21/06/2019

Mot de l'auteure : Hey c'est moi exactement un mois plus tard ! Contente de voir qu'il y a encore des gens qui me lisent. Je sais que l'attente a dû être interminable... Je souhaite vraiment un bon bac à tout le monde ! Petit chapitre pour vous remonter le moral après les maths, parce qu'apparemment c'était pas terrible..

Réponses aux reviews :

Merci à KokyuShiro Aoi et Venin du Basilik pour leur review à laquelle j'ai répondu par MP !

Lerugamine : Hehe contente que ça plaise et qu'il y ai encore des gens qui lisent !

Kaliska : Je mentirais si je disais que je n'attendais pas ton pavé suite à ce chapitre et je suis loin d'être déçue hehe ! J'adore tes réactions, elles me tuent à chaque fois !Et du coup là tu as passé le bac ? Je suis l'affaire de près, ma sœur passe le bac ES cette année et j'ai des amies qui passent le bac S aussi… Bref, lorsque j'écris il n'y a eu que Philo+histoire.

Eve la SDF oui. Cette gosse est terrible. Alors je crois que Koro était quand même assez suspicieux mais avec la révélation de son passé lui et les profs sont plus cléments parce que les élèves sont sous le choc. Et Eve aurait pu lui rappeler que Nagisa et Karma ont déjà profité de ce genre de voyage x)

Les mangas = ma culture sportive et j'ai à peu près les mêmes références que toi (rpz les JO)

ALORS OUI, figure toi que j'y ai pensé. Les States qui se font piquer es infos importante ça pue. Heureusement je crois que c'est pas Trump au pouvoir, ça aurait pas été la même chose. Mais effectivement ça sera un peu développé plus tard (je crois). « DISSUASION » atomique, ça me tuera toujours d'ailleurs.

ET OUI MON BEBE A ETE BLESSE. (Je fais partie des auteurs dont les persos sont quasi les enfants même si j'hésite pas à les torturer, my bad). J'avoue que de base c'était pas prévu qu'elle se fasse tirer devant mais quand j'ai écrit la scène, c'était vraiment trop bizarre qu'elle s'en sorte indemne vu le pu d'expérience qu'elle a. Et Isaac mon bichon peut se montrer presque agréable (presque, je sais). « Instinct grégaire qui le pousse à soigner un autre individu de son espèce » j'ai littéralement éclaté de rire.

Et oui j'adore avoir des connaissances médicales pour ce genre de situation : moi aussi je veux savoir en combien de temps un corps se vide de son sang (selon le type de blessure/vascularisation touchée). J'ai appris pleins de petits fun fact cette année et j'ai adoré (tant mieux parce que je vais pouvoir les entendre de nouveau l'année pro c: )

ET MERCI POUR L'EVOLUTION DU PERSO J'ESSAIE DE FAIRE ÇA AU MIEUX. Déso j'adore la capslock et j'aime les pavés sur mon histoire x) « Furher » ce surnom qui tue (OK C'ETAIT PAS VOULU COMME JEU DE MOT), et tu connais bien mes goûts x)


Chapitre 39 : Leçon illégale — Fin

— NON !

Se redressant violemment, Eve ne reconnut pas l'endroit où elle était allongée. La pièce était plongée dans la pénombre et elle pouvait seulement distinguer la forme générale des choses. Alors qu'elle venait de se réveiller d'un mauvais rêve, elle ne pouvait pas dire qu'elle était beaucoup plus rassurée maintenant. Appuyée sur ses bras, un éclair parcouru soudainement tout son corps et alla jusqu'à lui provoquer un haut le cœur. Effrayée et surprise de la violence de la douleur, la jeune fille s'écroula sur le canapé où elle avait dormi. Prise de soudaines sueurs et de nausées, sa panique s'intensifia et elle s'étouffa avec sa respiration étranglée.

— J'imagine que tu es réveillée.

La lumière s'alluma brusquement. Eve cligna des yeux jusqu'à s'habituer à la vive luminosité : même complètement réveillée et avec la lumière, elle ne pouvait pas dire que l'endroit lui disait quelque chose. Elle croisa enfin les yeux de son acolyte, qu'elle surprit soulignés de cernes. Ce bref échange de regards la rassura un quelque peu.

