25/12/19
Hey tout le monde ! Je vous souhaite un Joyeux Noël et de joyeuses fêtes ! Bon comme d'hab le chapitre s'est fait attendre, mais bon. J'essaie de me dépêcher à finir cette histoire autant pour vous que pour moi.. Enfin, j'espère que ça vous plaît toujours parce que quand j'écris, je m'applique encore pas mal ! D'où le temps de parution. Bon le chapitre de cette fois sera pas rempli d'action, désolée, mais j'avais besoin d'une transition pour Eve. Bref, j'espère que ça vous plaira, et pas d'inquiétudes, la civil war ne saurait tarder :)
Réponses aux reviews !
KokyuShiro Aoi : Merci de continuer à me répondre et à me lire !
Venin du Basilik : Effectivement, Eve est courageuse. Elle a pas mal de caractère, mais heureusement elle sait admettre quand elle a merdé. Ce qui était le cas là, même si elle ne le regrette pas trop. Et moi j'adore Isaac, donc ravie de voir que les gens commencent à un peu moins le détester ahah. Pour Karma et Eve, oui scénaristiquement on peut dire que c'est un rapprochement. Dans les faits, ni l'un ni l'autre n'ont la tête à ça. Mais le fait que ça se passe est important selon moi :)
Zarlia : Ne t'inquiètes pas pour les reviews ! C'est pas comme si j'étais une auteure exemplaire... Donc je ne pourrais pas t'en vouloir ! Par contre je prends quand même les cookies hehe. La relation Rio/Eve me peine aussi énormément, mais je me console avec Eve et Isaac. Mais pas de soucis, Eve et Rio redeviendront BFF.
AH ! Quelqu'un qui aime bien Isaac, ou au moins les interactions Eve/Isaac. Je l'adore mais c'est pas le cas de tous mes lecteurs... M'enfin je comprends. Pour Ritsu... Oui elle a aidé Eve, mais effectivement dans la classe c'est Eve qui prend cher parce que c'était SON idée et que c'est elle qui l'a exécutée... Mais comme tu dis, sans Ritsu tout ça n'aurait pas été possible.
Oui, j'ai adoré écrire l'interaction entre Karma et Eve. Oui, il l'a aidé parce que c'est quand même pas un monstre. Et peut-être qu'effectivement cette petite action va avoir une influence sur leur futur, who knows c: Merci encore pour ton commentaire ! Ca fait plaisir hehe
Kaliska : Hey coucou toi :) Si ça peut te rassurer mon copain aussi avait chié ses maths pour le bac (son plus gros coeff) et aujourd'hui il s'en sort quand même bien ! C'est réaliste mais un peu chiant pour elle... Heureusement qu'Isaac a bien réagi et que Koro-sensei est là.
EXCELLENT LA BLAGUE JE VALIDE HAHA (sur le Furher végétarien). Isaac est pas idiot : si Eve n'avait pas répondu, sa mère aurait alerté l'OTAN et toutes les forces militaires pour retrouver sa fille. Il a à peu près regardé comme elle écrivait ses textos, et il a copié. C'est passé et tant mieux !
Du coup j'ai regardé pour la morphine/canabis : déjà la substance active est archi différente et le canabis est claiiiiirement moins fort que les opioïdes (dont la morphine fait partie). Donc Eve vit son meilleur trip, sans compter qu'en altitude les effets doivent être encore plus fort hahah.. Enfin Koro a vérifié que tout se passerait bien, donc juste c'est marrant à noter. Stop vouloir tuer Isaac toi :c
Alors du coup, effectivement au sein de la classe Eve est pas particulièrement utile. Enfin quoique maintenant, elle a pris quelques skills... On verra plus tard :) Et oui, ce qui est un peu énervant c'est que la classe est à moitié apathique. Genre en fait ils ont gagné quasi un ou deux mois avec ce qu'à fait Eve. Les informations ils devaient l'avoir avec le bail de la fusée, qui arrive biiiiiiien plus tard.
Il a déjà tapé plusieurs messages il me semble, et je pense qu'il doit pouvoir contrôler la sécrétion de mucus au moins pour taper un message ^^ Grave, je pense qu'Eve se souviendra longtemps de ça et elle va pas en rester indemne. Enfin tu vas vite t'en rendre compte ! AHHHH merci ! Effectivement, ils étaient déjà pas archi safe avant haha... Mais clairement, ce qu'a fait Eve ça va pas aider.
JP SARTRE LA BASE. Même si sa fameuse citation est souvent utilisée à tort. Même moi je l'avais mal comprise, mais il me semble que y'a une interview de lui qui l'explique sur youtube. Bref. Et oui, Karma qui apprend l'empathie omg incroyable. Ouais déso, la Civil War c'est pas encore pour tout de suite mais prochain chapitre promis elle est là ! Merci encore pour ton commentaire !
