06/02/2018

HELLOOOOOOO
J'espère que tout le monde va bien, que vous vous êtes pas étouffé avec vos crêpes, que vous êtes pas morts avec vos partiels, que vous avez bien rendu vos TPE, que vous stressez pas trop pour votre orientation, ou que vous êtes pas trop en galère avec Parcoursup. C'est mon petit cadeau avant les vacances ;) (Force à vous, la zone B)

Je reviens aujourd'hui en espérant reprendre un rythme à peu près correct, comme à chaque fois en fait x)

Réponse aux reviews :

Kaliska : Je crois qu'Isaac a lu ta lettre mais dans son grand flegme il s'en fout. Effectivement ce personnage n'est pas agréable, mais pas du tout ! J'avais envie d'écrire quelqu'un comme ça, y'a pas toujours des gens sympas. Sinon ton commentaire m'a pliée de rire x) Et je pense que ce personnage ne sera vraiment pas fait pour être aimé. J'espère que ce sera pas trop cliché '-'
J'ai dû utiliser Google trad pour comprendre ton allemand XD (team Espagnol LV2). Sinon, je pense qu'au fond, ils sont marqués : ils ont été touchés lorsqu'ils étaient complétement hors de l'école, hors de leur assassinat. Je pense que déjà le fait d'être attaqué par Takaoka sur l'île les a remué, mais ils étaient quand même là pour l'assassinat alors que pour le cinéma, ils étaient en total loisir… Ils ont conscience qu'ils peuvent être une victime à tout moment. Alors je pense qu'ils ont vécu pire, certes, mais qu'inconsciemment ils essaient de pas trop y penser.
Ouais, je trouve qu'on voit pas assez Itona se remettre de sa vie sans son pouvoir, alors qu'en vrai un sevrage pareil, ça doit forcément laisser des séquelles (autant physiques que mentales).

Pour ce que Koro-sensei comprend chez Isaac, je développerais plus tard ^^
Je trouve aussi que Rio pourrait se hisser plus haut, mais c'est déjà pas mal ouais :/ Après, elle est juste en-dessous d'eux, donc honnêtement c'est honorable.
Nope, Eve est quand même assez loyale ! Je la vois tellement en Gryffondor d'ailleurs. Et merci pour le compliment et pour l'énorme review hyper complète *-*
(Et t'inquiète, le lycée j'ai d'abord vécu ça comme une horreur mais maintenant j'en suis assez satisfaite).

Aurore Heart : Merci pour la bonne année ! Enfin maintenant ça serait plutôt la chandeleur x)
Ohoh, je vois qu'Isaac fait toujours autant l'unanimité !
Eve et la politesse, une grande histoire.

Lerugamine : Moi aussi je t'aime :)

TheWorlOfManea : J'attends toujours le rêve :'c Mais j'ai espoir un jour. Oh et puis SnH, et Fear aussi. Mais bon je comprends ton blocage, ça arrive.
Mais tu sais que parfois je les ship aussi Asano et Eve ? Mais vu que je tiens à la cohérence de cette histoire… enfin rien ne m'empêche de me faire un délire. Que je partagerais bien évidemment. Merci pour la review, oui j'ai remarqué l'effort !

WaterFlag (Guest) : Wow. Courage pour tes partiels x) Et heureuse d'apprendre que tu as apprécié :D Et merci de tes encouragements.
Huhuhu, je peux pas m'empêcher d'écrire ce genre de scènes, je suis ship addict aussi XD

AryaButterfly : Oh, ça me fait plaisir que tu dises ça ! J'ai encore pas mal de doutes quant à mon style d'écriture, et quand je relis le début de cette histoire parfois j'ai un peu peur x) J'ai l'impression de m'être améliorée en tout cas. Hahah, moi aussi j'adore écrire les interactions Karma/Asano/Eve. Mais je veux pas que ce soit abusif donc je me retiens :c (en espérant que ça fasse pas Mary Sue, j'ai toujours peur). Merci :)


Précédemment : Isaac est devenu au grand bonheur de la classe E un assistant de Karasuma, et il les a évalué afin de les aider prochainement. Les élèves reçoivent également leurs résultats, et c'est avec surprise que la classe E se retrouve complètement dans le top 50. Eve a également battu Joshua (à deux points près, quand même).

Dites moi qu'il se passe plus de choses que ça dans mes chapitres, je crois que je vais déprimer q_q


Chapitre 34 – Leçon secrète

— Tu es sûre que ça va, Eve ?

