12/04/2021

Contre toute attente : je ne suis pas morte, et je n'ai pas abandonné cette fanfic. Ceci dit, j'avoue que comme ça peut un peu se voir, j'ai de moins en moins l'énergie pour la continuer (et pourtant j'adore Eve, elle va me manquer). Désolée si le chapitre paraît donc un peu précipité et expéditif : je préfère vous donner un chapitre pas parfait que... rien. Il faut aussi se rappeler qu'Eve n'est pas dans sa meilleure forme, et j'avoue que ça joue aussi sur la narration.

J'espère que vous ça va. Je commence à avoir la flemme de ces confinement, et le fantasme d'arriver complètement en gueule de bois en amphi me paraît être qu'un mensonge de ceux qui ont pu profiter de leur années de fac. J'espère au moins que vous aurez la chance d'en profiter ! J'ai juste hâte d'être vaccinée et d'expédier ça. Le prochain chapitre n'est pas encore écrit, mais je pense pas ajouter grand chose au chapitre bonus, sauf si vous me le demandez :)

Pas plus de blabla, passons aux réponses aux reviews !

Kalyska : je crois que les deux fois je t'ai répondu en privé mais merci encore de tes commentaires jtm

CarolineWho : eh bien l'histoire arrive presque à sa fin ! Pour ce qui concerne Eve, tu verras bien dans la suite des chapitres (elle fait ce qu'elle peut...)

Pandelfique : Oui on m'avait fait la réflexion que je restais vraiment proche du manga... Mais ravie d'apprendre que tu as aimé les libertés que j'ai prises ensuite ! J'avoue que je m'amusais beaucoup plus à écrire ces parties. Peut-être aussi que j'ai plus du mal à réécrire les scènes qui restent fidèles au manga maintenant... Et effectivement on est nombreux à avoir eu envie de baffer Eve mais c'est aussi ce que je voulais. On est pas tous parfaits et je voulais pas d'une protag trop plate niveau caractère. J'espère que c'est réussi !


Merci à ma bêta Manea et à Kalyska sans qui ce chapitre aurait sûrement mis encore 6 mois pour sortir !


Résumé du précédent chapitre : Grosso modo, pas de grosses actions déso. Eve galère toujours dans sa vie : elle a réussi les examens de Kunigaoka, mais pas ceux d'amission. La St Valentin passe sans même qu'Eve fasse sa grosse commère. Notre petite anglaise reste toujours sur le côté à préparer un plan obscur, allant même à demander à Asano quelques conseils au passage.


Chapitre 44 — Leçon du Dieu de la Mort – Fin

Eve et Karma ne s'étaient plus adressés la parole depuis leur discussion dans l'ancien bureau de Yukimura. Pas qu'ils s'évitaient, non. Les jours s'égrenaient sans qu'Eve n'y puisse rien faire d'autre qu'imaginer ce que feraient ses adversaires.

La fin de l'année scolaire était le 13 Mars. Mais attendraient-ils cette date funeste pour agir ? Absurde. Karma lui avait également fait comprendre que ce serait illogique. La britannique suivit également le conseil d'Asano-fils. Gakushu lui avait donné quelques conseils, lui glissant au passage qu'un retour de faveur serait apprécié un jour. Eve lui donna sa parole ; emmerder le Directeur l'arrangeait elle autant que lui.

Suivant les indications données par les deux êtres les plus manipulateurs de son collège, Eve avait quelques scénarios de prévus. Ils commenceraient leur offensive au minimum deux semaines avant le 13. Sinon, ils étaient cons. D'après les données obtenues, le risque d'explosion du poulpe diminuait avec le temps. Mais s'il le devait, un an pile après son évasion semblait être un moment importun.

Eve ferma les yeux.

S'ils commençaient effectivement leur attaque J-15, ce serait demain.

Elle ne pourrait pas dormir cette nuit : elle le savait. Ses angoisses commencèrent à reprendre forme. Elle les sentait arriver maintenant. Les sueurs froides. Les frissons dans la colonne vertébrale. Sa gorge nouée. Son cœur en tachycardie.