— Il est quelle heure ?

— Quatorze heures ici. Tu as dormi de quatre heures à maintenant. Tu t'es réveillée deux trois fois à cause de cauchemars, mais tu te rendormais vite. Tu m'excuseras, mais je me suis permis de répondre à tes messages.

La collégienne tenta d'assimiler le déluge d'informations et de les comprendre. La veille elle avait complètement bloqué les notifications des messages et appels. Pas étonnant qu'elle n'ait pas vu les messages de sa mère. Eve avait été tellement absorbée par sa mission qu'elle avait complètement oublié un fait pourtant essentiel : elle avait une famille qui voulait savoir où elle était. Elle aurait dû prévenir qu'elle squatterait un peu plus chez Rio : elle était en vacances, ça serait sûrement passé.

— À ma mère.. ? Qu'est-ce que tu lui as dit ?

— Un truc bidon. Mais elle veut que tu rentres ce soir à Tokyo. Il est six heures là-bas. Je te cache pas qu'elle avait l'air légèrement gavée par tes, je cite « plans foireux », expliqua Isaac.

— Effectivement tu t'es pas trompé de contact... soupira Eve, encore fatiguée.

Doucement, Eve voyait les événements de la nuit remonter à la surface, comme de la boue qui émerge quand on gratte le fond d'un étang limpide. La mission. L'alarme. Les coups de feu. Ses coups de feu. Sa blessure, comme ravivée par les souvenirs désagréables de la nuit précédente, se remit à irradier plus fort dans son bras.

— J'ai pas le droit à des anti-douleurs... s'il-te-plaît ? implora-t-elle en se recalant contre le canapé, le souffle court.

— Si, bien sûr.

Isaac se leva et sembla chercher quelque chose de précis, puis s'arrêta. Il attrapa une seringue et quelques petits flacons, puis se releva pour arriver au niveau d'Eve.

— J'ai plusieurs solutions à t'offrir, entama-t-il en s'agenouillant à sa hauteur. Koro-sensei a aussi envoyé des messages. Lui et ta mère commencent à être inquiets. Dans l'idéal, il faudrait que tu rentres.

— Mais t'as vu dans quel état je suis ? le coupa-t-elle en se retenant de se mettre à pleurer.

— Calme-toi. Tu as les nerfs à vif, et c'est parfaitement compréhensible. C'est pas rien ce que tu as, ok ? Le soucis étant que, le cacher à ta famille sera déjà très compliqué, le cacher à Koro-sensei sera impossible. Il le devinera à l'instant il posera les yeux sur toi.

— Et j'ai quoi comme solutions du coup ?

— J'ai un dérivé de morphine, mais ça va te shooter comme pas possible et ça retardera ton départ. J'ai un anti-inflammatoire, mais les effets antalgiques sont beaucoup moins efficaces que la morphine.

— J'ai mal. J'ai vraiment mal, répéta Eve dans un gémissement presque pathétique. Je veux juste que ça s'arrête. Appelle Koro-sensei si tu veux. Il le découvrira tôt ou tard. Autant que je ne me fasse pas tuer par ma mère parce que je serais en retard.

— Si tu veux.

Eve referma les yeux. Elle se sentait déjà presque planer. La jeune fille n'arrivait toujours pas à totalement comprendre tout ce qu'il se passait. Tout ce dont Eve était sûre à l'heure actuelle, c'était qu'elle était dans la merde. Et pas qu'un peu.

Elle avait beau avoir un agent du gouvernement comme « soutien », il n'empêchait qu'elle allait devoir affronter Koro-sensei, déjà surprotecteur et pire : sa mère. Elle avait l'air plutôt sévère sur quelques points, beaucoup plus coulante sur d'autres mais il y avait une chose avec laquelle ne rigolait pas Mrs Bell, c'était la santé de sa fille. Si le paternel avait souvent comme solution « T'as essayé de boire un verre d'eau ? » comme solution à quatre-vingt dix neuf problèmes de santé, Roxanne Bell se retenait de faire passer une radio à sa fille à la moindre chute. Si par malheur elle découvrait que sa fille s'était fait tirer dessus, le monde pouvait d'ores et déjà commencer à trembler.

