Petit mot de l'auteure : on retourne à la toute fin du film, mais en UA ! Cet OS a été écrit pour la 135e nuit du FoF, sur le thème "Boue".

Merci à Angelica et Marina pour leurs review !


Sa robe était tâchée de boue.

Quelques semaines auparavant, Héloïse aurait pu en être mortifiée. Si elle n'avait jamais été particulièrement précieuse, aimant courir librement dans la nature environnante, elle avait toutefois toujours eu conscience du prix des choses. Gâcher un aussi beau tissu sans culpabiliser lui aurait ainsi paru impensable. Pourtant, c'était bien le cas. Car comme lorsqu'elle était enfant, elle courait à travers les champs. Cela faisait maintenant une heure qu'elle parcourait la campagne à pas de course. Elle était épuisée, avait le souffle court et des points qui lancinaient ses côtes, son corps entier lui criait de cesser de se faire du mal ainsi. Pourtant, elle continuait sa course effrénée - elle ne pouvait pas s'arrêter, ni même que serait-ce que ralentir. Chaque seconde de repos risquait de la faire arriver trop tard.

Alors Héloïse continuait, encore et encore, faisant fi de tout le reste, focalisée vers cette seule pensée : arriver à la plage à temps. Si encore il s'agissait de celle près de chez elle, où Marianne et elle avaient échangées leur premier baiser, elle ne serait pas fait de soucis. Mais la plage qu'elle cherchait à attendre était à l'autre bout de l'île... et si elle arrivait trop tard ? Si elle avait attendu trop longtemps avant de se lancer à travers chemins boueux et les plaines venteuses ? Et si... Elle se refusait de nommer clairement sa peur la plus intense qui causait cette fuite en avait, mais ne pouvait néanmoins l'oublier.

Et si Marianne était déjà partie ?

Héloïse s'en voulait d'avoir aussi peur que la réponse soit « oui », car celle-ci le serait forcément. Elle avait quitté la maison plus tôt, ses valises à la main, après qu'elles se soient dit adieux. Alors pourquoi la peintre serait-elle encore sur la plage ? Héloïse essayait de se rassurer en se disant qu'elle s'était élancée à sa poursuite seulement trente minutes après son départ, qu'en courant le plus vite possible elle parviendrait à rattraper Marianne qui, encombrée par ses valises, allait forcément moins vite. Oui, c'était possible, se rassura Héloïse. Elle arriverait à temps.

Pourtant, lorsqu'elle parvint enfin sur la plage, le bateau qui transportait Marianne était déjà parti. Oh, certes, il n'était pas bien loin, la blonde pouvait encore clairement le percevoir. Mais il était tout de même déjà dans l'eau. Il était trop tard.

Il était trop tard, et pourtant, Héloïse ne put s'empêcher de crier le nom de Marianne.

Bien sûr, cela était vain, à cette distance, il n'y avait aucune chance que celle-ci ne l'entende.

Et pourtant, contre tout attente, Héloïse vit la barque s'immobiliser, avant de faire demi-tour et revenir vers elle.

La jeune femme ne parvenait à croire à ce qu'elle voyait – Marianne, se rapprochant d'elle après l'avoir miraculeusement entendu grâce au vent qui avait porté sa voix. Marianne, dont elle pouvait voir le sourire heureux, bien que légèrement inquiet. Marianne, dont elle n'avait pas envie d'être séparée plus longtemps.

Alors avant même que la barque ne fut arrivée à sa hauteur, elle s'engagea dans l'eau, dans une vaine tentative de la rejoindre.

Bien évidement, elle ne fit pas plus de trois pas dans la mer glacée, et ce fut plutôt Marianne qui la rejoint.

- Héloïse... souffla-t-elle en arrivant à sa hauteur, toujours dans l'embarcation. Tout va bien ?

Évidement qu'elle allait bien, songea Héloïse, puisqu'elles étaient de nouveau ensemble. La sensation de bonheur et de paix qui surgit en elle à pouvoir parler de nouveau avec son aimée la convainquit qu'elle prenait la bonne décision.

- Cela te dérange si je viens avec toi ? Je n'ai rien à t'offrir. Je... je n'ai même pas de bagages. Mais...

- Bien sûr que non, la coupa Marianne. Viens avec moi.

Se disant, elle lui tendit la main pour l'aider à monter, et Héloïse s'en saisit sans regret ni regard en arrière.