Pourtant, chaque fois, elle ne pouvait rien faire d'autre que les subir. C'étaient des monstres invisibles, immatériels qui surgissaient presque sans prévenir. Cela devenait ingérable. La solitude la bouffait littéralement.

La jeune fille attrapa de ses doigts tremblotants son portable. Sa respiration se coupait. Quand elle ouvrit les yeux, elle perçut entre ses larmes un message envoyé à Rio. Parfait. C'était confus et incohérent, mais elle se souvenait à peine l'avoir écrit alors c'était déjà ça.

— Allô ?

« Peux pas parler, parents à côté »

— Ok, ok, répond moi par message alors, répondit la voix grésillante de Rio.

« Merci »

— Qu'est-ce qui va pas ?

« Panique. Tu peux juste parler stp ? »

— Heu oh, ok. Aujourd'hui j'ai suivi une recette de muffin. C'est bon ces cochonneries. Mais mine de rien c'est assez technique à faire ? J'ai découvert pas mal de trucs et-

S'accrocher à la voix de son amie détendait Eve. Se concentrer sur autre chose. Ne pas être seule. C'était le seul truc qui paraissait fonctionner pour elle. Au fil des minutes, sa respiration se calma, et la jeune fille s'étendit sur son lit, en sueurs.

— Ça va mieux ? T'envoies plus beaucoup de messages.

— Oui merci, je sais pas ce que je ferais sans toi.

— OH PUT-, tu m'as fait peur ! Je m'attendais pas à entendre ta voix, débile ! cria Rio.

Les lèvres de Eve s'étirèrent. Elle ne savait vraiment pas ce qu'elle ferait sans elle.

…xX*Xx…

— Ça va toi ? T'es tendu comme un-

— Ça aurait dû être aujourd'hui, coupa Eve sans arrêter de se ronger les ongles.

Karma s'arrêta pour considérer la brunette.

— Quoi donc ?

— Ils auraient dû agir aujourd'hui ! s'énerva Eve de nouveau. Je SAIS qu'ils vont agir. Et le faire aujourd'hui semblait vraiment logique. C'est bizarre mais je sens qu'ils vont faire quelque chose avant la fin de notre année scolaire.

— C'est pas impossible quand on connecte deux neurones en effet, admit Karma. Mais tu veux faire quoi face à ça ?

Eve cessa quelques instants de s'intéresser à ses ongles et releva la tête, un air agacé accroché au visage.

— Je vais pas leur faire une haie d'honneur si c'est ce que tu demandes, répondit Eve, toujours sèche. Je trouve ça juste fou que je sois la seule à m'en soucier.

— Tu ne peux pas en vouloir aux autres.

— JE SAIS ! s'exclama-t-elle. Je sais que je prends ça trop à cœur et que c'est obsessionnel. Vous me l'avez bien fait comprendre.

Karma émit un léger soupir avant de réfléchir quelques instants.

— On est d'accord que tu t'épuises à rester autant sur le qui-vive, non ? C'est pas productif, on a aucune idée de ce que va faire le gouvernement ni quand. Et vu la parano qu'on a dans le groupe même s'ils nous prennent par surprise, je connais quelqu'un qui aura un plan B.

Eve se détendit un peu, et soupira à son tour. Mr Parfait avait décidément toujours raison. C'était épuisant.

…xX*Xx…

Eve se réveilla en pleine nuit. Incapable de se situer temporellement, elle attrapa les doigts tremblant son téléphone. Ils avaient passé le cap du J-15. Mais elle n'écoutait plus les cours. Les journées devenaient lointaines. Un concept abstrait qui n'avait plus de sens pour elle, constamment en mode automatique. Qu'avait-elle mangé aujourd'hui ? Avait-elle seulement mangé ? La jeune fille constata avec dépit que son estomac semblait bien vide. Elle était même incapable de dire ce qu'elle avait fait de la journée.