— Je me disais bien que je n'aurais pas dû te laisser partir, prononça une voix qu'elle reconnut tout de suite.

— Je…

— Non, Eve, coupa sèchement Koro-sensei. Te rends-tu seulement compte de la situation ?

Un silence pesa. Lourd de sens. Eve n'osait pas répondre. Elle savait que quoi qu'elle dise, ça ne paraîtrait être qu'une excuse légère. Peut-être l'était-ce.

— Tu t'es mise en danger, commença le poulpe, dont le visage commençait doucement à tirer vers un noir d'encre. Tu as volé des informations top secrètes. Imagines-tu seulement les conséquences au niveau politique ? Penses-tu seulement que les soupçons ne se porteront pas sur votre classe quand ils découvriront la nature des documents volés ? As-tu conscience de ce que tu as fait ? Tu as tiré sur des gens, Eve. Avec une vraie arme. Tu as été blessée.

Aucune réponse ne parut plus appropriée que le silence. La britannique continua d'essuyer les paroles de son professeur. C'était terriblement blessant. Et horriblement justifié.

— Tu as été complètement inconsciente. Tu t'es mise en danger, mais pas seulement. C'est la classe E au complet, le gouvernement japonais et bien plus. Je fais confiance à tous mes élèves, comprends bien ça. Mais tu as dépassé les bornes.

Silencieusement, les larmes coulèrent sur le visage rouge de honte de l'adolescente. Elle serrait les mâchoires tant qu'elle le pouvait pour tenir le coup. C'était dur. Et terriblement humiliant, et affreux de voir quelqu'un perdre la confiance qu'il avait en vous. Et pire que tout, qu'il ait raison.

— Quant à vous… gronda Koro-sensei en direction d'Isaac.

Ce dernier était accolé à un mur, attendant lui aussi sa sentence d'un air grave. Il savait qu'il n'y échapperait pas non plus : et il s'estimait heureux que ce poulpe n'ait pas le droit de tuer, sous peine de se faire retirer la classe E. Et vu la tête du mollusque, l'agent estimait qu'il aurait souffert bien longtemps avant de finalement rendre l'âme.

— J'espère que vous vous rendez aussi compte de ce que vous avez fait. Vous n'avez pas honte d'avoir entraînée une gamine dans vos histoires ?

— C'était pas lui ! cria Eve entre deux sanglots. C'était moi. C'était mon idée.

— Eve, arrêta Isaac.

— Tais-toi, grogna-t-elle en se mettant debout, essayant de récupérer le peu de contenance qui lui restait. J'ai l'âge d'une gamine, ouais. Mais n'osez pas dire que j'en suis une. Pas après tout ce que j'ai vécu cette année. C'était dangereux, je sais. Ne pensez pas que j'ai fait ça sur un coup de tête, sans réfléchir. Considérez ça même comme une erreur si ça vous dit. (Eve reprit son souffle et tenta d'organiser ses idées maladroites). Mais Isaac m'a juste aidée. Je l'aurais fait avec ou sans lui, vous me connaissez. J'ai pas le talent de Nagisa ou l'intelligence de Karma. Sans lui, je serais probablement morte à l'heure qu'il est. Et vous le savez.

Un nouveau silence pesa. Eve continua de renifler bruyamment, puis se rassit, toujours épuisée de son entreprise de la veille. Au fond d'elle, elle ne penserait pas que ce serait si dur. Qu'elle aurait à faire autant de sacrifices. Elle était littéralement épuisée, sur tous les plans possibles. Koro-sensei se retourna vers Isaac, qui n'avait pas bougé.

— Je ne veux plus que vous ayez de contact avec mes élèves. Est-ce bien compris ? Vous assisterez Karasuma s'il en a le besoin, mais je ne veux plus vous voir d'interactions avec eux sans ordres de vos supérieurs.

— Entendu, accepta-t-il sans compromis.

Eve chercha le regard de son ancien complice, effondrée. Plus d'entraînements secrets ? Plus d'aide auxiliaire ? Plus de « t'es encore en retard ! » ? Et il ne le discutait même pas ? Pas de compromis, de conditions ? Quand enfin elle croisa ses deux obsidiennes, elles furent aussi froides et insensibles que du marbre. Stoïque, il quitta simplement la pièce.

