine.
— Fais attention tu baves, se moqua Yada malicieusement.
— Donc, l'eau. Vous avez tenu ces trois premiers jours avec vos réserves, la gourde et l'eau que j'ai moi-même purifiée.

Eve et Rio se regardèrent : elles avaient ramené les bidons remplis d'eau du lac le premier jour.

— Il a donc plusieurs façons : soit avec une pastille purificatrice –c'est ce que j'ai fait la première fois–, et si vous êtes vraiment en situation de survie et que vous n'en avez pas il reste plusieurs options. Des idées ? demanda-t-il en bon pédagogue.
— Bouillir ? fit Kataoka.
— Bonne technique. Si vous avez du feu ça reste la technique la plus rapide et une des plus sûres. Ensuite ? poursuivit l'ex-militaire.
— Y'a pas un truc avec le soleil ? Je crois avoir vu ça à la télé une fois, tenta Kimura.
— En effet, répondit le professeur un poil amusé. Si vous n'avez pas de feu, vous pouvez laisser l'eau dans des bouteilles transparentes et laisser le soleil faire. Mais il faut les laisser presque six heures en plein soleil. Si le ciel est nuageux, cela peut mettre deux jours… autant dire qu'il ne vaut mieux pas être assoiffé. Bien sûr, ces conseils ne sont utiles que dans une condition : il faut que l'eau soit propre. Inutile de purifier une eau boueuse, pour ça, il faut la filtrer avant et c'est ce que nous allons faire cet après-midi.

Ce fut donc un atelier « Do It Yourself : faire son filtre à eau » qui occupa une bonne partie de l'après-midi. Il fallait faire vite car en ce mois de Novembre la nuit tombait vite et les températures également. Tous les groupes se débrouillaient bien, et lorsque la majeure partie des élèves avait terminé la construction de leur filtre fait maison, quelques gouttes commencèrent à s'écraser sur le sol de la forêt. D'abord douce, la pluie se transforma en véritable averse lorsque le vent se leva, tout cela en moins de cinq petites minutes.

— Avant d'entrer dans vos tentes vérifier que les sardines sont bien plantées ! cria Karasuma tandis que tous les élèves se ruaient à l'intérieur de leurs abris de fortune.
— J'y vais ! annonça Rio tandis que son amie tentait de tirer la fermeture Eclair de la tente.

Eve réussit à entrer et se détendit quand la tête blonde de son amie apparut au centre de la tente. Rio dégoulinait de partout : ses cheveux étaient trempés, tout comme sa combinaison. Les sacs de couchages étaient en train de prendre l'eau tandis que les deux filles essayaient de retirer leurs chaussures et leurs vestes qui gouttaient.

Toutes deux étaient grelotantes : sans le soleil, il ne faisait déjà pas très chaud alors trempées comme des soupes, elles mouraient de froid.

— Mon Dieu Rio je crève de froid.
— On se met dans nos sacs de couchages et on se colle, va ! frissonna Rio.

Elles s'exécutèrent mais elles continuaient à trembler de froid. Après quelques minutes de silence à écouter les gouttes s'écraser contre le tissu de la tente, entendirent quelqu'un « toquer ». Karasuma venait juste vérifier qu'elles aillaient bien, les rassurer –comme Koro-sensei ne pouvait pas trop le faire à cause de la pluie– et leur demander d'éviter de sortir un maximum tant que la tempête sévirait.

— On est condamnées à se supporter pendant un moment, rigola Eve en claquant légèrement des dents.
— Oui, je déprime d'avance, ironisa Rio avec la mâchoire tremblotante.

Seule la pluie atterrissant au-dessus des têtes des adolescentes se fit entendre.