La jeune fille tourna la tête vers ses parents, inquiets. Elle fixait mollement l'écran de leur télévision. Dessus, on pouvait voir les médias anglais —les Bells aimaient regarder les informations Britanniques— qui s'agitaient en vue de Noël. Eve aimait Noël, ce n'était pas le problème. Il n'y avait rien qui puisse rendre cette fête dérangeante, comme la mort d'une cousine ou le rappel d'un petit ami violent. Non, ce qui gênait Eve, c'est qu'en Décembre, il ne restait plus que trois mois jusqu'à Mars.

Avant, elle y avait songé sans plus y réfléchir. Juste mathématiquement, pour son organisation. Comprendre qu'il ne lui restait plus que trois mois à vivre dans cette classe avait quelque chose de lourd, de mélancolique. Alors oui, Eve avait un coup de blues.

— Oui, oui, c'est juste que je m'étais pas rendue compte que le temps passe vite, répondit Eve, la voix blanche.

Les parents inquiets fixèrent leur fille. C'était probablement vrai. Ses notes étaient bonnes, elle avait des amis —dont elle leur parlait souvent—. Et c'était peut-être ça le problème : son année était trop bonne, et elle avait peur pour la suite. Habituellement, c'était plutôt Mr Bell qui dans le couple s'occupait de donner des réponses aux inquiétudes de leur fille. Sauf bien sûr pour les « problèmes de fille » : là c'était plutôt la mère qui s'en occupait, au grand soulagement de William qui savait à peine de quel côté se mettait un tampon. Toujours était-il que cette fois, c'est Roxanne Bell qui vint s'assoir aux côtés de sa fille.

— Ma chérie, les meilleures choses ont une fin, ça tu le sais. Tu devrais éviter de regarder le temps qu'il te reste chaque jour. À trop le fixer, tu vas finir par ne voir que ça et passer à côté de tout le reste. Plutôt que penser à ce que tu ne pourras pas faire, essaie de faire tout ce dont tu as envie durant ce laps de temps.

Les yeux d'Eve pétillèrent et elle serra un peu plus fort son oreiller. Sa mère disait vrai. Il fallait qu'elle arrête de fixer le calendrier, qu'elle arrête de se demander ce qu'il arrivera après la funeste date qui terminera leur cycle au collège Kugunigaoka.

— Merci maman, remercia Eve en se levant. Je vais me coucher, bisous et bonne nuit.

Elle colla un bisou sur le front de ses deux parents et rejoignit sa chambre en prenant son temps. Même si elle savait que ce n'était plus tellement vrai, maintenant.

Allongée sur son lit, son coup de mou n'était pas parti pour autant. Elle s'attendait à voir débarquer Koro-sensei de nulle part, comme chaque fois qu'elle allait moins bien. Elle ne vit rien à part les étoiles, minuscules points lumineux qui brillaient lorsqu'un nuage leur en laissait l'opportunité.

Peut-être que Koro-sensei finissait de réparer leur bâtiment, détruit par leur altercation avec le Principal Asano. Asano-fils lui avait bien dit de se méfier. Mais qui aurait pu deviner que le directeur viendrait armé d'un bulldozer et qu'il menacerait les élèves de les enfermer dans une espèce de prison pédagogique si Koro-sensei ne se pliait pas à ses exigences ? Pas grand monde à vrai dire.

Ça avait été une drôle d'expérience. Voir Koro-sensei si acculé par une si simple ruse. Des cahiers, des grenades et une menace. Voilà quel plan aurait pu anéantir la menace numéro une du monde. Finalement, c'était le proviseur qui avait failli y passer si le professeur-poulpe ne l'avait pas protégé.

Pour finir, ce qui avait marqué Eve en plus du fait que son directeur avait failli passer l'arme à gauche, c'était ce petit rapprochement entre Chiba et Rika. Outre ça, rien de tellement notable. Son quotidien était assez fou pour que finalement, cet évènement soit à égalité avec la prise d'otage du cinéma ou du meilleur assassin du monde qui kidnappe leur professeure de langues.

