Bonjours tout le monde !

Voici donc la troisième et dernière partie de « entre deux eaux », ce qui signifie que le prochain chapitre sera le dernier de ce cycle.

Je tiens à préciser quelques petits points technique à propos de cette fic :

Ce chapitre est sans conteste le plus long que je n'ai jamais écrit, il atteint les 8000 mots passés, comporte 14 pages et avec lui, je viens de dépasser le cape des 100 pages (sans les blablas de début et de fin) ! C'est une victoire pour moi, mais c'est à vous que je souhaite l'attribuer. Sans vous et vos encouragements, cela n'aurait pas pu être possible. Alors, MERCI BEAUCOUP A TOUS de m'avoir suivi dans cette aventure. Aussi bien ceux qui laissent des reviews que ceux qui lisent sans en laisser. Vraiment, merci !

Bon, voilà, je vous laisse découvrir ce nouveau chapitre.

Bonne lecture !


Chapitre XV : Entre deux eaux 3e partie

Fadhila débarqua dans le petit salon privé de la demeure familiale et le traversa d'une traite, tapant des pieds. Elle était réellement hors d'elle et inquiète, les propos de Léonardo ne laissaient rien présager de bon. Bachir, lisant son journal dans un confortable fauteuil Second-Empire près de la cheminée, regarda sa femme se ruer littéralement sur lui, le regard mauvais, s'arrêter devant le fauteuil et lui envoyer une baffe à détacher la tête d'un mort. Ne comprenant rien à ce qui venait de se produire, plaquant sa main contre sa joue meurtrie, l'homme se releva brusquement et dévisagea sa femme en lui hurlant dessus.

-Mais tu es cinglée ?! Qu'est-ce qui te prend ?!

-T'es fier de toi ?! rétorqua sur le même ton la PDG de Beautyfull.

-Fier de quoi ?! Calme-toi et explique-moi !

-Non, cette fois je ne me calmerai pas ! Tu sais ce qui vient de se passer au moins à cause de tes imbécilités et de ton foutu orgueil ?!

-Non, mais je sens que tu vas me le dire…

-Malik est à l'hôpital !

Bachir tiqua, grimacent légèrement. Avait-il bien entendu ? Se tenant toujours la joue, il demanda plus calmement des explications plus claires, que sa femme fut ravie de lui donner en enfonçant le couteau.

-A cause de ce que tu lui a dis, de ce que tu lui as fait subir toutes ces dernières années, notre fils a tenté de mettre fin à ses jours !

L'homme ne broncha pas. Il fut serte fort surpris d'apprendre pareille nouvelle, mais sans plus d'état d'âme. Avec un détachement exaspérant, il répondit calmement :

-S'il est assez faible pour renoncer à la vie, ce n'est pas moi qui vais le pleurer. Mais j'imagine que toi tu vas te rendre à son chevet, malgré la honte qu'il a attiré sur la famille.

-Toi et ta sacro-sainte réglementation patriarcale et ton honneur familial à deux cents. Celui qui a attiré le plus de honte sur cette famille, c'est plutôt toi ! A force de te montrer en père inquisiteur à tes fils, c'est toi qui les as détruits ! C'est de ta faute si aujourd'hui je pleure nuits et jours la disparition de mon dernier-né et que son frère vient de tenter le grand saut !

En disant cela, elle l'avait regardé droit dans les yeux, lui envoyant le regard le plus noir qu'elle puisse avoir. Bachir, bien que restant le plus stoïque possible, recula imperceptiblement d'un pas en la voyant si colérique. Il redoutait de se prendre encore une gifle, ça aurait été la troisième de la journée. Avec une pareille réaction, il se sentit bête et faible. Depuis quand un homme reculait-il devant sa femme ? Ce n'était pas digne de lui, ni du nom des Al-Sayf.

-J'imagine que tu n'en as strictement rien à faire de ce que je te dis ! s'exclama Fadhila avec mépris.

-Et j'imagine que toi, tu vas foncer tête baissée au chevet de ton fils si précieux, rétorqua calmement son mari en la regardant de haut, les mains dans le dos dans une attitude de désinvolture totale.

-Je te rappelle que malgré tout ce que tu peux dire, il est aussi TON fils, et c'est le seul qu'il te reste et qui soit susceptible de perpétrer ton nom. Alors dis-moi ce qui te retient de courir t'enquérir de son état.

L'homme garda le silence, dévient imperceptiblement le regard sur le côté, fuyant celui de sa femme. Elle hocha la tête avec une expression de profond mépris, puis tourna les talons et sortit du salon en ordonnant au majordome de préparer la voiture. Bachir resta seul dans le salon, se versa un cognac et se laissa retomber dans le canapé, regardant le feu crépitant dans la cheminée, se demandant pourquoi la domestique l'avait allumé malgré la chaleur du début d'été.

oOoOoOo

-Comment ça, avoir des enfants ?! demanda Shaun, vivement surpris.

Desmond fut déstabilisé par cette négation. Lui et le Britannique s'était rendu à la cafétéria afin de récupérer des boissons pour tout le monde, et, dans le courant de la discussion, il avait stupidement demandé comment se passait son couple. Le roux lui avait répondu que tout allait plutôt bien, bien que certaines tensions soient apparues ces dernier temps. Rebecca était sans cesse sur la défensive.

-C'est normal, ce doit être stressant d'essayer d'avoir un enfant…

Shaun s'était arrêté net et l'avait regardé d'un air interrogateur en lui demandant pardon.

-Vous n'essayez d'avoir d'enfant ? se risqua l'autre.

-Non, vraiment pas. Elle ne cesse de me répéter qu'elle n'en veut pas… (il vit le regard inquiet de l'étudiant et tiqua, il y avait un problème). Hé, attend un peu, qu'est-ce qui te fait croire qu'on essaye de…

-Rien ! répondit un peu brusquement l'autre, se rendant compte qu'il venait probablement de commettre une impardonnable bévue.

-Ecoute, ne me prend pas pour un imbécile, s'énerva quelque peu l'Anglais, se doutant de quelque chose de louche. Soit tu en as trop dis, soit pas assez, alors maintenant parles !