— Il est cool quand même ce stage, entama Eve. Bon même si encore une fois je fais vraiment tout de travers, blagua-t-elle.
— Oh arrête de dire ça, soupira Rio.
— Je rigole.
— Pas toujours, tu devrais être contente de ce que tu es au lieu de… (elle fit une pause pour chercher les mots anglais) toujours râler à cause de quelque chose qui ne « va pas », répondit la blonde en mimant des guillemets.
— Je comprends pas, dit Eve, perdue.
— Ce que je veux dire c'est que tu te plains toujours de toi-même et de ta vie. À croire que tu as toute la misère du monde sur tes épaules. (en voyant le regard secoué de son amie, Rio voulut ajouter quelques mots) Je ne dis pas que tu n'as pas été malheureuse, mais comme tout le monde.

Eve se décolla de Rio, l'esprit chamboulé.
Avait-elle fait aussi peu attention aux autres ? Non, elle n'était pas si égoïste. Non ?

— Écoute… Mon but n'était pas te déprimer ou de te faire faire une remise en question. Je veux juste que tu arrêtes de te plaindre de toi-même. Tu es quelqu'un de génial, Eve. T'es anglaise –déjà faut admettre que c'est la classe–, plutôt jolie, intellige-… tu es jolie, rectifia la blonde pour se moquer. Non sérieux, arrête de t'en faire pour ça.
— Mais c'est vrai… réalisa Eve. J'ai jamais été super attentive à toi de la même façon dont tu l'as été avec moi… Désolée…
— Eve Bell ne commence pas ! Quand t'es dépressive t'es lourde ! reprocha Rio.
— Mais pourquoi on me le dit autant aujourd'hui ?! déplora l'Anglaise.
— Qui d'autre te l'as dit ? demanda Rio.
— Karma.
— Ah. D'ailleurs, à ce propos, entama la japonaise.
— Tu sais quoi Rio ? coupa la brunette. Tu as tout à fait raison. Je devrais plus t'écouter, et, oh j'ai une super idée ! Je te pose des questions et tu réponds, ça te va ?
— Ne change pas de sujet, Mademoiselle Parapluie Vert, dit Rio en recentrant le sujet. Avoue que tu as des vues.
— Et ma super idée ? éluda l'européenne.
— Tu évites le sujet, ça en dit long tu sais ? remarqua la blondinette, malicieuse.
— Non.
— Non, quoi ?
— Ça dit rien du tout, soupira Eve.
— Je voiiiiiis, Madame préfère attendre un peu pour me parler de son amoureuuuuuux !
— Et là, c'est toi qui commence à être lourde Barbie, reprocha lascivement l'anglaise.
— Mais oui, je te jure que je mènerais mon enquête ! gloussa Rio en poussant Eve, toujours dans son sac de couchage.
— Ah, la pluie s'est un peu arrêtée. Tu sais comment on va manger ce soir ?

En effet, la question eut rapidement une réponse. Après l'averse, Karasuma appela toute la classe pour chercher la nourriture qui servirait à leur dîner. L'ex-militaire était partagé : la nuit allait bientôt tomber et il devait avouer qu'il avait complètement sous-estimé les aléas météorologiques. Après tout, les prévisions avaient été plutôt bonnes concernant le temps qu'il aurait dû faire pendant leur stage. Il n'avait pas envie que des élèves se perdent alors qu'il commençait à faire nuit et qu'une tempête se levait. Si cela avait été des soldats, Karasuma n'aurait que très peu hésité à les envoyer, mais des collégiens ?

Koro-sensei arriva avec un énorme parapluie et des bottes de pluie.

— J'ai ramené quelques repas supplémentaires en prévention de ce cas de figure, expliqua-t-il.
— Bien, allez tous chercher votre dîner et ne restez pas trop dehors : la tempête n'a pas l'air finie. Je veux également vous prévenir : si elle devient trop violente, nous retournerons au camping.

Chacun se dirigea vers la tente flashy et énorme de Koro-sensei et en ressortit avec des nouilles instantanées. Koro-sensei avait déjà ajouté l'eau, elles étaient donc prêtes à être consommées.

