Bonsoir tout le monde, comment allez-vous ? Pour ma part, j'ai profité de ce week-end de trois jours pour rentrer chez moi et ainsi retrouver ma famille, mon chat, ainsi que ma petite ps3. Ainsi avant de m'enfermer dans un monde de ronronnement et de jeux de rôle, je voulais poster ce chapitre qui j'espère vous plaira.

J'ai en plus retrouvé un rythme d'écriture qui me plaît et j'ai de nouveau des chapitres d'avance pour cette fiction, que j'ai envie de terminer afin de me consacrer à d'autres projets. Enfin cela ne veut pas dire que je compte la bâcler, loin de là, cette fiction est un petit bébé pour moi ! Mais vous verrez mon dossier de fictions, rien que pour Kuroko No Basket... j'ai au moins une dizaine de fictions en cours. Bref, ces derniers temps j'ai décidé de me consacrer à cette fiction et l'avancer un maximum ! Et puis Akashi ne me laisse jamais tranquille... toujours à me harceler de nouvelles idées. Du coup, ne pensez pas que cette fiction est prête à être terminée ;)

Réponse aux review :

Haru-carnage : ah l'amour... comme tu dis! Après tout, l'amour, avec un grand A, n'est-il pas une petite graine qui se plante sans que l'on ne le sache et qui grandit petit à petit ? ;)

Laura-067 : Oui, en effet Akashi n'a fait fuir personne. Peut-on dire qu'il commence à s'améliorer haha ? Et en effet, Akashi commence à mieux connaître Kuroko ainsi que ses problèmes, et comme tu dois le penser il continuera peu à peu à en apprendre. Donc non, il ne sait pas encore que Kuroko ne s'accepte pas. Pour ce qui entoure tes questions avec Kagami, ce chapitre répondra-t-il peut-être à quelques-unes ! Pour les autres concernant les deux protagonistes de cette histoire, je te laisse découvrir cela dans les chapitres qui suivront, mais à chacun de tes questions se trouvera une réponse :).

Oh et pour Riko, je comprends mieux ! Mais est-ce qu'elle découvrira que Kuroko "traîne" avec Akashi ha ha ha ~ on verra ça !

Anna-chan17 : Oh une petite nouvelle, bonjour à toi ! :D Je suis tout d'abord heureuse que cette fiction te plaise, et ravie que tu apprécies aussi le monde du cinéma, et que tu le trouves intéressant visité par ma plume! Pour ce qui est des prises de tête... bien évidemment il y en aura, sinon ce serait trop simple d'obtenir le coeur de l'Empereur voyons. Ça ne serait pas amusant, d'une certaine manière (moi, sadique? naaaan). Merci beaucoup d'avoir commenté le chapitre précédent et j'espère que celui-ci te plaira !

Sur ce, je remercie aussi ptitcoeurfragile pour son commentaire et je vous souhaite à tous une très bonne lecture, et n'hésitez pas à commenter ;) Bye !


Le papillon

Scène 13


Il était pour moi la huitième merveille du monde, avec ses joues roses, ses dents blanches ; son regard de femme rêveuse, d'ange peut-être, me déchirait le cœur.

Jack Kerouac


Après la révélation de Kuroko, ou du moins après qu'Akashi ait deviné la sexualité du plus jeune, ils n'en reparlèrent plus. Parfois Kuroko lui lançait des regards incertains, pensant sûrement qu'il se mettrait à changer d'avis ou lui révèlerait une farce, mais Akashi restait silencieux. Kuroko savait parfaitement que le réalisateur n'ignorait pas ses préférences, ou ne faisait pas semblant de ne pas le savoir comme avaient pu le faire ses parents avant que tout n'éclate. Tout simplement, Akashi l'acceptait. Il était accepté tel qu'il était. Et ce fait, au plus profond de son cœur, soulagea Kuroko d'un poids énorme. Peut-être n'était-il pas un être aussi immonde qu'il se l'était imaginé. Peut-être qu'aimer un garçon quand on en était un soi-même, ce n'était pas aussi affreux que cela pouvait paraître. Peut-être que lui aussi avait le droit au bonheur, tout compte fait.

Pour la première fois depuis fort longtemps, Kuroko put passer une nuit sans tourment et se reposer comme il n'en avait plus été capable. Un sommeil sans rêve, réparateur. L'abcès était percé.

Le lendemain, Akashi fut le premier à se réveiller et il quitta l'appartement sans réveiller son colocataire. Après un rapide passage dans la chambre de ce dernier et en découvrant sa silhouette encore emmitouflée sous les couvertures, son chien à ses côtés, Akashi avait décidé de le laisser dormir plus longtemps. Il avait alors déjeuné seul avant de recevoir un appel de Nijimura lui proposant de se voir dans l'après-midi, car selon son ami d'enfance ils avaient des choses à se dire. Akashi savait parfaitement que la proposition de se voir n'en était pas vraiment une. Lorsqu'on connaissait suffisamment le personnage qu'incarnait Nijimura on comprenait que ses propositions n'étaient ni plus ni moins que des ordres ; et si jamais le rouquin décidait de se défiler ou avait d'autres plans, il était assuré que le brun lui tomberait dessus d'une manière ou d'une autre. Nijimura savait se montrer entreprenant lorsqu'il le souhaitait.

Cependant, avant de voir le scénariste Akashi avait déjà quelqu'un à aller voir. Il prit alors sa mallette où il rangeait quelques documents importants, souvent ses scripts ou bien son ordinateur de temps à autre, mais cette fois-ci ce fut une petite enveloppe rectangulaire. Fermant derrière lui son appartement, Akashi monta dans un taxi qui l'attendait en bas de chez lui et se fit conduire vers un quartier côté de Tokyo où auparavant il allait mainte et mainte fois en douce compagnie.

Une fois arrêté à l'endroit indiqué et le paiement réglé, Akashi sortit du véhicule pour se retrouver une énième fois devant cette petite pâtisserie qui en un rien de temps avait su se coter parmi les meilleures et le rester. En poussant la porte vitrée de l'établissement, un petit tintement de clochettes avertit le personnel de son entrée et comme à chaque fois le visage de quelques serveurs se décomposèrent en le voyant mettre les pieds sur leur lieu de travail. La plupart allèrent immédiatement se réfugier en cuisine alors qu'un brun au grain de beauté sous l'œil droit vint l'accueillir avec un chaleureux sourire. Akashi acquiesça simplement avant de lui demander d'appeler le pâtissier en chef.