Desmond soupira profondément, puis expliqua calmement à son vis-à-vis que Rebecca se trouvait en examen obstétrique lorsqu'il était arrivé. Shaun le regarda avec un air franchement étonné. Son regard passa ensuite à l'énervement. Il tendit le plateau avec les boissons à l'étudiant, puis parti d'un pas furieux au travers du couloir. L'autre resta un instant immobile, se disant qu'il aurait mieux fait de fermer sa grande bouche. Il avait l'horrible pressentiment de venir de déclencher une avalanche d'événements critique.

oOoOoOo

Malik se releva vivement, faisant basculer sa chaise. Il se tourna dans la direction de son frère et le toisa avec un regard noir. Ce qu'il venait de voir le chamboulait complètement et remettait en question tout ce qu'il croyait savoir. De lui, mais aussi d'Altaïr. Kadar le regardait avec un léger sourire, haussant les sourcils dans une attitude évidente de moquerie. Il était presque affalé sur son siège, les bras écarté, reposant sur les dossiers des autres. Il voyait l'expression de surprise, mêlée de doute et de fureur, qu'arborait son ainé, et cela le ravissait au plus haut point. Le cadre semblait ne plus pouvoir parler tant le choc de la vidéo (qui tournait en boucle sur l'écran dans son dos) l'avait choqué. En même temps, songeait l'adolescent, il aurait sûrement eut la même réaction si on l'avait mis dans le même contexte. Il attendait de voir quelle serait la réaction de Malik une fois revenu du choc. Il le vit ouvrir la bouche, la refermer, la rouvrir, prendre une grande inspiration, puis se diriger sans autre forme de procès vers la porte. Kadar fut amusé, mais son rôle de « guide » le forçait à ne pas le lâcher d'une semelle avant qu'il n'ait compris le message. Il se leva et le poursuivit d'un pas tranquille dans le couloir. L'autre en revanche traçait, allant à pas rapide, repassant devant les portes de chimie.

-Tu fuies encore ? lança le noiraud avec ironie. Comme d'habitude ai-je envie de dire.

-Ferme-la veux-tu ! rétorqua presque méchamment son frère en entament la descente des escaliers.

-Désolé, me taire ne fait pas vraiment partie du « plan », répondit l'autre en faisant le signe des Guimet avec les doigts en s'arrêtant une seconde sur le palier avant de reprendre sa filature.

-A ouais, alors c'est quoi le « plan » ?! demanda Malik en arrivant devant une porte de couloir fermée.

Il tenta de l'ouvrir, mais elle resta bloquée. Au fond de lui, il se dit «chier, ça recommence !», mais garda le silence et se dirigea vers une autre.

-Je te le répète encore une fois…

-C'est à moi de te donner la solution, je sais, tu l'as déjà dis une bonne vingtaine de fois depuis que je suis arrivé ! le coupa le cadre en essayant un autre porte, verrouillée aussi.

Il emprunta un nouveau couloir, qui, il le savait, le conduirait directement au vestiaire, et donc à l'emplacement de la première scène de la vidéo. Il n'avait vraiment aucune envie de s'y retrouver, mais visiblement, les lois régissant ce monde éthéré le forçait à s'y rendre. Tout en avançant d'un pas déterminé, il lança à son frère, par-dessus son épaule :

-J'ai une question ?

-Vas-y, pose-la.

-D'où sortaient ces foutues images ?!

-Ecoute, il semblerait que cet endroit très particulier entre la vie et la mort réponde à de curieuses lois…

-Ca j'avais remarqué, merci ! ragea le cadre.

-…et apparemment, il se créée au fur et à mesure selon la personne qui s'y retrouve. Donc, je suppose que les scènes que tu as vues provenaient de ton propre cerveau. Non, en fait je te charrie C'est exactement ça. Rien n'a été inventé, c'est toi seul qui es responsable du contenu. D'ailleurs, je tiens à te dire que je ne m'imaginais pas que tu étais grave à ce point…

-Ferme-la ! s'énerva une fois encore Malik en arrivant en face de la porte donnant sur les vestiaires.

Il en avant assez, et tendit donc les bras dans l'espoir que la porte allait s'ouvrir, sinon il se la mangerait de plein fouet. Heureusement, elle ne semblait pas cadenassée et les deux panneaux métalliques s'écartèrent en tournant sur leurs gonds. Il ne retint pas la porte pour son frère et passa directement dans le sasse qu'il connaissait si bien. A droite, les vestiaires des filles, à gauche ceux des garçons. Il prit donc la porte de gauche et pénétra dans cette entre qui, en temps normal, empestait la transpiration et possédait une atmosphère d'humidité danse dégagée par les corps et les douches toujours réglées trop chaudes. Les cassiers métalliques et les bancs s'alignaient sur le sol carrelé de ces petits carrés de céramique grisâtre aux joints pourris. Il se glissa entre deux rangée de banc et alla jusqu'aux douches, séparée du reste de la salle par un pallier sous-élevé. Malgré le fait que les néons soient éteints, il régnait ici comme partout une clarté surnaturelle, et les volutes de brumes continuaient de tout envelopper de leur mystère. Il se positionna au centre de la pièce et se tourna vers son frère qui le regardait depuis l'entrée, tendant les bras dans un signe de défit en le dévisageant.

-Alors ?! Qu'est-ce qui se passe maintenant ?! Je suis pile là où tu voulais que je me trouve, alors explique-moi la suite !

-Ce n'est pas moi qui décide, je te l'ai pourtant expliqué, soupira son frère en fermant les yeux, exaspéré par le manque de vivacité de son ainé.

-Peu importe, vas-y, explique-moi le but de tout ça ! s'insurgea Malik, qui commençait visiblement à craquer complètement, pris d'hystérie, faisant de grands gestes inutiles dans une attitude de défie évident.

Kadar soupira encore une fois. Il n'avait pas le droit de donner la réponse. D'ailleurs, il n'y avait pas de réponse. Le but de tout ceci était simplement de faire réaliser aux personnes se trouvant entre deux eaux les erreurs commises durant leurs existences, et de les forcer à admettre certaines vérités qu'ils voulaient parfois se cacher. C'était le cas de Malik. Le problème étant que plus il passerait de temps ici, moins il aurait de chance de pouvoir remonter à la surface. Et il y avait aussi un autre problème. On ne se retrouvait ici que si l'on était dans un état de presque-mort, donc le risque de ne pas réussir à se réanimer se posait. Ses poumons ne fonctionnaient déjà plus, mais si son cœur venait à s'arrêter, alors tout s'effondrerait et le passage pour ailleurs s'ouvrirait. Et si ça venait à arriver, les conséquences seraient terribles…

oOoOoOo

Rebecca sursauta vivement lorsque la porte de la salle d'examen s'ouvrit à la volée, laissant entrer Shaun, visiblement furieux.

-Monsieur, ceci est un lieu privé, je ne saurais tolérer un tel… commença le obstétricien en se levant, mais la jeune femme le coupa.

-Ca va docteur, laissez-le entrer.

-Vous connaissez cet individu ?

-C'est... (Le père, espèce d'andouille !) … mon compagnon.

-D'accord, très bien.

Le médecin s'écarta du chemin et le laissa entrer. Le Britannique avança dans la pièce jusqu'au lit et la regarda droit dans les yeux d'un regard qui signifiait clairement « Tu vas m'expliquer ?! ».

