De nombreuses torches et une multitude de petites bougies peinaient à éclairer le vaste espace sombre. Leur faible lueur permit tout de même au chevalier de discerner cinq trônes de l'autre côté de la pièce : le plus grand et massif semblait présider, encadré par les autres, aux formes et aux tailles variées, disposés symétriquement à ses côtés. Depuis le palier de l'entrée, des escaliers s'enfonçaient dans les ombres des étages, tandis que d'autres descendaient vers le centre de l'endroit, où étaient disposés les maigres éclairages.
Impressionné par les lieux, le guerrier ne remarqua pas tout de suite la jeune femme qui lui tournait le dos, un niveau plus bas, et qui se tenait devant un autre foyer éteint. Il ne voyait d'elle que ses cheveux d'un blond presque blanc, noués en une épaisse tresse tombant jusqu'au creux de ses hanches, qui contrastaient avec sa longue robe noire. Malgré la faible luminosité, il se dégageait tant de grâce de la fine silhouette que le chevalier n'osa pas l'interpeller. En descendant les degrés de pierre qui menaient à elle, il constata que la femme n'était pas seule.
Un guerrier – facilement repérable à l'immense espadon qui dépassait de ses épaules – était assis sur les marches de l'escalier opposé, non loin de la jeune femme. Assis négligemment, le dos courbé, la tête basse, il suivait le nouveau venu d'un regard morne sans piper mot. Il émit un long soupir avant de baisser les yeux vers le sol couvert d'une épaisse couche de cendres.
Le chevalier ne chercha pas à comprendre la signification de ce comportement ; depuis son réveil, il avait vu bien plus étrange qu'un homme qui soupire en le voyant arriver. Il préféra ignorer son frère d'armes pour s'approcher de la femme. Comme si elle avait senti son approche, elle se retourna lentement vers le mort-vivant. Ce dernier fut surpris par le masque de fer finement ouvragé qui dissimulait les yeux de son interlocutrice – il ignorait qu'elle n'en avait point.
- Bienvenue au coin du Feu, Morteflamme, souffla-t-elle d'une voix douce et chaude. Je suis une Gardienne du Feu. J'ai pour devoir de prendre soin du Feu, ainsi que de votre personne.
Elle désigna les trônes vides qui la surplombait d'un geste ample et poursuivit, la voix tout aussi calme.
- Les Seigneurs des Cendres ont déserté leurs trônes et doivent y être ramenés de gré ou de force. Je suis là pour vous aider dans cette entreprise.
La beauté de la jeune femme avait happé toute l'attention du revenant qui, troublé, ne pensa même pas à lui répondre. Il était bien trop occupé à la détailler pour cela. Il admirait les traits fins de son visage clair, les exquises dentelles et broderies qui décoraient l'ensemble de sa tenue, les ravissants colliers qui ornaient son cou, la petite cape qui couvrait ses graciles épaules, l'élégante robe sombre qui tombait si bas qu'elle couvrait ses pieds. Seuls dénotaient les bandages sales et serrés de ses bras et une mince ceinture noire qui glissait négligemment sur ses hanches.
La voix calme de la jeune femme ramena le mort-vivant admiratif à la réalité.
- … Morteflamme ?
Dans un réflexe confus, l'épéiste enleva précipitamment son casque et s'agenouilla, autant pour masquer son embarra que pour rattraper son impolitesse. La Gardienne eu un vague sourire avant de s'incliner en réponse.
Le chevalier se releva, dans l'idée de se présenter à son tour, mais sa mémoire lui faisait défaut. Impossible de souvenir qui il était – ou plutôt qui il avait été. Tout ce qu'il savait c'était que le son de la cloche l'avait ramené à la vie. La Gardienne du Feu lui apprit qu'il n'était pas le premier à avoir été appelé, que tous ceux qui l'avaient précédé possédaient aussi la marque des Cendres. Cette marque – que toutes les Morteflammes, ces êtres dont le Feu avait refusé le sacrifice, portaient sur la poitrine – lui permettait de glaner des âmes qui, avec l'aide de la Gardienne, serviraient à le renforcer. Elle ajouta qu'il n'était pas non plus le seul à être parvenu jusqu'au Sanctuaire et que s'il échouait dans sa quête, une autre Morteflamme – encore une – se lèverait pour poursuivre sa tâche.