Bien sûr.

Ce n'était qu'un échange de bons procédés. Maintenant qu'il n'avait plus ce qui l'intéressait, quelles raisons avait-il de rester ? Naïve. Elle l'avait été. Enfin, il l'avait aidée. Que pouvait-elle bien demander de plus ?

— Laisse-moi voir ta blessure, demanda le professeur.

Sa voix ne s'était toujours pas adoucie, et malheureusement, il y avait de quoi. Eve obéit et grimaça lorsqu'il dû enlever le pansement qu'Isaac lui avait fait quelques heures plus tôt. Elle resta muette le temps de l'inspection : elle avait toujours mal. Elle sentait le poulpe supersonique s'agiter à toute vitesse sur sa blessure mais avec une précision et une délicatesse incomparable.

— Même pas le droit à une anesthésie ? blagua Eve, légèrement amère.

— Je l'ai faite. Je ne te punirais sûrement pas comme ça, répondit Koro-sensei d'une voix presque moins dure.

Pendant plus de dix bonnes minutes, Eve laissa son professeur trifouiller sa blessure pour faire Dieu-sait-quoi. Elle sentit doucement son être s'alléger : en suivant le fil du cathéter, Eve comprit que Koro-sensei lui avait sûrement prescrit l'antibiotique et la morphine. Elle aurait dû se sentir concernée, mais à présent elle se sentait loin de tout. Lorsqu'il eut terminé, il intima à Eve de se lever pour qu'ils puissent repartir vers Tôkyô.

Depuis la mission, Eve n'avait pas eu de nouvelles de Ritsu. Peut-être se faisait-elle discrète à cause de la mission qu'on ne pouvait pas réellement qualifier de réel succès. Koro-sensei décolla moins brusquement qu'à l'aller, ce qui rassura l'élève blessée.

— Tu vas en avoir pour un moment avec ta blessure tu sais ?

— Je m'y étais préparée, répondit Eve éreintée, prête à sombrer.

Le voyage se fit en silence. D'abord parce que leur relation élève-professeur avait subi un coup dur plutôt violent, ensuite parce qu'Eve, toujours épuisée, finit par s'endormir. C'est seulement quand ils arrivèrent au collège de Kugunigaoka que la jeune fille s'éveilla, satisfaite d'avoir passé un voyage ennuyeux et atrocement long. La dose de morphine qu'elle avait reçue avait dû être très légère, puisqu'elle arrivait maintenant à rester éveillée. Le gros poulpe se tourna une nouvelle fois vers son élève :

— Je ne veux plus que tu fasses des choses seules à présent, décréta le professeur.

— Enfin, si je ne fais rien, les autres ne feront rien non plus ! éructa la jeune fille, encore piquée dans son orgueil.

— As-tu seulement songé que c'est parce que peut-être, qu'eux se mettent d'accord et demandent la permission aux autres ? Peut-être parce qu'ils ont compris qu'ils étaient un groupe ? Et qu'ils agissent en tant que tel.

Ce fut une nouvelle claque qu'Eve eut l'impression de recevoir à Mach 20. Depuis qu'elle avait pris la décision d'être plus honnête avec elle-même, de ne plus craindre d'être seule si pour être entourée elle avait le besoin de mentir… elle s'était retournée contre la classe. Non. Elle s'en était exclue seule, en partant du principe qu'elle serait incomprise dans tous les cas. Elle les traitait mentalement de moutons à cause de leur incapacité à faire quelque chose seuls, mais elle n'avait pas vu le vrai problème. Elle s'était convaincue que c'était elle qui avait raison.

— Les informations que tu as récupérées, que comptes-tu en faire ? Tu ne veux toujours pas me tuer, n'est-ce-pas ? interrogea Koro-sensei, coupant Eve dans son introspection.

Eve secoua la tête négativement, toujours honteuse. Le poulpe prit quelques instants pour réfléchir à sa réponse.

— Ton entrain me touche beaucoup, Eve. Mais j'aimerais que tu mettes à profit toute cette énergie avec la classe, expliqua-t-il cette fois plus doucement.