« Si vous voulez bien me suivre. »

Himuro le guida à sa table habituelle tout en lui laissant le menu avant de disparaître derrière les portes battantes qui menaient à la cuisine. A vrai dire, Akashi ne consulta pas vraiment le menu offert par le serveur puisqu'il le connaissait par cœur à force de venir dans un tel endroit. Ce lieu n'avait d'ailleurs plus aucun secret pour lui ; autant dans sa décoration que dans la composition de toutes ses pâtisseries. L'ambiance était chaleureuse, douce, l'air était sucré et ravivait toute narine à la recherche d'agréables senteurs. Inconsciemment Akashi ferma les yeux pour s'imprégner au maximum de cet endroit qu'il connaissait assurément comme sa poche.

Il fut pourtant sorti de ses songes par une voix lasse. Tout en rouvrant les yeux Akashi découvrit Murasakibara qui ôtait sa toque de chef pour la déposer sur la table et replacer d'une main lasse ses cheveux rebelles, s'asseyant ensuite face à lui. Himuro de son côté allait s'occuper d'autres clients pendant que son employeur s'entretenait avec la célébrité.

« Pourquoi Aka-chin m'a-t-il demandé ? S'enquit son interlocuteur plus pour la forme que par envie.

— Mon dernier film va bientôt sortir en salle et comme je te l'ai promis, je t'apporte deux avant-premières. Tu pourras y aller avec Tatsuya. »

Akashi présenta sous les yeux de Murasakibara sa mallette qu'il ne tarda à ouvrir pour en sortir la petite enveloppe. Il la tendit aussitôt au pâtissier qui la prit entre ses longs doigts et l'entrouvrit pour y retirer les avant-premières. Aucune émotion ne se dessina sur le visage de Murasakibara, tout comme ses yeux ne brillèrent pas d'une reconnaissance sans borne. Il regardait simplement ces bouts de papier plus épais que la normal.

« Est-ce que je pourrais avoir autant de sucreries que je le souhaite ? Lui demanda-t-il beaucoup plus intéressé cette fois-ci.

— Ce n'est pas compris dans le forfait.

— Aka-chin est radin. Je l'ai pourtant aidé à la réalisation de son film. »

A cette remarque loin d'être innocente, Akashi étira un faible sourire. Murasakibara n'était pas dénué d'émotions, il n'était pas bête, et bien qu'il pouvait paraître désinvolte il se cachait à l'intérieur de ce géant une machine de guerre. Il était évident que c'était mieux d'avoir cet homme de son côté plutôt que l'inverse.

« N'abuse pas de ma gentillesse Atsushi. Si ces places ne t'intéressent pas, tu peux les donner à l'un de tes employés.

— Hm. Nan, ce sont les miennes maintenant. »

Murasakibara replaça les avant-premières à l'intérieur de son enveloppe et glissa cette dernière dans une poche de sa tenue de pâtissier. Il regarda ensuite autour de lui comme s'il découvrait cet endroit pour la première fois, passant et repassant chaque endroit au peigne fin d'un simple regard. Himuro vint déposer un tasse de thé sous le nez d'Akashi en sachant parfaitement que c'était toujours celui que prenait le réalisateur, et Murasakibara profita de la présence de son collègue et amant pour ressortir l'enveloppe désormais à moitié plié sous les yeux de ce dernier. A l'inverse du pâtissier, le seul œil visible du serveur s'illumina de joie et se pencha respectueusement vers l'avant afin de remercier le réalisateur. Quand enfin il se redressa, Akashi put facilement discerner le large sourire qui s'était dessiné sur son visage.

Suite au passage d'Himuro, ce dernier repartant fièrement avec les avant-premières afin que Murasakibara ne les perde pas en chemin, Akashi ne put s'empêcher de repenser à Kuroko. Il en connaissait des hommes qui aimaient d'autres hommes, il en côtoyait la plupart du temps comme en ce moment précis. Et cela ne le dérangeait en rien.

« Aka-chin a l'air songeur. Quelque chose de bien est peut-être arrivé, lui fit remarquer Murasakibara.

— Pas spécialement.

— Hm. »

Un silence s'installa autour de leur table sans que Murasakibara ne soit rappelé en cuisine. A vrai dire, en cette fin de matinée il n'y avait pas grand monde dans la pièce centrale. Les deux hommes n'avaient pas besoin de se parler plus que nécessaire, leur seule présence suffisait. Ils pouvaient ainsi laisser leur esprit voguer selon leur envie. Murasakibara fut pourtant celui qui brisa cette harmonie silencieuse.

« Ça fait un moment que je ne l'ai pas vue, elle va bien ?

— Nous ne nous parlons plus depuis longtemps, Atsushi. Continues-tu de répondre à ses lettres ?

— De temps à autre. Quand j'ai le temps… mais Muro-chin m'occupe le peu de temps qu'il me reste alors pas trop. Je le fais quand j'y pense. »

Akashi acquiesça avant de boire une gorgée de son thé. Il ne comptait pas vraiment poursuivre cette conversation mais il savait par avance qu'imposer quelque chose à Murasakibara était tout sauf une bonne idée. Cet homme avait la mauvaise habitude de toujours faire l'inverse de ce qu'on lui demandait, comme un enfant qui ferait une crise à ses parents. Ce côté de Murasakibara était fort intéressant, et s'il savait s'y prendre, comme souvent, Akashi pouvait obtenir bien des choses grâce à cette personne. En plus d'être un ami, Murasakibara Atsushi était tout comme Nijimura un pilier qui constituait son existence. A un différent niveau.

« Voici l'argent pour le thé. Prenez soin de vous. »

Tout en déposant la monnaie sur la table, Akashi se redressa en prenant en main sa mallette et commença à contourner la table avant que la voix de Murasakibara ne surgisse une nouvelle fois. Le pâtissier s'était à demi retourné sur sa chaise afin de le garder dans son champ de vision, son bras imposant entourant le dossier de sa chaise.

« Aka-chin devrait plus prendre soin de lui que de moi. J'ai Muro-chin pour ça. »

Le réalisateur ne répondit rien et quitta le commerce de son ami sans un mot. Il entendit simplement derrière son dos Himuro le saluer avec un sourire chaleureux avant que les portes ne se referment après son passage. De nouveau à l'extérieur, et décidant de marcher jusqu'à l'appartement de Nijimura pour s'aérer l'esprit, Akashi avait tout à fait saisi l'allusion de Murasakibara. Être avec quelqu'un, avec une personne qui prendrait soin de vous autant dans la santé que dans la maladie, cela ravirait n'importe qui. Cependant, Akashi se savait solitaire.

Il était bien mieux seul.

-x-x-x-

A l'intérieur d'une salle de musculation, Kise soulevait des altères légères qu'il parvenait à lever et abaisser sans trop de mal. Il avait mis autour de ses épaules une serviette et s'épongeait de temps à autre le front, profitant de cette courte pause pour jeter un rapide coup d'œil autour de lui et remarquer que ce garçon n'était encore pas venu aujourd'hui. Le jeune mannequin essayait de venir dans cette salle le plus souvent possible, afin de se muscler et décrocher davantage de contrats mais aussi pour retrouver ce garçon qui l'avait un jour aidé involontairement. Il ne connaissait même pas son nom.