Peut-être ne se souviendrait-elle-même pas d'avoir fait son omelette de minuit.

…xX*Xx…

— C'était quoi ça ?

Les Bell s'étaient levés de table, tous inquiets de l'éclair de lumière qui avait irradié la pièce pendant un instant. Eve se précipita vers la fenêtre. Maintenant que la lumière était partie, il n'y avait aucun moyen d'être certain de la zone touchée, mais Eve le sentait dans ses entrailles : c'était son collège.

J-7

C'était logique.

— C'était tout de même étrange, il n'y a même pas d'orage ! s'étonna Mrs Bell.

Eve ferma les yeux pour se concentrer sur les pensées qui fusaient dans son esprit. Il fallait se décider avec les autres. Elle ouvrit la conversation de sa classe.

Hinata Okano- Future Gymnaste: J'habite le plus proche du collège. On vient de taper à ma porte pour évacuer. C'est clairement une attaque sur Koro

Toute la classe se ruaient vers le collège. Eve, encore dans la salle à manger de chez elle, était retournée à table pour finir son repas. Calme. Il fallait qu'elle soit calme. Qu'elle prenne sur elle. Elle se forçait à ignorer les messages de son portable. Elle était trop tête brûlée. Ça lui avait toujours fait défaut.

Les informations héritées d'Isaac étaient prêtes à être utilisées. Elle était prête sur ce point-là. Son bras était encore douloureux mais utilisable en partie.

Eve s'autorisa une nouvelle fois à observer la conversation de la classe. Les élèves les plus proches étaient déjà arrivés devant une barricade devant le collège de Kunugigaoka. Les messages suivants commencèrent à inquiéter la jeune fille.

Taiga Okajima -The pervert : Les gars, regardez les infos c'est grave

L'adolescente ouvrit quelques liens envoyés par son camarade. Koro-sensei était devenu public. Pour l'instant, un discours en direct expliquait la nature de l'attaque sur Kunugigaoka. La classe E était mentionnée comme étant prise en otage par le monstre tentaculaire. Il fallait qu'Eve se casse avant que ses parents ne tombent dessus. Et vite.

— Il faut que je sorte deux minutes, annonça Eve. Je reste dans le quartier et je reviens vite.

Avant de laisser à ses géniteurs le temps de répliquer, Eve claqua la porte de l'entrée et partit en courant vers son collège. Le sweatshirt qu'elle portait commençait déjà à lui tenir trop chaud, mais Eve ignora les signaux de son corps : elle voyait déjà la barricade et la presse arriver.

En sueurs, la britannique s'approcha de sa classe, inquiète. Ils n'avaient pas plus d'informations que ce que leur fournissait la presse. Eve croisa le regard, bien plus sérieux que d'habitude, de Rio. Elle s'approcha de son amie, tout en écoutant les délégués qui tentaient tant bien que mal de comprendre et organiser la situation.

La police devant la barricade regardait trop devant elle et semblait ignorer la foule de curieux et les journalistes qui commençaient doucement à installer leur matériel.

— Carrément l'armée, remarqua Karma avec un rictus amusé. Ça rigole plus ici.

Pourquoi Koro-sensei resté planté là-bas ? Eve eut rapidement sa réponse : autour de leur colline favorite se dressait un dôme luisant. Probablement anti-sensei. Comment tenait-il ? Les éléments qui le formaient étaient-ils proche ?

— Le dôme bloque Koro, non ? demanda Eve.

— Tu le verrais fanfaronner devant nous sinon, répondit Karma, sans quitter la fameuse prison du regard.

— Les bidules qui le forment sont hors d'accès derrière la barricade j'imagine, maugréa Eve.

— Pas forcément, nuança Rio. Si les « bidules » comme tu dis étaient assez proche de Koro-sensei, il pourrait quand même les détruire en balançant des objets dessus.

— Pas d'avion ou quoique ce soit d'aérien, ajouta Karma.