Résumé : Eve a réussi à obtenir les renseignements concernant Koro-sensei lors de sa mission à San Francisco, mais pas sans accroc : elle est blessée au bras par balle. Vu la gravité de l'évènement, Koro-sensei est au courant. Arrive ensuite le conseil de la classe : ils décident d'attendre les vacances pour finalement lire les documents. On retrouve Eve après le conseil.
Chapitre 40 : Dernière leçon de l'année
La première chose qu'Eve voulut lorsqu'elle passa le pas de la porte de sa maison fut de prendre une douche. Personne aux alentours cela lui permettrait au moins de prendre le temps qu'il lui faudrait pour se laver avec son unique bras valide.
Une fois dans la salle de bain, la jeune fille découvrit seulement le début de son calvaire. Chaque tâche était plus fatigante, plus fastidieuse et beaucoup plus longue qu'à l'accoutumée. Après un temps fou à enlever un à un ses vêtements, elle constata qu'elle n'avait pas été aussi intouchable qu'elle le pensait. Sans compter sa blessure, ni sa bosse au front, elle examina les bleus qui constellaient son corps. Sur son tronc, quatre bleus s'étalaient dans un camaïeu de bleu-violacé inquiétant.
Eve resta statique, examinant chaque bleu avec obsession.
Les gardes avaient donc mieux visé qu'elle ne le pensait. Comment avait-elle seulement pas senti les coups ? Vu l'étendue des hématomes, elle aurait dû sentir quelque chose. Quoique, elle devait être dopée à l'adrénaline à ce moment-là. Enfin, les souvenirs de cette soirée étaient flous de toute façon.
Après avoir enroulé un sac poubelle à l'aide de sparadrap autour de son bras, Eve profita de l'instant de suspens que lui procurait l'eau qui l'entourait chaleureusement. Elle put enlever le reste du sang séché qui avait coulé le long de son bras et de ses écorchures aux genoux.
Pendant ce qui lui paraissait être une éternité, Eve repensa à tout ce qui s'était passé. La mission, comment avait réagi sa classe, comment Rio avait réagi. Comment une nouvelle fois elle avait fui. Comment Karma était venu la trouver après qu'elle soit partie. Comment elle avait craqué. Comment elle ne réagissait pas comme elle aurait réagi avant.
Elle n'arrivait pas à se dire si ses actions, ses pensées étaient de son fait ou l'œuvre de ses fréquentations et des expériences passées. Bien sûr, voir le Dieu de la Mort à deux doigts d'anéantir votre classe, apprendre que votre prof en qui vous avez une confiance aveugle était un ancien assassin mondialement connu, assister à une prise d'otage lorsque vous allez au cinéma… cela affecte un comportement.
Mais même avec ça, n'était-elle pas allée trop loin ? Elle ne savait toujours pas si elle avait… Si ceux qu'elle avait touchés étaient… Non, elle ne préférait même pas y penser. En un sens, cette peur du meurtre la rassurait : elle avait toujours son humanité.
Décidant de couper court à ses trop nombreuses réflexions, Eve sortit de la douche. La minuscule pièce était emplie de vapeur, rendant impossible une nouvelle examination fortuite dans le miroir. Tant mieux.
Elle enfila un pyjama trop large après avoir enlevé le sac poubelle de son bras. Au rez-de-chaussée, elle entendit des talons claquer contre le parquet. Sa mère.
Eve soupira. Elle descendit les marches une à une pour arriver devant le visage fatigué de sa maternelle.
Dis donc chérie, c'est pas parce que tu es en vacances que tu dois arrêter de me dire où tu es. J'étais inquiète, commença Roxanne Bell en guise de salutation.
C'est bon j'ai plus huit ans, j'étais juste chez Rio en plus, grommela l'adolescente.
Ne me parle pas sur ce ton, gronda Mrs Bell. Je ne te punis pas, je veux juste savoir où tu es et savoir comment tu vas. Je pense pas demander la Lune ?
C'est bien la première fois que tu te préoccupes de savoir comment je vais ! C'était pas pareil quand tu m'as forcé à déménager au Japon, hein ? J'étais très bien à Oxford !
On en a déjà parlé. Et il me semble que tu apprécies beaucoup ta classe, non ? Tu as des amis, des bonnes notes ? Écoute, si j'ai manqué quelque chose je suis désolée mais-
Tu es toujours désolée ! C'est facile de s'excuser après coup ! J'ai oublié de te prévenir UNE fois et tu me fais une scène !
Je ne sais pas ce que tu me fais, murmura Mrs Bell avant de perdre patience, mais tu reviendras me parler quand tu seras calmée. En attendant tu restes à la maison.