-Docteur, est-ce que je peux lui parler en privé ?

-Bien sûr, je vais attendre dans le couloir.

La noiraude songea qu'elle n'avait jamais vu de toubib aussi docile, il s'exécuta et sortit de la pièce, les laissant seuls. Il y eut un court silence assez pesant durant lequel la jeune femme hésita. Devait-elle lui dire où inventer un rapide mensonge. Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir très longtemps, car la voix calme du roux s'éleva.

-Tu… es enceinte ?

Elle avait envie de s'enfuir en pleurant. Les choses ne se passaient absolument pas comme elle les avait prévus. Le meilleur scénario aurait été qu'elle prenne rendez-vous pour un avortement sans que l'autre n'en sache jamais rien, mais puisque le destin semblait lui en vouloir, elle en prit parti. Se forçant à sourire de la manière la plus naturelle possible, elle hocha légèrement la tête en répondant :

-J'ai cru, mais non.

-Comment ça ? demanda Shaun en levant un sourcil, peu sûr de bien comprendre.

-J'ai… (Elle inventa sur le coup un pieu mensonge, elle ne voulait pas qu'il sache et souffre de sa décision). Tu sais que j'ai eu très peur avec ce qui c'est passé avant-hier.

-Oui, je sais, je suis vraiment désolé...

-Ce n'est pas grave. J'ai fait un test ce matin, il était positif.

Il y eut un éclat de surprise dans le regard de l'homme, il ne captait pas très bien ce qu'elle était en train de lui raconter. Elle venait de dire qu'elle n'était pas enceinte, mais là, elle parlait de test positif. Il ne savait pas vraiment bien comment tout ça fonctionnait, comme la plupart des hommes d'ailleurs. Il attendit la suite, qui ne tarda pas.

-J'ai paniqué et, sur conseil de Lucy, je suis venu faire d'autres tests plus poussés, plus précis.

-Et donc ?

-C'était un faux-positif.

-Un quoi ?!

-Une grossesse nerveuse si tu préfères. Ca arrive parfois quand les femmes sont stressées. Ca déclenche les mêmes symptômes qu'une grossesse, ça fait réagir les tests urinaires, mais je ne suis pas enceinte.

Shaun ne sut pas s'il devait le prendre comme un soulagement ou une déception. Il avait envie d'avoir des enfants, mais il n'était pas certain d'être prêt à devenir père. Heureusement, ou malheureusement, il n'aurait pas à le découvrir. Poussant un soupir de soulagement, il embrassa sa petite-amie en la serrant dans ses bras.

Rebecca se sentait mal intérieurement de lui avoir menti, mais c'était bien mieux ainsi. Là, ils étaient un couple, plutôt heureux, un enfant aurait changé tellement de chose dans leur vie. Oui, c'était mieux ainsi. Vraiment ? Elle repoussa cette question, formée par son subconscient et réalisa soudain une chose.

-En fait, qu'est-ce que tu fais à l'hôpital ? demanda-t-elle, intriguée.

L'expression de joie sur le visage du Britannique se décomposa soudainement.

-Tu… tu n'es pas au courant ? Lucy ne t'as rien dit ?

-Au courant de quoi ? réinterrogea-t-elle, soudainement inquiétée par le ton employé.

Shaun, détourna le regard. Il n'avait pas envie de lui apprendre ça, mais il n'avait pas réellement le choix. Il lui fallait la mettre au courant pour Malik. Prenant une grande inspiration, il raconta.

oOoOoOo

Malik toisait toujours son frère, qui le regardait avec une exaspération croissante. Il se trouvait dans la salle de douches des vestiaires. Un frison lui parcouru la nuque lorsqu'il resongea à la vidéo qu'il venait de voir. Les images avaient été aussi dégradantes qu'humiliantes. Il avait envie de hurler, de prendre une des battes de baseball dans un des casiers réservés à l'équipe du lycée et de tout casser. Il sentait une boule dans son estomac, et une oppression étrange au niveau des poumons. Il connaissait cette sensation, c'était le début d'une crise de panique. Eveillé, il savait parfaitement comment gérer, comment respirer pour reprendre le contrôle, mais ici, il n'avait même pas envie d'en faire l'effort. Le silence qui régnait ici était vraiment pesant et, malgré la fraicheur émanant de la brume, il avait l'impression d'être dans une serre. Encore une fois, les images surgir dans son esprit et un nouveau frisson le parcouru. Il ne savait pas ce qui était le pire dans la vidéo. Si ça avait été de réaliser qu'il avait maté ouvertement Altaïr pendant trois ans lorsqu'ils étaient tous les deux sous la doche après le sport, où de voir se matérialisé un de ses plus sombre penchant. Kadar le fixait toujours, attendant qu'il dise quelque chose. Malik le foudroya du regard avant de s'exclamer avec agressivité en ouvrant les bras une fois encore.

-Bon, d'accord, je le reconnais ! J'ai fantasmé sur mon meilleur ami, UNE fois ! Je ne vois pas pourquoi on en ferait tout un cirque !

-Ce n'est pas moi qui suis en train de faire le cirque, répliqua calmement l'autre sans le quitter des yeux. Et tu sais comme-moi que ça n'était pas qu'une fois.

-Ferme-la ! C'est quoi le but de tout ça, hein !? Vous vouliez quoi ?! Que j'admette avoir eut été attiré par Altaïr, c'est ça ?!

-A-toi de savoir…

-Mais t'as pas bientôt fini de répéter tout le temps la même chose ?!

-Non, te voir t'énerver suffit à me convaincre de continué, se moqua le lycéen avec un petit sourire.

Malik, furibond, lui passa à côté en le bousculant à moitié, se dirigeant vers la sortie. Soupirant encore et toujours face au manque de réalisme de son frère, Kadar lui emboita à nouveau le pas. Le cadre ressortit dans les couloirs du lycée et marcha en ligne droite (les portes étaient à nouveau toutes ouvertes) vers l'entrée, décidé à se tirer d'ici le plus rapidement possible. Il atteignit enfin le hall et fonça sur la porte vitrée donnant sur l'extérieur. Il poussa le battant et continua sur sa lancée. Sauf qu'il se passa quelque chose d'étrange. Au lieu de se retrouver sur le perron, devant les escaliers menant à la route, il sortit du couloir des toilettes chez Mario et se retrouva dans le bar. Il s'immobilisa à côté du comptoir, trop surpris pour continuer. Surtout que, allez savoir comment ou pourquoi, il y avait du monde, de la musique de la lumière. A la différence de tout ce qu'il avait ressentit jusqu'à maintenant, l'ambiance était réelle et palpable, il se fit même bousculé par quelqu'un en train de danser un cocktail à la main. Le bar était plein à craqué, et des guirlandes avaient été tendue un peu partout. Malik connaissait cette situation, savait exactement à quel moment cette scène s'était déroulée. Il s'en rappelait d'autant plus qu'il s'agissait de la deuxième séquence de la vidéo. Kadar, arrivé dans son dos, lui passa devant et alla s'assoir au bar, lui faisant signe de le rejoindre. A contrecœur, il s'exécuta, mais ne s'assit pas, prêt à se tirer à la moindre contrariété. De l'autre côté du bar, il y avait l'équipe de baseball au complet. Ce qui fut le plus perturbant pour Malik, se fut de se voir lui-même, assis en compagnie de Rosa à côté d'Altaïr et de Maria. Il se rappelait parfaitement de cette soirée, ils étaient venu avec une bonne partie de l'école pour fêter la victoire du quart-de-final de leur année de terminal. En février, peut de temps avant qu'Altaï ne commence à changer. Son frère se pencha vers lui et lui souffla avec moquerie :

-Bien, alors regarde bien, ça va aller très vite.