— Donc ça doit pas être loin, déduisit Eve.

La Britannique fit abstraction du brouhaha ambiant pour observer les environs.

— Asano, prononça-t-elle en se souvenant de quelque chose.

— Plait-il ? s'étouffa Karma.

— Les immeubles ! Il avait raison !

Eve utilisa les derniers neurones qui n'étaient pas en train de fondre sous le flot insensé d'informations qu'elle recevait pour envoyer un message :

A Joshua : Dit à Asano qu'il sûrement avait raison pour les immeubles. File-lui mon numéro j'ai besoin de ses infos.

Alors qu'Eve avait terminé d'envoyer ses messages, les journalistes se jetaient sur les élèves de la 3e E. Hinano était en train de se faire alpaguer par une journaliste visiblement trop réjouie par les larmes de l'adolescente.

— On s'en va ! hurla un des élèves de la 3eE.

Essayant de fuir la foule de curieux et de journalistes, les élèves de Kunugigaoka coururent vers des petites routes qu'ils connaissaient maintenant bien. Une fois sûrs d'avoir semé leur poursuivants, les délégués s'exprimèrent :

— Il faut qu'on aille sauver Koro-sensei ! entama Isogai.

— T'as vu la barricade de policier ?!

Bien plus rapidement que prévu, Eve reçut un message d'Asano. Joshua était étrangement quelqu'un de fiable.

« Bien sûr que j'avais raison. Ci-joint les zones suspectes. »

Un semblant de sourire passa fugacement sur le visage de l'adolescente. Avant de répondre à son ancien ennemi, Eve écrivit à l'attention de ses parents :

« Ne croyez pas ce qu'i la télé. Je vous expliquerai. Faites-moi confiance. »

Avant que l'adolescente ne puisse relever la tête, elle se sentit soulevée du sol et l'environnement disparut. Le noir se fit.

…xX*Xx…

— Vous êtes au courant que l'enlèvement sur mineur est un crime ?! hurla Rio à l'attention des caméras.

Les élèves de la 3eE, dépités, attendaient dans une grande pièce blanche, dénuée de toute fenêtre. Un vrai asile.

Eve ruminait. Les précieuses informations qu'elle avait étaient hors de sa portée. Elle aurait pu les faire s'échapper avec tout ça. Mais ils n'avaient aucun moyen de joindre l'extérieur. Presque une semaine qu'ils étaient enfermés ici, et aucun contact ne leur avait été autorisé. Elle espérait au moins que son dernier message avait pu atteindre ses parents, et qu'ils se méfieraient.

Mais le gouvernement était un expert pour mentir aux masses. Cela n'étonnerait pas Eve que ses parents finissent par croire les visages rassurants des agents qui juraient que leur enfant était en sécurité avec le reste de sa classe. Foutaises.

Mais il n'y avait pas grand-chose à faire.

— Mes élèves chéris ! chantonna une voix féminine qu'ils connaissaient bien.

Mais ce serait mal connaître la classe E et leurs professeurs.

…xX*Xx…

Après la visite d'Irina qui leur avait donné le matériel nécessaire pour s'enfuir, la classe E s'était de nouveau séparée quelques instants, le temps de s'équiper pour leur prochaine épreuve. Toujours privée de son portable, Eve se rua chez elle en claquant la porte derrière elle. S'ils observaient les maisons, elle avait peu de temps avant de se faire prendre.

Elle monta quatre à quatre les marches de ses escaliers, et à peine une minute plus tard, était en tenue de combat. En sortant de sa chambre, elle surprit ses parents dans le couloir de l'étage.

— Eve ?

Ses parents se jetèrent sur leur enfant.

— On a reçu ton message ! s'exclama la mère. Ecoute, c'est grave ce qui est arrivé.

Eve eut un sursaut d'espoir à la suite des paroles de sa mère.

— Mais tu n'es pas dans ton état normal. Ça fait quelques semaines que tu es étrange, tout est clair maintenant.