T'es vraiment chiante !
Eve tapa des pieds et se réfugia dans sa chambre. Là, elle s'étala sur son lit et fixa le plafond d'un regard vide.
Ça ne l'avait pas amusée de crier sur sa mère. Ni de simuler une crise d'adolescente shootée aux hormones. Elle avait mieux réagi que prévu ça lui avait compliqué la tâche. Sa mère devait vraiment être inquiète au sujet de sa fille : Eve n'avait pas un comportement des plus sereins et normaux ces derniers temps.
Mentir. Elle passait son temps à mentir. Depuis quand d'ailleurs ? Pour que sa mère ne s'inquiète pas trop pour elle, elle était obligée de faire semblant d'être en colère contre cette dernière. Si elle ne sortait pas trop de sa chambre ou annonçait ne pas vouloir manger en même temps que ses parents, cela passerait une nouvelle fois pour un caprice de gamine hystérique. Pas un nouvel évènement suspect.
Le regard d'Eve se tourna vers le sol, là où trainait un petit sac rempli d'anti-inflammatoires, d'anti-douleurs et autres joyeusetés auxquelles elle aurait droit un bon moment. Koro-sensei venait tous les jours pour s'assurer son état et suivre la guérison de la blessure.
Elle sentit son portable vibrer.
D'abord, elle ignora la notification. Mais après coup, en considérant le quota individus qui l'appréciaient/individus qui aimeraient la voir brûler en Enfer, elle se demanda qui avait pu lui envoyer un message.
De : Numéro Inconnu
À : Eve
Tu devrais regarder tes notifications.
Surprise, Eve suivi néanmoins la consigne de l'inconnu. Elle découvrit une application décorée d'une pastille rouge : celle qu'utilisait Ritsu pour communiquer. L'inconnu était donc l'Inconnu. Isaac. L'adolescente ne put empêcher ses commissures de s'étirer en un sourire de soulagement. Elle avait toujours plus ou moins son soutien : une personne en plus dans la catégorie qui ne rêvait pas de la voir crever en Enfer.
Mais Eve n'avait pas envie d'ouvrir le fameux dossier tout de suite. Elle avait déjà fait trop de route seule. Même si c'était trop tard, il fallait qu'elle essaie au moins de renouer contact avec sa classe. Ils l'avaient accueillie alors qu'elle venait du bâtiment principal, alors qu'elle faisait partie de ceux qui les discriminaient. Quand elle n'avait plus d'endroit où aller ils avaient été présents. Elle leur devait au moins ça.
Eve respira un grand coup et tapa le message d'une seule traite dans sa langue maternelle : « Ritsu a décrypté les infos que j'ai récupérés. On peut se rejoindre au collège demain si ça va à tout le monde. »
Elle reposa son téléphone et tenta d'ignorer les grognements compulsifs de son estomac. Maintenant qu'elle avait fait semblant d'être en colère contre sa famille, elle était coincée dans sa chambre. Elle attendrait que ses parents partent se coucher pour aller piocher les restes.
En attendant, elle éviterait les messages qu'elle recevrait et attendrait patiemment le compte-rendu des deux délégués. Parce qu'elle-même si elle ne les côtoyait plus en ce moment, elle les connaissait encore bien.
…xX*Xx…
Toc.
Toc. Toc.
Toc.
La lumière traversait le rideau entre-ouvert pour terminer sa route sur une adolescente encore endormie. Eve leva péniblement la tête pour découvrir la source de son réveil. Sans grande surprise cette fois, elle ouvrit la fenêtre pour laisser entrer un grand poulpe jaune entrer.
Les autres élèves avaient décidé d'attendre que passent les fêtes pour ouvrir le fameux document. Eve ne tenait plus sur place. Cette attente était devenue insupportable. Mais elle tiendrait bon. Pour le bien de son intégration fébrile au sein de sa classe.
Noël était passé. Eve se demandait comment elle passerait la nouvelle année. Toujours songeuse, elle laissa Koro-sensei à ses soins devenus habituels.
Ça guérit mieux que prévu, constata le poulpe. Heureusement que j'étais là au début !
Eve ne sut pas dire s'il avait tort ou non son bras était toujours fébrile et douloureux. Mais en observant sa blessure, elle dut admettre que la peau semblait moins boursoufflée et inflammée sous les coutures. Eve bougea doucement son bras : c'était pénible mais réalisable.
Tu auras droit à de la rééducation, en attendant continue de te ménager.
Merci beaucoup, passez une bonne soirée.