Maintenant, leur prochaine épreuve serait une pièce de théâtre à présenter devant tout le collège. Isaac avait râlé lorsqu'on lui avait expliqué. « Qu'est-ce qu'une bande de gamins comme vous iriez faire comme théâtre sachant que vous avez une cible à abattre ! Et ça se dit assassin ! J'hallucine ! ».
Il était ensuite parti en râlant pour fumer, ce qui était assez comique. Il fallait admettre que dans le fond, il n'avait pas tort. Les élèves de la classe E avaient quand même autre chose à faire que s'exposer sur une scène. Mais bon, c'était encore une épreuve alors ils allaient le faire.

Eve se roulait dans sa couette, cherchant désespérément le sommeil. Il ne venait pas, sûrement à cause de l'angoisse que le temps passe encore trop présente dans son esprit. Pourtant, le lendemain, ils auraient une répétition. Il faudrait qu'elle soit à peu près présentable : elle avait décidé d'aider pour les costumes. Elle savait coudre juste ce qu'il fallait pour recoudre un bouton, reprendre une chaussette trouée ou assembler un patron déjà prêt. Eve actrice ? Jamais. Enfin si mais elle n'avait pas demandé. Actuellement, elle ne se sentait pas d'humeur. Rio avait pourtant insisté assez de fois avec suffisamment d'arguments pour convaincre n'importe qui d'accepter.

En pensant à tout le travail qui l'attendait le lendemain, Eve finit par sombrer dans un sommeil profond qu'elle méritait amplement.

xX*Xx…

— Eh merde ! s'exclama Eve en suçant son doigt.

Pour la seconde fois aujourd'hui, Eve s'était piquée. Elle s'occupait de quelques détails de costumes, d'où le fait qu'elle n'avait pas la machine à coudre. Si les élèves avaient proposé de louer les costumes, il n'empêchait que d'autres étaient plus difficilement trouvables, comme celui de Koro-sensei par exemple.

Niveau costume, il n'y avait pas grand-chose à faire. Une fois que les costumes étaient terminés, il fallait s'atteler aux décors. Les acteurs relisaient encore et encore leur texte, sauf Koro-sensei qui ne possédait aucune ligne, bien qu'étant le personnage principal de la pièce. Pour les décors rien de bien compliqué non plus : heureusement que Hazama avait fait léger dans son script.

Eve n'avait pas tellement hâte non plus de la pièce : elle avait l'impression de perdre son temps. Alors, pendant la pause, elle laissa Rio qui révisait la pièce pour aller marcher un peu dans la forêt.

Elle espérait croiser quelqu'un.
Ne pas juste rester toute seule. Pourtant, elle marchait, marchait sans rien trouver d'autre qu'une forêt tristement silencieuse, typique d'un hiver rude qui approche. Cependant, d'une certaine façon, elle se sentait apaisée au centre de tous ces arbres aux bras maigres et déplumés. Ici, le temps semblait figé. Elle s'assit quelques instants sur un rocher, qui était glacé. Des nuages s'échappaient d'entre ses lèvres, qui commençaient à bleuir sous l'effet du froid. Il s'en était passé des choses cette année. Eve renversa la tête pour observer le ciel, exceptionnellement peu couvert en ce jour. Les nuages traversaient paresseusement le ciel, comme pour rajouter cette impression à l'environnement qui semblait paralysé.

Commençant à se refroidir, Eve rentra, sans n'avoir croisé personne.

En revenant, pas grand-chose n'avait changé. La classe était toujours en effervescence, mais elle ne semblait toujours pas décidée à s'amuser. Oui, cette pièce en était l'occasion mais elle n'en avait décidément pas l'envie. Alors, elle expliqua à Rio qu'elle avait préférait aller travailler. La blondinette parut surprise mais n'insista pas et laissa son amie dans une autre salle où elle fut à l'écart.

— Ritsu ?

— Oui, Eve ? demanda l'androïde, qui était apparue sur l'écran du téléphone de l'adolescente.

— Tu sais où on pourrait trouver des informations sur Koro-sensei ?

L'Intelligence Artificielle se tut quelques instants, et finit par répondre :

— Koro-sensei m'a formellement interdit de chercher des informations le concernant. Il pense que je ne suis pas encore assez habile pour ne pas me faire repérer et que ça risquerait de compromettre la classe E.

— J'aimerais te demander de chercher si ça ne te dérange pas. Je suis sûre que le gouvernement sait beaucoup plus de choses, et si ce n'est pas le gouvernement, il doit y avoir d'autres informations. Je refuse de croire que Koro-sensei était un humain qui n'a laissé aucune trace, c'est impossible.