Le poulpe avait repris un visage jaune poussin, et le sourire qui étirait ses lèvres était le même que celui qu'Eve avait l'habitude de voir tous les jours. La jeune élève fut rassurée de voir que son professeur avait repris l'air protecteur et chaleureux qu'il l'arborait en présence de ses élèves.

— J'essaierai, promit-elle à voix basse. Mais pour moi, la classe n'est pas au complet si vous n'êtes pas là.

— Pourtant si, Eve. C'est vous tous qui faites la classe.

— Je suis sûre que si on pose la question, il y aura des gens qui seront de mon avis. Même en ayant entendu votre passé. Je crois qu'ils sont tous en train de psychoter dessus, et certains psychoteront toutes les vacances sans doute. Je me fous de votre passé. Maintenant je comprends mieux votre petit indice pendant les vacances d'août sur l'île…

Eve s'arrêta quelques instants, sans se rendre compte qu'elle souriait : ce voyage paraissait s'être passé il y a une éternité. Et pourtant ça ne faisait que quatre misérables mois.

— Enfin bref... Je veux dire, ok ça m'a fait quand même bizarre que vous ayez… tué beaucoup de gens. Mais j'ai vraiment foi dans la volonté des gens. Et je pense sincèrement que vous tentez de faire amende. Que vous avez changé. Et je pense que je ne serais pas la seule.

— À propos… entama Koro-sensei. Vu ce que tu as fait, tu peux comprendre qu'il faille rassembler la classe.

Eve regarda ailleurs quelques instants. Elle allait se faire lyncher, c'était indéniable. Et Rio… Elle avait été effroyable avec elle. Elle méritait bien de se faire haïr. Et surtout, plus important encore… elle ne connaissait toujours pas le bilan des blessés voire… pire, de son attaque. Elle sentit une nouvelle fois remonter des sueurs froides le long de sa colonne vertébrale.

— Je viens de les prévenir, informa Koro-sensei en rangeant son portable (comment faisait-il pour atteindre les bonnes touches ?). J'ai donné rendez-vous cet après-midi. Vers dix-huit heures, pour que tous les élèves puissent être là.

Eve se rappela qu'Isogai devait travailler et qu'en tant que délégué il avait bien le droit d'être présent.

La jeune fille savait qu'elle ne pouvait échapper à cette confrontation, pourtant elle sentait tout son corps lui hurler de partir. Elle était presque plus rassurée avant de commencer sa mission que maintenant ; elle était incohérente. Alors qu'elle cherchait une présence rassurante avant qu'elle ne soit face à sa classe, Eve ne trouva pas son professeur, qui s'était carapaté pour aller on-ne-sait-où encore une fois.

Toujours inquiète, Eve ouvrit son portable pour voir qui avait été prévenu : toute la classe et les professeurs, dont Isaac. La collégienne sourit amèrement. Pas sûr qu'il viendrait et de toute façon c'était bien lui le plus au courant de la situation ; avec son malaise et sa nuit interminable, certaines zones de sa mission lui semblaient encore floues. Avec un peu de chance, il aurait réussi à prendre le premier avion. Après quelques recherches Eve constata que c'était environ dix heures de vol. Il devrait donc arriver peu de temps avant la réunion.

Elle hésita à lui envoyer un message. Elle n'avait aucune envie de se retrouver seule dans son camp lorsqu'elle aurait à expliquer pourquoi elle avait menti à sa classe, à ses professeurs et au gouvernement. Pas terrible, non.

Le premier à revenir fut Koro-sensei : il lui avait amené une écharpe de maintien pour son bras blessé. Elle l'enfila puis regarda l'heure : onze heures. Il lui restait donc encore sept bonnes heures à tuer avant sa peut-être exécution par toute la classe. Encore épuisée, elle alla demander à Koro-sensei si elle pouvait se reposer en attendant.

— Il y a le lit de camp pour faire une infirmerie, informa le professeur. Je vais te le chercher.

C'était bien la peine de dormir sur un vieux matelas de sport ! Enfin, elle ne devrait pas retenter l'expérience avant un moment de toute façon. Le poulpe amena le lit de camp et le déplia dans la salle des professeurs, dont le chauffage était allumé. Il ne lui fallut pas longtemps pour qu'elle replonge dans un sommeil perturbé de coup de feu et de cris.