Les aiguilles de l'horloge accrochée à l'un des murs continuèrent de se mouvoir inlassablement, et à l'extérieur le Soleil commençait à faiblir. Kise avait rapidement perdu la notion du temps après avoir compris que ce garçon ne viendrait pas non plus ce jour-là. Il s'était alors entraîné avec acharnement, avec conviction, et se refusait de faiblir lorsque son corps commençait à montrer des signes de fatigues ; plus tôt il aurait pris du muscle et mieux ça vaudrait.

La sonnerie de son téléphone l'arrêta cependant dans son entraînement et tout en s'épongeant le visage, son souffle irrégulier, Kise sortit l'appareil de son sac de sport et décrocha sans se poser de question. Le numéro qui s'était affiché correspondait à celui de son manager.

« Tu as bientôt terminé ton entraînement ? Je passe te chercher pour t'emmener à un shooting. »

Une fois que son manager lui indiqua l'endroit où se retrouver, et après que Kise ait prévenu qu'il devait prendre une douche, ils raccrochèrent. Kise regroupa ensuite ses affaires avant de les ranger et se diriger vers les vestiaires.

Une fois propre et à l'air frais, Kise n'eut aucun mal à retrouver la voiture de son manager puisque cette dernière s'était garée devant les portes menant à la salle. Il monta ainsi dans la voiture tout en la saluant poliment avant qu'elle ne démarre de nouveau et lui explique le projet de la soirée et ce qu'il devrait faire. Pour une fois, et cela depuis bien longtemps, Kise ne ressentit aucun stress ni même angoisse dans le creux de son estomac. Il savait par avance que ce shooting se déroulerait correctement, sans accroche, et pas comme la dernière fois où ces mannequins s'étaient amusés à détruire ces habits dans sa loge. A ce souvenir, un sourire satisfait s'étira sur ses lèvres avant qu'il ne ferme les yeux et ne s'endorme sans véritablement sans rendre compte.

Kise fut bien sûr réveillé plusieurs minutes après lorsque son manager arriva à destination. S'extirpant de la sorte du pays des songes, Kise se frotta paresseusement les yeux avant de quitter la banquette arrière. Il suivit les pas de son agent et pénétra dans le palace loué pour le shooting ; un magnifique endroit où au centre du hall avait été installé une fontaine tout en hauteur qui n'avaient de cesse de ruisseler sur les quelques fleurs qui flottaient sur l'eau. Le sol à ses pieds était si propre qu'il était facile d'y voir son propre reflet et les innombrables baies vitrées rendaient l'endroit si lumineux que cela éblouit un court instant Kise. Autour d'eux le photographe et ses assistants continuaient d'aménager le palace pour qu'il corresponde au mieux avec l'idée qu'ils avaient derrière la tête.

Son manager l'avait prévenu que ce projet allait le faire travailler avec d'autres mannequins pour une marque de vêtements aux tarifs plutôt élevés, et que sûrement le photographe allait leur demander tôt ou tard de poser ensemble tout comme en solo. Kise se souvint alors d'un pareil tournage où il devait poser aux côtés de deux autres garçons, et tandis que le photographe leur indiquait des postures à prendre, Kise devait passer outre les coups de poings qu'il recevait dans le ventre ou bien les talons qu'on lui enfonçait sur ses orteils. C'était invisible pour l'objectif et les yeux des autres, mais ça ne l'était pas pour lui. Il avait dû endurer tout cela ; simplement parce qu'il descend d'un père qui était parvenu à se faire un nom que cela soit au Japon ou dans d'autres pays. Même mort, l'ombre de son père continuait de le malmener.

Seulement, Kise avait parfaitement conscience qu'il pouvait battre son père et un jour s'élever bien plus haut que lui ne l'avait fait de son vivant. Il allait le dépasser, montrer à tout le monde qu'il ne se reposait pas sur la réputation de son père et travaillait sérieusement. Il voulait montrer à la Terre entière qu'il existait, que Kise Ryōta vivait et respirait comme n'importe quel être humain. Par ses propres moyens.

En quittant un instant des yeux tout ce monde qui s'activait à placer le décor et à vérifier les tenues, Kise regarda autour de lui. Sans grande difficulté il vit se dessiner dans un coin reculé du hall une silhouette appuyée contre le mur, les bras croisés contre son torse et un sourire tordu étiré sur son visage. Personne ne semblait le remarquer ou du moins préférait ignorer sa présence. Sur le coin des lèvres de Kise se dessinèrent un sourire et tous ses précédents tourments disparurent. Cette séance allait se dérouler comme sur des roulettes et personne n'essaierait de l'atteindre d'une quelconque manière.

Comme imaginé par le jeune mannequin, ce shooting ne connut aucun dérapage et Kise posa auprès de ses collègues sans que ces derniers n'essaient à un moment ou à un autre de le persécuter. Ils posaient à ses côtés, discutaient avec lui autour d'une bouteille d'eau, avant de fuir du regard cette personne qui les observait de loin comme un loup qui guetterait sa prochaine proie. En voyant ces mannequins s'écraser comme d'autres avant eux depuis qu'il avait formulé ce contrat, Kise se sentit puissant. Il se voyait au-dessus de tous. Avec cet homme dans son jeu, il était intouchable.

De nouveau à l'extérieur, son manager discutant avec le photographe à l'intérieur, Kise profita de l'air frais de la nuit pour se rafraîchir. Il avait hâte de regagner son lit et de se reposer. Une présence vint pourtant l'arracher à sa tranquillité et comme un animal qui sentirait le vent tourner, il frémit avant de sentir une autre odeur que la sienne piquer ses narines. Une épaule frôla consciemment la sienne et tout en regardant dans la même direction, une voix rauque et moqueuse s'extirpa de cette gorge infâme.

« Je ne demande pas de salaire en bon et due forme, mais j'attends des résultats. Je ne suis pas quelqu'un qui vient en aide aux infortunés par gentillesse. »

L'honnêteté de cet homme était à la fois agréable, puisqu'on savait à quoi s'en tenir, mais aussi des plus redoutables. Ces mots qui sortaient de cette bouche comme une musique distordue étaient des plus venimeux. Et plus cet homme en prononçait, et plus le venin s'imprégnait dans les veines de Kise. Dans tout son être se répandait ce poison qui noircissait son âme.

« Alors n'oublie pas notre arrangement Kise. Bon courage à toi. »

Agitant sa main dans la vague tout en s'éloignant de ce blondinet à la tête d'ange, Imayoshi disparut parmi le crépuscule sous les yeux plissés de Kise. Une alarme résonnait en lui, l'appelait, l'interpelait, mais Kise se renfrogna. Il n'écouta pas. Il s'était depuis trop longtemps laissé marcher dessus sans répliquer, sans montrer les dents ; et cela devait cesser dès maintenant.