Cela fatiguait Eve depuis bien longtemps. Surtout après l'été où le professeur lui avait fait des sous-entendus concernant son passé. Ça la rendait folle. Même si elle savait qu'elle l'apprendrait éventuellement, elle ne savait pas quand. Si c'était après sa mort, ce serait inutile. Et la Britannique s'était résolue il y a bien longtemps à ne pas tuer leur professeur. Elle avait l'impression d'être la seule à ressentir ça, et pourtant, c'était si ancré en elle qu'elle ne pouvait pas vraiment lutter.

Il devait forcément y avoir une solution. Pourquoi Mars ? Pourquoi détruire la Terre ? Qu'on n'aille pas lui dire qu'elle était la seule à se poser ces questions ! Et pourtant, quand elle entendit des cris dans la salle d'à côté, où les autres préparaient la pièce, elle commença à en douter.

— Qu'est-ce que tu fais ici ?

Eve sursauta, et enleva les écouteurs qu'elle avait mis pour se concentrer. Isaac était de retour.

— Pas envie de faire la pièce, répondit-elle.

Elle pouvait bien lui dire. Et même s'il le répétait ce n'était pas vraiment un problème : elle n'était pas la seule dans ce cas, et de loin.
L'adulte se rapprocha du bureau où était assise l'élève et se pencha. Eve avait soigneusement tourné la page où elle avait noté tout ce qu'elle savait sur Koro-sensei pour montrer un cahier couvert d'équations du second degré. Pourtant, Isaac tourna la page et Eve resta statique. Il était chiant à être aussi fouineur.

— Je t'ai permis ? s'agaça la plus jeune, toujours sur ses gardes depuis la dernière fois.

Isaac lui aussi semblait surpris. De quel droit cette gosse se permettait-elle de lui parler d'une telle façon ? En le tutoyant ? Il fronça les sourcils, mais continua d'ignorer la gamine pour regarder ce qu'elle avait écrit. Visiblement, elle en savait plus que les autres. Il avait bien raison de s'intéresser à elle. Rien de spécial à première vue, mais un tempérament à sortir de la moyenne et une curiosité maladive qui pourrait la mener à sa perte. Ou à la sortir du lot d'une façon spectaculaire.

— Je te parle ! répéta Eve, vexée d'être snobée.

— Comment connais-tu de tels détails ? demanda l'agent, apparemment intéressé par les trouvailles de l'élève.

— C'est mes affaires ! … Ou c'est donnant-donnant, concéda-t-elle après un temps.

Elle n'allait tout de même pas lui donner tout ce qu'elle savait sans rien en retour ! Elle était gentille mais pas naïve. Pendant ce temps, Isaac continuait de zieuter discrètement le cahier. Ses lèvres se crispèrent, retenant un sourire.

— Tu veux le tuer ? demanda-t-il, d'une voix horriblement neutre.

Que devait-elle répondre ? La vérité ? Dans cette classe, seul Koro-sensei savait ouvertement qu'elle avait décidé de ne pas le tuer. Alors si les autres l'apprenaient ? Qu'en diraient-ils ? Si Koro-sensei avait promis de la laisser rester dans cette classe, il n'en était rien des autres.

— Ton silence en dit long, soupira Isaac. Tu veux le sauver, je présume ?

Eve ne répondit pas : elle en avait assez qu'on lise en elle aussi facilement ! Bon Dieu, elle avait encore du mal à cacher des choses aussi importantes pour elle.

— Alors je peux t'aider.

Cette fois, la collégienne releva la tête, complétement prise de court. L'aider. C'est bien ce qu'il avait dit ? Pourquoi Diable ferait-il ça ? Il avait déjà probablement lu tout ce dont il avait besoin ! Et ce n'était pas le peu qu'elle n'avait pas écrit qui l'intéresserait.

— Je ne sais pas grand-chose de plus, annonça la brunette.

C'était peut-être idiot de perdre un allié, mais merde pensa l'Anglaise. D'une, elle n'aimait pas s'abaisser à lui demander ouvertement de l'aide pour un projet tel que celui-là, qui lui tenait à cœur. En plus, si elle lui disait exactement tout ce qu'elle avait en tête, ça pouvait très vite se retourner contre elle. Elle ne le sentait pas digne de confiance.

— Ce n'a pas d'importance. Je sens que c'est toi qui apprendra le plus de choses sur lui. Contrairement aux autres —pour l'instant du moins— tu comptes le sauver. Là où les autres cherchent ses faiblesses, toi tu cherches beaucoup plus loin que ça.