Ses parents lui avaient demandé si elle voulait passer le réveillon avec eux. Elle avait déjà dû supporter Noël à les éviter. Sa solitude commençait à la peser. Mais elle avait refusé, prétextant une petite fête organisée des camarades de sa classe. Ce ne serait pas la première fois que les Bell laisseraient Eve à une fête sans eux, mais tout de même, ils ne connaissaient pas lesdits camarades, et surtout leur fille avait vraiment mauvaise mine.
Finalement ils avaient accepté, avec l'espoir qu'Eve aille mieux. Car eux aussi étaient épuisés de son comportement : ils ne savaient plus quoi faire pour ne pas subir le courroux de leur progéniture.
Eve de son côté, n'avait en réalité aucune idée de la façon dont elle allait passer la soirée. Le seul effort de réflexion sur le sujet lui donnait des migraines. Elle avait perdu le peu de capacités en relations sociales qu'elle possédait contre des capacités qui lui avaient valu une balle dans le bras.
Son isolation la rendait presque folle.
Parfois, lorsqu'elle cherchait désespérément le sommeil, son cœur se serrait si fort qu'elle avait l'impression d'étouffer. Les larmes formaient alors des torrents qui dévalaient ses joues, brûlants comme de l'acide. Ses poumons refusant de s'emplir d'air lui donnaient l'affreuse impression d'une noyade.
Elle peinait à rester silencieuse pendant les crises elle mordait son oreiller à s'en déboîter la mâchoire. Quand elle n'en pouvait plus, elle le lâchait pour respirer de façon erratique, avant de renouveau étouffer les cris qui s'étranglaient dans sa gorge.
Finalement, elle s'arrêtait de pleurer lorsque sa gorge asséchée et brûlante lui imposait de calmer sa respiration. À ce moment, son corps fatigué de spasmes et d'hyperventilation était vidé de toute énergie. C'est finalement après ces crises qu'elle finissait par s'endormir.
La nuit, c'était souvent le trou noir. Une nuit sans rêve.
Mais, si elle était malchanceuse, elle rêvait de la mission. Des coups de feu. Mais cette fois ils venaient des élèves de sa classe. Il la visait, elle. Elle évitait du mieux qu'elle pouvait, priant pour sa vie, s'excusant en hurlant à s'en déchirer les cordes vocales. Mais l'issue était souvent la même : cette fois, la balle ne traversait pas son bras mais son crâne, ou encore son cœur ou sa poitrine. Et comme pour la torturer, sa culpabilité reproduisait la scène jusqu'elle se réveille, maussade, presque plus épuisée que la veille.
Mais aujourd'hui, c'était le dernier jour de l'année. Elle n'avait pas envie de le passer à refaire une ultime crise, mordant son oreiller à s'en disloquer la mandibule pour ne pas alerter ses parents.
Eve réfléchit.
Toujours en considérant le quota gens qui voulaient la voir mourir dans d'atroces souffrances/les autres, elle se rendit compte une nouvelle fois que le choix était restreint. Pourtant, pouvait-elle tenter l'impossible ?
Eve attrapa son portable, et tapa avec maladresse un message qu'elle envoya sans même avoir relu. C'était ça où elle savait qu'elle ne l'aurait jamais envoyé.
Quelques secondes plus tard, elle reçut des réponses. Forcément, les coutumes étaient différentes au Japon. Nouvel an restait quand même une fête familiale. Ou alors ils n'avaient pas envie de la voir. Ce qui était possible aussi.
« Si tu veux, on pourra aller voir le lever de Soleil ensemble ! »
Oh, première réponse positive. Les délégués prenaient soit leur rôle très à cœur, soit étaient moins rancuniers que les autres. Les autres iraient aux temple à minuit avec des amis ou leurs parents. Eve ne se voyait pas franchement s'incruster.
Bon. Elle avait plus le choix.
« T'as quelque chose ce soir ? »
Réponse presque aussi rapide que les autres.
« Qu'est-ce qui te fait croire que j'ai envie de passer le dernier jour de l'année avec toi ? »
Bon, déjà elle était sûre de ne pas s'être trompée de contact.
À : L'inconnu (ou pas)
De : Moi
Déjà le fait que tu es tout seul à cause de ton caractère de chien
À : Moi
De : L'inconnu (ou pas)
Tu sais que tes chances diminuent là ?
À : L'inconnu (ou pas)
De : Moi
En attendant tu es tout seul aussi
À : Moi
De : L'inconnu (ou pas)
C'est toujours pas mieux.
À : L'inconnu (ou pas)
De : Moi
Du coup ?
À : Moi
De : L'inconnu (ou pas)
Tu es désespérée à ce point ?