— Que fais-tu ici ? demanda ensuite Mr Bell. Le gouvernement nous a dit que tu étais encore sous protection.

— C'est pas ce que vous croyez, coupa Eve. J'ai pas beaucoup de temps. Je sais que c'est difficile à croire, mais faites-moi confiance, déblatéra l'adolescente. Ils nous ont volés nos portables, je pouvais même plus vous joindre, on a été enlevés contre notre gré et on s'est échappés. Notre prof, c'est le monstre qu'on vous montre à la télé mais il est tout le contraire de ce qu'on vous dit. JE SAIS qu'on doit vous dire des conneries à longueur de journée et vous convaincre qu'on a un syndrome de Stockholm mais croyez-moi.

Les yeux implorants d'Eve fixaient le regard troublé de ses parents. Après un léger silence, sa mère ouvrit la bouche et la referma presque aussitôt.

— Tu as peu de temps, non ? murmura Mrs Bell. Fais juste attention à toi, Eve.

— Reviens vite, ajouta Mr Bell.

Eve serra ses parents contre elle, et courut de nouveau dans ses escaliers pour rejoindre la colline.

— Chéri. J'ai peut-être mal vu mais elle avait une tenue militaire ? soupira Roxanne Bell d'une voix blanche.

— J'ai surtout vu le fourreau pour le couteau personnellement, hésita William Bell.

De nouveau, un nouveau silence envahit la pièce. Encore en train de comprendre la situation inédite qui se déroulait, William Bell fut interrompu dans ses pensées :

— Enfile un manteau, on y va, ordonna la génitrice.

Mr Bell obéit sans dire un mot. Le ton de sa femme était sans équivoque. Si sa fille avait bien raison et que depuis sept jours, Roxanne Bell faisait des insomnies alors que sa progéniture était retenue contre son gré, le gouvernement pouvait d'ores et déjà trembler.

…xX*Xx…

Sur cette irremplaçable colline qui surplombait Kugunigaoka, le temps semblait être suspendu. La classe d'apprentis assassins parcourait mètre par mètre la distance qui les séparait de leur professeur.

Pour l'instant, c'était simple. Leurs ennemis jouaient sur leur terrain. Les arbres, les cachettes, les bruits. Ils les connaissaient par cœur. Même le boss avait été battu. Mais ils n'avaient pas le temps de fêter ça.

Même si le chef des troupes ennemies était plus fort que Karasuma, ils savaient que ce n'était que le début de leur épreuve. Leur soirée penchait entre le mix de Mission Impossible et Men in Black.

Pourtant, ils étaient à présent au sommet de la colline, devant la vieille bâtisse qui leur servait de salle de classe.

— Koro-sensei !

Les élèves se jetèrent sur leur professeur, non sans asséner quelques coups de couteau dans l'emballement -ils ne le touchèrent évidemment pas-, juste pour se rappeler le bon temps. Eve regarda Rio, qui avait fait un bref détour dans une boulangerie proche avant de repartir à l'attaque.

— On a une surprise pour vous professeur ! s'exclama la blondinette.

Rio déballa délicatement un gâteau d'une banane qu'elle avait accrochée à sa taille. Le sourire du poulpe jaune s'étira lorsque l'odeur sucrée de la pâtisserie atteignit ses organes olfactifs.

— Apparemment, c'est l'anniversaire de votre rencontre avec le professeur Yukimura. Donc joyeux anniversaire !

La classe entama un chant d'anniversaire en chœur, et tout le monde donna du sien. Ils en avaient presque oublié qu'ils avaient été enlevés encore quelques heures plus tôt. Qu'il y a peine quelques minutes, des soldats surentrainés auraient pu les tuer.

A cet instant, ils n'y avaient qu'eux. Seulement cette grande famille qui avait été créée pendant cette année scolaire. Les disputes, les rires, les plans d'assassinats. Ils étaient tous différents mais s'étaient tous acceptés. A cet instant, il n'y avait plus la menace du monde contre leur professeur adoré.