Et pour cela, pour que le contrat fonctionne et qu'Imayoshi ait son dû, Kise allait devoir donner le meilleur de lui-même. De cette façon, malgré sa fatigue et le fait qu'il aurait mieux à faire ailleurs, Kise savait qu'il devrait retourner le lendemain à la salle de musculation ainsi que tous les autres jours afin d'espérer retomber sur Aomine Daiki. Kise n'avait pas le droit à l'erreur.

-x-x-x-

Au final, Akashi avait passé l'après-midi avec Nijimura sans que le sujet qui semblait intéresser le brun ne soit lancé. Le scénariste l'avait emmené dans une librairie et lui avait fait acheter de nombreux livres centrés sur les histoires amoureuses de leurs protagonistes, il lui fit aussi part de certaines de ses propres aventures et comment celles-ci avaient démarrés pour ensuite se terminer. En sortant de cette librairie, Akashi s'était alors retrouvé avec plusieurs sacs entre ses mains sans que Nijimura ne montre de signe de complaisance et décide de lui en prendre un ou deux. Il était toutefois vrai que le brun n'était gentleman qu'avec les femmes.

Seulement Akashi savait qu'il ne pourrait rien dire. Nijimura était gentil, il était serviable, attentionné, drôle, réfléchi, mais seulement avec les femmes. Lorsque le scénariste se trouvait uniquement en présence d'hommes, sans qu'aucune femme ne soit là pour lui sourire, une toute autre personne se dévoilait sous leurs yeux. Entouré de personnes du même sexe que lui, Nijimura n'était pas attentionné, il n'était pas serviable et devenait même un redoutable stratège pour arriver à ses fins le plus rapidement possible. Ses yeux gris étaient perspicaces, il voyait tout avant que les autres ne le voient et ne le comprennent. Peut-être était-ce justement cela la raison de son talent : sa sensibilité auprès des femmes, sa façon de les comprendre comme s'il en était lui-même une, et sa façon de se comporter uniquement en présence d'hommes. Nijimura Shūzō était les deux faces d'une seule et même pièce, une partie cachée qui pouvait à tout moment recouvrir l'autre et resplendir à son tour.

En tant qu'ami, et une fois que Nijimura avait reconnu la valeur d'une personne, tout était gagné. Nijimura était un allié des plus redoutables puisqu'il avait le bras long, très longs. Et il savait mieux que quiconque jouer de ses relations pour arriver à ses fins. Ainsi pour vouloir s'attaquer à cet homme, il fallait soit être complètement fou ou bien extrêmement bien préparé et armé de preuves en béton armé, sans la moindre faille que quelqu'un pourrait voir.

Désormais assis sur le canapé du salon de Nijimura, ses sacs remplis d'ouvrages à l'eau de rose, Akashi observait son ami faire les cents pas devant lui avec son téléphone contre son oreille. En cours de route le scénariste avait reçu le coup de fil d'une amie qui souhaitait lui faire part de ses problèmes, et en bon conseiller Nijimura avait su tendre son oreille. Et la conversation s'éternisait toujours entre ces deux personnes.

Pendant ce temps, Akashi observa l'appartement de son ami le plus proche. Nijimura n'avait pas opté comme lui pour un grand appartement luxueux, alors qu'il en avait tout à fait les moyens. Son ami était resté simple et avait acheté un petit appartement de taille tout à fait raisonnable : composé de deux chambres, une cuisine ouverte qui permettait de communiquer avec le salon où deux canapés avaient été installés autour de la télévision, légèrement positionné en diagonal. Son appartement était aussi beaucoup plus décoré que le sien ; des couleurs chaudes remplissaient les murs où quelques tableaux offerts par des amies peintres avaient été accrochés, et qui devait sûrement à eux seuls coûter des millions. Des photos les représentants eux deux ainsi que leurs amis de l'époque recouvrait quelques meubles, comme certains trophées gagnés au cours de leurs années d'études. A ces souvenirs, Akashi esquissa un sourire.

Cela faisait bien longtemps qu'il connaissait Nijimura, c'était un fait. Ils s'étaient tous les deux vu grandir, évoluer dans le monde des adultes, et encore aujourd'hui ils trouvaient le moyen de continuer à se voir. Certaines rencontres étaient donc bel et bien de l'ordre du destin, il ne pouvait en être autrement.

« Excuse-moi, je ne m'attendais pas à ce que la conversation s'éternise à ce point.

— Ce n'est pas grave. »

Nijimura lui proposa de lui servir à boire et revint peu de temps après avec une bouteille de vin qu'il avait remportée avec son dernier script au cours d'une soirée. Il les servit dans deux verres à pieds de toute beauté avant de reposer la bouteille contre sa table basse nacrée et tendit le premier verre à Akashi.

« Alors, comment se passe ta cohabitation avec ce gamin ?

— Assez bien. Hier il m'a emmené à une de ses sorties avec le mannequin Kise Ryōta.

— Oh-oh ! Notre petit Akashi commence à faire des sorties entres amis ? » Se moqua aussitôt Nijimura en prenant une gorgée de temps à autres.

Akashi ne releva pas, mais ses yeux firent comprendre à Nijimura d'arrêter immédiatement. Le fait de s'être reçu un nombre incalculable de fois ce regard assassin avait en quelque sorte depuis longtemps immunisé le brun, qui de ce fait, n'en avait pas grand-chose à faire et préféra plutôt étirer un sourire amusé. C'était plus le fait de justement se recevoir les regards noirs d'Akashi qui l'amusait et le poussait à se moquer que la raison même.

« Allons ne te braque pas, je plaisantais !

— Pense alors à revoir ton humour, il est affligeant.

— Merci. Je travaille très dur pour l'entretenir. »

Etirant un large sourire devant le regard exaspéré que lui offrait en ce moment même Akashi, Nijimura était aux anges. Il pourrait passer ses journées à provoquer ce genre de réactions chez Akashi sans jamais s'en lasser. Mine de rien, et les années aidant, Nijimura savait mieux que quiconque qu'Akashi n'était pas aussi inexpressif qu'il voudrait le faire paraître. Seulement, tout ne passait pas par l'expression de son visage mais par son regard et sa façon de bouger, de respirer, et surtout de s'exprimer. Ainsi quand le rouquin commençait à s'énerver, ses paroles devenaient plus sèches, une méchanceté que l'on pourrait caractériser de gratuite comme à l'instant à propos de son humour. En sachant cela, Nijimura en profitait pleinement et savait donc jusqu'où il pouvait pousser sans risquer d'y perdre sa tête.

« Mais dis-moi plutôt comment c'est passé cette journée avec Kuroko et Kise. Tu as fait fuir toutes les filles ?