Peut-être était-ce par fierté, peut-être était-ce par peur de disparaître dans l'oubli s'il venait à faillir, ou simplement parce qu'il en ressentait le besoin, mais le guerrier solitaire ne voulait pas rester anonyme et en fit part à la Gardienne. Cette dernière eu une question simple : quel serait son nom ? Le mort-vivant demeura silencieux de longues minutes.
- Mon nom sera… Hélios. Hélios, le Chercheur de Flamme, dit-il enfin.
La Gardienne joignit les mains sur sa poitrine.
- Bien, Morteflamme Hélios. Puissiez-vous ramener les Seigneurs sur leurs trônes.
- J'en fait le serment, jura solennellement le chevalier en posant à nouveau le genou à terre.
La Morteflamme, son heaume toujours sous le bras, s'avança alors vers le guerrier à l'espadon, qui n'avait pas bougé d'un cil. Ce dernier poussa un nouveau soupir à l'approche du chevalier nouvellement baptisé.
- Vous aussi vous avez fini par revenir d'entre les morts, hein ?
Hélios n'eut pas le temps de répliquer.
- Eh bien vous êtes tout sauf un cas isolé.
Son ton cassant trahissait sa lassitude et son désespoir.
- Décidément, les Morteflammes ne valent rien… La mort elle-même ne veut pas de nous. Ça me file le bourdon.
Sans lever la tête, il poursuivit son monologue avec un sourire désabusé.
- Et on voudrait nous voir traquer les Seigneurs des Cendres et les ramener sur ces fichus trônes… Alors qu'on parle d'authentiques légendes, des êtres capables d'entretenir le Feu, et que nous ne leur arrivons pour notre part même pas à la cheville.
Le chevalier eu un frisson. Il n'avait pas songé à sa quête sous cet angle.
- Vous n'êtes pas de cet avis ?
Le guerrier à l'espadon partit d'un petit rire lugubre avant de soupirer une fois de plus.
- Quelle sinistre farce… lâcha-t-il entre les dents.
Il releva enfin le front pour asséner une dernière réplique d'une voix monocorde.
- Allez donc perdre votre temps et votre espoir dans cette quête insensée. Moi, j'ai déjà baissé les bras…
Le germe du doute naquit dans l'esprit du revenant. Il avait vaincu Gundyr, c'était indéniable – il en était devenu un porteur de braise. Mais de justesse, et les Seigneurs des Cendres devaient être autrement plus puissants qu'un "simple" gardien de cimetière. Hélios, en proie à l'incertitude, demeura de longues minutes debout, en silence, devant le manieur d'espadon. Parviendrait-il à ramener ne serait-ce qu'un Seigneur sur son trône ? À l'atteindre même ?
Le mugissement du vent, imitant le cri d'une ignoble créature, tira le Chercheur de Flamme de ses pensées. Il se ressaisit. Sa condition de mort-vivant l'immunisait contre la douleur en plus de lui garantir autant de tentatives que son moral pourrait en supporter. Il n'avait pas à craindre la Mort, ce qui était un avantage considérable.
Levant les yeux vers les étages, il se fit une autre réflexion : le Sanctuaire avait été le point de départ de nombreuses Morteflammes avant lui, peut-être subsistait-il quelque indice ou babiole qui pourrait l'aider dans cette quête que l'homme à l'espadon estimait vouée à l'échec.
Le chevalier mort-vivant visita les différents paliers du Sanctuaire. Le dernier s'ouvrait sur une plateforme de terre où un arbre de géant semblait veiller pour l'éternité sur ce passage qui menait au clocher. Le guerrier s'approcha du tronc pour y faire une courte prière. Quelque part dans sa mémoire brumeuse, il se souvenait avoir eu un géant parmi ses amis. Aussi, c'est avec un sourire teinté de nostalgie qu'il empocha la graine qu'il trouva au pied de l'arbre.