…xX*Xx…

Tout de suite après s'être réveillée, la britannique était sortie.

Elle avait vu arriver les premiers élèves qui s'étaient rassemblés en silence dans le couloir devant leur salle de classe.

Malgré le froid mordant, elle tenait à rester dehors. Les premiers arrivants attendaient eux aussi en silence, incertains de ce qu'ils allaient —encore— entendre. Quand la classe fut presque au complet, Eve partit en tête vers la salle de classe où elle patienta sur l'estrade, appuyée contre le tableau. Elle croisa des regards interrogateurs quand elle traversa le couloir avant de pénétrer dans la salle de classe.

Les élèves de la classe E la jaugèrent : elle avait presque toute la tenue d'assassin, sauf sous sa veste où elle avait l'air d'avoir un sweat-shirt bien trop grand pour elle. Son bras droit était soutenu par une écharpe d'immobilisation, mais ni son bras, ni son avant-bras n'étaient plâtrés. Son front était gonflé d'une bosse violacée peu gracieuse, et ses yeux cernés d'un noir bien différent des fois où elle oubliait simplement d'enlever son mascara avant d'aller dormir. En clair : elle avait l'air épouvantable, ce qui ne les rassurait pas plus sur ce qu'elle allait leur raconter.

Eve fixait le sol, en essayant de repousser le plus longtemps possible le moment où elle devrait subir leurs regards. Lorsqu'elle leva les yeux pour la première fois, ils furent attirés vers deux iris bleu ciel qui la fusillaient encore. Rio. Elle supporta cet affrontement quelques secondes avant de faire glisser son regard vers le reste de la salle, en évitant soigneusement les yeux ambrés de quelqu'un qui lui en voudrait sûrement aussi.

Ils étaient au complet. L'ambiance était si tendue qu'Eve ne sut pas quand et surtout commencer.

— Si je vous ai appelés ici c'est qu'il s'est passé une chose qui risque de tous nous concerner. Eve, je te laisse la parole.

Maintenant, elle était arrivée au point de non-retour. Elle réfléchit quelques instants : non, cela faisait malheureusement bien longtemps qu'elle avait passé ce point. À présent, elle était simplement obligée d'assumer devant toutes les personnes qu'elle avait mises en danger. Tous les yeux étaient rivés sur elle. Elle inspira une bonne fois et ouvrit la bouche pour commencer son histoire lorsqu'elle fut interrompue par la porte de la classe qui grinça. Isaac venait d'entrer, et alla calmement s'installer au fond de la classe à côté de Karasuma et d'Irina, comme si de rien n'était.

— Je vous avoue que je ne sais pas où commencer. J'imagine que vous avez plein de questions, rien que pourquoi j'ai l'air d'être passée sous un bus...(pas un sourire dans l'assistance). Eh bien… Pour faire court, j'ai découvert un endroit où étaient gardées des documents importants concernant Koro-sensei et… je suis allée les récupérer. Voilà.

— Comment tu as su où ils étaient ? demanda Isogai.

— C'est moi qui lui ai dit, s'éleva une voix robotique au fond de la classe.

— Ritsu, tu as désobéi aux ordres, commença Karasuma.

— Parce que j'ai estimé que c'était une bonne chose, rétorqua l'androïde aux cheveux roses. C'est nous qui avons la responsabilité d'éliminer Koro-sensei, pourtant les gouvernements ne nous donnent pas toutes les informations auxquelles nous devrions avoir le droit d'accès, compte tenu notre position. J'ai beaucoup réfléchi et calculé de nombreuses simulations. La demande d'Eve n'était pas meilleure que de de vous laisser dans le déni, et à vrai dire, dans quatre-vingt-dix pour-cent de mes simulations, la classe aurait fait le choix de se procurer ces informations plus tard de toute façon.

Nouveau silence dans la salle. L'écran de Ritsu se remit en veille : Eve devina qu'elle devait être en train de décrypter les informations qu'elles venaient d'acquérir.

— Qu'est-ce que tu as appris dans les informations ? demanda cette fois Meg, l'autre déléguée.

— Pour l'instant, rien. Les informations sont cryptées, et je n'ai pas vraiment eu le temps de m'attarder dessus, répondit-elle en repensant à sa blessure.

