Bonsoir/Bonjour tout le monde !

Ouaaaaah ! Je suis TELLEMENT désolée pour cet énorme retard... j'étais tellement concentrée par mes études, pour en finir avec celles-ci (par ailleurs, c'est bon ! je suis diplômée - c'est fini !). Mais du coup, ça a été au détriment de l'écriture...

Mais voici le chapitre 41 de cette fiction, qui non, soyez rassuré(e)s : elle n'est absolument pas abandonnée. Surtout qu'on approche de la fin, et oui ... Donc soyez rassuré(e)s chers et chères lectrices, on ira ensemble jusqu'à la fin de cette histoire et des péripéties d'Akashi et Kuroko, mais aussi tous les autres personnages que nous chérissons.

Merci à Kama-chan59 pour la correction de ce chapitre ! N'hésitez pas à aller faire un tour sur son profil, elle écrit aussi sur du AkaKuro mais aussi sur d'autres couples - pour notre bon plaisir !

Réponses aux review :

Neko-akashi : Merci beaucoup pour ton commentaire ! Mais qu'est-il arrivé à papa-Akashi ? Ce chapitre répondra à tes questions ;) Mais j'espère que la relation d'Akashi et de Kuroko continuera à te faire fondre dans ce chapitre, mais aussi dans les prochains ! Voici en tout cas le chapitre 41 (avec beaucoup de retard et j'ai survécu aux yakuzas :D) Je te souhaite une bonne lecture!

lilylys : Merci beaucoup pour ton commentaire et je suis contente si on trouve qu'il y a matière à réfléchir avec mes textes, c'est un très beau compliment que tu me fais ! Pour l'état du papa-Akashi, voici la réponse à tes questions ;) Je te souhaite une bonne lecture !

Laura-067 : Et oui, notre cher Kise est une demoiselle en détresse dans cette fic XD Mais oui, heureusement que Wakamatsu est intervenu, sinon je crois qu'on aurait pas du tout retrouvé notre cher Kise. Mais pour Kuroko, crois-moi qu'il n'en a pas terminé avec ses tortures et questions sur le monde, son avenir, et sa relation... ce chapitre te le prouvera d'ailleurs ! Je te laisse donc découvrir tout cela dans le chapitre 41, merci beaucoup pour ta fidélité dans les commentaires ! Je te souhaite une bonne lecture.

Gloria : Merci beaucoup pour tes commentaires ! Concernant l'œil d'Akashi, il le perdra. Cela est inévitable, le sujet sera abordé entre lui et Kuroko, mais je t'en dirais pas plus ;) Je te souhaite une bonne lecture!

Miss Yuki 66 : Merci beaucoup pour ton commentaire, mais entre sadique on se comprend non ? ;) Tu verras ce qui c'est passé pour Masaomi à l'intérieur de ce chapitre, alors je te laisse le découvrir. Et ouiii ! Il a enfin terminé, mais Akashi a encore beaucoup de travail avant de retrouver son film en salle. Il est pas sorti de l'auberge le pauvre xD Je te souhaite une bonne lecture !

Absolute sweet : Merci pour ton commentaire ! Et j'ai coupé là car je suis une sa-di-que :D Mais t'inquiète pas, Masaomi est un dur à cuire... ou plutôt un être increvable si on devait demander à ses proches xD Et oui, heureusement que Kise est bien entouré, car sinon je crois que sa fin aurait tourné autrement et que surtout ça ferait longtemps qu'il ne serait plus apparu dans cette histoire haha. En tout cas, je suis contente que le moment KiKasa t'ait plu, il y en aura davantage dans le chapitre 42 ! Je te souhaite une bonne lecture !

ellie27 : Merci pour ton commentaire ! Oui, vive le KiKasa ! Mais est-ce qu'il s'agit d'un énième piège de Masaomi ou est-ce réel ? Je te laisse le découvrir dans ce chapitre ;) Je te souhaite une bonne lecture !

Yarney Liag : Merci pour ton commentaire ! Et oui, Masaomi ne se fait plus tout jeune ;) Je te souhaite une bonne lecture !

Et aussi merci à vous tous pour continuer à suivre cette fiction, l'ajouter à vos favoris ou vos follows. N'hésitez pas à commenter et je vous retrouve la prochaine fois (promis, pas dans 9 mois !).


Le Papillon

Scène 41

Les enfants commencent par aimer leurs parents ; devenus grands, ils les jugent ; quelquefois, ils leur pardonnent.

Oscar Wilde.


Au fur et à mesure que les paysages défilaient à l'intérieur de la voiture envoyée par le majordome de son père, Akashi voyait ses souvenirs d'enfance remonter à la surface. Il se souvint, jeune garçon, courir dans le jardin de leur maison familiale, tendant vers le ciel le dernier dessin qu'il avait fait pour le montrer à ses parents. Il se souvint que sa mère l'avait attrapé et l'avait amené contre sa poitrine, lui souriant le plus tendrement du monde tout en le félicitant. Son père, quant à lui, avait regardé le croquis familial d'un œil critique.

« Rien n'est proportionné. Recommence. »

Le ton sec qu'avait employé son père, avait fait tomber leur sourire. C'était à chaque fois la même rengaine.

Pour le violon.

« Recommence. »

Pour les études, quand il n'obtenait pas un score parfait.

« Recommence. »

Tout ce qu'il pouvait entreprendre pour essayer de contenter son père, pour obtenir son estime et lui faire dire qu'il était fier de lui, Akashi devait toujours et encore recommencer. Ce n'était jamais assez bien. Au cours de son enfance, il n'avait jamais entendu des mots encourageants ou encore moins vu le moindre geste allant dans ce sens. L'éducation rigide instaurée par son père n'était que mots froids et une présence paternel lointaine. Hormis des remontrances et des mots pour le pousser dans ses retranchements, Akashi n'obtint à aucun moment des félicitations de son père.

Akashi Masaomi avait toujours eu cet air sévère, qui s'était renforcé à la suite du décès de sa mère : une des rares personnes à parvenir à le faire sourire et, parfois même, rire.

Sa relation avec son père avait toujours été particulièrement conflictuelle, encore plus lorsqu'il désira prendre son indépendance et voler de ses propres ailes. En grandissant, Akashi avait fini par comprendre que durant toute son enfance et son adolescence, son géniteur avait cherché à le modeler pour en faire un héritier parfait pour leur entreprise familiale. Traversant sa vie comme une partie d'échec, Akashi n'était qu'un pion parmi tant d'autres dans le jeu de Masaomi.

En comprenant cela, qu'il n'était pas plus important qu'un autre, une cassure avait vu le jour.

Cette même cassure qui n'avait fait que s'élargir à chacune de leurs altercations. Son accident à l'œil n'ayant pas été une exception, alors qu'il se trouvait sur son lit d'hôpital, blessé et détruit.

« Je te l'avais dit. Tu aurais dû rester à mes côtés. »

Akashi frémit et contracta ses poings par-dessus son pantalon en se souvenant de leur dispute, ce jour-là. Celle qui fut la plus violente, où il n'avait plus rien à perdre et avait craché au visage de son père toutes ces années de rancœur et de ressentiments. Il avait été cru, virulent et, pour la première fois, avait vu le masque de son père se fissurer. Seulement, il avait été tellement en colère contre lui-même et contre cette personne qu'il n'y avait pas prêté attention.

Cet homme qu'il avait rejeté comme étant son père, qu'il avait même haï pendant plusieurs années… ce même homme impitoyable qui, aujourd'hui, avait fait un arrêt cardiaque.

Ses mains se resserrèrent davantage, à en faire craquer ses jointures, avant qu'une chaleur ne vienne les recouvrir et n'attire son attention. Son regard embué par l'inquiétude trouva celui serein de Kuroko, qui ne lui avait pas laissé le choix que de le laisser l'accompagner. Aucun mot ne se prêtait à la situation, mais de toute évidence, son amant ne comptait pas briser le silence dans lequel ils se trouvaient, bercés par les bruits de la circulation.

Pour le remercier d'être là, à ses côtés, de le soutenir silencieusement, Akashi retourna sa main et laissa celle de Kuroko se glisser à l'intérieur. Son visage vint par la suite se nicher dans le cou de l'adolescent, humant de la sorte son odeur vanillée rassurante. Pour l'instant, il ne voulait pas être Akashi Seijūrō, le fameux réalisateur ou encore le petit ami toujours sûr de lui. En ce moment, il voulait juste être Akashi Seijūrō, l'enfant auquel il ne restait plus qu'un parent.

Le reste du trajet se fit dans ce même silence serein, en quelque sorte reposant. Il n'avait pas à s'inquiéter : son père était une personne robuste et intraitable, même avec la mort. Cette réflexion étira pour la première fois du trajet un sourire sur le coin de ses lèvres.

-x-x-x-

La voiture s'arrêta sur le parking de l'hôtel et, sans plus attendre, Akashi se jeta à l'extérieur et rejoignit le numéro de chambre que leur majordome lui avait communiqué. Il retrouva l'homme âgé dans le couloir, dont l'expression s'illumina en le voyant apparaître.

« Comment va-t-il ? Demanda-t-il sans même prendre le temps de reprendre son souffle.