À : L'inconnu (ou pas)
De : Moi
Tu sais quoi c'était débile, laisse tomber t'es trop dark et associal pour moi
Ciao
Eve montrait un certain détachement digne d'une drama queen, mais elle n'en menait en réalité pas large. Seule. Le dernier jour de l'année. Quelle conclusion. Sa gorge recommençait à la serrer. Sa tête à gronder. Son monde à vaciller. Elle sentit les chatouillements dans sa moelle épinière, comme une marée de d'insectes colonisant son système nerveux qui prévenaient une énième crise.
À : Moi
De : L'inconnu (ou pas)
T'es au courant que ton professeur m'a très clairement menacé si je revenais te voir ?
Elle n'avait même plus envie de répondre.
Il pouvait bien aller se faire foutre. Quelle belle ordure. Elle n'avait pas envie qu'on lui rappelle qu'elle était seule et qu'elle avait merdé. Ses yeux commençaient à piquer et son souffle à être court.
À : Moi
De : L'inconnu (ou pas)
Bon. Viens quand t'es prête à l'adresse que je vais t'envoyer.
D'un coup, tout son corps sembla se détendre, balayant toute la panique qui était prête à la submerger il y a quelques secondes.
Mais bon.
Il était un peu ce qu'il lui restait de vie sociale et de soutien. Comme il le disait si bien, elle était désespérée. Vraiment désespérée. Si elle avait bien ses parents, elle ne pouvait pas se confier et elle se sentait affreusement mal de leur mentir.
Eve ne pris pas la peine de répondre : tous deux savaient pertinemment que la vacuité de son cercle social la pousserait à accepter l'invitation.
…xX*Xx…
A moins de dix minutes de bus de chez elle, Eve était arrivée devant une résidence plutôt classe. Pas extravagant, mais bien loin de l'immeuble bon marché de 9m². Hésitante, elle avait appuyé sur l'interphone et était entrée.
Maintenant qu'elle y était, elle avait presque envie de faire demi-tour. Mais affronter son stress était moins pénible qu'envisager une soirée de crises en tout genre. Un frisson la parcouru lorsqu'elle pensa à ces moments désagréables. L'ascenseur s'arrêta dans un bruit de clochette, et Eve arriva devant une porte entrouverte.
— Excusez-moi… ? demanda timidement Eve en japonais.
— Entre, invita une voix d'homme.
— Ah bon, je me suis pas trompée c'est bon.
— Tu peux pas t'empêcher d'arriver en retard, hein ? entama comme à l'accoutumée Isaac, cette fois avec un semblant de sourire sur les lèvres.
— T'avais pas donné d'heure gros malin, réplica Eve.
Isaac sortait un plat fumant du four. Eve resta dans le pas de la porte, ne sachant pas trop quoi faire. Elle portait d'un bras un sac avec de quoi boire et grignoter, l'autre était maintenu par l'écharpe de contention qu'elle ne pouvait pas mettre en présence de ses parents.
Isaac jurait le plat l'avait brûlé. Une odeur de fromage caractéristique flottait dans l'air.
— Qu'est-ce que tu fais encore plantée là ? Pose tes affaires.
Eve perdait en contenance à chaque seconde. Elle posa son sac dans la cuisine, et se tourna ensuite vers Isaac.
— T'as besoin d'aide ?
— T'as vu ton bras ? Ça devrait aller, va dans le salon plutôt.
Bon. On allait s'amuser. Eve s'exécuta et s'assit à la table où elle serait sûrement servie. Quelques minutes plus tard passées dans un silence lourd, Isaac revint dans la pièce.
— Qu'est-ce que tu fais à table ? Le canapé c'est pas mieux ? demanda Isaac avec un air presque offusqué.
— Euh. Ben… Si. Complètement en fait, répondit Eve avec un sourire.
C'était clairement son péché mignon dès que ses parents étaient absents. Manger sur le canapé avec quelque de chose de plus chaleureux et moins strict. Et bien plus beauf aussi. Mais elle s'en foutait actuellement. L'agent du gouvernement amena un plateau et le posa sur la table devant l'adolescente.
— Tu as des préférences pour la télé ? Si tu m'épargnes les films de Noël je t'en serais gré.
— Pourquoi t'es bizarre comme ça ? lâcha Eve, mitigée entre la peur et l'incompréhension.
— Pardon ?
— Non, vraiment. C'était pas censé être… méchant, ni une critique. Du tout. Mais... T'as jamais été vraiment le genre à demander ce qui me convient et à pas me laisser toute seule. Plutôt l'inverse, tu le provoquais plus ou moins directement et tu t'en foutais, expliqua Eve, se sentant s'enfoncer dans le malaise. Là tu m'accueilles et tu me donnes à manger. C'est… bizarre.
— Donc… Tu me fais remarquer que je te mets mal à l'aise parce que pour une fois je fais un peu attention ?
— Oui. Non. Enfin. Pourquoi ?
