Petit mot de l'auteure : ce texte a été écrit pour le calendrier de Nanthana, autour du thème voyage.
Pour la millième fois en un jour, Marianne se dit qu'elle avait complètement perdu la raison.
Elle qui était toujours si organisée, si prévoyante, elle avait décidé d'envoyer valser tout ces principes. Elle n'avait pris le temps que d'appeler son père pour le prévenir qu'elle ne pourrait pas venir à la maison le lendemain pour fêter Noël. « Pourquoi ? » lui avait demandé le peintre, avec un étonnement compréhensible.
« Je vais en Italie » avait répondu Marianne.
Elle n'avait pas développé, et n'en avait pas eu besoin – son père avait comprit. Elle allait en Italie sur un coup de tête, un sac à dos comme seul bagage, sans avoir rien réservé d'autre qu'un billet de train acheté au dernier moment, sans parler un mot d'italien. Et pour dire quoi, de toute façon ? Même en français, elle n'était pas sûre d'arriver à exprimer ce qu'elle voulait dire. Peut-être parce qu'elle ne savait pas du tout ce qu'elle voulait dire.
Mentir ? Dire qu'elle avait changé d'avis et décidé d'assister à la cérémonie, ou qu'elle passait par là ? Mais Marianne avait déjà trop mentit dans sa vie, et elle ne voulait plus tordre son cœur ainsi.
Mais la vérité était-elle vraiment mieux ? Comment pouvait-on dire à son grand amour d'été que l'on avait décidé de tout quitter pour se rendre à Florence dans l'unique but d'empêcher son mariage ? Marianne n'était pas vraiment sûre qu'elle le puisse. Et pourtant, malgré ses doutes, elle avait entreprit ce voyage insensé.
Lorsqu'elle descendit de la gare, il pleuvait.
Tout en se disant qu'il s'agissait peut-être là d'un signe, la brune s'enfonça dans le premier taxi qui rencontra sa route. Elle s'entendit à peine donner l'adresse au taxi. Elle ne l'avait lu qu'une fois, inscrite dans une élégance police sur un faire-part tout aussi élégant. Marianne se souvenait bien du jour où elle l'avait reçu. Son cœur avait arrêté de battre. Héloïse allait se marier, avec un riche florentin. Un mariage organisé par ses parents. Un mariage que n'ignorait pas Marianne, puisqu'il avait été la raison de leur séparation. Cela ne l'avait pas empêché d'avoir eu l'impression de tomber d'une falaise en étant confrontée au petit carton.
Son impression de vide se renforça lorsque le taxi s'arrêta devant l'église qu'elle avait indiquée. Après avoir réglé la course, Marianne sortit. Il pleuvait toujours, mais loin d'en être attristée, elle en fut reconnaissante. La pluie masquait ses larmes.
La brune resta de nombreuses secondes sur le pas de l'église, sans oser rentrer ni partir. Elle ne sortit de sa transe que lorsqu'un passant manqua de la bousculer, lui faisant prendre conscience de sa situation. Mais qu'est-ce qu'elle faisait ici ? Qu'est-ce qui lui avait pris ? Elle n'avait rien à faire à Florence.
Elle laissa s'échapper de sa gorge un léger rire amer. Qu'est-ce qu'elle était pathétique. Après un dernier regard à la porte en bois, elle se détourna.
Elle avait fait précisément cinq pas lorsqu'elle entendit un « Marianne » lancé au vent.
Mais plus que son nom, ce fut la voix qui la fit se retourner.
Devant elle se tenait la plus belle apparition qui lui avait jamais été donné de voir. Ses cheveux blonds plaqués par la pluie, le souffle court, sa robe blanche formant un halo de lumière, Héloïse se tenait là.
Héloïse était là, et surtout, elle était seule.
-Je me suis enfuie, expliqua-t-elle.
Puis, elle se rapprocha d'elle, et franchit la distance qui séparait leurs lèvres. Lorsqu'elles se séparèrent, à bout de souffle, Marianne sut ce qu'elle voulait dire à Héloïse.
- Bonjour.
Bonjour, un mot si simple, un mot qui sonnait comme une promesse, celle de le dire encore et encore, jour après jour.
Bonjour, une promesse à laquelle Héloïse répondit en prenant sa main et en courant avec elle vers la liberté.