— Il se repose. Je vais chercher le médecin pour qu'il vous explique la situation, veuillez m'excuser. »

Tout en se penchant respectueusement vers l'avant, le vieil homme se mit en route et salua d'un mouvement de tête Kuroko qui avait fini par rejoindre le rouquin. Hésitant tout d'abord, Kuroko se courba vers l'avant à plusieurs reprises, agité et nerveux, avant de se redresser en entendant le pouffement de rire de l'homme habillé dans un costard taillé sur mesure. Quelques rougeurs agrémentèrent son visage pâle avant de voir le majordome quitter leur couloir et ainsi disparaître.

Son attention se reporta sur Akashi qui s'était positionné devant la vitre qui le séparait de la chambre de son père, pouvant toutefois voir ce dernier allongé sur son lit. Malgré la distance qui les séparait et les yeux fermés de Masaomi qui devait se reposer, Akashi put lire toute la fatigue qui ensevelissait cet homme.

Le médecin arriva quelques minutes plus tard et s'entretint avec le rouquin. Même de loin, le calme de l'hôpital permit à Kuroko d'entendre leur conversation.

« Votre père a eu un trouble du rythme cardiaque. Plus précisément, une fibrillation ventriculaire, son cœur n'est plus parvenu à pomper le sang qui l'alimente. Pour l'instant, il se repose et nous le surveillons au cas où ça devrait se reproduire.

— Si cela recommence ? S'enquit Akashi dont l'inquiétude ne s'atténua pas.

— Les patients qui ont subi une fibrillation ont de hauts risques de subir un autre épisode. C'est pour ça que nous attendons le réveil de votre père pour lui proposer des alternatives pour assurer sa santé dans les jours à venir. »

Bien que Kuroko entendit la suite de la conversation et les alternatives proposées par le médecin, dont le défibrillateur cardioverteur, il se concentra principalement sur son amant. Le voile sombre qui couvrait son visage n'avait pas disparu et ne disparaîtrait sûrement pas tant que son père ne se serait pas réveillé.

Au départ du médecin, il le rejoignit et attendit qu'Akashi le voit avant de glisser sa main dans la sienne. Les mots lui manquaient, mais il n'était pas sûr que le rouquin souhaite l'entendre dire des phrases surfaites, alors l'adolescent préféra garder le silence.

« C'est risible, n'est-ce pas ? » Souffla son amant dans un rire sec, sans joie. « Depuis que je suis assez âgé pour prendre mes propres décisions, je l'ai toujours repoussé ou rejeté. Et me voilà à m'inquiéter et attendre son réveil. S'il décide de se réveiller…

— Le médecin a dit qu'il se réveillerait. Et c'est tout à fait normal… il reste ton père, malgré tout ce que vous avez traversé l'un et l'autre. »

Les yeux hétérochromes le regardèrent un instant avant de se décaler pour observer Masaomi, toujours allongé sur son lit, endormi. Sa main serra un peu plus fort celle de Kuroko et, subitement, la fatigue lui tomba dessus.

« Souhaitez-vous que j'appelle la maison pour préparer votre lit, jeune maître ? L'interrogea leur majordome en le voyant bâiller.

— S'il vous plaît.

— Bien, veuillez m'excuser, alors. »

Le majordome s'éloigna de quelques pas avant de passer un coup de fil. Kuroko le regarda faire avant d'être entraîné vers l'avant, alors qu'Akashi s'asseyait en gardant leurs mains liées. Il se résolut donc à faire de même, la tête de son amant allant aussitôt se poser contre son épaule. Un sourire fleurit sur son visage en entendant son amant lui chuchoter des remerciements, alors que son pouce caressait ce qu'il pouvait couvrir de sa main.

Ils arrivèrent dans la maison d'enfance d'Akashi au petit matin. Kuroko fut aussitôt intimidé par tout le personnel de la maison qui les accueillit, tous alignés les uns aux côtés des autres pour leur faire une allée d'honneur. Avec une même voix, les employés leur souhaitèrent un bon retour et il se courba vers l'avant pour les saluer. La main d'Akashi restée dans la sienne, il avança au même rythme que ce dernier qui, malgré les années passées loin de cet endroit, connaissait encore les lieux comme sa poche.

Cependant, à son inverse, Kuroko découvrit pour la première fois cette maison qui abritait tous les souvenirs d'enfance de son petit ami. Il regarda donc autour de lui avec un regard curieux, observant avec attention l'espace volumineux du salon ou encore du gigantesque escalier où s'étendait un tapis rouge vif. Il les monta à la suite d'Akashi, se doutant que l'étage devait servir aux chambres. Sans surprise lorsque son amant ouvrit sa porte, Kuroko put y voir au bout de la pièce un lit double. Sa surprise se dirigea plutôt sur les décorations apportées au mur, des dessins d'enfant ainsi que des récompenses pour des récitals de violon et d'autres concours auxquels avait pu participer le rouquin.

Sa main fut soudainement libérée, au même instant où il entendit Akashi se laisser tomber sur les draps propres. Un sourire s'étendit sur ses lèvres en voyant l'adulte économiser le plus possible ses forces pour enlever sa veste, sa cravate pour ensuite finir avec sa ceinture. C'était très amusant de le voir agir en produisant le moindre effort, roulant parfois sur lui-même pour venir à bout de ses vêtements.

« C'est toi qui les as dessinés ? Demanda-t-il en se retournant vers les dessins.

— À moins que mon père ne me cache un frère ou une sœur, oui. » Soupira Akashi en retour, tout en se glissant sous ses couvertures.

Kuroko dirigea un regard noir vers son amant qui le regardait avec un sourire glissé au coin des lèvres. Il tendit par la suite l'un de ses bras dans la direction de l'adolescent.

« Viens plutôt me rejoindre, au lieu de me mitrailler du regard. »

Ne pouvant lutter contre une telle image d'Akashi, Kuroko ôta à son tour ses chaussures avant de se glisser sous les couvertures. Allongé sur le côté, il put observer le visage de son amant éreinté, son inquiétude et sa panique l'ayant visiblement épuisé.

-x-x-x-

Plus tard dans la journée, le soleil se trouvant haut dans le ciel, Kuroko se réveilla pour remarquer que l'autre partie du lit était vide. Visiblement, Akashi s'était réveillé avant lui et l'avait laissé dans la chambre, seul. Son attention se porta alors sur son téléphone et il découvrit un message envoyé par son amant, il y avait de ça une heure. Akashi lui avait annoncé que son père s'était réveillé et qu'il était parti lui rendre visite. Soulagé de savoir le père de son petit ami réveillé, Kuroko soupira avant de se demander s'il pouvait quitter cette chambre. Après tout, il n'était pas chez lui et il ne savait pas comment se comporter. Ni Akashi, ni le maître des lieux n'étaient présents dans cette immense maison.

Une personne vint alors toquer à la porte, demandant ensuite l'autorisation pour entrer. Après y avoir répondu de façon affirmative, le majordome se montra et le salua poliment.

« Notre jeune maître m'a demandé de vérifier si vous dormiez toujours au bout d'une heure, après son départ. Avez-vous un petit creux, monsieur ?

— Kuroko. Kuroko Tetsuya, se présenta-t-il en sortant rapidement du lit.

— Bien, Kuroko-san. Souhaitez-vous un repas ou plutôt un petit en-cas ? Il est dix-sept heures. »

Réalisant tout à coup l'heure et du fait qu'il avait beaucoup trop dormi, Kuroko s'en voulut. Il se demanda alors pourquoi Akashi ne l'avait pas réveillé en même temps que lui, mais interrompit rapidement le flux de ses pensées en remarquant que le majordome attendait sa réponse.

« Un en-cas, s'il vous plaît.

— Tout de suite. Veuillez bien me suivre. »

Sans se faire prier, Kuroko se joignit aux pas de l'homme âgé en regardant autour de lui avec un peu plus d'attention que lors de son arrivée. Il marqua l'arrêt en observant un portrait familial couvrant un pan de mur, juste avant de descendre les marches. Il y découvrit ainsi le visage de la mère d'Akashi, une femme à la longue chevelure rousse et au sourire tendre, une main posée sur l'épaule de son mari assis sur un fauteuil. Sur un des genoux de Masaomi reposait Akashi qui n'était alors qu'un petit enfant, peut-être n'avait-il que cinq ans. Kuroko sourit en remarquant ses joues joufflues. De toute évidence, le petit Akashi se trouvait crispé devant le photographe, mais une immense fierté se trouvait présente dans ses yeux rougeoyants.

Ses yeux ne quittèrent pas la photographie, passant de la mère au père, sans oublier bien sûr Akashi qu'il voyait pour la première fois avec les deux yeux rouges.

« Il s'agissait d'une belle famille, n'est-ce pas ? » Commenta le majordome, dont la question n'en était pas vraiment une.

Kuroko nota que l'homme se référait au passé et son cœur se serra. Il acquiesça simplement avant de diriger son attention vers son interlocuteur. Depuis combien d'années cet homme travaillait pour la famille Akashi ? Avait-il été présent lors de l'enfance d'Akashi et lors des disputes entre père et fils, mais aussi au cours de la disparition de la femme et mère ? Akashi n'était pas friand des conversations au sujet de son passé, surtout quand celui-ci était relatif à sa famille. Par discrétion, mais surtout parce qu'il l'estimait et l'aimait profondément, Kuroko n'avait jamais posé de questions par lui-même. Il ne le faisait que lorsqu'Akashi s'ouvrait à lui, comme le jour de son anniversaire.