Isaac soupira un instant. Cette gosse pensait beaucoup trop pour pas grand-chose.
— Je suis pas un monstre. Et je sais pas, moi, on a fait une mission, t'as failli mourir, j'ai failli mourir parce que t'as failli mourir… Bon, ça crée des liens, énonça Isaac. Et comme tu le dis, je suis en partie responsable de ce qu'il t'arrive. On va dire que je te dois bien ça. Et puis, t'es pas aussi insupportable qu'on pourrait penser
— Je te retourne le compliment. Ta compagnie est presque agréable.
— Il est encore temps pour moi de te mettre dehors tu sais ? menaça Isaac, dont le regard ne permettait pas d'affirmer s'il était sérieux ou non.
— Je suis à moitié handicapée, tu n'oserais pas, dit Eve en en attrapant son plateau d'une seule main peu habile.
Cette fois, l'agent lui jeta un regard nonchalant du genre « voyons, j'ai tué des gens mais je respecte les mamans et les handicapés bien sûr ». Puis il attrapa son assiette et sa fourchette, puis donna la télécommande à Eve.
— Les macs and cheese, ce plat traditionnel de nouvel an, fit remarquer Eve.
— Je trouve que tu prends quand même un peu trop tes aises depuis que je suis moins désagréable.
— J'sais pas, j'ai échappé à la mort, je me fais moins chier avec les formalités maintenant. Et puis t'inquiète, j'adore les macs and cheese.
— Faudrait pas que ça devienne une habitude. Choisis un truc à regarder, invita Isaac.
— J'ai envie d'un truc pas déprimant, ça te va si je continue How I Met Your Mother ? Je t'expliquerais si besoin.
— J'ai déjà vu quelques épisodes. C'est comme Friends, toujours les mêmes qui repassent à la télé. Vas-y, j'imaginais pire.
Ils commencèrent à manger, et enchaînaient les épisodes. Après le plat, Isaac avait ramené un gros pot de Ben and Jerry's car c'était « ce que mangeait le cliché de la fille déprimée dans les films », ce à quoi Eve répondit qu'elle acceptait d'incarner le cliché si elle pouvait avoir de la glace. Eve s'achetait facilement avec de la nourriture.
Peu avant minuit, Isaac invita Eve à prendre son manteau et un gros plaid et se dirigea vers le toit de l'immeuble. Là-bas, il avait une vue sur les gros quartiers de Tôkyô. Les décorations de fin d'année scintillaient joyeusement au cœur de la capitale nippone, donnant un aspect presque irréel à la scène. Les buildings, la nuit et Isaac lui rappelaient inéluctablement San Francisco. Mais c'était bien différent là son bras ne lui faisait même pas mal actuellement.
BOUM.
Tout le corps d'Eve se pétrifia en un instant. Une deuxième explosion envoya des gerbes vertes et jaunes dans le ciel.
BOUM. BOUM. BOUM.
Chaque nouvelle explosion résonnait dans tout le corps d'Eve, propageant une nouvelle onde de choc. Sans qu'elle ne s'en soit rendue compte, la jeune fille était à terre, main sur les oreilles, la gorge si serrée que même l'air peinait à passer. Elle se sentit agrippée mais ne comprit pas. Sa conscience lui semblait loin, presque inexistante.
— EVE !
Elle ne comprenait même pas qu'on appelait son nom. Les détonations s'en donnaient à cœur joie, mais se firent plus distante avec le temps. Là, Eve se rendit compte qu'elle n'était plus dehors, mais dans l'escalier qui donnait accès au toit.
— Je suis désolé. Je suis très con et j'aurais dû y penser.
C'était quoi ça ?
Le regard d'Eve était encore vide. Peu à peu, elle reprenait pied mais n'arrivait toujours pas à lier sa conscience à son corps. Comme s'il y avait à présent une dualité entre les deux. Elle croisa enfin le regard inquiet d'Isaac qui lui tenait les épaules. Ce contact la rassura un peu, et ses idées commencèrent à se remettre en ordre.
— Je crois que je suis contente de pas avoir été avec d'autres gens, ça aurait été gênant, articula Eve.
L'agent de la Défense soupira.
Le poulpe avait donné son accord pour ne pas laisser une de ses élèves qui était actuellement fragile toute seule un soir important. Mais s'il apprenait qu'elle avait fait une crise à cause de son syndrome post-traumatique, venant d'un stimuli qui aurait pu être facilement prédit… Un feu d'artifice le jour de l'an, ça coule de source oui.
— On rentre, je suis pas sûre que t'aies trop envie de retenter de l'expérience. Il reste de la glace, invita Isaac.