— Cesse de sourire comme si tu savais tout sur tout. Je n'ai fait fuir personne. Je me suis même intéressée à elles.

— Avant ou après que Kuroko te l'ait suggéré ? »

Le fait qu'Akashi resta silencieux agrandit le sourire de Nijimura. Ce n'était pas qu'il savait tout sur tout, seulement qu'il connaissait par cœur le rouquin. Après l'avoir croisé par hasard en ville avec Kuroko qui avait emmené le rouquin pour leur sortie avec le mannequin, Nijimura s'était monté tout un scénario en tête : le nombre de filles qu'Akashi allait faire pleurer, ou bien effrayer, combien de numéro il pourrait récolter et surtout combien de temps le rouquin arriverait-t-il à supporter cette situation.

« Et ton avis sur cette sortie alors ? Le questionna-t-il pour répondre à ses questions intérieures.

— Elle m'a appris que les femmes aiment beaucoup parler d'elle, et qu'il ne faut jamais laisser à Ryōta le choix des activités. J'ai aussi compris pourquoi Tetsuya avait quitté sa maison.

— Il te l'a dit ? »

Akashi agita négativement sa tête sur les côtés et Nijimura fronça des sourcils. Cela ne pouvait dire qu'une seule chose : le rouquin avait fouiné sans demander l'accord au principal concerné.

« Je trouvais l'attitude de sa famille étrange, alors j'ai profité de l'absence de Tetsuya pour retourner chez lui et prendre ses affaires de cours. Sa propre mère l'a caractérisé d'erreur. Même mon propre père n'est jamais arrivé à de telles extrémités.

— Ton père est un PDG très influent. Tu lui aurais ramené une note qui n'aurait pas été parfaite, il t'aurait traité de la même sorte. La mère de Kuroko est PDG aussi ?

— Tetsuya aime les hommes. »

Nijimura arrêta tout mouvement à l'annonce de son ami, son verre effleurant le bout de ses lèvres sans réellement les toucher. Il reposa ce dernier et vint se gratter la nuque tout en détournant le regard. Tout à coup il n'était plus à l'aise. Tout comme Akashi il n'avait rien contre les homosexuels, il en connaissait tout autant qu'Akashi, mais c'était le sujet en lui-même qui le dérangeait. Le père d'Akashi était une personne très stricte, qui n'acceptait que la perfection, mais là, pour la famille de Kuroko… sa famille, la chair de leur sang, ils l'avaient simplement rejeté parce que leur fils ne rentrait pas dans les normes ?

« Tu as vraiment l'art pour me couper les mots…

— Merci. Je travaille très dur pour l'entretenir. »

Entendre Akashi répéter ses propres mots fit ricaner Nijimura. Touché.

« Enfin… les personnes homophobes sont plus présentes qu'on ne le croirait. Qu'as-tu dit à Kuroko ?

— Que ça ne me dérangeait pas et que j'en connaissais déjà bien avant lui. Et aussi qu'il pouvait continuer à travailler pour moi.

— Serais-tu en train de t'attendrir à son contact ? »

Akashi releva dans sa direction un regard surpris. Il rabaissa aussitôt son attention vers le sol, semblant réfléchir à la question de Nijimura, lancée plus pour amuser la galerie que par constatation. Seulement, le fait qu'Akashi y réfléchisse sérieusement le poussa à son tour à se comporter de la sorte. Est-ce qu'il pouvait s'apercevoir du moindre changement envers son ami d'enfance, depuis que celui-ci avait rencontré ce jeune garçon ? De toute évidence, Akashi sortait beaucoup plus et ne restait plus isolé dans son appartement. Cela Nijimura ne pouvait le nier, mais ce n'était pas un changement exceptionnel en soit. Tout le monde aurait pu le faire avec un peu de détermination et d'audace.

Non, la véritable question était de savoir si la personnalité d'Akashi s'était vue changée d'une quelconque façon, et si surtout son aptitude en société s'était améliorée, au contact de Kuroko.

« Je ne pense pas que je m'attendrisse, mais j'ai pu penser un moment que si jamais je n'avais pas comblé les attentes de mon père, j'aurais pu moi aussi me retrouver à la rue.

— Et j'aurais été là pour t'héberger le temps que tu te remettes sur pieds, tu en es conscient n'est-ce pas ? »

Akashi acquiesça simplement. Il était tout à fait conscient en effet qu'il pouvait totalement avoir confiance en Nijimura, et compter sur lui. Après tout, ils se connaissaient depuis si longtemps et étaient incapables, l'un comme l'autre, Akashi devait bien se l'avouer, de rompre tout contact et de ne plus jamais se revoir. Certaines amitiés persistaient parmi le temps, et parvenaient dès lors à tisser des liens aussi forts qu'entre certains membres de la famille.

« Seulement ce qui me paraît étrange c'est que Tetsuya ait préféré la rue. Il est jeune, il doit avoir des amis ainsi que d'autres membres de sa famille qui l'auraient accepté. Je suis convaincu qu'il a préféré choisir la rue à un toit.

— Ce serait étrange tout de même… qui préférerait être à la rue, même s'il s'agit d'un hôtel miteux ?

— C'est justement pour ça que je m'interroge. Il est certain que Tetsuya ne m'a pas tout dit.

— Je pense que cela est relativement normal… depuis combien de temps vous vous connaissez ? Et puis tu es en quelque sorte son employeur. Laisse-lui du temps, et surtout, ne le brusque pas. Attends qu'il vienne à toi. »

Cette fois-ci Akashi n'acquiesça pas. Il ne semblait pas trop de l'avis de Nijimura et celui-ci soupira ; le brun était parfaitement conscient que le réalisateur était tout sauf patient et qu'une fois une idée en tête, il voulait l'accomplir et ça par tous les moyens possibles. Nijimura connaissait assez Akashi pour savoir que cela ne dérangeait aucunement le rouquin de foncer dans le mettre les deux pieds dans le plat, et ainsi de poser directement la question à Kuroko et si jamais celui-ci ne lui répondait pas, il irait interroger tout l'entourage du bleuté afin d'obtenir des réponses. Tout cela sans se soucier de comment pourrait le vivre Kuroko.

Et c'était là le principal problème d'Akashi Seijūrō : ne pas avoir conscience de la portée de ses actions.

Partiellement agacé, Nijimura chercha dans la poche de sa veste son paquet de cigarette. D'un geste mécanique il en sortit une puis l'alluma pour rapidement en savourer les premières inspirations. En face de lui, Akashi méditait déjà sur la façon d'amener la chose à Kuroko tout en buvant de temps à autre le vin offert par son ami.

« Enfin fais tout de même attention à toi, Akashi, soupira Nijimura tout en expulsant de nouveau un nuage de nicotines.