Le cadre tiqua en revoyant une fois encore la scène se jouer. C'était réellement perturbant d'y assister de l'extérieur. Maria embrassait son sportif, le jeune Malik tiquait (sa paupière remuant imperceptiblement), il se tourna vers Rosa, lui volant ses lèvres. Altaï en voyant ça tiquait à son tour et, attendant que son ami ait fini et le regarde bien, jouait à la surenchère en roulant une pelle ouvertement à sa copine. Malik, offusqué, se levait et entrainait sa propre petite-amie pour danser sur un morceau qu'il détestait en réalité.

-Vous étiez vraiment pathétiques tous les deux, railla Kadar en prenant une gorgée de bière, sortie de dieu sait où. Vas-y, explique-moi donc ce qui s'était passée à ce moment là.

-Rien de spécial, j'embrassais ma petite amie, mentit le cadre, mal à l'aise.

-Vraiment ?! s'étonna faussement son frangin en le fixant avec surprise. Je crois que tu as besoin de mieux regarder.

En disant cela, il avait désigné le souvenir. En effet, ils avaient continués toute la soirée à s'épier l'un l'autre pour pouvoir être collés aux lèvres de leurs copines au moment où l'autre regardait.

-Ca ne serait quant même pas quelque chose d'aussi futile que de la jalousie, continua de se moquer Kadar avec un grand sourire.

Frustrer, hors de lui, Malik s'éloigna, se frayant un chemin à travers la foule jusqu'à la sortie. Elle était fermée. Evidemment, se disait-il en rebroussant chemin, essayant d'atteindre le couloir d'où il était venu. Tant qu'à tout prendre, il préférait retourner au lycée, au moins il y serait seul. Kadar le regardait se démener pour écarter la foule, ne bougeant pas de son tabouret, la chope à la main. Ca avait l'air de grandement l'amuser. Son frère disparut dans le couloir, le longea et, passant dans les toilettes des hommes, se retrouva dans les couloirs du lycée. Il y avait du monde, des élèves, des professeurs. D'où sortaient-ils tous ? Il croyait pourtant que cette endroit était un lieu sensé être vide. Ho, et puis il s'en fichait éperdument. Il se laissa emporter par le flot des adolescents attardés qu'il était si heureux de ne plus avoir à côtoyer. Ce devait être un intercours, au vu de la pendule qui indiquait 10h45 et du nombre d'élèves affairés dans leurs casiers. Il aperçut même Altaïr et lui, discutant dans le couloir. Altaïr lui passait un pouce sur les lèvres parce qu'il avait encore un peu de crème vanille de son pain-fourré accroché aux quelques poils de moustache qu'il avait oublié de raser le matin. Il passa tout droit sans s'arrêter, refusant de se rappeler que cette petite seconde, du contact de la main douce du sportif sur son visage, du frison qui l'avait embrasé tout entier et l'avait empêché de se concentrer durant le cours suivant. Il tourna à angle droit à la hauteur de la bibliothèque, espérant qu'il n'y aurait personne vu que les classes allaient reprendre. Malheureusement, et il le savait pourtant bien à présent, le temps et les lois de la physique ne s'appliquaient pas ici. Aussi se retrouva-t-il dans cet antre poussiéreux qu'était la bibliothèque. Il tenta de se réfugier entre deux rayonnage, et se retrouva presque nez-à-nez avec lui-même. Il se voyait regarder Altaïr prendre un livre un peu plus loin en soupirant profondément. Ce devait être au tout début de l'année scolaire et il se souvenait avoir eu, durant quelque seconde, envie de lui foncer dessus, de le plaquer contre l'étagère et de l'embrasser. Seigneur, il devait fuir ! Tous ces souvenirs commençaient sérieusement à le faire paniquer, à le remettre face à un démon qu'il s'était masqué, qu'il avait réussi, au prix de nombreux efforts d'auto-persuasion, à reléguer dans un placard obscure au plus profond de son subconscient. En fait, il n'osait pas le dire, il n'avait aucune envie de devoir ressortir se monstre de sa prison, ne voulait pas avoir à faire face à la réalité. L'accident et la haine irascible qu'il s'était inventée contre Altaïr avait toujours été un simulacre destiné à le protéger de cette horrible vérité. Et ça avait marché jusqu'à récemment, jusqu'à ce qu'il revienne en ville, quatre jours plus tôt.

oOoOoOo

Seul dans la bibliothèque de sa demeure, Bachir regardait le parc s'étendant au dehors, les chemins de promenades éclairés par de veux réverbères à gaz, donnant une image intemporelle aux allures de tableau à la vieille bâtisse. Il resta un long moment à fixer en silence la nuit, se posant mille et une questions, remettant en cause certaine de ses croyances, de ses convictions, s'interrogeant sur sa vie et sur son devoir de père et de chef de famille. N'avait-il pas été trop loin aujourd'hui ? Peu importait en un sens, il était trop tard pour avoir des regrets. Son propre père lui avait toujours enseigné qu'il ne fallait jamais avoir de remords par rapports à ses décisions. S'il s'avérait qu'elle était mauvaise, il fallait assumer et prendre sur soit les conséquences, les affronter la tête haute, avec dignité. Il avait essayé de transmettre la même chose à ses deux fils, mais visiblement, ils n'avaient jamais compris. Le cadet était désormais réduit à l'état de cendres et il ne pouvait même pas lui dire qu'il regrettait de ne pas l'avoir mieux surveillé. Il regrettait intérieurement d'avoir pris une décision aussi grave que celle de priver son fils du repos éternel et de la paix de l'âme. Il aurait aimé pouvoir pleurer sur une tombe, le savoir enseveli dans la terre, enveloppé dans un suaire blanc, la tête en direction du Grand Temple. Oui, il regrettait d'avoir été aussi peu présent, aussi orgueilleux, aussi colérique. Il regrettait en fait tant de choses, mais sa plus grande tristesse résidait dans le fait ne pas avoir su amener ce petit jusqu'à l'âge d'homme, et de ne pas avoir réagit en le voyant sombrer.