À l'entrée du clocher, presque en appuis contre la grille noire qui en interdisait l'accès, un corps desséché était recroquevillé sur son dernier trésor : les quelques âmes que cette Morteflamme qui n'avait pu accomplir sa mission était parvenue à amasser. Hélios salua son prédécesseur d'un hochement de tête avant de le dépouiller ; le Chercheur de Flamme aurait besoin de toutes les âmes qu'il pourrait trouver.
La plus haute tour étant fermée, le passage semblait être un cul-de-sac ; mais d'autres avaient été plus curieux. En témoignait un message – identifiable malgré la distance à son aspect incandescent mais illisible d'aussi loin – comme gravé sur les tuiles ocres du toit du Sanctuaire que le dénivelé rendait visible. Un arbre mort, à demi déraciné, étendait ses branches sèches suffisamment près de la toiture pour qu'un être agile puisse l'escalader ; et visiblement quelqu'un ne s'en était pas privé.
Le porte-braise doutait qu'il gagna beaucoup à faire pareilles acrobaties. Mais ce message posé à quelques mètres à peine le narguait. Et si c'était une information importante ? La curiosité l'emporta vite sur la raison. Harnachant tant bien que mal son équipement dans son dos, il entreprit l'ascension de l'arbre.
L'escalade fut laborieuse, mais quand le mort-vivant eut atteint le toit, il pu enfin lire le message. Celui-ci disait simplement "Bon travail". Le chevalier ne retint pas un sourire désabusé, espérant qu'il y aurait plus à découvrir que cette sobre inscription.
Ses efforts furent effectivement récompensés par une vue imprenable – un splendide paysage de toit du monde encadrait un lointain château qui semblait trôner dans les nuages – et une entrée improbable : qu'avait donc l'architecte en tête en faisant une ouverture qui donnait directement sur la charpente de pierre qui soutenait la coupole du Sanctuaire ?
Heureusement pour lui, le chevalier n'était pas sujet au vertige, car la vision de trente mètres de vide aurait pu méchamment le déstabiliser. Il n'était néanmoins pas serein pour autant et préféra progresser lentement sur la corniche de pierre tout juste aussi large que ses épaules. L'endroit était sombre, mais pas assez pour entraver la progression. Cependant, le chevalier était méfiant. S'il y avait des carcasses dehors, un monstre pouvait très bien se cacher sous le toit. C'est donc épée et bouclier en main qu'il jouait les équilibristes au-dessus du vide.
Au croisement de la charpente de pierre, éclairé par un petit puit de lumière, le nid d'un gros oiseau semblait avoir été oublié là. Il n'y avait pas d'œuf, mais quelques plumes laissaient à penser que l'endroit était toujours occupé. Hélios manqua de chuter quand une voix suraiguë entrecoupée de croassements le surprit.
- Vous ! Vous ! Donnez-moi piou-piou-piouuuuu. Donnez-moi boum-bada-boum !
Le guerrier, levant son bouclier par réflexe, ne parvenait pas à apercevoir son interlocuteur. L'écho ne l'aidait pas non plus à localiser l'origine du son. La voix – une voix féminine qui laissait à penser qu'il s'agissait d'une harpie qui s'exprimait du mieux qu'elle pouvait dans le langage des Humains – retentit de nouveau, le ton toujours aussi pressant et impérieux.
- Vous ! Donnez-moi boum-bada-boum !
- "Boum-bada-boum" ? Quelque chose qui explose ? s'enquit le chevalier.
La question n'obtient pas de réponse et l'interlocuteur resta invisible. Le mort-vivant demeura immobile. Il avait beau être au Sanctuaire, était-ce bien raisonnable d'obéir sagement à une voix qui réclamait, sans la moindre explication, une grenade ou quelque chose de similaire ? Certainement pas. Surtout à plus de trente mètres du sol. N'ayant d'autre choix que d'enjamber le tas de branchages et de plumes pour poursuivre sa route, il avança prudemment, le bouclier toujours levé. Et si cette harpie s'en prenait à lui parce qu'il passait au-dessus de son nid ? Redoutant une attaque qu'il ne pourrait voir venir, Hélios franchi prudemment l'obstacle.