L'instant d'après, le gâteau était tombé. L'instant encore d'après, une bataille commençait.

Deux super monstres s'affrontaient à une vitesse invisible pour l'œil humain. Une danse supersonique se déchainait sur cette colline qu'ils connaissaient tant. Eve ne pouvait pas voir leur bataille et pourtant elle savait que son professeur n'était pas en bonne posture.

Elle devait faire quelque chose. Ils devaient faire quelques chose. Mais en jetant des regards à ses camarades, ils arrivaient à la même conclusion : ils ne pouvaient rien faire.

Pire, même. Ils étaient un fardeau. Les attaques étaient lancées non seulement sur Koro-sensei mais également sur les élèves. Le destin du monde importait peu face à une vie ou deux d'enfants semblait-il.

La classe E tentait de s'éloigner pour enlever la menace d'être pris en otage par leur ennemi.

Quand bien même. L'ancien élève du Dieu de la Mort et Yanagisawa étaient bien plus forts.

Eve voulait faire quelque chose. Elle devait faire quelque chose. Les souvenirs remontèrent dans sa mémoire : elle s'était déjà interposée entre Itona et Koro. Et elle avait souffert une bonne semaine. Là, si elle y allait, il n'y avait aucun doute : elle mourrait.

Pourtant, une ombre passa devant elle.

A cet instant, elle pensa rêver.

L'instant d'après, un éclair vert tomba à terre. Kayano. Un trou béant dans la poitrine, la collégienne gisait sur les brins d'herbes humides de la nuit qui venait à peine de tomber. L'herbe se teinta doucement de rouge.

Non. Non non non.

Du rouge. Encore du rouge. Encore beaucoup trop de rouge.

Le combat lui, comme indifférent continua. Eve avait arrêté de suivre. C'était encore le rouge. Encore la mort. Celle d'Isaac se superposait beaucoup trop facilement. Et elle connaissait la suite logique de l'histoire. Ce qui se déroula ensuite, Eve ne s'en souvenait pas. Les coups continuaient de s'enchaîner, mais la jeune fille ne pouvait pas détacher ses yeux de la silhouette de sa camarade. Les minutes passèrent sans que l'Anglaise ne puisse penser. La défunte, dans les bras de Nagisa, pendait tristement, telle une marionnette à qui l'on aurait coupé les fils.

Quand leur professeur s'approcha de ses élèves, il sembla que ses ennemis avaient disparu. Oh. Il avait gagné ?

— Il n'est pas trop tard.

Doucement, des fils translucides, à peine visibles à l'œil nus s'agitèrent autour du corps de Kayano. Ils provenaient de leur professeur, qui n'avait jamais été vu aussi sérieux et concentré. Un à un, ils dansaient, virevoltaient et entouraient la blessure. Peu à peu, elle sembla rétrécir, encore et encore. La peau rougie autour de la blessure se resserrait, jusqu'à ne laisser qu'une étendue lisse. Quand le corps de la collégienne apparut comme neuf, Koro-sensei demanda à Nagisa de poser la jeune fille. Il l'a réanima, et ce qui suivit parut comme un miracle.

Kayano toussa. Ses paupières papillonnèrent quelques instants avant qu'elle ne comprenne : elle était en vie.

— KAYANO !

La classe entière se jeta sur elle, en hurlant à tout va. Elle était maintenant la « miraculée » , « la fille qui a vécu » , « Jésus Christ » et bien d'autres.

Alors que tous les élèves s'extasiaient sur leur camarade revenue d'entre les morts, Koro-sensei s'écroula.

— Je suis épuisé. Ça serait vraiment dommage qu'une tentative d'assassinat soit prévue. Je ne serais vraiment pas capable de la repousser.

Un nouveau silence pesa. La joie ressentie quelques secondes auparavant retomba comme un soufflé. Là-haut, dans la nuit noire, brillait un point lumineux qui éclipsait toutes les étoiles avoisinantes. Cette lumière leur rappela que l'épée de Damoclès pendait toujours au-dessus de leur professeur. Ils n'avaient même pas eu le temps de souffler. Tout s'enchaînait bien trop vite.