Bien sûr, il lui restait encore un fils, Malik, mais il n'avait jamais su comment le prendre. Déjà dans sa jeunesse, son premier-né s'était montré plus distant, plus posé que son frère. Et pour dire la vérité, cela avait dérouté le politicien. Il avait tout de suite compris que l'ainé était différent, qu'il aspirerait à autre chose que ce que son père tenterait de lui enseigner. Le problème, c'était la difficulté qu'ils avaient à communiquer l'un avec l'autre. A cause de cela, Malik avait toujours pensé que Bachir était mécontent de lui, alors qu'au contraire, il ressentait une grande fierté en le voyant aussi sûr de lui, calme, vigilent, et doué pour les études. Il avait même souvent eu envie de lui dire de se calmer, qu'il n'avait pas besoin d'être le meilleur partout, qu'il devait penser à vivre un peu plus, faire des imbécilités, sortir, se faire plus d'amis. Car, il ne fallait pas se leurrer, le seul véritable ami qu'il avait était cet Altaïr. Et, il s'en doutait déjà depuis bien des années, visiblement, il était plus qu'un ami. Il ne s'expliquait d'ailleurs pas du tout sa réaction en les voyant s'embrasser, plus tôt dans la journée. Il avait ressentit une sorte de pincement au cœur. Il était heureux de voir son fils avec un air aussi joyeux (oui, c'était bien de la joie qu'il avait sur le visage au moment où Bachir était entré), mais il n'avait jamais su que penser de l'homosexualité. Selon sa religion, à laquelle il était très dévoué, cela représentait un crime, mais quand il lisait la chronique des mariages dans le journal, et qu'il voyait que l'amour pouvait rapprocher n'importe qui (homme-homme, femme-femme, homme-femme, peut importe) son cœur s'emplissait de gaieté.

Sauf que sa stupide réaction d'orgueil et le manque de communication venait de précipité son fils tout droit dans le coma. En songeant à cela, il sentit une grande vague de tristesse l'envahir, et il retourna s'assoir à son bureau. Il avait envie de pleurer, mais un homme ne pleurait pas, c'était l'enseignement de son père. Il avait fait une erreur monumentale, il lui fallait en assumer les conséquences. Il tira une feuille de papier à lui et ouvrit le pot d'encre de chine à sa gauche. Il avait pris l'habitude, depuis bien des années, de rédiger les messages personnels à la plume. Sa femme lui avait d'ailleurs offert, pour ses 50 ans, une superbe plume en verre vénitien. Une babiole rapportée d'un de ses voyages d'affaire pour Beautyfull. Un présent qui le touchait pourtant énormément. Sans attendre d'avantage, il commença à rédiger son message.

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Le Nabot et son acolyte débarquèrent dans le hangar, essoufflé d'avoir trop courut. S'ils avaient quitté l'immeuble au pas de course, s'était à cause d'une voisine de l'étage du dessus, alertée par tout le bruit dans le couloir, qui était descendue voir. En les apercevant la hache à la main, prêt à détruire la porte d'Altaïr, elle avait poussé un cri strident, puis était remontée en trois enjambées à l'étage. Craintifs de voir débarquer la police, ils avaient décidés de battre en retraite. Ils avaient fait au moins trois fois le tour de la ville pour le cas où ils étaient recherchés, mais visiblement, la voisine n'avait pas donné l'alerte. Ou en tout cas, les flics n'avaient pas encore lancé de recherches. Soulagé de pouvoir enfin se poser, déçu de l'échec de leur mission, le grand type pâle se laissa tomber sur une caisse pour reprendre son souffle. Les autres membres du gang n'étaient pas là, surement trop occupés à continuer le trafic. Le Nabot se pencha en avant, prenant appui avec ses mains contre ses genoux, goutant à la tranquillité de l'endroit. La tranquillité ?! Normalement, il aurait dû entendre, à l'heure actuelle, des jurons bien grossiers proférés par la Texane. Il eut soudain un très mauvais pressentiment et se redressa, regardant partout dans l'entrepôt. Ne la voyant pas, il se tourna vers son camarade et lui demanda sèchement :

-Où est Judith ?!

-Je n'en sais rien, répondit l'autre, toujours essoufflé. Je crois qu'elle nous a faussé compagnie dans les environs de l'hôpital.

A ces mots, le cœur de Marcas s'accéléra. Il savait de quoi elle était capable sous le coup de la colère et il redoutait ce qu'elle allait faire. Et tenter de la chercher ne servirait à rien. D'ici à se qu'ils la retrouvent, elle aurait déjà commis ses méfaits.

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Ne parvenant plus à maitriser la crise d'angoisse, Malik se précipita hors de la bibliothèque et se rua dans le couloir. La cloche retentit, les portes de classes s'ouvraient et les élèves emplissaient les corridors, se bousculant, se chamaillant, tantôt sifflant une fille, tantôt poussant un petit cri, appelant untel. Le cadre, en longeant le couloir menant normalement au bureau de la conseillère, aperçu même deux membres de l'équipe de foot (reconnaissable entre tous à cause de leur veste de training rouge et grise) faisait subir la terrible humiliation du sirop à un étudiant à tête de geek. Le principe était de lui balancer en plein visage le contenu d'un verre rempli de granité (ils avaient tous un goût infâme quelque soit la saveur choisie) en plein figure au détour d'un couloir. On le lui avait fait subir lorsqu'il s'était inscrit au club d'échec en seconde, mais Altaïr l'avait vengé… Altaïr, il revit la scène très érotique des vestiaires et secoua vivement la tête pour se sortir les images de l'esprit. Il avait envie de se jeter par terre et de se laisser piétiner par la foule. Ce serait une mort bien moins douloureuse que d'être obligé de revivre tous ses souvenirs terribles. Décidé à se cacher, bien que sachant que ça ne servirait à rien, il se glissa jusqu'à un placard d'entretien et s'enferma dedans. Respirant profondément, tâchant de se calmer, il chercha la ficelle qui allumait habituellement les ampoules dans ce genre de remise. Il la trouva et tira. La lumière se fit, mais il n'était plus dans un placard à balais, c'était plutôt un dressroom. D'ailleurs, il lui semblait, ô horreur, savoir à qui appartenait ce lieu. Il reconnaissait parfaitement les vêtements rangés n'importe comment. La porte donnant sur le couloir avait disparue, il ne restait que celle menant à la chambre d'Altaïr.

-Tu croyais pouvoir t'échapper ? demanda une voix amusée dans son dos.