— Je ne vois toujours pas ce que ça peut t'apporter, répondit Eve, totalement perdue. Le sort de la Terre ne t'intéresse pas, l'argent pas tellement non plus sinon tu pourrais en avoir facilement avec des métiers bien plus illégaux… Alors pourquoi ?

Isaac sembla sourire avant de regarder le plafond miteux de la pièce, comme si ce dernier possédait la réponse à toutes ses questions.

— Secret.

Il était insupportable. Absolument insupportable. Mais la collégienne ne désespéra pas. Pas tout de suite, en tout cas. Elle respira un bon coup, et tenta de contenir toutes ses pulsions meurtrières —elle qui se qualifiait de pacifiste !— avant de reprendre :

— Et qu'est-ce que tu comptes faire pour m'aider dans ce cas ?

— Si tu veux le sauver, tu conçois qu'il faut que tu sois plus forte que ceux qui veulent le tuer, non ?

Ça se tenait pour l'instant. Mais elle ne tenait pas plus que ça à se battre.

— On a rien sans rien, grinça Isaac en voyant la mine de l'élève. Vous les gosses vous êtes tous pareils maintenant ! Vous voulez tout sans effort. Et on ne pourrait presque pas vous en vouloir parce qu'on fait rien pour vous pousser à vous démerder. Encore que, je vais admettre que dans votre classe il y a plus de bonne foi qu'ailleurs. Mais bref. Si tu veux sauver ton prof, il faudra d'abord que tu sois de taille à gêner ceux qui veulent t'empêcher d'atteindre ton but. C'est la base.

— Très bien. En supposant que tu veuilles vraiment m'aider à ça, pour une raison obscure… Qu'est-ce qui me prouve que je peux te faire confiance ? Depuis le début que tu es arrivé, je peux admettre que tu as bien fait ton travail. Mais sinon, en plus d'être imbuvable et égocentrique, tu es macho. Alors je me répète, mais pourquoi perdre ton temps à entraîner un gosse, qui plus est une fille.

Isaac sembla aussi interrogatif que la personne qui lui avait posé les questions. Soit il jouait la comédie, soit il était parfaitement lunatique. Eve misa sur le fait qu'il voulait la faire rager —et malheureusement ce n'était le seul, et elle commençait à être habituée—, et attendit aussi patiemment que possible sa réponse.

— Je suis « macho » comme tu dis parce que vous les filles, dans votre grande majorité vous êtes élevés comme des petites princesses. Surprotégées dès le plus jeune âge. Et en grandissant ça s'améliore pas. De vraies langues de vipères. La majorité des hommes ont au moins la propension à devenir des mufles sûrs d'eux. On sait ce qui nous attend. Ça ne signifie pas que tous les gens sont pareils. En imaginant le pire chez les gens on ne peut pas être déçu.

Ce qui se tenait également. Isaac paraissait assez logique une fois qu'il expliquait sa manière tordue de penser. Ça n'empêchait qu'Eve le trouvait toujours aussi suspect. Pas vraiment étonnant quand le pressentiment venait de lui. Cependant, la collégienne ne pouvait pas admettre que l'offre était alléchante : il voulait l'entraîner. Elle aurait un coach à elle toute seule. Si déjà elle avait un tout petit peu d'avance grâce aux cours de self defense qu'elle prenait, là, son niveau pouvait potentiellement faire un énorme bond. Tout dépendait également du professeur.

— Et qu'est-ce que tu ferais des informations que je t'offre ? demanda Eve. Si j'en obtiens de nouvelles auxquelles tu n'as pas accès, bien sûr.

Un tel marché cachait forcément quelque chose. Et plusieurs zones d'ombres assombrissaient toujours le tableau. Alors si Isaac comptait vendre les informations, ça ne l'arrangerait pas.

— Ni l'argent, ni le sort de la Terre ne me préoccupe, rappela Isaac, mimant ce que lui avait dit Eve quelques minutes plus tôt. Tu en déduis ce que tu veux avec ça.

La collégienne fit une moue indécise. Le contrat était plus gagnant de son côté, ce qui l'arrangeait d'un côté mais l'effrayait de l'autre : il n'avait aucun intérêt à faire un accord qui lui serait défavorable. C'était clairement le genre à ne rien faire sans gagner. Mais en même temps, la Britannique n'y perdrait rien. Ce qui était suspect également. Eve supposait Isaac bien plus intelligent qu'il n'y paraissait. Elle préférait largement le surestimer que l'inverse : au moins, elle saurait à quoi s'attendre.