La voix n'avait pas bronché ; sa détentrice supposée ne s'était pas montrée. Elle avait juste continué à hurler, tel un perroquet, la même phrase qui réclamait de l'explosif avant de se taire définitivement, comme disparaissant dans les ombres de la coupole.
La Morteflamme intriguée par cet événement étrange haussa les épaules avant de poursuivre son parcours d'équilibriste sur les poutres de pierre.
Le porte-braise leva de nouveau son bouclier. Le pan mur qui interrompait illogiquement la poutre de pierre… ondulait imperceptiblement. Il lui avait fallu de longues secondes pour s'en apercevoir. Méfiant, il y planta la pointe de son épée et s'étonna de ne pas rencontrer de résistance. Il l'enfonça davantage et le mur s'effaça, s'évanouissant comme s'il n'y avait jamais rien eu. "Par quel prodige… ?" Dans le doute, il garda son pavois levé jusqu'au bout du passage où une plateforme l'attendait en contrebas. Le saut qu'exigeait la descente était d'une hauteur non négligeable ; aussi le chevalier eût-il quelques réticences à se laisser tomber – il avait encore moins envie de faire son parcours d'équilibriste en sens inverse. Encore une fois, ses acrobaties furent récompensées : un petit coffret, posé en évidence à même le sol, offrit son premier butin au Traqueur-Seigneurs. L'anneau argenté était à l'effigie d'un serpent, symbole d'avidité, et dont les yeux étaient deux minuscules saphirs. Il suffisait de le passer au doigt pour sentir une étrange magie affluer. "Quels pouvoirs ce bijou peut-il bien abriter ?" se demanda le chevalier curieux. Il ne comprendrait que bien plus tard l'utilité de l'anneau.
La Morteflamme était heureuse de regagner le sol, quand bien même son atterrissage derrière le plus grand et haut des trônes de la salle principale fut douloureux. Se remettant de son étrange itinéraire, le guerrier observa le siège de pierre sur lequel il avait prit appui. De près, il semblait parcouru de minuscules braises – elles étaient à peine visibles et ne ressortaient même pas dans la pénombre des lieux – et quelques mots avaient été taillés à même la roche.
"Sa Sainteté le Roi Lothric, dernier espoir de sa lignée."
Longeant les trônes, il lu rapidement d'autres inscriptions. Celui sur lequel reposaient de nombreuses épées portait l'inscription "Veilleurs des Abysses". Un autre, bien que plus bas, était énorme. Le chevalier comprit vite pourquoi en lisant la ligne gravée dans la pierre. "Yhorm le Géant, de la Capitale profanée". Les deux autres sièges, de l'autre côté de la pièce devaient porter des notes similaires.
Chaque Seigneur avait donc sa place et son épigraphe. Désirant revoir de face les sièges destinés aux Seigneurs des Cendres, le Chercheur de Flamme descendit les escaliers menant à la Gardienne. Il n'était qu'à quelques pas d'elle quand il entendit un bruit régulier – un son clair qui résonnait sans qu'il ne parvienne à en déterminer l'origine. Soudain attiré par ce qu'il identifiait comme le tintement d'un marteau sur l'enclume, le chevalier – oubliant les trônes – se dirigea vers le fond d'un long couloir. Il fut arrêté en chemin par la voix enrouée d'une vieille femme aux yeux bandés, engoncée dans un siège posé contre le mur, qui le salua d'un sourire jauni.
- C'est un plaisir de faire votre connaissance, Morteflamme…
L'interpellé pensa un instant qu'il était ridicule de trouver la femme repoussante – n'étant lui-même qu'un mort-vivant – mais au moins avait-il, lui, gardé une apparence décente. La robe défraîchie de l'ancêtre semblait trop usée pour être encore portée, et de la poussière et des cendres s'accumulaient sur une capuche d'où tombaient des cheveux d'un gris sale raidis par la crasse. Le contraste avec la Gardienne du Feu était… saisissant. Par pure courtoisie, il rendit son salut à la vieille femme. Cette dernière reprit la parole, une pointe de malice dans la voix.