En passant devant le groupe des deux délégués, Okuda leur demanda :
— Pourquoi vous enlevez vos tentes, vous partez pour le camping ?
— Non, on va juste tous se mettre dans une tente. De base on devait juste enlever la nôtre mais tout le monde voulait être ensemble. Ça sera moins confortable, mais plus rassurant et on aura moins de chance de s'envoler, expliqua Kataoka Meg.
— Oh, c'est pas une mauvaise idée du tout, admit Kayano. Personnellement je ne serais pas rassurée de dormir seule si le temps est pareil que tout à l'heure.
— En plus Okuda et toi êtes des poids plume ! Autant moi j'ai Eve… se moqua Rio.
— Remercie-moi, sale ingrate, continua l'Anglaise. Mais j'avoue que ce serait sympa. Par contre pour les sacs on pourra pas tout mettre dans une seule tente.
— Koro-sensei a dit qu'il nous les gardait. On a pris le principal et on les a déposé dans sa tente. Karasuma-sensei a dit qu'il était d'accord, tant que nous étions en sécurité et rassurés c'était bon.
— Ok, bonne fin de soirée alors !

En retournant vers leur camp, le groupe 1 fit part de cette idée. D'abord les filles étaient sûres de le faire entre elles si les garçons n'étaient pas pour, mais finalement Nagisa et Karma acceptèrent. Le groupe décida de s'installer dans la tente des garçons qui était plus grande puisqu'elle pouvait accueillir quatre personnes. Initialement, il devait y avoir Takebayashi en plus, ce qui expliquait la taille de la tente.

Après qu'ils eurent démonté leurs abris, ils déposèrent leurs sacs et leurs tentes rangées dans celle de Koro-sensei qui avait déjà profité de construire un endroit pour les entreposer.

Au retour, Kayano et Okuda les attendirent tous déjà dans leur sac de couchage, avec leur pot de nouilles dans les mains, comme pour se les réchauffer. Chacun s'installa le mieux qu'il le pouvait et ils commencèrent à déguster leurs nouilles qui bien qu'industrielles, étaient bien meilleures que les conserves de Karasuma.

— Hm. Bonne soirée, non ? tenta Eve.
— On aura pas froid cette nuit au moins, répondit Kayano avec le sourire.
— Je commence même à avoir chaud, personnellement, fit Rio en enlevant sa veste. (en voyant le regard de certains membres de la tente, elle continua) Bah quoi, autant se mettre à l'aise, la nuit va être longue.
— Pas faux, admit Eve en faisant de même.
— J'espère que mes parents ne seront pas au courant, rigola Okuda.
— C'est sûr que ça pourrait être bizarre hors-contexte, avoua Kayano.
— Et après c'est les garçons les pervers, ironisa Karma qui lui aussi avait enlevé sa veste par commodité.
— On a rien insinué, mais tu connais les parents… soupira Eve.
— C'est pour notre bien, défendit Okuda.
— C'est sûr, mais ils sont oppressants parfois, ajouta Rio. (il y eut un silence) Enfin bref… Tu as pris ton jeu de cartes, Eve ?
— Affirmatif !

Lorsque tout le monde eut finit ses nouilles, une partie de carte put commencer. Le groupe était éclairé par deux lampes torches et essayait de profiter le plus possible du moment. C'était sans compter sur la tempête qui, comme l'avait prédit Karasuma s'était levée.

En plus de la forte averse, du vent qui poussait le tissu de la tente dans tous les sens, une détonation sourde se fit entendre. Kayano et Okuda qui étaient des poids plumes étaient bien contentes d'être en groupe : elles auraient eu peur de s'envoler avec un tel vent. S'ils n'avaient pas fait attention la première fois, ils aperçurent un éclair d'une lumière éclatante. Puis, le tonnerre gronda comme jamais.

Un silence de mort remplaça le grondement sourd du tonnerre.