Eve releva ses iris verdoyants vers celui qui l'avait sauvée plus d'une fois, une lueur néanmoins suspecte dans les yeux.

— Marché conclu, termina-t-elle en tendant la main vers son interlocuteur.

— Marché conclu, accepta l'agent en joignant la sienne à celle de la gamine.

Alors, il fit volte-face et s'avança vers la porte avant d'annoncer :

— Pendant le théâtre, derrière la zone du free running. Ne sois pas en retard.

…xX*Xx…

Si les élèves de toutes les classes de troisième avaient eu l'obligation de produire une pièce de théâtre, il n'avait pas pour obligation de s'y montrer. Même si pour tout élève il aurait semblé logique d'assister à la représentation, rien ne le forçait à s'y rendre. C'était donc naturellement qu'elle avait encore inventé une excuse pour s'éclipser et se rendre au lieu de rendez-vous qu'il lui avait été confié.

Elle arriva avant que le théâtre de toutes les classes ne commence, ce qui signifiait que c'était ce prétentieux de misogyne qui était en retard. Elle s'affala en soupirant sur les herbes fraîches de la clairière. C'était bien la peine de l'avoir pressée à venir à l'heure si lui-même n'était pas là à l'horaire décidé. La bise souffla doucement entre les arbres qui finissaient de perdre leurs feuilles. L'environnement anciennement or et rouge laissait place à un cimetière de branches nues, laissant visible les ruches et nids.

Soudainement, Eve sentit quelque chose s'approcher. Avant même qu'elle ne put pousser un cri, elle sentit une lame glacée lui caresser la jugulaire. Hoquetant, elle sentit l'adrénaline se déverser dans ses veines, lui faisant l'effet d'une douche plus froide que le vent qui soufflait.

— Trop lente. Je pourrais te tuer sans soucis.

L'identité de la personne était déjà assez évidente, mais à présent elle était sûre. Isaac était toujours aussi imbuvable. L'Anglaise tenta doucement de reprendre ses esprits, se battant contre l'effet des hormones sur ses nerfs.

— Je pensais que tu voulais m'aider, pas m'égorger comme un porc, reprocha Eve en essayant de prendre l'ascendant.

— Je veux bien t'aider, mais ton instinct de survie ne suit pas trop visiblement, répondit l'homme d'un air suffisant.

L'Anglaise claqua sa langue, fatiguée d'être prise pour une idiote. Mais il allait l'entraîner et c'était déjà une avancée. Alors elle se tut et attendit qu'il décolle le couteau de sa gorge avant de se relever.

— On commence par quoi ?

— Déjà, par faire un simple constat. Tes réflexes sont normaux, sans plus. Pas d'instinct particulier. Tu contrôles peu tes émotions. Le tir est insuffisant chez toi. Le corps à corps et le couteau est ce que tu maîtrises le mieux. Tu dois bien être dans les meilleurs de la classe et dans les meilleures des filles. Mais seulement niveau technique. Hinata par exemple et plus souple, plus surprenante et plus à même de se sortir d'une situation périlleuse. Donc il te reste du chemin à parcourir.

D'abord, elle ne manquait pas tant que ça de ressources. Il ne l'avait pas vu faire, mais Eve avait malgré tout quelques idées en combat. Elle mit également sous silence la fois où elle avait balancé des boules puantes sur le meilleur assassin du monde. Non, elle s'en passerait. Néanmoins, pour le reste, il n'avait pas tort. Eve mordit rageusement sa lèvre inférieure : elle détestait qu'on lui fasse des reproches, bien qu'elle sache que ce soit essentiel pour avancer.

— Très bien, grommela la plus jeune. Et qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer ça ?

— Te mettre en situation, comme je viens de le faire. L'effet de surprise en moins, ça sera beaucoup moins représentatif, mais pas inutile.

Il ressorti son couteau. Eve déglutit difficilement : elle pensait qu'ils combattraient avec un couteau anti-sensei ! Pourtant, l'agent avançait, lame tendue vers le sol. Esquiver. Il fallait esquiver. L'apprentie assassin serra ses poings gantés avant de fléchir les genoux, prête à fuir. C'était ridicule certes, mais ce n'était pas avec son couteau en caoutchouc et un pistolet avec des balles en plastique qu'elle lui ferait quelque chose.