- Je ne suis qu'une humble servante du Sanctuaire. Armes, armures, colifichets et sorts… J'ai nombre de babioles qui peuvent faciliter la vie du voyageur fourbu.
Hélios la dévisagea des pieds à la tête ; il se demandait sincèrement où elle pouvait bien cacher sa marchandise. Elle était bien entourée de quelques pots et vases, mais...
- Et… oui, moi aussi, je suis un Mort-vivant, reprit la vieille, mais pas du genre "solidaire" qui travaille pour des clous. Tâchez de trouver des Âmes, Morteflamme, et apportez-les-moi. Vous devez avoir l'habitude, non ?
Elle lâcha un petit ricanement, indiquant la Gardienne du Feu d'un coup de tête. Le porte-braise fit rapidement le lien, mais demeura coi.
- Qu'est-ce que vous avez à vendre ? demanda-t-il finalement, vaguement méfiant.
Pour toute réponse, la femme sourit en écartant ses mains ridées. Une faible lumière blanchâtre l'entoura, et bientôt, les silhouettes de multiples objets apparurent autour d'elle. On distinguait sans mal diverses plantes, parchemins, projectiles, lames, boucliers et pièces d'armure. Une fois son étonnement passé, le porte-braise analysa l'étal spectral. Rien ne semblait meilleur que ce qu'il possédait déjà. La servante perçut l'hésitation de son client.
- Morteflamme, si mes articles ne sont pas à votre goût... trouvez-moi de la Cendre animique. Grâce à elle, je pourrai confectionner de nouveaux objets.
Elle dévoila une nouvelle fois sa dentition jaunâtre.
- Tirer profit de la mort, n'est-ce pas là notre lot commun, aussi "triste" soit-il ?
Le petit ricanement qui suivit était teinté de mélancolie. Ne sachant que répondre, le Traque-Seigneurs demeura muet et se recentra sur l'étal translucide, avant de se décider à prendre une torche. Un objet utile et peu encombrant qu'il pouvait accrocher à sa ceinture ; la vieille en réclamait trois cent âmes. Était-ce une occasion ? Était-ce bien trop cher pour un simple bâton enroulé de tissu inflammable ? Le chevalier l'ignorait et n'en avait cure. Les carcasses massacrées sur le chemin, et surtout les âmes que portait Gundyr – les nombreuses âmes des revenants ayant perdu leur duel – faisaient largement le compte. La torche se matérialisa dans la main du porte-braise en une gerbe de flammes et, sans qu'il ne sache bien comment, le paiement se fit : un mince filet blanc transparent quitta sa poitrine pour rejoindre la servante. Cette dernière révoqua son étal, voyant bien que son client avait terminé ses achats.
- Tâchez de me trouver d'autres Âmes, Morteflamme.
Elle se fendit d'un petit rire avant de se rencogner dans son siège, marquant la fin de la discussion. Trop heureux de clore ce dialogue à sens unique, Hélios hocha rapidement la tête en guise de salut avant de remettre enfin son heaume et de s'enfoncer plus loin dans le couloir.
Le chevalier mort-vivant fut satisfait de constater qu'il avait vu juste : un forgeron travaillait bel et bien au bout du corridor de pierre – corridor qui se transformait en pont à mi-chemin, pour enjamber une salle plus grande. Éclairé par de petites bougies et la lueur d'un bassin de braises, il martelait sans relâche un morceau de fer blanchi par la chaleur. C'était un homme qui semblait âgé mais que le temps n'était manifestement pas parvenu à diminuer ; sa toison aussi blanche et fournie que sa barbe donnait plus de présence encore à sa massive stature. Des outils et nombre d'armes l'entouraient et, derrière lui, sa forge occupait une pièce entière à elle seule. Le forgeron leva tout juste les yeux de son labeur quand le chevalier s'approcha.