— Ça va pas nous tomber dessus, hein ? demanda Kayano d'une petite voix.
— La tente doit nous protéger, rassura Eve d'un air incertain.
— Si ni Karasuma-sensei, ni Koro-sensei ne viennent on a aucune raison de s'inquiéter, rajouta Karma, qui mine de rien n'était pas à l'aise non plus.

Un flash de lumière. Un éclair venait de traverser le ciel.
— Une, deux, trois, quatre, cinq, si-

Avant que Rio put atteindre « six », le tonnerre éclata si fort que ça en fit frissonner toute le groupe.

— Il est à peu près à deux kilomètres…*
— Ah. Tranquille alors, répondit Eve.
— Ça sert à rien de s'inquiéter. C'est pas parce qu'on va demander gentiment à l'orage de partir qu'il le fera, dédramatisa Karma en essayant de trouver une position plus confortable.

La tente était assez étroite pour six personnes, mais suffisamment grande pour que ce soit supportable. Heureusement qu'ils n'étaient pas tous grands. Ils formaient pour le moment une espèce de cercle avec au centre les cartes. Mais après avoir passé quelques heures à jouer, Eve jeta un œil à l'heure. Il était neuf heures. Comment se faisait-il qu'elle ait l'impression d'être si fatiguée ? Il est vrai que la nuit était tombée rapidement, mais tout de même !

L'Anglaise bailla, ce qui fut le cas de tous ses amis quelques secondes plus tard.

C'est fou ce que c'est communicatif, remarqua-t-elle en baillant une fois de plus.

Pourtant elle n'avait aucune envie de dormir. Si elle était fatiguée, ce n'était pas le cas de cette petite zone de paranoïa en elle : le cadavre, la tempête et l'orage n'étaient pas les meilleures conditions dont elle pourrait rêver pour dormir. Et puis, elle n'allait pas avoir la place de bien s'allonger : ils étaient six dans une tente pour quatre, ce n'était pas son lit deux places.

— On pourrait éteindre la lumière pour ceux qui voudraient dormir, proposa Nagisa.
— Ça peut être faisable, répondit Karma en éteignant la lampe torche.

À présent tout était sombre. Seuls les bruits de la forêt comblaient le silence. Le vent faisait siffler les feuilles et craquer les branches, la pluie elle, tombait toujours avec la même intensité sur les parois de la tente. Les éclairs déchiraient le ciel par intermittences et le tonnerre retentissait toujours ensuite, faisant sursauter les chanceux qui commençaient à s'assoupir.

Elle essayait de dormir. Mais rien. Puis le noir omniprésent ne lui facilitait pas la tâche. Elle ne voyait rien mais entendait tout. La paranoïa envahissait vite un esprit fatigué et comme l'avait dit Karasuma-sensei : l'imagination bat toujours la raison lorsqu'elles se battent ensembles.

— On peut pas mettre une légère lumière ? demanda finalement Okuda.
— J'hésitais à demander, la rassura Eve.
— On a qu'à mettre un tissu sur la lampe torche mise au minimum, suggéra Nagisa qui était encore plus ou moins réveillé.
— J'ai ma paire de chaussette, j'ai mis mes chaussette de dodo pour dormir… proposa Eve.

Nagisa lui tendit la lampe, et elle essaya d'y attacher une de ses chaussettes. L'effet était plutôt satisfaisant car la chaussette étant de couleur noire, la lumière diffusée n'était pas violente et juste suffisante pour distinguer quelques détails sans pour autant empêcher de dormir.

Eve essaya donc de se positionner sur son sac de couchage et sa veste qui lui servaient d'oreiller car grâce à toutes les personnes qui étaient enfermées, il ne faisait pas froid. Elle fixait la lampe qui tanguait avec intensité.

Il y avait toujours la pluie. Le vent. Les bruissements de la forêt qui lutte contre les éléments. Les éclairs. Le tonnerre.