La cage. La cage qui enfermait Koro-sensei était formée grâce à des machines positionnées sur le toit de quelques immeubles bien spécifiques. Eve connaissait leur position grâce à Asano-fils. Peut-être que-

— Je sais que c'est difficile pour vous. Mais quoiqu'il se passe ce soir, je mourrais.

La fin de la phrase sonna un glas qui figea les élèves.

— Les tours, prononça Eve. Je connais leur position. On a peut-être le temps de-

— Non Eve. Elles sont probablement protégées, vous n'y accéderez pas, répliqua le professeur.

— Si vous jetez des objets dessus ? tenta une nouvelle fois Eve.

— Il y a des civils autour… rappela Isogai.

— C'est un ancien assassin ! s'emporta Eve. Il sait viser quand même.

— Ça pourrait marcher… supposa Kayano.

Les théories commençaient à se former, les arguments à fuser dans tous les sens.

— Stop.

La classe E se retourna vers Koro-sensei, toujours à terre.

— Je ne tenterais pas de détruire ma cage, au détriment d'innocents. Si la cage persiste, je mourrais de toute façon. Je l'ai accepté. J'aimerais continuer d'enseigner et rester avec vous, mais il faut voir la réalité en face.

De nouveau, le silence revint. Le vent souffla entre les feuilles des chênes de la colline. Les mêmes chênes qui avaient donné leur nom à leur collège. Collège que Koro-sensei ne reverrait jamais.

— Bien. Qui décide de sauver Koro-sensei ?

La classe leva unanimement la main.

— Très bien. Et qui décide de tuer Koro-sensei ?

Cette fois plus hésitantes, les mains se levèrent une à une. Eve se surprit finalement à lever son bras -le valide-, tremblotant, pour ne pas le rabaisser aussitôt. La décision était prise.

Leur assassinat final se déroulerait cette nuit.

Un à un, les élèves se placèrent autour de leur professeur, l'immobilisant. Puis ce fut le tour des secondes les plus longues de la vie d'Eve. Un à un, les élèves étaient appelés. C'était le dernier appel. Elle s'était déjà mise à pleurer alors que Koro n'était qu'au deuxième prénom. Eve était avant-dernière, après Itona qui était arrivé après elle. Les élèves de la classe E répondirent tous, chacun leur tour, aussi fort qu'ils le pouvaient.

— Bell, Eve.

Un « présent » inaudible sortit de la gorge étranglée de sanglots de la jeune fille. Il fallait qu'elle l'accepte. Mais elle était encore dans le déni. Elle pensait à appeler Asano. Lui proposer de vendre son âme s'il parvenait à briser ne serait qu'une des machines qui retenait son professeur enfermé. Appeler les gouvernements. Faire une grève de la faim. Inventer une fake news plus invraisemblable qu'un poulpe jaune censé exploser.

La main de Rio se posa sur celle d'Eve. Elle savait. Elle savait que son amie ne pouvait pas abandonner maintenant. Elle non plus ne le pouvait. Aucun ne le pouvait. Mais aucun ne s'accrochait probablement autant que l'anglaise. Ça se lisait sur son visage rouge vif, à ses yeux qui remuaient sans cesse, à la recherche d'une idée, d'un échappatoire.

— Horibe, Itona.

— Présent.

Toute la classe avait été appelée. A la manière des douze derniers coups de minuits, Koro-sensei avait sonné son propre glas. Nagisa, qui s'était désigné volontaire, était placé de manière à transpercer son cœur d'un couteau anti-sensei. Ces foutus couteaux en caoutchouc inoffensifs. On croirait un jouet d'enfant.

Et pourtant.

D'un coup, tout pression cessa. Une lumière vive éclata : des milliers d'étincelles virevoltaient en s'envolant gentiment. Doucement, lentement, elles flottaient pour rejoindre les cieux. Les élèves éclatèrent en pleurs. Tous.