Sursautant vivement, manquant un battement, il se retourna d'un coup et se retrouva nez-à-nez avec Kadar, souriant narquoisement. Il ne sut pas pourquoi, mais il lui envoya un coup dans le nez. Il savait que c'était d'une inutilité flagrante, mais ses nerfs étaient à vifs. Le coup ne sembla pas avoir le moindre effet, car le jeune homme ne broncha pas, continuant de le regarder, son sourire s'étant toutefois estompé. Il finit par lâcher d'une voix sombre, qui trahissait le fait qu'il en avait mare :

-Bon, fini de jouer, on n'a plus le temps cette fois !

-Parce que c'est un jeu ?!

-Non, c'est on ne peut plus sérieux.

Il attrapa son ainé par les épaules et le poussa jusqu'à la porte, l'ouvrant d'une main et le poussant dans la chambre de l'autre. Etonné, Malik se tourna en direction du lit, avec une boule à l'estomac. Il ne voulait pas savoir ce que lui réservait encore cet endroit.

-Regarde-bien ! ordonna son cadet en lui désignant la porte, dont la poignée venait d'être actionnée.

Avec terreur, il vit la porte s'ouvrir, puis le reste de la scène le choqua.

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Altaïr grogna lorsque l'infirmière appliqua le pansement sur son nez. Sur conseil de Desmond, il avait profité d'être à l'hôpital pour voir un médecin à propos de ça. En effet, son nez était casé, et pas à moitié. Le chirurgien qui l'avait pris en consultation avait suggérer la rhinoplastie, mais le jeune homme avait refusé en bloc et réfuté tous ses arguments. Dépité de ne pas avoir réussi à gonfler sa cagnotte par une intervention aussi inutile que cher (dont la seule réelle utilité aurait été de flatter son talent), il s'était contenté de faire une piqure à vif pour soulager la douleur (un mal pour un bien avait-il précisé au moment de planter l'aiguille) et de maintenir le nez avec un patch compressif.

Il sortit de la salle d'examen, grommelant de douleur. Le truc que le médecin avait injecté mettrait un petit moment à faire effet. Mais la douleur n'était rien en comparaison de l'incertitude qui régnait autour du cas de Malik. L'interne était repassé un peu plus tôt pour leur dire que leur ami était toujours stable, mais que les médecins s'inquiétaient de ne pas voir ses poumons repartir. Toutefois, ils avaient désormais le droit d'aller le voir, mais ce qu'il y avait à voir était plutôt affreux. Malik, des perfusions dans chaque bras, reposait sur un lit, le teint pâle, un tube relier à une machine qui émettait un bruit d'ordinateur poussif enfoncer dans la gorge, plus encore le bruit atroce de l'ECG sur l'écran duquel on voyait la courbe régulière du rythme cardiaque. Un peu faible, avait déclaré un médecin. Ils n'avaient pas le droit d'être plus de deux à la fois dans chambre de surveillance. On avait laissé Altaïr y aller en premier, accompagné de Fadhila, arrivée entre temps. En ce moment, ce devait être Assia et Desmond qui le surveillait. Il imaginait, avec un léger sourire, l'étudiant en train de demander à tous les médecins comment fonctionnait ceci ou cela, quelle traitement ils pensaient être le plus efficace. Sa curiosité et la soif de connaissances étaient des bonnes choses pour le métier qu'il visait, mais Assia risquait de mal le vivre.

Soupirant, il se dirigea vers la sortie. Il crevait d'envie de se griller une cigarette. Avec tout ce qui s'était passé aujourd'hui, il la méritait bien. Il sortit donc et fit quelques pas pour rejoindre Shaun, qui discutait avec Connor un peu plus loin.

-Alors ce nez, ça va ? demanda le gars de la sécurité avec un sourire compatissant en sortant un briquet pour allumer la clope de son camarade.

-Ca va… y a eu des nouvelles ?

-Hélas, fit le Britannique avec un léger hochement de tête négatif.

Ils soupirent tous les trois. Puis Altaïr demanda pour tenter de changer de sujet.

-Alors, t'as failli mettre Reb encloque ?

-Ca a failli, mais heureusement ce n'est pas le cas, répondit le rouquin en fermant les yeux.

-Hé Altaïr ! s'exclama soudainement une voix féminine dans leur dos.

Ils se retournèrent tous plus ou moins lentement, le brun reconnaissant la voix, et aperçurent une femme, plutôt mince, grande, rousse, les toisant d'un peu plus loin, à une vingtaine de mètres.

-Tu croyais vraiment que ça se terminerait aussi facilement ?! Tout faut !

En hurlant cela, elle avait sortit son révolver de son holster, planqué sous son hideux gilet en jeans, et tira plusieurs coups. Instinctivement, se doutant dès la première seconde de ce qui allait se passer, Altaïr avait poussé les deux autres dans l'espoir qu'ils ne soient pas touchés, priant pour qu'elle n'en ait qu'après lui. Une vive douleur le transperça, bien plus horrible que tous les petits bobos de ces derniers jours. La balle l'avait apparemment atteint un peu en dessous des poumons, du côté droite. Il ne s'y connaissant pas vraiment en anatomie, mais s'il se rappelait bien, à cette hauteur se trouvait le foie. Paralysé de douleur, il s'effondra, d'abord à genoux, puis en arrière. Les choses se passaient au ralenti, les sons semblaient distordus, mais il vit son agresseur prendre la poudre d'escampette et cela le soulagea un peu.

Connor, paniqué, se redressa et vint vers lui, le secouant, hurlant son nom, mais il ne l'entendait pas, s'était à peine s'il percevait le mouvement de ses lèvres. Il sentit une légère pression, sans doute l'autre tentait-il de faire pression sur la plaie béante d'où s'échappait du sang comme d'une fontaine. Il le voyait hurler à l'aide, en regardant partout autour de lui. Une minute plus tard (peut-être plus, il n'avait plus aucune notion de temps), des médecins arrivaient au pas de course, prenant rapidement en charge le blesser. Tournant difficilement la tête sur le côté, il vit qu'ils s'affairaient aussi autour de Shaun. Visiblement, lui aussi était touché, mais il ne voyait pas où.

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Malik traversa la pièce avec la sensation de suffoquer, se précipitant sur la porte, le souffle court. Les bruits malsains dans son dos lui retournait le cœur (et l'estomac). Il ouvrit à la volée et se rua dans l'autre pièce. C'était sa chambre, au manoir familial. En redressant le visage, il se vit, collé contre le mur par Altaïr en train de lui voler un baiser. Une scène qui ne datait que de quelques heures, mais qui le chamboulaient quant même énormément. Surtout après ce qu'il venait de voir. Il n'avait que deux solutions pour s'enfuir. Soit retourner dans la chambre d'Altaïr et contempler la suite des évènements, soit passé à côté de ce souvenir de début d'après-midi. Entre les deux, son choix fut vite fait. Il traversa la nouvelle pièce à pas de géant, bouscula les deux protagonistes (qui ne réagirent pas) et passa dans le couloir. Il se serait attendu à, une fois de plus, changer de lieu, mais il restait dans la maison des Al-Sayf. Il atteignit l'escalier et le dévala. Au moment où il atteignait le bas des marches, et donc la porte d'entrée, il entendit une voix grave qu'il reconnu immédiatement et tourna la tête.