Le majordome ferma un instant les yeux, semblant plongé dans ses souvenirs. Lorsqu'il les rouvrit, il les dirigea vers Kuroko et lui indiqua de le suivre pour rejoindre la cuisine. Un autre homme s'y trouvait, portant, comme tous les employés, une tenue de travail. Ils s'échangèrent quelques mots et il se mit derrière les fourneaux pour préparer son en-cas.

« N'hésitez pas à vous installer, Kuroko-san. Ce sera bientôt prêt. » Lui signala le majordome.

L'adolescent hocha la tête avant de saisir une chaise et de s'y asseoir. Plusieurs assiettes lui furent ensuite présentées et il remercia le cuisinier, qui lui sourit en retour.

-x-x-x-

À l'hôpital, Akashi regarda son père sans dire le moindre mot. Il avait perdu le fil des minutes, du temps qu'il passait à observer cet homme allongé sur ce lit d'hôpital et ce dernier faisait de même avec lui. Tous deux partageaient les mêmes souvenirs dans ce type d'endroit, que ce soit pour leur mère ou pour lui. De plus, ils avaient tous les deux perdu l'habitude de discuter ensemble sans s'injurier et perdre leur calme. Ils avaient pourtant tant à se dire, mais ne savaient pas comment faire, ni comment commencer.

Alors ils se regardaient dans le blanc des yeux, attendant que l'un d'eux se lance.

« Il a donc fallu que je sois aux portes de la mort pour que tu me rendes visite. »

Akashi plissa ses yeux, croisant ses bras contre son torse. Quelle belle entrée en la matière de la part de son père, mais il n'en était même pas étonné.

« Si c'est pour dire ce genre d'idioties, le silence de tout à l'heure était nettement plus agréable. »

Un rire étouffé échappa à son père, qui s'arrêta presque aussitôt. Il ressentait encore quelques douleurs et rire lui demandait un peu trop d'efforts, mais il avait ri et il put voir la surprise sur le visage de son unique fils.

« Quoi ? Ça m'arrive aussi de rire. Et puis ce silence devenait inquiétant. »

Un soupir traversa Akashi qui déplia ses bras et rapprocha sa chaise du lit de son père. Il plongea cette fois-ci ses yeux hétérochromes dans ceux foncés de Masaomi.

« Ne recommence pas, d'accord ? Les médecins ont préconisé du repos, alors je ne veux voir aucun de tes subalternes dans ces couloirs, surtout en mon absence. Je n'hésiterai pas à employer quelqu'un pour te surveiller et m'appeler si tu tentes quoi que ce soit.

— Et qui s'occupera de l'entreprise pendant mon absence ? Demanda froidement Masaomi, dont le travail représentait à ses yeux toute sa vie depuis de longues années.

— Tu crois vraiment que c'est le plus important, aujourd'hui ? L'entreprise ne va pas s'effondrer parce que tu prends quelques semaines de congés, gronda Akashi.

— Tu n'as jamais compris, ma parole… »

La colère continua d'augmenter en Akashi, qui commençait même à regretter de s'être inquiété pour cette personne. Ses poings se serrèrent et il hésita à quitter la pièce, à repartir à Tokyo et poursuivre son quotidien sans regretter son geste, mais il essaya de prendre sur lui. L'appel de leur majordome ce soir-là, la peur qui l'avait pris au ventre, il repensa à toutes ces choses.

« Si tu meurs, tu n'auras plus la capacité de recommencer, papa. »

Le ton de sa voix, l'appellation qu'il lui donna, fit s'agrandir les yeux de Masaomi. Combien d'année cela faisait-il ? Malgré la rancœur dissimulée dans cette phrase, Masaomi ne s'en soucia pas et resta focalisé sur le « papa » prononcé par son fils. La gorge subitement sèche, il tenta de déglutir sans résultat satisfaisant. À la place, il se servit un verre d'eau et le but doucement. Il utilisa ainsi ce temps pour réfléchir à une réponse, chamboulé.

Comprenant donc qu'il avait marqué le coup, Akashi poursuivit en tentant le moins possible de paraître agressif. Sa visite n'avait pas cet objectif.

« Malgré tous nos désaccords, tu restes important pour moi. Alors s'il te plaît, prends soin de toi.

— Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait à mon fils ? »

De nouveau, Akashi plissa des yeux et commença à se braquer, mais Masaomi agita sa main dans les airs.

« Ce n'est pas ça, Seijūrō. Mais comprends-moi bien, ça doit faire depuis la mort de ta mère que tu ne m'as pas appelé de la sorte.

— Car tu étais mon héros et que je voulais te rendre fier.

— Pourquoi ce soudain élan émotionnel ? Je devrais faire des crises… rassis-toi tout de suite, Seijūrō, clama-t-il.

— Je comprends que nous n'avons pas l'habitude de ce genre de conversations, mais arrête tout de suite de la tourner en dérision. »

Le ton sévère de son fils fit comprendre à Masaomi d'arrêter son manège. Pour la première fois, le jeune homme venait dans son sens, mais il pouvait très vite disparaître et peut-être, cette fois-ci, ne jamais revenir. La cassure entre eux était bien trop large pour s'effacer du jour au lendemain, mais elle pouvait encore s'agrandir davantage, jusqu'au point de non-retour. Et Masaomi savait que ce point de non-retour était bien plus proche qu'une possible réconciliation entre eux. Toutefois, le pas que son fils avait fait dans sa direction partait dans ce sens et l'émotion le prit.

« Tu t'es toujours trompé…

— D'accord, dans ce cas je…

— J'ai toujours été fier de toi. » Le coupa aussitôt Masaomi.

Akashi marqua un temps d'arrêt, cessant tout mouvement pour uniquement porter son regard vers le profil de son père qui regardait l'extérieur. De toute évidence, mal à l'aise.

« Alors pourquoi ? Demanda-t-il, abasourdi.

— Quand j'ai rencontré ta mère, je savais déjà qu'elle avait une santé fragile et ne vivrait pas longtemps. Je savais aussi que si nous avions un enfant, ça tiendrait déjà du miracle. Tu as toujours été notre miracle, Seijūrō. Pour elle, mais aussi pour moi. Mais depuis des générations, le premier enfant doit prendre les rênes de l'entreprise. Je t'ai donc éduqué comme mon père, et son père avant lui, m'ont éduqué. Tu es retourné dans ta chambre, n'est-ce pas ? Pourquoi crois-tu que tous tes diplômes et tes dessins y sont encore accrochés ? »

Masaomi continua encore longtemps, lui expliquant tout à coup le pourquoi du comment depuis sa naissance. Comme un père, il désirait le meilleur pour son enfant et comptait le protéger du monde extérieur, étant peut-être un peu trop possessif et obsessionnel de ce côté-là. Mais jamais il ne l'avait fait dans l'intention de nuire, mais il devait protéger son miracle des personnes mal intentionnées, à cause de leur statut et de leur richesse. Beaucoup de femmes l'avaient approché pour son quotidien, avant sa relation avec Shiori, parfois même pendant et davantage après. De multiples personnes rêvaient et désiraient emprunter le chemin le plus facile et rapide vers un confort assuré.

Son père se déchargea de toutes ces paroles, comme un trop plein de beaucoup de choses. Si son père lui avait tant demandé de recommencer, s'il s'était montré aussi froid au cours de son enfance, c'était uniquement pour lui apprendre dès son plus jeune âge que rien n'était gagné et que dans leur monde, tout n'était pas gentil et rose. Étant le fils de l'illustre Akashi Masaomi, qui avait été avant lui fils d'Akashi Hiroshi et ainsi de suite, il n'avait pas le droit à l'erreur. Des personnes attendaient patiemment qu'il commette une erreur pour lui faire perdre sa place et l'éliminer du monde des affaires.

« Mais là où je n'ai pas tenu mon rôle de père, je le reconnais… c'est lors de la mort de ta mère. Tu n'avais que huit ans et j'ai… je me suis bêtement réfugié dans le travail. »

Tristement, Akashi se souvint de cette période. Il faisait énormément de cauchemars et se réveillait en sursaut, mais jamais ses cris et ses implorations n'avaient fait sortir son père de sa chambre, pour le peu de fois qu'il y était. Même lorsqu'il toquait à sa porte et l'appelait, jamais son père n'avait daigné lui ouvrir. Au cours de cette période, les employés de leur maison avaient plus agi comme une famille que son propre père.

« Tu dois me trouver ridicule, à ne te dévoiler tout ça que maintenant, termina son père d'une voix enrouée d'avoir trop parlé.

— Non. Disons que je te comprends un peu mieux.

— C'est tout ce que tu trouves à dire ? Tenta Masaomi, dubitatif.

— Que veux-tu que je dise d'autre ? Nous nous sommes beaucoup blessés mutuellement. Même si j'ai la raison du pourquoi du comment, la cassure est toujours là. »

Masaomi soupira longuement, mais n'ajouta rien. Son fils avait raison. Son discours n'allait pas effacer des années de rancœurs, il n'avait pas la prétention d'y croire, mais se l'entendre dire ne faisait jamais plaisir.