Certains commençaient à peine à s'assoupir mais Eve gardait une certaine volonté à rester éveillée. Elle ne voulait pas dormir. Déjà pour toujours être au courant de la situation de la tempête. Et puis elle n'était pas rassurée.
Elle croisa ensuite le regard bleuté de Nagisa. Lui aussi ne paraissait pas enchanté à l'idée de dormir.

— Tu n'arrives pas à dormir ? chuchota Eve.
— Non.
— Je ne veux pas dormir, continua-t-elle.
— Pourquoi ? demanda-t-il sur le même ton.
— Pas rassurée.
— On peut faire des tours de gardes si tu veux. Pendant que je n'arrive à pas dormir, tu essaies de dormir et vice-versa.
— Ça me va, accepta Eve en fermant les yeux. Réveille-moi quand tu piques du nez.

Eve tourna la tête vers sa montre : 11h47. Déjà deux heures qu'ils avaient arrêtés de jouer ?
La jeune fille ferma ses paupières avant de doucement s'endormir.

…xX*Xx…

Il n'y avait plus le lac.

Tout ce qu'elle voyait c'était du noir. Partout. C'est ambiant et oppressant.

Puis elle sentit des mains osseuses qui se posèrent aussi doucement que délicatement sur sa gorge. Les doigts décharnés se plantèrent ensuite dans la chair, comme des fines lames de couteau.

Elle hurlait. Elle vit le visage de son agresseur.

C'était le cadavre d'Aokigahara. Il murmurait des mots sous forme de râles. Il répétait incessamment ses mots soupirés terrifiants. Et elle manquait d'air.

BOUM.

Les yeux d'Eve s'ouvrirent d'une traite. Elle tourna la tête en se redressant avec lenteur pour croiser des yeux, cette fois non bleus mais dorés.

— C'est juste le tonnerre, prononça Karma à voix basse.

Elle ne répondit pas tout de suite pour voir l'heure : 4h08.
Pour le coup le tonnerre l'avait bien aidée. Parce qu'elle n'avait pas hurlé dans la vraie vie et personne ne l'avait réveillée. Ce qui était logique si elle avait l'air de dormir paisiblement.

— Nagisa m'a dit pour le tour de garde. Je trouve pas ça utile mais si ça peut en rassurer… soupira-t-il en baissant le regard sur sa console de jeu.
— Merci alors. Tu peux dormir maintenant.
— Moui. J'ai presque fini, répondit-il mollement sans lever les yeux de son écran.
— C'est quoi ? demanda-t-elle.
— Pokémon Diamant.
— Vraiment… ? vérifia Eve en gloussant.
— Je vois pas où est le problème, continua Karma, apparemment très concentré.
— Y'en a pas. Je m'y attendais pas, c'est tout, souffla Eve en s'asseyant.

Clairement, elle allait s'ennuyer. Elle aurait pu penser à prendre sa DS aussi. Bon, elle était vieille mais elle marchait toujours, alors pourquoi pas ?

— Tu en es où ? demanda-t-elle, juste pour parler.
— À la fin de la ligue, dit-il en terminant la conversation.

Quelques minutes de silence passèrent, perturbées par les quelques grondements lointains du tonnerre.

— Fini, conclut-il en fermant sa console.
— Bravo, félicita moqueusement Eve. Tu vas faire quoi maintenant ?
— Essayer de dormir sans chopper un torticolis, informa-t-il d'une voix lasse. Et toi ?
— Bonne question. La même chose je suppose.
— Et ton tour de garde ? interrogea le rouquin, une lueur moqueuse luisant dans ses iris dorés.
— Tu as dis-toi-même que c'était inutile, il vaudrait mieux que je dorme.