-Malik ?!

C'était son père, au sommet de l'escalier de granit. Il semblait aussi surpris que lui, paniqué même. Mais ce ne devait être qu'une vision, une de plus, orchestrée par ce lieu étrange. Sans se préoccuper du nouveau venu, il ouvrit la porte et sauta littéralement dehors. Sauf que, au lieu d'arriver dans la cour sablonneuse, il fit une courte chute, s'écrasant sur un sol dur, carrelé en damier noir et blanc. Son souffle avait été coupé par l'impact. Il resta allongé un petit moment, n'osant pas redresser la tête. Il y avait à nouveau cette sensation de froid, cette odeur d'humidité. Se remettant enfin debout, lentement, très lentement, il jeta un regard autour de lui. C'était apparemment le hall de la DaVinci Incorporation, devant les ascenseurs. Il était tombé du plafond alors ?! La luminosité était plutôt faible, et les couleurs avaient l'air plus terne que durant tout le reste de son « séjour ». La brume suintait des porte vitrées, suintant à l'intérieur du bâtiment, plus menaçante que jamais. Lorsqu'il releva et se tourna vers les ascenseurs, Kadar se tenait là, debout, apparut une fois de plus de nulle part. Il avait un air grave et parla d'une voix sombre :

-On a trop trainé…

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-Homme blanc, 24 ans, blessure par balle au foie, blessé devant l'hôpital ! annonça le secouriste en poussant le brancard où se trouvait Altaïr à travers le hall d'entrée.

-Homme blanc, 25 ans, blessures par balles à la poitrine, même fusillade, annonça le deuxième en suivant avec Shaun.

Altaïr était encore à moitié conscient en entrant. Sa tête tournait, les bruits semblaient l'agresser, les images n'étaient pas très nettes, et il avait la sensation de sentir quelque chose couler à l'intérieur de son corps, là où il ne fallait pas. Il entendit à peine quant le chef de la traumatologie ordonna de les amener immédiatement aux blocs. Ils devaient tous les deux être opérés en urgence. Le Britannique avait une balle logée dans le poumon, l'autre était ressortie mais avait causé pas mal de dégâts. Quant à lui, il fallait retirer la balle et recoudre rapidement son foie avant de perdre trop de sang, ou bien d'être empoisonné (si le foie ne jouait plus son rôle de traitement du sang) ou encore que sa vésicule biliaire ne se rompe et déverse son liquide dans le reste des organes, se qui les ferait fondre. On lui arracha presque ses vêtements, puis on l'amena dans une qu'il avait souvent vu dans des séries TV et qu'il avait espéré ne jamais avoir à voir en vrai. Un grand homme portant charlotte et veste de chirurgie stérile lui appliqua un masque de respiration sur la bouche et le nez. Dix secondes plus tard, il basculait dans l'inconscience. On l'intuba, puis les chirurgiens entamèrent leur besogne, ouvrant d'un coup assuré de scalpel.

Dans le bloc d'opération d'à côté, On faisait subir la même chose à Shaun. A la différence près que son cas était potentiellement plus grave.

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-Il s'enfonce, code bleu ! s'exclama la jeune résidante en chirurgie qui se trouvait dans la chambre d'hôpital.

Alors qu'Assia lui tenait la main, la pressant doucement sous le regard envieux de Desmond, la courbe de l'ECG s'était soudainement affaiblie, devenant irrégulière, pour finalement s'effondre complètement, activent l'alarme. Un autre médecin et un infirmier se précipitèrent dans la pièce.

-Mon dieu, qu'est-ce qui se passe ?! paniqua la secrétaire pendant que l'étudiant la tirait en arrière pour la sortir des pattes des médecins.

-S'il vous plait, veillez sortir ! ordonna la résidente en chirurgie en roulant Malik sur le côté pendant que son collègue glissait une plaque en plastique dur sous lui.

Elle le rallongea correctement et débrancha le tuyau du respirateur de la machine, le connectant à une pompe manuelle que l'infirmier activait au rythme d'une respiration normal pendant que l'un commençait le massage cardiaque et que l'autre, aidée d'un deuxième infirmier, préparait le défibrillateur, ordonnant de préparer de l'adrénaline (enfin, c'est ce qu'Assia cru comprendre) et de charger à 300. Elle ordonna à son collègue de retirer ses mains et choqua. Le corps rebond légèrement au moment où le courant était relâché. Tout le personnel médical avait les yeux rivés sur l'écran de l'ECG, mais le cœur ne redémarrait pas.

-Ok, on recommence, charger à 320 !

Derrière la vitre de la salle de soin, Desmond devait retenir de toutes ses forces son amante pour l'empêcher de se ruer dans la chambre pour voir ce qui se passait de plus prêt.

-Lâche-moi, lâche-moi ! hurlait-elle en se débattant.

-Assia, arrête ! Laisse-les médecins faire !

-Une minute s'écria le premier infirmier.

Ce qui suivit, la plupart des gens aurait tressaillis en y assistant. Le deuxième infirmier passa une seringue remplie d'un liquide transparent à l'autre médecin, qui planta l'aiguille directement dans la poitrine de leur ami. Il s'agissait en fait d'adrénaline, destiné à faire repartir le cœur. L'étudiant le savait, mais sur le coup, son cerveau semblait transformé en soupe. Il comprenait à présent pourquoi on interdisait au chirurgien de s'occuper de leurs proches.

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-Comment ça, trop trainé ?! s'exclama Malik, paniqué par la sensation oppressante que dégageait l'endroit.

Kadar ne répondit pas, s contentant de pencher la tête en détournant le regard. Il semblait ennuyé plus qu'autre chose, et cela énerva encore d'avantage son frère. Finalement, il reposa les yeux sur le cadre, puis soupira avant de répondre :

-Tu es mort…

-Quoi ?! Comment ça ?!

-Tu as passé trop de temps à comprendre, ton corps n'a pas tenu le choc. Ton cœur c'est arrêté.

-Mais… !

-Les médecins sont en train d'essayer de te réanimer, mais c'est vain.

Comment ça, en vain ?! Tu veux dire que je suis foutu ?! hurla Malik, les larmes lui montant aux yeux.