— Attention à quoi ?

— Que Kuroko ne tombe pas amoureux de toi ! »

Le clin d'œil qui suivit cette ridicule mise en garde suffit à Akashi pour comprendre que Nijimura se fichait de lui. Le scénariste posa sa cigarette par-dessus son cendrier avant de reprendre en main son verre à moitié remplit et d'en boire quelques gorgées, fort amusé par l'expression exaspérée que lui offrait en cet instant Akashi.

« Soit un peu sérieux de temps à autre, ça me faciliterais grandement la vie.

— Si je ne mettais pas un peu d'humour dans ta vie, tu serais encore plus psychorigide que tu ne l'es déjà.

— Sous-entendrais-tu que je suis coincé, Shūzō ? »

Le large sourire qui se dessina sur les lèvres de Nijimura fut sa réponse. Akashi allait alors rétorquer et s'en prendre à son ami mais fort malheureusement, le portable de Nijimura se mit à sonner au même instant. Le brun sauta dès lors sur l'occasion pour échapper à Akashi et partit dans la pièce d'à côté pour répondre au coup de fil, n'ayant à vrai dire même pas pris le temps de regarder le nom qui s'était affiché. Cette personne lui sauvait assurément la vie.

De son côté, Akashi préféra dévisager ce lâche qui fuyait le combat avant de se décider à rentrer. Il remercia à voix haute tout en restant bref l'hospitalité de Nijimura avant de prendre ses sachets plastiques contenant les nombreux romans à l'eau de rose achetés dans la journée. Il appela cette fois-ci un taxi puisqu'il ne comptait assurément pas faire tous le trajet à pied avec la charge qu'il devait supporter depuis que Nijimura l'avait traîné dans de multiples librairies. Une fois confortablement installé dans la voiture avec ses achats dans le coffre, le portable d'Akashi sonna et ce dernier décrocha rapidement.

« Oui Tetsuya ?

— Bonjour Akashi-kun. Je désirais savoir si ce soir vous pensez avoir besoin de moi.

— Es-tu de sorti ?

— Oui. Un ami m'a proposé de dormir chez lui ce soir, est-ce que je peux ? »

Akashi songea à tous ces livres qu'il avait à lire et au fait qu'il ne commencerait assurément pas son script ce soir, seulement ce qui l'intéressa davantage était de savoir avec qui pouvait bien sortir Kuroko. Est-ce que cet ami n'aurait pas pu l'héberger à sa place ? Akashi ressentit immédiatement l'envie de poser la question à Kuroko. Il devait savoir. Ça le démangeait plus que nécessaire et Akashi n'aimait, mais alors pas du tout, ne pas savoir. Il voulait être au courant de tout, même des choses insignifiantes, sinon il avait l'impression d'être un ignare et il haïssait cette impression.

Un Akashi doit toujours être au courant de tout. Il se doit de tout savoir avant tout le monde.

Pourtant, Akashi ne dit rien. La question de Kuroko resta en suspens, et le jeune homme patientait docilement à l'extérieur d'un fast-food qu'il avait l'habitude de fréquenter.

« Akashi-kun ? L'appela-t-il toutefois pour être certain de toujours l'avoir au bout du fil.

— Je suis là.

— Si vous ne voulez pas que je sorte pour vous aider, il n'y a pas de soucis. Répondez-moi simplement.

— Tu peux sortir. Seulement assure-toi d'être à l'appartement avant que n'arrive l'heure du repas.

— Oui ! Merci Akashi-kun, passez une bonne soirée. »

Peu de temps après, Akashi raccrocha le premier et observa un instant son téléphone. Il n'avait finalement pas posé sa question et avait même laissé Kuroko passer la nuit autre part que chez lui. Pour la première fois depuis longtemps Akashi découvrit qu'il n'avait pas été plus curieux que nécessaire. Nijimura serait sûrement ravi d'apprendre cela mais à l'idée d'en parler au brun et d'entendre ses moqueries habituelles, Akashi rangea rageusement son téléphone tout en maudissant une énième fois l'existence du scénariste.

Du côté de Kuroko, pour sa part, celui-ci regagna sa place et informa Kagami du fait qu'il pouvait aller avec lui à son petit appartement. Suite à cette annonce le visage du rouquin s'illumina de mille feux avant d'accélérer sa cadence pour engloutir les hamburgers qui formaient une pyramide sur son plateau. Son air ravi plut évidemment à Kuroko qui cependant avait l'estomac noué. Quelque part, il savait qu'il aurait préféré que le célèbre réalisateur refuse qu'il sorte et l'oblige à rentrer chez lui ; mais cela n'avait pas été le cas.

Une fois que Kagami eut terminé de manger, ils allèrent ensemble louer un film avant de marcher d'un même pas jusqu'à l'appartement de Kagami. La fraîcheur de la nuit poussa toutefois les deux garçons à avancer à un pas actif alors que l'un aurait souhaité que cet instant dure une éternité. De temps à autre le regard de Kagami se dirigeait vers Kuroko qui marchait à ses côtés, ses mains enfouies à l'intérieur de sa veste et le regard vers l'avant. Au fond de lui, le lycéen pouvait sentir son cœur battre à toute allure et ses mains devenir moites, ce qui n'avait rien d'agréable et qui le retenait de ne pas prendre celles de Kuroko dans les siennes. Alors il contractait ses poings, sentait l'humidité de ses mains contre le bout de ses doigts, et se mordillait de temps à autre les lèvres.

Peu de temps après, Kagami déposa à la suite de Kuroko son manteau à l'entrée avant de regagner son petit salon. A l'inverse de l'appartement d'Akashi, celui de Kagami était évidemment beaucoup plus petit et moins spacieux, mais ça n'empêchait tout de même pas le lycéen d'avoir son petit confort. Devant son meuble qui supportait sa télévision contre un mur, juste en face se trouvait un immense canapé que Kagami appréciait beaucoup et où il faisait souvent dormir ses invités. Entre le meuble et son canapé se trouvait une petite table basse souvent recouverte de magazines sportifs et des couverts sales de la veille. Le salon était ainsi aménagé avec astuce et malgré le peu de mètres carrés accordé au propriétaire, Kagami avait su en faire quelque chose de sympathique et de chaleureux. La cuisine était accolée au salon sans qu'aucune porte ne délimite les deux espaces. Cette dernière se composait du stricte nécessaire : soit une gazinière, un four ainsi qu'un réfrigérateur et un évier pour faire sa vaisselle. Kagami avait aussi mis des sous de côté pour s'acheter un micro-onde qui s'avérait être très utile lorsque le rouquin était pris de flemme.