Il aida la collégienne à se relever, et la tint par le bras pour la conduire jusqu'au canapé de son appartement, où elle s'effondra littéralement. Il remarqua qu'elle avait tenté de se montrer présentable mais maintenant que les larmes avaient ravagé son visage, l'anticerne ne cachait plus les grosses poches violacées sous ses yeux.
— Ça va pas mieux depuis que tu as tout raconté à ta classe ? demanda Isaac en ramenant le fameux pot de glace et une cuillère.
— Quoi, t'es mon psy maintenant aussi ? railla Eve.
Il lui jeta un regard sévère et réprobateur. Isaac n'était pas gentil avec les autres. Faire cet effort lui coutait. La jeune fille attendit le pot de glace, mais l'agent n'avait pas l'air disposé à le lui donner.
— Désolée. Je suis sur les nerfs et c'est vraiment étrange que tu me demandes ça, expliqua Eve, pendant qu'elle recevait le pot de glace, qu'Isaac lui tendait après avoir reçu des excuses. C'est juste que, les autres ont l'air quand même encore un poil énervé contre moi. Je dis pas qu'il n'y a pas de quoi, mais genre, j'ai failli mourir pour une bonne cause et ça a pas l'air de les concerner plus que ça. Et puis, j'ai les informations, elles sont décryptées, je le répète hein, mais j'ai risqué ma vie pour les lire. Et je dois attendre.
— Plutôt embêtant effectivement.
Ce n'était clairement pas son fort de réconforter les gens. Et il n'avait pas envie de sortir un discours creux comme il avait déjà pu le faire pendant une mission. Là, c'était différent et c'était une gamine.
— Je suppose que puisque tu m'as demandé ce que je faisais ce soir, je n'étais pas ton premier choix ? Les autres t'ont snobée ?
— Le mieux que j'ai eu c'était le lever de soleil. C'est déjà ça tu me diras.
Nouveau silence. Les deux marginaux remarquèrent après coup que le décompte était passé. Sûrement pendant qu'Eve avait fait une énième crise. Même si Isaac n'était pas l'acolyte dont on rêvait pour nouvel, elle devait admettre qu'il avait fait des efforts, ce qui était déjà notable en soit.
— Bonne année du coup, souhaita Eve.
— Qu'elle soit moins longue que la précédente, pria Isaac.
— Tu rigoles ? C'est passé à la vitesse de l'éclair tu veux dire !
Encore un nouveau silence. Mais cette fois, il n'était pas lourd. C'était un silence calme, apaisant. Le genre qu'ils n'avaient pas eu depuis un moment.
— Merci, hein.
— Eh ben quand même, s'impatienta Isaac, visiblement pas décidé à juste répondre un « de rien ».
— Non, vraiment merci. Je veux dire, ça sera pas le meilleur nouvel an de ma vie mais tu as rendu ça tellement moins nul que ça aurait dû, s'expliqua Eve.
— T'as pas vraiment besoin de me remercier, répondit l'agent d'un air dramatico-mystérieux.
Eve remarqua son grand penchant drama queenesque et s'en amusa intérieurement. Il était juste aigri et pas facile à aborder. Mais elle pensait qu'il n'était sûrement pas l'enflure que le monde aimait détester.
— Et d'ailleurs, il s'est passé quelque chose avec le rouquin ?
La question fit à Eve l'effet d'une bombe.
— Mais c'est quoi cette question ! s'emballa Eve. Pourquoi tu me sors ça ?
— Je l'ai vu sortir juste après toi la dernière fois. Je me demande juste ce qu'il s'est passé. Et il te plaît donc raison de plus.
— Mais c'est quoi ce truc de prof de toujours me poser cette question ! Vous me l'avez toute faite je crois à part Karasuma-sensei.. bafouilla Eve en regardant ailleurs. Et puis comment ça il me plaît ?!
— Tu es consciente que ta réaction confirme ce que je viens de dire ? répondit Isaac, amusé.
— Bon, pour te répondre, il était venu pour parler de ce que j'avais fait lorsque j'étais à San Francisco. Il a voulu me montrer un truc sur son portable je crois, j'ai paniqué, j'ai cru qu'il sortait une arme, ou… c'est ridicule, je sais. Mais bref, j'ai pété les plombs et j'ai pleuré devant lui, pour changer. Voilà.
— Ah ouais. La drague et toi…
— Je voulais pas le draguer ! s'exclama Eve dont la voix était presque montée dans le domaine des ultrasons. Je te signale que je l'ai quasiment agressé. Je suis surtout gênée d'être presque vue comme bannie par ma classe.
— Hmm, marmonna Isaac volontairement pas convaincu par l'argumentation de sa disciple. T'as peur de pas l'intéresser ?