« Mais je pense que c'est un bon début pour apprendre à se connaître, aujourd'hui. »

Alors à son tour, Akashi se dévoila. Il confia à son père les raisons de son éloignement, de ses insécurités à son égard et bien qu'à plusieurs reprises, Masaomi tenta de le couper pour le contredire, il le fit taire avant de reprendre. Bien que tout n'était pas excusable du côté de son paternel, mais aussi du sien, les deux hommes discutèrent plus en cet après-midi que durant les dix dernières années.

À la fin de la journée, alors que la nuit avait remplacé le jour, une infirmière entra dans la chambre pour leur indiquer que les heures de visites étaient terminées. Akashi se redressa alors, ayant réussi à faire promettre à son père de se reposer et surtout de s'éloigner de son travail. Il promit en retour de revenir avant de retourner à Tokyo.

« Tu es venu seul ? L'interrogea Masaomi, avant qu'il ne quitte la pièce.

— Non. Tetsuya m'a accompagné, il est chez nous en ce moment. Cela te dérange-t-il ?

— Non, tu as bien fait.

— Veux-tu le rencontrer ? Sans test ou interrogatoire ? Proposa-t-il.

— S'il le souhaite. »

L'honnêteté n'étant de toute évidence pas un point fort de son père, Akashi acquiesça tout en souriant. Il le salua une dernière fois avant de rabattre la porte derrière lui et appeler la maison pour qu'on lui envoie une voiture. Il n'arriva que quelques heures après, au son des rires des employés et de celui de Kuroko. Intrigué, il interrogea du regard le majordome qui se tenait à sa droite et qui lui répondit par un léger haussement des épaules. Akashi resta néanmoins dubitatif en remarquant le léger sourire qui était coincé sur les lèvres de cet homme qui l'avait vu grandir et qui avait séché ses larmes au cours de ces nuits où son père s'était montré absent.

Akashi entra alors dans la cuisine où quelques employés étaient assis autour de Kuroko, tenant un album entre les mains. En remarquant sa présence, les hommes et femmes de ménage, mais aussi le cuisinier, se turent et se regardèrent en comprenant qu'ils avaient été pris la main dans le sac. Kuroko se demanda alors pourquoi subitement tout le monde s'était raidi, avant de se retourner et ainsi apercevoir son amant dans l'encadrement de la porte.

Un large sourire vint alors illuminer son visage, habituellement si inexpressif, alors qu'il se décala de l'album pour laisser à Akashi le privilège de voir une photographie de lui en couche culotte. Visiblement, sa mère préparait un gâteau au chocolat et Akashi avait attrapé la cuillère de préparation et s'en pourléchait les doigts, en s'en étant mis partout sur le visage. Sans dire quoi que ce soit, Akashi s'avança pour ensuite tirer une chaise et s'asseoir aux côtés de son petit ami pour parcourir ensemble le reste des photographies.

Ils passèrent le début de soirée à commenter chacun des clichés, Akashi relatant les quelques souvenirs qu'il en avait, parfois complétés par le majordome ou un autre employé. Kuroko put ainsi voir son amant grandir au fur et à mesure des photos, passant de bébé à un jeune garçon, pour ensuite laisser place à un adolescent dont les joues joufflues avaient fait place à un visage un peu plus viril, qui commençait à se dessiner pour devenir celui d'aujourd'hui. Du bout des doigts, pendant que son amant et les employés discutaient ensemble, Kuroko caressa le papier glacé avec un sourire attendri accroché sur ses lèvres.

À l'heure du repas, le majordome les avertit qu'il viendrait les prévenir quand le repas serait servi. Akashi et Kuroko en profitèrent donc pour monter dans la chambre du rouquin, l'album entre les bras de l'adolescent qui, visiblement, ne voulait pas s'en défaire. Pendant l'absence d'Akashi et pendant qu'il mangeait son en-cas, quelques employés les avaient rejoints dans la cuisine et l'avaient longuement épié avant que l'un d'entre eux n'ait le courage de lui adresser directement la parole. C'était pour eux la première fois que le fils de leur employeur amenait une connaissance, mais visiblement plus que cela.

Tout d'abord gêné, Kuroko avait rapidement compris que ces employés se souciaient sincèrement de ce garçon que certains avaient pu voir grandir. Bien qu'il ne pose que rarement des questions à Akashi sur son enfance, Kuroko s'était évidemment posé beaucoup de questions à ce sujet. Nijimura lui avait déjà parlé du collège, où c'était la première fois qu'Akashi se mêlait à des enfants de son âge et suivait les cours comme les autres enfants à la place des cours particuliers chez lui. Mais il n'avait jamais eu d'histoires avant cela, comme avaient pu lui fournir les employés.

Il serra l'album contre sa poitrine au souvenir du récit de la femme de ménage, qui lui racontait le jour où Akashi, quatre ans, avait perdu son lion en peluche. Tous les employés s'étaient pliés en quatre alors que l'enfant retenait ses larmes qui débordaient de ses yeux, qui mentait en disant que ce n'était pas grave s'ils ne le retrouvaient pas et qu'il dormirait comme un grand dès à présent. De toute évidence, dès son plus jeune âge, Akashi avait toujours été particulièrement fier.

« Je ne sais pas quelle histoire ils ont pu te raconter pour que tu sois aussi silencieux, mais pour que tu souries de la sorte… Dois-je avoir peur ? S'en amusa Akashi, qui s'était assis sur un coin de son lit d'enfant.

— Ces personnes t'apprécient beaucoup et c'est touchant, révéla-t-il avec l'émotion discernable dans sa voix.

— Ils sont concernés par rapport à mon bien-être, car c'est leur rôle, le contredit toutefois son amant.

— Tu sais parfaitement que c'est faux. Si cela avait été réellement le cas, ils ne m'auraient jamais posé des questions sur si je te rendais heureux, mais plutôt quel homme tu étais devenu. »

Si Kuroko ne le connaissait pas aussi bien, il aurait sûrement loupé les légères rougeurs qui s'étaient rapidement installées sur les joues d'Akashi avant de disparaître aussitôt. Il déposa précautionneusement l'album sur le bureau du rouquin avant de se rapprocher de celui-ci, caressant du bout des doigts sa joue finement tracée. Les yeux hétérochromes de son amant étaient rivés dans sa direction et comme à chaque fois qu'Akashi le regardait aussi fixement, Kuroko sentit les papillons remplir son ventre.

« Et que leur as-tu répondu ? Poursuivit Akashi, dans un murmure à peine perceptible.

— Que pour ta survie, je devais me tenir éloigné de la cuisine. »

Le ton plaisantin de Kuroko décrocha un rire chez Akashi, qui passa ses mains sur les hanches de son amant avant de le retourner et de le déposer le plus délicatement possible sur le lit. À présent au-dessus de lui, Akashi observa cet homme qu'il avait rencontré un jour de pluie et quel chemin ils avaient parcouru ensemble, depuis cette rencontre. Son cœur se gonfla lorsqu'une paire de lèvres vint couvrir les siennes. Un échange chaste, qui disparut la seconde suivante, mais qui laissa derrière lui une chaleur qui réchauffa entièrement Akashi aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur.

C'était là le pouvoir de Kuroko sur lui : le fait de le faire se sentir au bon endroit et en accord avec ses émotions.

Alors à son tour, il se pencha sur les lèvres de son amant et les effleura tout d'abord des siennes. Il avait envie de profiter de la douceur de cet instant qu'ils partageaient, de rester dans ce cocon de bien-être que lui offrait l'adolescent. Délicatement, il caressa de sa langue la lèvre inférieure de Kuroko, lui quémandant l'entrée avant que celui-ci ne l'accepte et finisse par entrouvrir sa bouche. Un lent ballet se créa alors, où leurs mains vinrent rejoindre la chorégraphie de leurs corps enlacés. Celles d'Akashi passèrent ainsi sous le haut de son petit ami, sentant ainsi sa peau au contact de la sienne, alors que celles de Kuroko vinrent se poser sur la base des cheveux du rouquin. Une douce chaleur se développa à l'intérieur de leur corps, des frissons qui parcoururent leur épiderme lorsque leurs touchés caressaient des zones sensibles et ce même sourire qui restaient accroché à leurs lèvres lorsqu'ils s'éloignaient pour reprendre leur souffle avant de s'embrasser à nouveau.

Au bout de quelques minutes, les deux hommes se séparèrent. Un rire léger les emporta tous les deux, communicatif, et Akashi déposa son front contre celui de son amant.

« Ce n'est pas que je n'ai pas envie de toi, au contraire, mais…

— Ton majordome va bientôt arriver pour nous prévenir que le repas sera servi ? Compléta Kuroko, tout en continuant de sourire.

— Et que ça m'étonnerait même pas que certains employés aient, en ce moment même, l'oreille collée à la porte. »

Tous deux tendirent ainsi l'oreille et crurent entendre des chuchotements, ce qui renforça leurs amusements avant que leurs lèvres ne se rejoignent une dernière fois avant qu'Akashi ne se redresse. Quelques secondes plus tard, le majordome toqua à leur porte et Akashi ne fut pas surpris, après avoir ouvert la porte, de découvrir certaines têtes familières. Il leur sourit sereinement avant de se tourner vers Kuroko, assis sur le lit, et lui tendit sa main.