À chaque réponse, il y avait un nouveau silence qui rendait l'atmosphère d'une lourdeur presque palpable. La même lourdeur d'un ciel noir d'été avant l'orage.

— Et pourquoi n'as-tu prévenu personne ? s'éleva une voix féminine dans les derniers rangs. J'imagine que tu n'as pas fait ça toute seule pourtant, continua-t-elle.

Celle qui venait de prononcer ces mots se leva de sa chaise. Rio toisa de ses yeux perçants son ancienne amie.

— J'imagine aussi que tu n'as pas pensé au danger dans lequel tu nous as mis, n'est-ce-pas ? Ces informations étaient bien gardées, mais si elles concernent Koro-sensei, les gouvernements vont se tourner vers nous, non ?

Ce qu'elle craignait le plus était en train d'arriver. Les yeux de la blonde lançaient des éclairs, et elle envoyait toute sa rage dans son discours méticuleusement choisi ; chaque mot était une balle qui devait faire tomber son adversaire. Cette fois, pas de silence entre les rangs : quelques murmures indistincts qui rejoignaient l'avis de Rio.

Eve essayait tant bien que mal de soutenir le regard foudroyant de son amie. Que pouvait-elle répondre à ça ? Comment le faire de la bonne façon ? Derrière toute l'animosité que Rio pouvait montrer, l'Anglaise voyait bien que plus que de la colère, c'était blessée et trahie que la blonde se sentait. Et c'était entièrement sa faute.

— Effectivement elle n'était pas seule, expliqua Isaac du fond de la salle. Je l'ai aidée. Ne lui demandez pas pourquoi, elle ne le sait toujours pas, éluda l'agent en évitant les questions qui brûlaient les lèvres des élèves. Néanmoins, je crois qu'elle vous a expliqué l'essentiel : elle a récupéré ces informations sur votre professeur dans l'intérêt de la classe. Elle ne vous en a pas parlé car c'était une mission périlleuse, et elle ne voulait pas vous entraîner dedans. Et vous la connaissez, elle ne gardera pas ces documents pour-elle seule : dès qu'ils seront lisibles, les informations seront accessibles à toute la classe. Maintenant, si vous le voulez bien je pense que votre camarade aimerait se reposer, comme vous l'avez sûrement remarqué, elle est blessée.

Eve se sentit bien plus légère d'un coup. Il l'avait aidée. Suivant le regard d'Isaac, elle hocha la tête et se retint de s'échapper en courant. Elle attrapa son sac et se dirigea à un pas modéré vers la sortie.

Rio fulminait. Eve s'était enfuie. Encore. Elle se tourna lentement vers Isaac, et si elle avait le pouvoir d'arracher une tête rien qu'avec son regard, celle de l'agent du gouvernement roulerait sûrement à une quinzaine de mètres de la blonde. Pas impressionné pour un sou, l'agent resta dans son coin, sous le regard réprobateur de Karasuma.

Alors que Koro-sensei essayait de calmer ses élèves qui le harcelaient de questions autour de son bureau, seul Nagisa remarqua une tête rousse sortir de la classe. Quand il se tourna vers Rio, elle s'était rassise et sembla au bord de l'explosion. Il doutait que Karma soit allé résoudre l'affaire entre les deux amies, mais peut-être que Nagisa et son tempérament calme pouvait au moins alléger la conscience de la blondinette.

…xX*Xx…

— Donc, c'est ça que tu faisais.

Au bout du couloir, Eve reconnut une voix qu'elle ne connaissait que trop bien. Et qu'elle n'avait vraiment pas envie d'entendre, curieusement. Elle se retourna pour jauger Karma. Même s'il elle ne le voyait pas distinctement à cause de la nuit hivernale qui tombait, elle reconnaissait sa silhouette. Il lui paraissait étrangement différent, peut-être était-ce son expression, bien moins hautaine et nonchalante qu'avant.

— Oui, répondit-elle simplement.

Il s'approcha, pas à pas, comme un animal qui allait dévorer sa proie blessée, sans pitié. Eve resta statique. Elle avait gardé un regard vide, fatigué. Quand il arriva à son niveau, il la jaugea. Cette fois, elle put examiner son expression avec plus de précision. Il avait une bonne tête de plus qu'elle, et elle paraissait bien plus fébrile avec son bras immobilisé, et sa dégaine je-viens-de-passer-sous-un-bus, pour reprendre ses mots. Il approcha sa main de la zone gonflée sous le gros pull, avant que Eve ne la claque de sa main valide.