— Tu m'énerves, grommela Eve. Tu vois bien que c'est pas le moment en plus. Et fais pas genre que ça t'intéresse surtout.
Nouveau silence, cette fois un peu plus lourd que le dernier, mais pas pour les mêmes raisons. Isaac continuait de regarder Eve d'un regard désabusé qui disait « mais oui, bien sûr », un rictus agaçant accroché aux lèvres.
La collégienne commença à bailler. Il était presque deux heures. Son pot de glace était ravagé, tout comme son moral le sera à l'apparition des deux kilos qu'elle aura pris à l'issue du repas. Mais bon. C'était une des premières soirées où elle ne s'était pas sentie vraiment mal. C'était plutôt agréable.
— Je te raccompagne chez toi, il est tard, commença Isaac.
— Là c'est too much Isaac, je suis vraiment mal à l'aise.
— Dois-je te rappeler que si tu perds le moindre cheveu sur le trajet, j'ai un poulpe qui aura le temps de tester une cinquantaine de méthode d'exécution et de torture sur ma personne avant de succomber si Dieu le veut bien ?
Eve se retint de rire. Néanmoins, elle savait que c'était vrai. Koro-sensei n'avait pas le droit de tuer, mais nul doute qu'avec son passé il trouverait bien le moyen de faire passer ça pour un accident.
Ils firent le trajet silencieusement. Sur la route, ils croisèrent des jeunes assez éméchés pour faire exploser un éthylomètre. Isaac afficha un visage suffisant, et la jeune fille tourna la tête pour éviter la confrontation de « oui tu avais raison de ne pas me laisser rentrer seule ».
Arrivée devant chez Eve, ils se saluèrent et la collégienne rentra et ferma bien à clé derrière elle.
Elle s'engouffra sous sa couverture, avec le cœur bien plus léger que ces dernières semaines. Peut-être que cette fois elle arriverait à tout arranger.
…xX*Xx…
— Ça fait plaisir que tu sois venue, salua gaiement Isogai.
— Et moi d'avoir été acceptée, répondit Eve.
Les deux délégués étaient présents, et Meg était en tenue traditionnelle. Eve remarqua tout de même que, pour des étudiants en vacances, ils ne paraissaient pourtant pas reposés.
— Ça va, vous… ? demanda Eve, en accélérant le pas à côté d'eux.
Il faisait sacrément froid. Ils s'étaient tous levés assez tôt pour pouvoir aller observer le premier lever de Soleil. Ça avait un nom en japonais, mais Eve l'avait déjà oublié. Les deux délégués se regardèrent, et Meg prit la parole :
— C'est un peu compliqué, avec ce qu'on a appris sur Koro-sensei on était déjà très chamboulés. Et en plus avec les informations que tu as ramenées, les conséquences que ça a… Je t'avoue que c'est compliqué pour tout le monde.
— Vous en avez parlé ? demanda Eve, mal à l'aise face à cette révélation.
— On a un groupe pour ça, avoua Meg.
— Meg ! s'emporta Isogai.
— T'inquiète pas, rassura Eve. Je me doutais de toute façon qu'il y aurait forcément un groupe de classe sans moi. Vous aviez besoin d'en parler, y'a pas de soucis.
Malgré tout, elle se sentit un peu mal. Un petit picotement atteignit son cœur, mais elle laissa cette douleur de côté.
— Et alors ?
— Alors c'est… mitigé, tenta d'expliquer Isogai diplomatiquement.
— Franchement, le prends pas mal, mais c'est un peu la merde même. On doit rester soudés mais là, on est à deux doigts de l'explosion, divulgua la déléguée.
Ça aussi, elle s'en doutait. Eve ne pouvait pas faire l'unanimité mais elle ignorait la proportion des avis contre ou avec elle. Et « à deux doigts de l'explosion ? » qu'est-ce que qu'elle entendait ? Une classe E qui se divisait, ça ne s'était jamais vu. Il y avait des disputes, mais « une explosion », c'était bien plus fort.
— J'imagine que c'est aussi pour ça que vous êtes là, supposa Eve plus bas.
— Entres autres, admit Isogai. Mais pas seulement, on t'apprécie Eve et on sait que ce que tu as fait n'était pas pour nous faire du mal ou quoique ce soit de négatif. Ça ne veut pas dire qu'on est d'accord et que ça règle le problème.
Doucement, les premiers rayons émergèrent à la surface de l'horizon. Le premier jour de l'année venait de commencer, et Eve sentait que les problèmes n'allaient pas gentiment arrêter d'exister, bloqués dans l'année passée, non.
Pire que ça. Un mauvais pressentiment. Que c'était le début de quelque chose de pire.
Et en repensant aux mois qu'ils leur restaient, Eve réalisa que c'était aussi le début de la fin.
A suivre..