Tout en se mettant en route pour rejoindre la cuisine, Akashi trouva bon d'ajouter :

« Mon père aimerait te voir, demain. »

Kuroko écarquilla les yeux et les mots lui manquèrent. Les flashs de sa précédente rencontre avec le père de son petit ami lui revinrent en mémoire, de comment ses jambes avaient cessé de le soutenir une fois qu'il avait refermé la porte derrière lui, vidé de toutes leurs forces. Ce n'était pas chose facile de faire face à Akashi Masaomi, encore plus lorsqu'il s'agissait de lui tenir tête. Mais alors que la crainte commençait à l'envahir, il sentit la légère pression qu'exerça Akashi autour de sa main. Il vit par la suite le regard confiant que lui partagea son amant.

Rien qu'avec cela, Kuroko sut que tout se passerait bien.

-x-x-x-

Sur la route de l'hôpital pour rencontrer Akashi Masaomi, Kuroko établissait déjà des sujets de conversations potentiels dans son esprit. Il exclut immédiatement le travail et la santé, mais se rendit bien vite compte que cela ne lui laissait plus grande matière à discuter. À ses côtés, Akashi put voir son amant paraître stoïque de l'extérieur, mais il le connaissait suffisamment à présent pour savoir qu'en cet instant, l'esprit de l'adolescent allait aussi vite que le Shinkansen. Avant de quitter la maison familiale, Kuroko avait insisté pour qu'ils aillent acheter des fruits, afin de les apporter à son père. Le jeune homme avait plusieurs fois accompagné sa grand-mère à l'hôpital et se souvenait que celle-ci s'était toujours plainte de la nourriture servie là-bas.

Une fois arrivés, Akashi se saisit du panier de fruits, pendant que Kuroko garda entre ses mains le bouquet de fleurs. Ils traversèrent les couloirs jusqu'à arriver à la chambre occupée par Masaomi. Kuroko observa l'homme à travers la vitre et sa nervosité l'emporta sur ses résolutions d'être calme et assuré. Après tout, malgré leurs conflits et leurs mésententes, Masaomi restait le père et l'unique parent restant de son petit ami et il souhaitait, comme n'importe qui, obtenir le support de cette personne.

Resté derrière Kuroko, Akashi lui laissa le temps nécessaire pour se calmer et faire de lui-même le premier pas vers Masaomi. De même, il ne lui tiendrait pas rigueur de faire demi-tour et de retourner à la maison. Un discret sourire se glissa néanmoins sur ses lèvres lorsqu'il vit Kuroko glisser la porte sur le côté et entrer dans la pièce.

Respectueusement, Kuroko tendit le bouquet de fleurs, avant de présenter le panier de fruits, qu'Akashi déposa sur une petite table à côté du lit. Le tout dans une même phrase, sans reprendre son souffle. Du coin de l'œil, Akashi observa l'expression de son père qui, le visage imperméable, laissait tout de même entrapercevoir une pointe d'amusement. De toute évidence, celui-ci s'amusait de l'effet qu'il avait sur l'adolescent.

« Cela faisait longtemps. »

Masaomi n'en dit pas plus et vit plutôt la mâchoire de Kuroko se contracter, visiblement son interlocuteur se souvenait de leur dernière interaction. Son regard croisa par la suite celui de son fils, qu'il vit agiter discrètement sa tête sur les côtés pour lui signifier de ne pas trop le titiller. Ce n'était toutefois pas dans ses projets de s'en prendre à Kuroko et, comptant de toute évidence faire la paix avec son fils, Masaomi avait déjà décidé de se montrer agréable. Même si son fils sortait avec un autre homme et qu'il n'était pas d'accord avec le fait qu'il n'aurait aucune descendance pour l'instant, il n'allait pas recommencer la même erreur qu'avec Nijiko.

« Asseyez-vous au lieu de rester debout, voyons. Ce sera mieux pour discuter. »

Après avoir désigné les chaises présentes dans la pièce, Kuroko en prit une et se rapprocha du lit. Il commença à jouer avec ses mains, cherchant un sujet de conversation au plus vite pour éviter de paraître stupide. Malheureusement, il ne s'y connaissait pas assez en politique pour lancer un débat à ce sujet et encore moins en gestion d'entreprise. Il fut soulagé lorsque Masaomi engagea la conversation, l'interrogeant sur ses études et vers quoi il comptait se diriger.

Au fur et à mesure que les mots sortaient de sa bouche et que Masaomi rebondissait, Kuroko se détendit et fut plus naturel. Il se montra honnête et avoua ne pas encore savoir vers quel métier il prétendrait se diriger, mais il parla plus de ses aspirations et, avec des mots judicieux et ouverts à la discussion, Masaomi lui fit part de son expérience. Resté silencieux, Akashi remercia mentalement son père et honnêtement, fut surpris de façon positive. Il s'était douté que son père ferait des efforts, toujours dans ce but de couvrir ce fossé qui les séparait, mais il ne s'était pas attendu à de tels efforts de sa part. Son rejet de Nijiko, mais aussi de Kuroko, avait toujours été immédiat pour diverses raisons. Mais en cet instant présent, Masaomi s'intéressait à Kuroko. Ce qui n'était encore jamais arrivé, même avec ses amis d'enfance comme Nijimura ou tous les autres et encore plus concernant Nijiko.

Le réalisateur fut sorti de ses réflexions par son téléphone qui vibra dans sa poche. Shirogane, le producteur de la plupart de ses films, l'appelait.

« Veuillez m'excuser. Je dois prendre cet appel. »

Ce fut toutefois à peine si les deux hommes l'entendirent. Il sourit discrètement avant de se diriger vers la sortie, les laissant seuls.

À la suite du départ de son fils, qui ne passa pas inaperçu aux yeux observateurs de Masaomi, il attendit que Kuroko finisse de parler pour renchérir. Le jeune homme sentit aussitôt le changement d'atmosphère et remarqua l'absence de son amant, le retrouvant dans le couloir avec son téléphone contre l'oreille. Sa nervosité revint au galop alors qu'il sentait le regard de l'homme allongé à quelques mètres de lui, qui de toute évidence l'étudiait avant de choisir ses mots.

De sorte que lorsqu'il sentit que Masaomi eut fini son observation, un frisson le parcourut de la tête aux pieds et il lia ses mains entre elles.

« Tu fais partie de ces personnes que je tolère, Kuroko. Ceux qui n'hésitent pas à dire leur façon de penser, mais qui, surtout, réfléchissent avant de parler. Et de ce que j'ai pu remarquer, Seijūrō apprécie aussi ce trait de caractère. »

Kuroko acquiesça silencieusement, n'ayant rien à ajouter sur ce point. Il attendit simplement le moment où Masaomi le frapperait de ses mots, de son air condescendant se trouvant à lui seul blessant.

« Je ne sais pas s'il s'agit d'une de ses phases de rébellion ou si votre relation va durer, mais c'est mon unique enfant. Et la famille Akashi ne peut s'éteindre après Seijūrō. Mais ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, je n'ai rien contre le fait que tu sois un homme, simplement… Seijūrō doit avoir un enfant pour faire perdurer notre nom. »

Masaomi étudia à nouveau le visage de son vis-à-vis pour savoir si son message était passé, mais il fut interrompu par Akashi qui entra de nouveau dans la pièce. Le rouquin remarqua l'étrange atmosphère qui couvrait l'espace et alla pour demander des explications lorsque Kuroko l'interrompit.

« Akashi-san m'a juste indiqué que si je veux pouvoir m'occuper des enfants plus tard, le chemin est compliqué. Je ne l'avais pas entièrement réalisé et ça m'a fait un peu peur. »

Tout en étudiant son amant qui lui fournissait cette explication bancale, Akashi dirigea son regard vers son père, qui soutint l'échange silencieux sans laisser transparaître quoi que ce soit. Malheureusement, avec les années et l'expérience, Masaomi savait être un réel filtre et ne rien dévoiler. Il se rabattit alors sur Kuroko qui gigotait sur sa chaise de manière répétée, signe qu'il était de toute évidence mal à l'aise et ce n'était pas le cas à son départ. Quelque chose s'était passé pendant son absence et sa mâchoire se serra.

Après quelques derniers échanges, un médecin entra dans la salle et leur indiqua que Masaomi devait subir encore quelques examens. Akashi et Kuroko prirent ainsi le chemin de la sortie dans le silence le plus complet, chacun plongé dans d'intenses réflexions. Akashi n'aimait pas que Kuroko lui mente, encore plus s'il agissait pour son propre bien et préférait nettement l'honnêteté effrontée de l'adolescent. Seulement, Kuroko réfléchissait aux propos tenus par Masaomi.

Jamais Akashi n'avait montré un attrait particulier envers les hommes avant qu'il n'entre dans sa vie. Le réalisateur n'avait toujours côtoyé que des femmes, peut-être même avait-il envisagé de fonder une famille. À vrai dire, ils n'avaient jamais discuté de ce point. Tout d'abord, car cela était bien trop tôt dans leur relation, mais surtout, car l'instant ne s'y était jamais prêté et que lui-même n'y avait pas réellement réfléchi jusqu'à présent.

Voulait-il lui-même des enfants, avant tout ?