Eve, le visage déjà couvert de larmes, ne put s'empêcha de fixer chacune des petites particules qui s'envolaient. Elle s'accrochait encore, encore et encore. Ce n'était pas rouge. C'était presque rassurant. Cette mort là n'était pas rouge.

Mais le soudain soulagement qu'elle avait ressenti disparut vite lorsque le dernier point lumineux s'effaça. Il avait disparu avec une lenteur qui paraissait presque être de la compassion. Un au revoir. L'au revoir d'un individu qui avait tellement appris. Qui avait appris plus que quiconque. Et qui leur avait appris bien plus qu'ils n'auraient jamais pu l'imaginer.

Irina et Karasuma observaient impuissant le tourment de leurs élèves. C'était prévisible. Ils le savaient tout deux. Ils ne pouvaient pourtant pas empêcher un pincement au cœur de constater que leurs prévisions s'étaient réalisées.

Eve se releva pour s'éloigner un peu. Elle n'avait plus la force de rien. Elle avait tout fait. Tout donné. Jamais elle n'avait fait autant d'efforts de sa misérable vie. Isaac. Son bras. Elle allait devenir folle. Complétement folle. Ses sacrifices. Tous les gens qu'elle a blessé. Rio. Ses parents. Toutes ces personnes auxquelles elle avait menti. C'était insupportable. Impossible.

— Eve.

Elle se retourna difficilement -elle n'avait pas remarquée qu'elle s'était écroulée. Bien sûr qu'il était là. Il reniflait encore, et ses yeux rougis indiquaient que comme les autres, Karma avait pleuré.

— Ne reste pas là toute seule.

— Je-

— Tu n'as rien à te reprocher. C'est fini.

Eve s'effondra de nouveau. Encore. Comme toujours. Karma l'avait toujours plus ou moins traité de chialeuse, et ce n'était pas aujourd'hui qu'elle allait faire l'effort de changer. Alors que les pensées fusaient encore dans la tête d'Eve, elle sentit un corps chaud contre le sien. Elle s'accrocha à lui comme une bouée de sauvetage.

— Tu as tout fait pour le sauver, continua-t-il en caressant doucement les cheveux de la jeune fille. Tout. Mais c'est fini maintenant.

Sa voix s'était brisée. Eve sentait le corps de l'adolescent se crisper, comme pris de spasmes.

— Il est parti. Il voulait partir comme ça, prononça-t-il entre les sanglots. Je suis sûr qu'il sait tout ce que tu as fait pour lui. C'est sûr. On le sait tous. Tu l'as fait parce que t'es une grosse débile égoïste qui pense qu'elle manquera à personne et qui sait tout mieux que tout le monde. C'est faux. Tu manquerais à des gens. Tu me manquerais.

Eve se mit à pleurer encore plus fort, pour une obscure raison. Karma n'arrivait presque plus à parler au-dessus des sanglots de la jeune fille.

— Tu sais quoi ? T'es tellement pas douée pour faire des trucs mauvais que t'as tué personne. Les mecs sur qui t'a tiré vont bien. Par contre… continua-t-il, toujours en essayant de réfréner ses sanglots. Tu as fait beaucoup de bien. Et c'est pour ça que je m'en remettrais sûrement pas si tu disparaissais.

Eve serra plus fort celui qui la sauvait. Elle voulait le croire. Non, elle le croyait. Il ne parlait jamais pour rien dire, au contraire d'elle.

— Alors reste avec moi. Je resterais là, prononça-t-elle avec peine.

Karma sourit doucement entre les larmes. Il se baissa pour l'embrasser sur le front.

— C'est promis.


Je pense que le dernier chapitre sera le prochain ! Il reste donc un chapitre + chapitre bonus, si vous avez des scènes que vous auriez aimé voir, des questions (sur l'univers ou même moi ?) c'est le moment de les poser !

To be continued..