— Touche pas, grogna-t-elle. Ça fait vraiment mal.

Petit silence de son adversaire.

— Je me suis faite tirée dessus.

De nombreuses émotions traversèrent le visage de Karma : une surprise, un semblant d'inquiétude, une pointe d'incompréhension mais surtout à la fin, le retour d'un masque dur.

— Et tu t'es posée la question pour les autres ? siffla l'adolescent.

— Les autres ? murmura-t-elle.

Karma sembla chercher quelque chose dans sa poche et quand il ressortit sa main, Eve l'attrapa fermement de sa main valide pour le bloquer. Les traits de l'Anglaise étaient paniqués, et sa main serrait toujours fermement le poignet du rouquin. Si elle avait pu utiliser son autre bras, Karma pensa qu'il aurait sûrement un couteau sous la gorge actuellement.

L'adolescent examina la jeune fille. Ce n'était pas de l'agressivité : elle avait vraiment eu peur. Il aurait dû répondre un truc sec et offensant, mais en croisant ses yeux, il comprit que c'était loin d'être la solution.

— C'est mon portable, Eve, expliqua Karma en levant ledit objet lentement.

— Oh… murmura la jeune fille en éloignant son bras. Je…

— Tu as changé Eve, prononça Karma d'un ton dur mais maintenant dénué de toute agressivité. Je ne dis pas ça pour t'énerver, vraiment. Mais tu m'inquiètes. Je crois que tu nous inquiètes tous.

Il avait raison. Elle n'aurait jamais fait ça. Ce n'était pas elle, ça. Mentir à ses camarades, les mettre en danger, se méfier d'eux… Depuis quand était-elle comme ça ? Et surtout, à quel point avait-elle changée ? Pourquoi ?

— J'avais peur, confessa Eve. J'ai peur là encore, même. J'ai pas osé regardé si les gens que j'ai… les gens sur qui j'ai…, balbutia-t-elle après avoir laissé un silence… sont blessés ou pire. J'ai peur de ça. Et maintenant, je me rends compte que j'ai presque peur de ce que je suis devenue.

Karma était parti avec la ferme intention de mettre cette inconsciente devant toutes ses erreurs. Force était de constater que ça ne s'était pas passé comme prévu. Ça ne se passait jamais comme prévu avec cette fille. Elle était incompréhensible. Elle paraissait bien consciente de tout ce qu'on lui reprochait. Alors pourquoi faisait-elle tout ça ?

Face à lui se tenait toujours ce qui était devenu une criminelle d'après la vidéo qu'il s'apprêtait à lui montrer sur son portable. Vidéo volontairement dramatisée où les journalistes montraient des familles en pleurs, alors qu'à l'heure où était diffusée la vidéo, encore aucun des gardes n'étaient décédés. Mais maintenant qu'elle était devant lui, blessée, pratiquement seule, en proie à des angoisses quasi-existentielles…

Elle était pathétique.

Et il ne comprenait pas pourquoi il avait le sentiment qu'il ne pouvait pas juste la laisser comme ça. Alors qu'une autre partie de lui-même l'aurait juste laissée se démerder toute seule avec ses problèmes. Et comme pour trancher ce dilemme, Eve se remit à pleurer, pour changer.

Dans les films, ce que tout le monde fait quand quelqu'un est triste était de les prendre dans les bras. D'habitude, Karma regardait juste autour de lui pour que quelqu'un s'en charge —souvent, Rio dans le cas d'Eve. Mais là, tout seul au milieu de ce foutu couloir, il paniqua.

Il se sentait comme un débile, à tapoter doucement l'épaule valide d'une fille qui allait peut-être tous les mettre dans la merde.

Non, vraiment, ça ne se passait jamais comme il le voulait avec elle.


Un peu plus filler, je vous l'accorde, mais j'étais un peu obligée avec le chapitre précédent...
Merci vraiment à vous qui continuez de commenter, ça me fait vraiment très très plaisir ! :)

A la prochaine~