Son regard se porta vers Akashi, qui venait d'ouvrir la portière de la voiture envoyée par leur majordome et qui attendait qu'il y monte le premier. Une fois à l'intérieur, et après qu'Akashi s'y soit installé à son tour, le chauffeur démarra et s'engouffra dans la circulation. Une vitre opaque séparait l'espace conducteur de la banquette arrière, où le couple était installé. Cela leur offrit une certaine intimité, qui permit à Akashi de saisir la main de son amant et de la porter contre sa cuisse.

« Quoi que mon père ait pu te dire, n'en tiens pas compte. Cela fait de nombreuses années que son avis m'importe peu. »

Savoir son amant de son côté et le soutenir de la sorte gonfla le cœur de Kuroko, mais un voile d'ombre resta accroché à ce dernier. Une part de culpabilité, ainsi qu'une petite voix qui ne cessait de lui répéter qu'il entraînait le réalisateur vers le bas, au lieu de se hisser tous les deux vers la lumière. Qu'est-ce qu'une relation homosexuelle pouvait apporter au rouquin, après tout ? Akashi avait la plupart de ce que les personnes désiraient au plus profond d'eux-mêmes : la fortune, la célébrité et des amis précieux. Même s'il n'était pas dans la vie d'Akashi, ou s'il en disparaissait, le rouquin pourrait facilement trouver une autre personne pour partager sa vie et, surtout, lui apporter une famille.

L'émotion le prit à la gorge et, incapable de prononcer quoi que ce soit sans trahir son trouble, il hocha simplement de la tête.

Au cours de la soirée, de retour à la maison familiale d'Akashi, il fut décidé que Kuroko retourne à Tokyo pour qu'il puisse retourner au lycée. Il avait assez collectionné les absences pour en ajouter davantage dans son dossier. Akashi, quant à lui, compta rester un peu plus longtemps à Kyōto pour s'assurer du rétablissement de son père.

Et à l'inverse de leur dernier instant passé dans cette chambre, où ils s'embrassaient et riaient ensemble, ce dernier soir ensemble fut bien différent. Car même si les deux hommes dormirent dans les bras l'un de l'autre, Akashi sentit une distance qui s'était créée depuis leur visite à l'hôpital et bien qu'il soit parvenu à s'endormir, ce ne fut pas un sommeil reposant qui l'accueillit.

-x-x-x-

Deux jours plus tard, entre la paperasse de l'entreprise et son film qu'il continuait à travailler à la fin de la journée, Akashi ne manqua pas de questionner son père. Il connaissait le pouvoir des mots et comment son père avait appris l'art et la manière de les manier pour obtenir ce qu'il désirait. Seulement, à présent qu'il était devenu un homme responsable qui avait appris de ses erreurs, il ne comptait pas recommencer ces dernières. Sa relation passée avec Nijiko lui avait servi de leçon.

« Avant que je ne commence, soyons clairs : selon ta réponse, ce sera peut-être la dernière fois que nos chemins se croiseront. J'en ai assez que tu essayes encore aujourd'hui de façonner ma vie pour qu'elle entre dans tes critères…

— Aussi gentil et intéressant soit-il, Kuroko n'est pas quelqu'un pour toi. » Soutint Masaomi tout en l'interrompant.

Fatigué d'entendre toujours les mêmes choses, Akashi n'eut pas la force d'argumenter. Il commença alors à récupérer ses affaires pour quitter la pièce quand son père reprit la parole, mais il ne l'écouta qu'à moitié. Il avait eu sa réponse.

« Kuroko aurait été une femme, je n'aurais rien dit. Crois-moi. Le problème avec lui, ce n'est pas le fait qu'il soit un homme à proprement parler, mais qu'avec lui, vous ne pouvez pas construire une famille. »

De ses yeux hétérochromes, Akashi observa attentivement cet homme qui tentait de le retenir, sachant parfaitement que s'il passait la porte, ce serait définitivement la fin de leur relation tumultueuse. Dans le regard noisette de cette personne qui était son père, il y lisait bien sûr de l'amour et de la bienveillance, mais depuis toujours cette même bienveillance avait toujours fonctionné de travers.

« J'ai compris que jamais tu ne dirigeras Akashi Corporation, mais si tu as un enfant ? Cette entreprise sera toujours l'héritage de notre famille, qu'importe qui siégera au sommet.

— C'est donc ce que tu as dit à Tetsuya ?

— Oui.

— Car il ne peut pas porter mon enfant, tu penses qu'il n'est pas fait pour moi ? »

La voix d'Akashi était polaire, la colère contre son père, mais aussi contre Kuroko, montant en lui. Sans compter les mensonges, ce qu'Akashi détestait le plus, c'était le fait que l'on décide à sa place. Et tout comme le faisait son père depuis son enfance, Kuroko venait de le lui faire en décidant à sa place, en omettant des informations pour ne pas le blesser et éviter une dispute.

Dans un mouvement brusque, il se redressa de la chaise et se dirigea vers la sortie. Il ignora les appels de son père, dont la voix se cassa lorsque la porte se referma sur lui.

-x-x-x-

À Tokyo, Kuroko reçut à l'appartement la visite de Takao et de sa fille Marie. Le compositeur savait qu'Akashi était resté à Kyōto quelques jours supplémentaires et que son ami, en plus de n'avoir pas le moral, était prêt à jeûner pour éviter de cuisiner et par inadvertance faire exploser la cuisine. Et donc l'appartement.

« Shin-chan est venu avec nous, mais il s'est fait attraper par une grand-mère qui avait besoin d'aide avec ses sacs de courses. Et tu le connais, malgré son air froid, c'est quelqu'un qui…

— Kuroko n'a pas besoin de savoir ce genre de choses. Bonsoir, Kuroko.

— Bonsoir, Midorima-kun. »

La petite fille vint se positionner devant l'ami à son père, qui venait souvent jouer avec elle quand il les rejoignait au parc. Elle tendit les bras en avant et, tout en comprenant ce qu'elle attendait, Kuroko la hissa sur ses cuisses pour qu'elle s'y assoit. Sans plus attendre, la jeune fille agita doucement la paume de ses mains contre les joues de Kuroko qui haussa les sourcils.

« Oust, oust, le chagrin. Vite, le sourire. »

Takao ricana en entendant sa fille répéter mot pour mot ce qu'il lui disait, lorsque Marie traversait un chagrin, mais aussi devant l'air confus de Kuroko qui finit tout de même par étirer un discret sourire. Comment résister devant cet air si mignon et ses intentions dénuées d'intérêt ? Mais rapidement, les mots de Masaomi lui revinrent en mémoire et Kuroko fixa différemment la fille de son ami. À quoi pourrait ressembler les enfants d'Akashi ? Auraient-ils la couleur de ses yeux ou celle de ses cheveux ?

Son visage se rembrunit et Marie fronça des sourcils, avant de se retourner vers Takao qui avait élu domicile derrière les fourneaux et avait enfilé son tablier.

« Ça marche pas, papa. Pourquoi ça marche pas ? »

Occupé à éplucher et découper les légumes, ce fut Midorima qui attrapa Marie entre ses bras et la rapprocha contre son torse.

« Kuroko s'est disputé avec son amoureux, ma chérie. Que dis-tu de lui faire un dessin pour lui remonter le moral ? »

Un large sourire se dessina sur le visage de la jeune fille et sans plus attendre, Midorima la relâcha et alla chercher son sac à dos resté dans l'entrée. Il en ressortit le matériel nécessaire et retourna ensuite en cuisine, pour apporter de l'aide au brun.

« Je ne me suis pas disputé avec Akashi-kun, rétorqua Kuroko après un temps.

— Non, en effet. Tu as fui une potentielle dispute, ce qui revient au même. Comment tu penses qu'il va réagir quand il apprendra la vérité ?

— Mais Akashi-san a raison. » Soutint Midorima en ignorant le regard offusqué que lui lança aussitôt Takao. « La famille Akashi est l'une des plus vieilles familles nobles du Japon, il est donc tout à fait compréhensible qu'Akashi-san souhaite la voir perdurer et grandir.

— Pas au détriment du bonheur de son fils ! Et puis qu'est-ce qu'on en sait ? Peut-être que Sei-chan ne veut même pas d'enfant, répliqua Takao.

— Pourquoi crois-tu que les mariages arrangés existent, idiot ? Ou que des pays créaient des alliances avec des mariages ?

— On est plus au Moyen-Âge ! »

Les deux amis de longues dates continuèrent d'argumenter, chacun campant leurs positions, et Kuroko assista au débat qui se livra à quelques mètres de lui.

Il comprenait la crainte de Masaomi à l'égard de sa lignée, mais il aimait Akashi et ne désirait pas rompre avec lui, car il ne pouvait pas lui apporter la famille que le rouquin méritait. C'était égoïste, mais il voulait rester avec le réalisateur, continuer à se réveiller dans ses bras et à l'embrasser. Mais et si Akashi se rendait compte, dans quelques années, qu'il avait fait une erreur en restant avec lui ? Si au milieu du chemin, son amant comptait finalement lâcher sa main et revenir à la raison, Kuroko ne savait pas s'il pourrait s'en remettre.