- Eh bien, v'là une nouvelle tête !
Il leva à hauteur de ses yeux la lame encore rouge, fit une petite moue appréciative avant de poser le résultat de son travail dans un tonneau d'eau. Le solide gaillard entrechoqua plusieurs fois ses larges mains, pour en faire tomber cendres et poussières, avant tendre un gant vers le porte-braise. Ce dernier saisit la main tendue, appréciant l'air jovial de son interlocuteur.
- Moi, c'est André. Ce Sanctuaire, c'est mon lieu d'travail. En bon forgeron, j'y bosse sur des armes.
- Je me nomme Hélios, répondit le guerrier, et je cherche-
- … les Seigneurs des Cendres, j'imagine ? l'interrompit le vieux bonhomme.
Le chevalier acquiesça.
- Le voyage s'ra pas de tout r'pos, prévint André. Il vous faudra des armes dignes de c'nom.
Le regard expert de l'artisan s'était posé sur la lame – qu'il devinait usée – qui pendait à la ceinture du Traque-Seigneurs.
- Laissez-moi forger vos armes. J'suis forgeron, c'est mon boulot.
Le guerrier remercia le vieil homme : il apprécierait l'offre quand il aurait plus d'une arme en sa possession. Il ne pouvait céder son unique lame pour le moment.
- C'est vous qui voyez ! C'là dit, les armes et protections en tout genre, c'est du solide, croyez-moi… Mais quand on les malmène, elles finissent par casser. Quand ça s'gâte côté durabilité, faut penser à les r'taper. Il vous suffit d'utiliser d'la poudre ou d'vous r'poser près d'un Feu. Mais si vous avez la poisse et qu'il y a d'la casse, passez m'voir. Je m'chargerai de r'taper tout ça vite fait. Une arme n'apprécie pas d'se faire péter en quatre, parole.
- J'en prend note, sourit la Morteflamme. Merci André.
- Au combat, vos armes, c'est vot' seule famille. Soignez-les, et elles vous l'rendront bien.
Le porte-braise, ayant fait le tour du Sanctuaire, estima que sa mission avait déjà suffisamment attendu. Il retourna auprès de la Gardienne pour lui annoncer son départ imminent.
- Morteflamme, plongez cette lame tortueuse dans le Feu, dit-elle en pointant l'épée noire qui dépassait toujours du dos de son interlocuteur.
Ce dernier demeura interdit. La jeune femme lui apporta immédiatement une explication.
- La marque des Cendres vous guidera jusqu'à la terre des Seigneurs… Lothric… c'est l'endroit où leurs domaines convergent.
Le Feu allait lui permettre de se déplacer ? Voilà qui était surprenant. Le chevalier obéit cependant. L'épée s'enfonça facilement, et presque en même temps, une flamme naquit dans les cendres. Il se retourna vers la Gardienne. Elle lui répondit par de simples mots porteurs d'espoir.
- Au revoir, Morteflamme. Puisse les flammes vous guider.
Hélios hocha la tête avant de reposer la main sur la garde de l'épée noire. Une brume apparut à ses pieds, tournant lentement autour de l'âtre. Alors que son cœur s'était à jamais tut, le chevalier sentit comme une pulsation dans sa poitrine.
Il su. C'était à cet instant que sa quête commençait vraiment.
Le brouillard s'épaissit soudainement, tournoyant de plus en plus vite autour du feu. Comme prit dans l'œil d'un cyclone, le Traque-Seigneurs ne pouvait qu'observer – avec une pointe d'appréhension – le décor disparaître derrière ce mur doré, de cendres et de braises mêlées.
Pour ceux qui auront noté, je pars du même principe que Bloodborne, à savoir que c'est le monstre qui tue le joueur qui récupère ses âmes. Je trouvais ça plus "logique" que de les retrouver par terre, dans une flaque de sang.
Donc Gundyr qui a affronté et tué nombre de Morteflammes a engrangé un certain nombre d'âmes. Il en sera de même pour les autres boss.