Isaac avait remarqué la position de la jeune fille : il fonça alors tête baissée vers elle avant qu'elle ne puisse partir. Eve se retrouva donc face à lui et à son couteau et ne l'évita que d'un mouvement d'épaule. Elle sentit une fine brûlure aigue la traverser. Et un liquide chaud et poisseux en couler. Instinctivement elle pressa son épaule, ce qui la fit grimacer avant d'observer sa paume qui était devenue rougeoyante. Blessée, elle était vraiment blessée.

La peur s'empara cette fois d'elle. Elle savait qu'il ne pourrait pas la tuer. Il l'avait sauvée par deux fois. Alors pourquoi la tuer maintenant ? Pourtant elle sentait la peur, irrationnelle, s'introduire dans chaque cellule de son corps. Chaque seconde elle sentait ce quelque chose de glacé influer en elle et lui faire perdre la raison.

Son souffle devint erratique, ses pupilles dilatées cachant presque ses iris, et des tremblements commencèrent à secouer ses jambes. Isaac examina chacun des signaux avec une précision presque chirurgicale : son attaque avait fait son effet. C'était maintenant le moment de voir si elle avait le potentiel pour s'en sortir.

Il rechargea, ne laissant pas une seconde à l'écolière de reprendre ses esprits. Avec l'énergie du désespoir, Eve envoya son genoux valser dans le ventre de son adversaire, arrêtant la lame du dos de sa main, protégée par les gants de la tenue militaire, seul habit qu'elle avait pris de son équipement. Si elle avait pris le reste, ça aurait été suspect mais elle n'aurait pas été blessée.

Son coup ne fit pas grand-chose à l'agent du ministère : elle l'avait senti se contracter lorsque son genou était parti. Isaac se redressa, toussa en se massant la zone touchée pendant à peine quelques secondes. Quelques secondes qui permirent à Eve d'imaginer le squelette d'un plan.

Lorsqu'il revint à la charge, elle tenta d'ignorer les messages d'alarme qu'envoyait son corps. C'était comme une atroce alarme qui hurlait en boucle, rendant tout autre signal inaudible. Mais cette fois, elle fit le vide dans son esprit et désarma Isaac en balançant son pied sur la main armée, comme elle l'avait appris en self-defense et saisi son pistolet. Elle visa son visage, tentant d'éviter les yeux et tira. Lorsque son deuxième pied toucha le sol, Isaac grogna en tenant l'arête du nez.

Les pistolets n'avaient beau pas faire beaucoup de dégâts, tous les élèves de la classe avaient déjà expérimenté une balle perdue, et ce n'était jamais agréable. Et c'était encore pire à bout portant. Eve pouvait déjà imaginer l'hématome violacé qui apparaîtrait sur le nez de l'agent d'ici quelques petites heures.

— Putain, grommela Isaac, en frottant toujours la zone rougie. Je m'attendais pas à ça.

Mais d'un autre côté, le brun était satisfait. Il dirigea ses prunelles chocolat sur la gamine, essoufflée d'un combat pourtant plutôt rapide. Il avait été logique de penser que les armes dont elle disposait étaient inutiles face à lui, et que par conséquent elle ne les utiliserait pas. Sans compter la menace d'une arme bien réelle qui pouvait la blesser, et qui la dissuaderait d'utiliser un couteau, ou un pistolet plus faible. C'était étonnant.

— La prochaine fois, je suis d'accord pour faire ça avec des armes d'entraînement, souffla Eve.

— Ça n'a pas autant d'intérêt, répliqua Isaac. Tu es habituée à te battre avec des armes qui ne te blesseront pas. Le but étant ici de pouvoir te battre en conditions réelles, avec la pression que tu pourrais avoir. C'est ce genre d'expérience qui fait la différence.

Et elle s'était bien débrouillée, remarqua ironiquement le jeune homme en sentant toujours son nez douloureux. Petite garce. Mais qui pouvait potentiellement devenir douée. Et c'était ce qui était intéressant. C'était décidé, il continuerait de l'entraîner en plus de la classe E. Elle était l'élément idéal : naïve, un peu hors du lot, et il sentait qu'elle était fragile mentalement. Elle avait un but différent de la classe et des prédispositions pour le combat.

Cette gamine aurait peut-être la mentalité de changer les choses