Il n'avait jamais envié les femmes, ou désiré en être une, mais pour la première fois de sa vie, Kuroko les jalousa. Deux hommes ne pouvaient pas engendrer d'enfant ensemble, c'était un fait scientifique.

« Mais de ce que je sais, Akashi ne s'embarrasse pas de faux semblants. Et il est loin d'être stupide. »

Kuroko regarda Midorima et se demanda ce que l'ophtalmologue sous-entendait.

« Ce que veut dire Shin-chan, c'est que Sei-chan ne resterait pas avec toi s'il ne t'aimait pas. Et qu'il se doute très bien que deux hommes ne peuvent pas avoir d'enfant.

— Et puis il existe de nombreuses solutions… »

Midorima alla pour continuer et énoncer les multiples solutions à sa connaissance, lorsque la porte d'entrée s'ouvrit sur les maîtres des lieux qui darda aussitôt son regard sur Kuroko. Celui-ci sut instantanément que Masaomi avait parlé à son fils et qu'à présent, il ne pourrait plus échapper à la dispute annoncée plus tôt par Takao. Les yeux hétérochromes le dévisageaient sans se cacher et Kuroko sentit son cœur se serrer.

« Tu devais pas rester une semaine de plus, Sei-chan ? Tenta de désamorcer Takao, l'air de rien.

— Vous connaissez le chemin de la sortie. Je dois parler à Tetsuya.

— T'es sûr ? Je préparais à manger, alors on peut faire ça après le repas et…

— Takao. »

L'intervention de Midorima l'arrêta dans son élan pour faire gagner quelques minutes à Kuroko, mais Akashi n'avait toujours pas daigné tourner son regard dans leur direction. Il regroupa donc leurs affaires, coupa le feu de la gazinière et se rapprocha de Marie pour l'aider à tout ranger. Une fois la petite dans les bras et en marche pour la sortie, Takao jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et put voir Kuroko crispé au-dessus de la chaise sur laquelle il était assis, ses doigts s'entremêlant à vive allure.

La voix impérieuse et colérique d'Akashi arriva tout juste à ses oreilles, accusatrice et blessée, avant que la porte ne se ferme sur eux et l'empêche d'entendre la suite. Il aurait très bien pu coller son oreille contre la porte et intervenir à la moindre occasion, mais Midorima appuya le plat de sa main contre son dos et le poussa dans l'ascenseur.

« Je pensais que parmi toutes les personnes qui composent mon entourage, tu étais le premier à savoir et à avoir compris que je déteste qu'on choisisse à ma place.

— Mais ton père n'a pas tort. Je suis incapable d'apporter à ta famille un enfant et…

— Et au lieu de choisir pour moi, tu aurais dû me poser la question. Qu'est-ce que ça t'aurais coûté, Tetsuya ? C'est la réponse qui t'effraie ? »

Le poids sur son cœur écrasa celui-ci et il sentit les larmes lui monter aux yeux. L'image d'Akashi s'éloignant de lui, lui dévoilant son dos qui s'effaçait à chacun de ses pas, avait hanté ses nuits précédentes. Dans ce lit où ils s'étaient rapprochés, parfois réconfortés, où ils s'étaient embrassés et avaient fait l'amour.

« Ne t'avise pas de te mettre à pleurer, Tetsuya. Ça ne changera rien. Je suis tellement remonté contre toi que ça ne m'arrêtera pas.

— Évidemment que j'ai peur de ta réponse, Akashi-kun. » Répondit-il après un temps où il calma sa respiration et retrouva assez de sang froid pour tenir un discours cohérent. « Tu es riche, célèbre et tu peux avoir tout ce que tu veux. Je ne suis que moi et je suis un homme. Même sans le discours que m'a tenu ton père, tu peux très bien te réveiller un matin et te rendre compte que tu n'as fait que perdre ton temps avec moi. Ou te réveiller et te dire que tu aimerais fonder une famille, mais je ne peux pas te l'apporter.

— Tu es l'homme qui m'a fait réaliser énormément de choses depuis notre rencontre. Tu m'as fait comprendre que je n'étais pas heureux et que je dénigrais ce qu'était l'amour, car je le trouvais futile et dénué d'intérêt. Mais plus que ça, je ne voyais en les autres que des outils. S'ils ne m'apportaient rien, ils n'en valaient pas la peine. »

Akashi calma sa voix et se rapprocha de son petit ami dont le regard brillait de mille feux, contenant ses larmes du mieux qu'il put.

« Et tu es le premier à savoir que ce n'est ni la richesse, ni la célébrité qui rende une personne heureuse. Regarde mon père, il vit dans le souvenir de ma mère depuis le décès de celle-ci et ne raisonne plus que par le profit. Si tu n'étais pas entré dans ma vie, j'aurais sûrement été comme lui dans quelques années. Si je ne l'étais pas déjà… »

Arrivé en face de l'adolescent, resté assis, Akashi attrapa sa main.

« Tu me connais suffisamment pour savoir que je déteste me répéter, alors écoute-moi clairement Tetsuya : ne recommence jamais. J'en ai assez qu'on m'impose ou qu'on me dissimule des choses pour mon soi-disant bien. Je suis un adulte et même si je venais à me tromper ou à le regretter plus tard, je veux le vivre et en tirer mes propres conclusions. Mais je ne t'imposerai rien, si tu as vraiment trop peur ou que tu ne te sens plus capable de le supporter, je ne peux pas te retenir. »

L'effroi se dessina sur le visage habituellement si inexpressif de Kuroko, qui avait peur de comprendre. Akashi lui proposerait réellement de rompre, s'il en ressentait l'envie ? Les larmes de tristesses se transformèrent rapidement en colère et il libéra sèchement sa main de celle du rouquin. Sans plus attendre, il sauta sur ses pieds et ce fut sa voix qui, cette fois-ci, fit trembler les murs.

« Comment tu peux penser que j'ai envie de te quitter ?! Depuis mon retour à l'appartement, je n'arrête pas de me dire que tu vas être celui qui va me quitter, car tu as une famille à fonder. Depuis le début de notre relation, je t'imagine toujours t'éloigner de moi et ne pas te retourner. Comment quelqu'un comme toi peut-il être tombé amoureux de moi ? Je suis qu'un lycéen, je sais pas ce que je vais faire plus tard et… et, sanglota Kuroko qui cherchait son souffle et ses mots.

— Et tu es Kuroko Tetsuya. C'est suffisant. »

Les yeux céruléens de l'adolescent se dirigèrent vers ceux hétérochromes de son vis-à-vis, toute colère ayant disparue. Du bout des doigts, Akashi chassa les larmes qui dévalaient le long des joues de son amant, mais ce geste qui se voulait tendre et rassurant ne fit que redoubler leur intensité et un sourire contrit vint étirer ses traits. Ses mains descendirent alors pour se glisser dans le dos de l'adolescent et le rapprocher de lui, lui murmurant des mots doux à l'oreille pendant que Kuroko s'accrocha presque désespérément à lui.

« Ne t'inquiète pas pour l'avenir. Comme nous en avons déjà parlé, tu trouveras pour quoi tu es fait. Accorde-toi juste du temps.

— Mais toi, tu…

— Chut. Ne te compare jamais à moi ou à quiconque. On est tous différents et ça n'en vaut pas la peine. »

Kuroko renifla, profitant encore de la chaleur que dégageait le corps de son amant contre le sien avant de se reculer.

« Je ne voulais pas te le cacher, par rapport à ce que ton père m'avait dit. Mais je n'y avais jamais réfléchi et il a mis le doigt sur une question que, de toute façon, on devait aborder un jour.

— Mais pas maintenant, compléta Akashi et Kuroko acquiesça avant de reprendre.

— Mais à présent qu'il a soulevé ce point… j'ai peur de ta réponse. Tu approches bientôt de la trentaine et je suis encore au lycée et…

— Et pour répondre à ta question, je n'y ai jamais réfléchi sérieusement. Bien sûr, l'idée m'a traversé l'esprit, comme pour n'importe qui. Combien j'en voudrais ? Quel prénom je leur donnerais et où je les emmènerais en vacances, mais comme tu le sais, je me tenais déjà éloigné de l'amour. Alors pour fonder une famille, j'en étais encore loin. »

Akashi vint caresser la joue de son petit ami et de son pouce dessina les contours de son visage, puis de ses lèvres. Cet imbécile l'avait mis hors de lui pour ruminer de son côté, pour ensuite éclater en sanglots lorsqu'il le mettait au pied du mur. Akashi observa son amant avec douceur, mais surtout avec soulagement. La distance qu'il avait auparavant sentie, au cours de leur dernière nuit dans sa maison familiale, ne semblait plus exister.

Il s'approcha davantage, sa main se glissant sur la nuque de Kuroko avant que ses lèvres ne viennent rejoindre celles du plus jeune. Les baisers furent lents, se découvrant et se redécouvrant à leur rythme. Les mains de Kuroko vinrent se glisser dans son dos, le caressant en partie avant d'agripper sa veste et de tirer légèrement dessus quand leur baiser s'intensifia et fut rapidement plus passionnel. Leurs mains flattèrent le corps de l'autre, faisant chuter un à un les vêtements qui les couvraient.