Se dirigeant vers la télévision afin de l'allumer et d'insérer le film pour la soirée, Kagami laissa son petit-ami s'installer sur le canapé derrière lui. Ce n'était pas la première fois que Kuroko mettait les pieds dans cet appartement ni même la première fois qu'il y passait la nuit. Les mains sur ses genoux, Kuroko ne se sentit pourtant toujours pas à l'aise. Il y avait l'odeur de Kagami partout. Le rouquin vint par ailleurs s'asseoir à ses côtés après s'être saisi de sa télécommande pour régler le son.

« C'est parti ! » Se réjouit-il tout en lançant le film.

Kuroko acquiesça avec moins d'entrain et vit par la suite la télévision s'assombrirent avant que tout ne se lance. Avec Kagami ils avaient préféré prendre un film d'action où ils ne risquaient pas d'être déçus ni même de s'ennuyer. Le bras par-dessus le dossier du canapé, Kagami avait sa cuisse droite qui touchait celle de Kuroko qui gardait son regard rivé sur les images défilant devant lui. Le jeune homme suivait avec une attention particulière l'histoire afin de se sortir de la tête qu'ils étaient seuls avec Kagami, dans l'appartement de ce dernier, et que rien ni personne ne saurait les déranger. Ce n'était assurément pas Akashi qui allait l'appeler puisqu'il était au courant de sa sortie, ni encore moins un membre de la famille qui désormais n'en avait plus rien à faire de son existence. Il pourrait à la limite recevoir un appel de la part de Kise, mais en vue de l'heure Kuroko ne comptait pas vraiment là-dessus.

Au fur et à mesure que le film avançait et que les personnes affrontaient leurs ennemis, le bras de Kagami descendait pour finalement se reposer sur les épaules de son petit-ami. Kagami savait que malgré les apparences et ce que pouvait laisser transparaître le visage de Kuroko, celui-ci réfléchissait abondamment et pouvait se braquer très rapidement. Il devait donc y aller tout en douceur, au rythme du bleuté, et lui laisser le temps. Cela faisait bientôt quatre mois que Kuroko avait accepté de sortir avec lui, et bientôt deux mois que le bleuté avait quitté sa maison pour habiter chez ce réalisateur à la noix.

Non, définitivement, Kagami ne pouvait pas accepter le fait que son amant habite chez un inconnu. Peut-être qu'au fil des jours Akashi et Kuroko apprenaient à se connaître, à s'apprécier aussi peut-être, mais ce type restait tout de même un inconnu. Qui sait de quoi il serait capable si Kuroko avait le malheur de le mettre en colère, ou s'il se dérobait à ses obligations ? Kagami en frémit rien qu'en y pensant. Ce que lui désirait le plus au monde était le bonheur de ce petit être qui résidait à ses côtés, plus fragile que Kuroko voulait le laisser apparaître.

Le bras de Kagami dorénavant sur ses épaules, le poussant donc à poser sa tête contre son épaule, Kuroko n'était pas très à l'aise. Cependant ce n'était pas tout à fait désagréable et la chaleur corporelle de Kagami lui permettait en outre de se réchauffer et ainsi de ne pas avoir froid. Kuroko prit dès lors un peu plus ses aises et cala correctement sa joue contre l'épaule du rouquin qui étira un sourire victorieux. La suite du film se déroula ensuite sans que Kagami ne tente de conquérir plus de territoire, le simple fait que Kuroko ait accepté son bras lui suffisait amplement. De temps à autre, ils commentaient certaines actions réalisées et Kagami se moquait avant tout des héros qui se faisaient souvent cloués au sol tandis que Kuroko vantait les apparitions toujours distinguées et élégantes des méchants. C'était à se demander si les réalisateurs privilégiaient les méchants aux gentils au niveau scénaristique. Kuroko songea alors à poser la question à Akashi plus tard.

Le générique de fin envahissant un peu plus tard l'écran de télévision poussa Kagami à retirer son bras des épaules de Kuroko et de se redresser tout en mouvant son bras mis en inaction trop longtemps. Face à la télévision, le jeune homme s'accroupit afin d'extraire le DVD et de le remettre dans sa pochette qui était à rendre pour le lendemain afin de ne pas s'embêter à le remettre ce soir. Un coup d'œil rapide à l'horloge indiqua à Kagami qu'il était bientôt vingt-deux heures.

« Le film t'a plu alors ? S'enquit Kagami en se retrouvant face à Kuroko qui n'avait pas quitté le canapé.

— Oui. C'était une très belle fin j'ai trouvé.

— Ouais, c'est clair ! Le héros avait trop la classe ! »

Bien qu'ils continuèrent de discuter du film, Kagami proposa à Kuroko de prendre sa douche avant d'aller se coucher mais le bleuté l'avertit qu'il en avait pris une avant de le rejoindre. Le rouquin s'absenta pourtant pour aller prendre la sienne, non sans avoir entretemps proposé à son amant de boire un verre et de lui permettre de continuer à regarder la télévision.

Dorénavant seul dans le salon, Kuroko réfléchit aux alternatives qui s'offraient à lui. Comme ce n'était pas la première fois qu'il dormait ici, il était parfaitement conscient que Kagami allait lui laisser le choix entre le canapé et son lit ; et que s'il choisissait le canapé bien que cela faisait quatre mois qu'ils étaient ensemble, Kagami ne lui en tiendrait pas rigueur. Cependant Kuroko y réfléchit. Qui faisait encore ça, à leur âge ? Un couple dormait dans un même lit quand l'occasion se présentait, et puis cela ne voulait pas dire qu'il y allait avoir autre chose que dormir. Mais cela ne répondit toutefois pas aux interrogations intérieures de Kuroko qui entendait l'eau de la douche couler un peu plus loin.

Kuroko avait parfaitement confiance en Kagami. Il savait donc que s'ils dormaient ensemble et qu'il disait au rouquin ne pas avoir envie, ce dernier n'insisterait pas ni ne se vexerait. Ceci était un bon point. Néanmoins, en avait-il envie ? En quatre mois, ils auraient déjà pu concrétiser et aller jusqu'au bout. Le sexe n'était pas ce qui effrayait Kuroko. C'était tout autre chose.

L'écoulement de la douche s'arrêta et quelques minutes plus tard, le rouquin revint dans le salon simplement vêtu d'un bas de pyjama et d'une serviette qu'il frottait énergiquement contre ses cheveux. De nombreuses gouttes d'eau perlaient de ses mèches pour venir descendre contre son torse nu permettant à Kuroko de distinguer sa forte musculature qui le firent rougir. Après tout Kagami était son amant, ce torse lui appartenait donc autant qu'il appartenait à son propriétaire, et il était certain que pour son âge Kagami était très bien formé. Kuroko détourna rapidement son regard alors qu'il commençait à sentir ses joues chauffer.