Pourtant après avoir été réveillée, elle n'avait absolument pas envie de se rendormir. Encore peu lucide, Eve continua de contempler le vide. Puis son attention se dirigea vers la lampe torche, toujours bien enveloppée dans sa chaussette noire. Bizarrement, ça l'absorbait. L'endormait, presque.

— Tu veux devenir aveugle ? demanda-t-il tout en essayant de s'adosser à sa veste roulée en boule.

Eve baissa lentement la tête. Puis les yeux, pour croiser ceux de son camarade. Qu'avait-il dit ? Elle avait déjà oublié. Alors elle se contenta de le fixer sans raison.
Ce qu'il fit également. Par compétition, par ennui ou par fatigue peut-être. Puis finalement, le silence et l'obscurité eurent leur effet soporifique et la tente au complet fut plongée dans un sommeil profond.

Quand le jour se leva, les doux rayons du soleil traversèrent la toile de la tente ce qui réveilla ses occupants. Ils étaient encore couchés et pourtant ils paraissaient épuisés.
Eve, contrairement aux autres était normalement plutôt matinale. De ce fait, elle se leva pour profiter un peu de la fraîcheur matinale et pour marcher.

C'était le dernier jour.
Elle devait bien avouer que cela avait été intéressant… mais plutôt fatigant, mine de rien. Et encore, ils avaient été plutôt aidés. Mais ils avaient perdus en confort… Elle ne s'était même pas rendue compte des petits bonheurs quotidiens.

Après les compliments de Karasuma-sensei, la classe put démonter toutes les tentes et commencer à partir. Ils rejoignirent le camping là où ils purent enfiler leurs tenues de tous les jours et embarquer dans les espèces de camionnettes qu'avaient les militaires pour se déplacer.

Il y avait quelques personnes qui parlaient entre elles, mais Eve demeurait silencieuse et observait ces forêts qu'elle ne reverrait sans doute jamais.
Coïncidence ou destin ? Elle se posa la question lorsque le véhicule roula devant une voiture à l'arrêt, qui paraissait avoir été là depuis longtemps. Cette voiture qu'elle avait aperçue avant de pénétrer dans la forêt d'Aokigahara était maintenant entourée de quelques policiers.


*Calculer la distance de l'orage (non Rio n'est pas magicienne malheureusement) : on compte le nombre de secondes qui séparent l'éclair du tonnerre. Puisque la lumière est plus rapide que le son, on verra instantanément la lumière et c'est le son (le gros BOUM qui te faisait flipper quand t'étais gosse, toi-même tu sais) qui mettra plus de temps à arriver qui permettra de mesurer où se trouve l'orage.
- Donc soit on divise par 3 le nombre de secondes (ce qui donne un résultat en kilomètre)
- Soit on multiplie par 340 (fais-ça de tête, la table de 340 c'est easy) et on obtient un résultat en mètres.
Vuala sinon vous pouvez toujours chercher sur internet parce que je sais que j'explique mal. :c

Parallèle : Aokigahara
Pour celles qui se posent la question, est bien une vraie forêt. De base, cette forêt n'avait rien demandé à personne. Sauf qu'un écrivain japonais (lol jure) a publié un bouquin où le couple se suicide où ? Bah ouais, à Aokigahara.
Ce mec décrit même Aokigahara comme « un site où il est conseillé de se suicider » (4 étoiles sur Tripadvisor mgle). Non sérieusement, parce que cette forêt est un vrai labyrinthe où il est galère d'avancer et qu'au passage elle EST ENORME.
Enfin bref, si le sujet vous intéresse je vous invite à vous renseigner mais ATTENTION quand même parce que des gens ont publié des photos de… certains corps retrouvés là-bas. Ils pensent que ça découragera les dépressifs de passer à l'acte. Bref.


A suivre !
S'il-vous-plaît, commentez pour la survie des pandas.
Oui, rien qu'un panda normal. L'autre animal n'avait pas susciter trop d'émoi alors je tente un truc random !

Bisous, à plus !
Diamly~~~