Sans quitter les lèvres de l'autre et leurs mains continuant à batailler avec leurs habits, Akashi et Kuroko prirent le chemin de leur chambre. Ils se cognèrent à de nombreuses reprises contre le bord de certains meubles, s'arrêtant parfois pour en rire avant de se plonger dans le regard de l'autre et y lire l'envie et y retrouver la même excitation. Akashi fut pris d'un délicieux frisson lorsque les mains de Kuroko plongèrent dans ses cheveux, s'agrippant autour de sa tête et venant ainsi le décoiffer.

Une fois allongés sur leur lit et au-dessus de Kuroko, Akashi glissa sa main au niveau de l'entrejambe de son amant. Son érection déformait les plis de son pantalon et il tira de lui un court gémissement lorsque sa main se superposa au-dessus. Réputé pour ne pas pardonner facilement, pour ne pas dire jamais, Akashi sourit, d'humeur taquine. Du bout des doigts, il caressa le renflement sans le défaire de sa prison de textile. Ses lèvres vinrent par la suite taquiner le lobe d'oreille de son amant, le mordillant avant de le suçoter, pendant que sa main continua sa douce torture. Voir et sentir Kuroko se trémousser pour obtenir plus de contact, mais aussi l'entendre gémir et haleter de frustration étaient des sensations qui augmentèrent l'excitation du rouquin. Après tout, il avait toujours aimé le contrôle et le pouvoir et il savait qu'en l'instant présent, Kuroko était à sa merci.

« Akashi-kun. »

Son nom prononcé par cette voix emplie de luxure le fit frissonner et redoubla la chaleur qui s'installait dans son propre pantalon. Son regard croisa celui brillant d'envie du plus jeune et un cliquetis attira son attention, apercevant ainsi des mains baladeuses défaire sa ceinture et s'affairer à faire de même avec le bouton de son pantalon. Savoir Kuroko entreprenant et surtout rempli d'initiatives finit de l'exciter, arrêtant alors son petit jeu pour rendre les événements plus intéressants, mais surtout plus plaisants.

Alors que sa main venait d'entourer la fierté dressée du bleuté, que ce dernier s'enfonçait dans les draps, Akashi cueillit ses lèvres et l'embrassa à en perdre son souffle. Il les fit changer de position pour que Kuroko soit celui qui le surplombe. L'adolescent posa ses mains par-dessus le ventre du rouquin, assis sur les hanches de celui-ci, il pouvait sentir sa virilité glisser entre ses globes de chairs. Il se mouva alors de sorte que son bassin rencontre la turgescence d'Akashi et frôle son intimité la plus secrète et privée.

Quelques gémissements dépassaient les lèvres du réalisateur, qui avait délaissé l'érection de son amant pour entourer sa taille et l'accompagner dans ses mouvements. Une de ses mains vint glisser jusqu'à l'orifice de Kuroko et en taquina l'entrée, faisant glapir le principal concerné qui ne se recula pas. À l'inverse, il invita son petit ami à aller plus loin et à y enfoncer sa phalange. Tout doucement et tout en venant l'embrasser, ou en jouant avec ses mamelons dressés par l'excitation, Akashi pénétra de son doigt l'antre de l'adolescent qui s'était allongé contre lui.

Contre son oreille, les gémissements de Kuroko trouvèrent écho au creux de ses reins. Il ne négligea pas pour autant le temps de préparation de son amant, mais il était dangereusement en train d'approcher de ses limites. Il rajouta ainsi un second doigt après le premier, sentant Kuroko se tendre un instant avant de bouger à nouveau son bassin pour l'accompagner. Non en reste, l'adolescent continuait d'attraper les lèvres de son amant pour l'embrasser avec passion pendant que ses mains vinrent caresser sa nuque ou encore toute peau qu'il était capable de toucher. Un râle de la part du réalisateur, alors qu'il se saisissait de son érection, le poussa à poursuivre son geste.

« Tetsuya… je ne vais pas pouvoir… ah. »

La voix d'Akashi mourut au fin fond de sa gorge, alors que son gémissement sortit ouvertement. Kuroko recommença la manœuvre et malaxa les testicules de son amant, avant de remonter le long de son gland et d'en caresser le bout. Il put sentir les doigts en lui s'arrêter avant de sortir et Akashi l'attraper par la taille, calquant son fessier contre sa virilité et ainsi la faire glisser entre ses globes de chairs.

« Ne me propose plus jamais de te quitter, Akashi-kun. »

L'intéressé ouvrit les yeux, qu'il ne se souvenait pas d'avoir fermés, pour voir le visage de son amant suintant de luxure. Il frissonna lorsqu'il sentit la main de Kuroko se saisir de son sexe et se retint de glapir en voyant son petit ami soulever ses hanches pour se positionner correctement. S'aidant d'une de ses mains, Kuroko se laissa doucement retomber sur la fierté dressée du rouquin et jeta sa tête en arrière en sentant le gland entrer dans son corps. Son autre main, posée contre le ventre d'Akashi, griffa la peau de ce dernier lorsque la tension fut plus forte, le poussant à arrêter son avancée le temps de souffler et de se détendre.

Il plongea son regard dans celui d'Akashi, qui ne perdait pas une miette du spectacle qu'il lui offrait. En cet instant, Kuroko se sentit comme le plus beau des joyaux à travers le regard que lui renvoyait son amant. Il mouva tout d'abord lentement ses hanches de haut en bas, afin de s'adapter et découvrir quel angle allait atteindre sa glande magique. C'était la première fois qu'il osait cette position, plutôt habitué à toujours laisser les rênes à Akashi. Ses mains s'appuyèrent contre le torse du rouquin, variant lui-même le rythme et l'inclinaison de son corps, pour rechercher le maximum de plaisir pour lui, mais aussi pour d'Akashi, se fiant à sa respiration et l'expression de son visage.

Les mains posées contre les cuisses de Kuroko, Akashi se délecta du spectacle qui se joua devant lui. Bien que la chambre soit plongée dans le noir, ses yeux s'étaient suffisamment adaptés à l'obscurité pour deviner les contours et les mouvements de Kuroko. Les petits glapissements du bleuté, qu'il ne parvint pas à contrôler et qui lui échappaient, ne cessèrent jamais de l'exciter. Une de ses mains remonta sur la jambe de Kuroko, effleurant sa peau frissonnante en une caresse aérienne avant de saisir son sexe érigé qui s'agitait de bas en haut, au fil des mouvements de son propriétaire.

Il lui adressa une légère pression, de haut en bas et sentit Kuroko tressaillir.

« Recommence… »

Sans se faire prier, Akashi répondit à la demande de son amant et raffermit sa prise avant d'entamer ses mouvements de va-et-vient. Les gémissements du bleuté furent plus bruyants, son souffle se faisant hacher et ses mouvements se perdant dans un rythme effréné. La sueur perlait de son front et ses mains griffèrent sa peau et Akashi continua. De son pouce, il caressa le gland et taquina la fente, ce qui fit aussitôt crier Kuroko de plaisir. Il le sentit aussi se resserrer autour de son érection, à l'intérieur de lui.

Il relâcha subitement le sexe de son petit ami et les fit basculer pour que le dos de Kuroko retrouve le matelas confortable, s'enfonçant à nouveau en lui sans perdre une seconde. Ses mouvements se firent brusques, rapides, lui-même au bord de la jouissance. Il vint nicher son visage dans la jonction de l'épaule et du cou de son amant, humant son odeur renforcée par l'effort. Ses mains de part et d'autre sous les cuisses de l'adolescent, il n'hésita pas à les écarter suffisamment pour pouvoir s'y enterrer plus aisément et avec toujours plus d'intensité.

« Aka… encore… »

Ses lèvres s'écrasèrent contre celles de l'adolescent, pour un baiser impérieux qui ne reflétaient qu'à moitié tout l'amour qu'il ressentait pour cet homme. Il répondit à toutes ses demandes, jusqu'à ce qu'il sente la jouissance prendre possession de ses reins et s'enterrer longuement en Kuroko. Celui-ci se crispa à son tour, griffant cette fois-ci son dos, avant de venir entre leurs deux corps en des jets puissants. Et bien que la jouissance les eût emportés tous les deux, que leurs lèvres se joignirent pour se goûter toujours et encore, Akashi ne cessa pas pour autant de remuer doucement son bassin. Il ne sortait jamais réellement de Kuroko, qui soupirait toujours contre leurs lèvres, appréciant la friction.

Le rouquin finit tout de même par quitter l'antre chaud de son amant, mais il continua de le caresser et laissa ses mains effleurer ses mamelons, ses flancs, ainsi que le bas de son fessier. Kuroko se laissa religieusement faire, frissonnant à chaque fois que son petit ami approchait ou caressait une zone érogène de ses mains ou de sa langue. Il ignora complètement la sonnerie de son téléphone, resté dans le salon, alors qu'Akashi vint à nouveau glisser deux doigts dans son entrée, lui coupant le souffle et enterrer son visage dans l'oreiller.

Il ignora même le monde entier lorsque la langue d'Akashi le goûta.

Pendant qu'Akashi et Kuroko se retrouvaient, éloignant leurs peurs par leurs gestes et leurs baisers, Takao finit par appeler Nijimura.

« T'as intérêt à avoir une bonne explication pour me réveiller, assena le brun d'une voix rocailleuse.

— Je crois qu'Akashi a tué Kuroko. »