« Tu veux que j'aille te sortir un oreiller et des couvertures ? »

Comme il l'avait prédit, Kagami lui laissait le choix. Ainsi Kuroko ne sut pas lequel était le pire : faire les choses naturellement et silencieusement, et donc comme une évidence dormir à ses côtés, ou le fait que Kagami lui propose deux solutions. Faire un choix entre ces deux choses montrait un intérêt particulier, une décision réfléchie et donc une préférence pour l'un. Et si Kuroko choisissait le lit, c'était clairement pour être plus proche de Kagami. Plus proche de son amant.

« Kagami-kun devrait arrêter de me traiter comme un simple invité. » Murmura-t-il faiblement.

Un large sourire s'empara du visage de Kagami qui aussitôt souleva Kuroko du canapé pour l'enlacer. Les joues de Kuroko s'enflammèrent davantage alors que ses pieds ne touchaient plus le sol, et de nouveau il détourna le regard pour ensuite entendre le rire joyeux de Kagami. Son choix avait de toute évidence grandement satisfait le rouquin qui vint tout d'abord déposer ses lèvres sur le coin de les siennes avant d'étudier avec sérieux son visage.

Regardant de nouveau Kagami, avec toujours les joues légèrement rougeoyantes, Kuroko ne sut quoi penser. Son esprit était loin, comme volée par l'intensité du regard de son compagnon. Alors il ferma ses yeux et se laissa bercer par la situation. Rapidement et tout en douceur, pour ne pas ébranler ce petit être qui se trouvait entre ses bras, Kagami l'embrassa. Le baiser était chaste, sans aucune arrière-pensée, et Kuroko ne détesta pas. Il sentit le bras de Kagami se contracter davantage contre son dos tandis que celui qui le soutenait en hauteur se referma davantage contre ses cuisses. Il monta dès lors ses bras des pectoraux de Kagami pour entourer le cou de ce dernier et décolla pendant un instant leurs lèvres afin de reprendre son souffle. Seulement la distance entre leurs deux visages ne s'éternisa pas et Kagami repartit à la conquête de ses lèvres avec un tout petit peu plus d'insistance, en quémandant davantage sans que visiblement Kuroko ne lui inflige des barrières puisque celui-ci se montra coopératif.

Tout en portant Kuroko avec la simple force de ses bras, Kagami les emmena tout deux jusqu'à sa chambre sans décrocher ses lèvres de celles de son amant. Il le laissa ensuite retomber contre son matelas avec délicatesse, déposant à chaque coin de son visage ses mains tout en se demandant s'il pouvait essayer d'aller plus loin. Sous lui, Kuroko avait les bras écartés et le regardait sans méfiance. Alors Kagami essaya ; car ce n'était pas lui s'il renonçait avant même d'avoir essayé un minimum, et déposa de nouveau ses lèvres contre celles de Kuroko tout en descendant sa main droite vers le flanc de son petit-ami. Il le tenait par la taille, par-dessus les vêtements, mais il ne comptait évidemment pas s'arrêter là. Kagami passa en dessous du T-shirt tout en continuant de tenir par la taille Kuroko, et ensuite regarder si cela refroidissait le bleuté ou non. Et puisque Kuroko continuait à répondre à son baiser sans montrer de signes de réticences, Kagami comprit que c'était bon.

Ce fut à son tour de briser l'échange pour venir baiser le front de Kuroko, de lui caresser la joue avant de revenir à son menton pour le soulever légèrement et déposer ses lèvres dans un chaste échange. Kuroko se laissa docilement faire alors que Kagami lui retirait son T-shirt et ancrait par la suite son regard déterminé dans le sien, continuant inlassablement de laisser une chance de l'arrêter et de stopper ainsi les choses. Toutefois, Kuroko ferma simplement ses yeux et pencha sa tête en arrière alors que ses mains vinrent agripper quelques mèches sanglantes de Kagami.

Il voulait savoir s'il était passé au-dessus de ça, si les choses avaient évolué. Ce n'était pas une erreur ; le fait de faire ça avec un autre homme n'était pas anormal. Il pouvait le faire.

Au cours de cette nuit, Kagami lui permit d'en vérifier la portée en le faisant sien avec tendresse et amour. Là-dessus Kuroko ne pouvait pas se plaindre : Kagami était un amant en or, à la fois respectueux et tendre qui ne prenait pas uniquement son propre plaisir en compte et préférait donner à l'autre avant tout. Seulement, Kuroko ne pouvait pas se détacher de cette idée de crasse. Au fond de lui, son cœur s'en rentrouvrit meurtri. Et bien qu'il prenait du plaisir à ne faire qu'un avec Kagami en cet instant, son cœur n'y était pas. Seuls son corps et ses instincts primaires étaient rassasiés, mais son cœur était seul. Terriblement seul. Kagami avait beau l'appeler à de nombreuses repris, à l'embrasser comme si c'était la dernière fois, et lui formuler tout l'amour qui lui portait, Kuroko ne l'entendait pas. Son esprit était obscurcit par tout un tas de pensées sales, perfides, et rebutantes.

Ainsi quand Kagami se coucha bien plus tard à ses côtés, le souffle irrégulier et l'esprit loin de tout cela, Kuroko lui se sentait sale. Rien n'avait changé. Sa gorge se trouva nouée à l'en faire pleurer et il ressentait l'envie irrésistible de prendre une douche brûlante, pendant des heures, jusqu'à enfin se sentir propre. Seulement, l'idée de ressentir de telles choses après avoir fait l'amour avec Kagami, qu'il aimait comme le rouquin l'aimait, un acte normalement qui aurait dû être merveilleux, que rien n'aurait pu surpasser, rendait Kuroko encore plus malade. Qu'est-ce qui clochait chez lui ?

Kuroko attendit que Kagami s'endorme profondément avant de quitter le lit, chancelant légèrement sur ses pieds, afin de rejoindre la salle de bain et retirer toutes ces impuretés qui l'entachaient. En remarquant son reflet dans le miroir superposé par-dessus le lavabo, Kuroko remarqua ses cheveux ébouriffés ainsi que les traces rougeoyantes laissées un peu plus tôt par Kagami, parsemés un peu partout sur son corps. Le jeune garçon apporta rapidement sa main contre sa bouche, et contracta sa mâchoire.

Il ne devait pas vomir, ne surtout pas vomir.

Les premières larmes éclatèrent quand Kuroko alluma la douche et que les premières gouttes tombèrent sur ses épaules pour ensuite dévaler sur toute la longueur de son corps. Sans plus attendre, Kuroko cessa de se maintenir debout et ses genoux vinrent claquer contre le sol. L'écoulement de l'eau couvrit par la suite les sanglots du bleuté qui enserrait ses épaules par ses bras, se recroquevillant sur lui-même tandis que plus loin, dans la chambre, Kagami ramena son oreiller contre ses oreilles pour ne plus entendre les sanglots de son petit-ami. Son cœur saignait de désespoir.