Il ne pensait pas que de l'apprendre lui ferait aussi mal. Il avait l'impression que le monde s'effondrait autour de lui… Attendez, mais le monde s'effondrait vraiment autour de lui ! Des dalles commençaient à se détacher, tombant dans ce qui semblait être un vide brumeux. Le jeune homme sauta juste à temps du carré noir sur lequel il se trouvait alors que celui-ci tremblait, puis s'enfonçait.

-C'est quoi ce délire ?!

Il tourna la tête vers son cadet. Ce dernier le regardait avec tristesse, isolé sur un ilot immobile, flottant dans le vide. Les dalles se détachaient de plus en plus rapidement. Le plafond et les murs n'existaient plus. Il ne restait plus que l'ascenseur, avec un parvis de quelques carrés, qui s'effritait à présent comme du sable, lentement, comme pour faire durer le plaisir du supplice. Malik se plaqua contre la paroi métallique, regardant le vide infini qui s'étendait sous ses pieds. Il appuyait comme u frénétique sur le bouton d'appel, espérant que les portes de l'appareil s'ouvrent. La voix de Kadar expliqua, calme, posée :

-Ceux qui tombent ne reviennent pas…

-C'est l'au-delà ?!

-L'ailleurs.

-Ouvre-toi, merde ! s'énervait-il contre l'ascenseur qui ne venait pas.

-C'est inutile. Il ne s'ouvre pas pour ceux qui ne comprennent pas.

-Tu crois vraiment que c'est encore le moment de parler par énigmes bordel ! Sois clair ! Comprendre quoi !?

-C'est à toi de me le dire, répéta Kadar, visiblement désolé de ce qui était en train de se passer.

-Mais te dire quoi ?! ça servait à quoi tout ça ? J'étais censé arriver à quelle putain de conclusion ! criait l'autre, sautillant sur place, faisant de grands gestes parfaitement inutiles.

-C'est à toi de me le dire, sanglota presque le lycéen, désespéré de voir son frère aux portes de la mort.

-Mets-moi au moins sur la voie ! pleurait à présent Malik en voyant se rapprocher le bord du gouffre.

-Je ne peux pas ! hurlait son frère.

-Je ne veux pas mourir !

-Tu sais ce que tu dois dire Malik, depuis le début ! Alors arrête de jouer ! C'est trop tôt pour toi ! s'énerva soudainement Kadar.

-Non, je refuse ! Je ne veux pas !

-Si tu n'avoue pas, alors tu mourras vraiment. DIS-LE !

-D'accord !

Kadar sourit intérieurement, il avait fini par réussir sa mission. Il espérait seulement que ce n'était pas déjà trop tard.

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Dans le bloc, le cœur d'Altaïr venait de lâcher. Il avait perdu beaucoup de sang, et le fait d'avoir des mains plongées dans son ventre avait affaibli l'organisme. Les chirurgiens entamèrent immédiatement la procédure. Pendant qu'un commençait le massage cardiaque, le deuxième retirait tout le matériel métallique présent dans la cavité abdominale. Il fallait choquer. On tendit au chef chirurgien les palettes et il ordonna de charger à 300. Ici aussi, le corps ressauta, mais le cœur ne se relançait pas.

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-Deux minutes, annonça l'infirmier en jetant un coup d'œil à l'ECG.

Malik était toujours en arrêt, et le danger imminent était que ses organes meurent à cause du manque d'oxygène.

-Repasser de l'adrénaline ! ordonna la médecin en chargeant à 350.

Son collègue s'exécuta, plantant une deuxième seringue dans la cage thoracique du patient. Dehors, Assia pleurait à présent, blottie dans les bras de Desmond, qui observait la scène en cachant les yeux de son amante. Il commençait sérieusement à redouter la conclusion de cette morbide séance de réanimation.

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Kadar souriait. Son frère semblait complètement hystérique, les cheveux décoiffés (il s'était vivement frotter la tête dans un accès de désespoir), transpirant de s'être tant agité. Mais au moins, il avait fini par le dire, les trois mots qui lui accordaient le salue. Il avait dû le pousser dans ces dernier retranchement, le mettant devant ses propres démons, lui remettant à l'esprit des éléments du passer. C'était un traitement de choc, mais tout irait bien à présent. Enfin… Normalement. Le sol avait arrêté de s'effriter, mais Malik ne le remarqua même pas, encore ahuri par ce qu'il venait d'avouer et qui, sans doute, avait été une grande révélation pour lui-même. Cela faisait tellement longtemps qu'il se cachait de sa véritable nature qu'il devait ressentir un mélange de soulagement et déception. Il ne restait plus qu'à espérer que son cœur allait repartir, sinon toute cette mise en scène n'aurait servi à rien.

Soudain, et s'était parfaitement inattendu, la cloche de l'ascenseur tinta. Kadar posa un regard étonné sur la lumière indiquant la présence de la cabine. Malik se retourna, aussi étonné que l'autre (mais vu son regard, il devait penser que l'ascenseur était là pour le ramener). Les portes coulissèrent, et se qu'elles révélèrent fit l'effet d'une bombe dans le cerveau des deux frères. Malik, fut prit d'agitation, le cœur s'accélérant, la respiration saccadée.

-Altaïr ! hurla-t-il.

Ca ressemblait à un cri de désespoir qui se répandit en écho dans le vide. Le nouveau venu semblait complètement déstabilisé, sans doute se croyait-il dans un rêve car ses mouvements étaient hésitant. Malik s'apprêtait à se jeter dans la cabine pour le prendre dans ses bras, les larmes aux yeux comprenant ce que signifiait sa présence ici. Soudain, tout devint blanc. Un blanc pur et parfaitement aveuglant. Le cadre se sentait tomber. Était-ce la fin ? Dans un sens, il aurait préféré.

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Il rouvrit les yeux alors que son corps était soulevé par un vif sursaut. Tout semblait se passer en accéléré et il n'entendait rien. Quatre personnes s'affairent autour de lui. Son corps retombait mollement sur un sol mou, sans doute un lit. Il avait une vive douleur dans tout le corps et ses poumons le brulaient. Il avait la sensation de s'étrangler avec quelque chose d'énorme et remarqua le tuyau qui dépassait de sa bouche et s'enfonçait probablement dans sa trachée. Où était-il.

-On a un rythme ! annonça le médecin avec soulagement en désignant la courbe se redessinant sur l'écran de l'ECG.

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Dans le bloc 2, les chirurgiens regardait la ligne droite sur le même type d'écran. Tout le monde gardait le silence. Cela faisait plus de cinq minutes qu'ils s'acharnaient à réanimer le patient. C'était fini. Enlevant ses gants avec regret, arrachant son masque de protection en papier, le chirurgien responsable de l'opération lança un regard déçu à ses collègues, jeta un rapide coup d'œil à l'horloge au mur et annonça d'une voix neutre :

-Heure du décès : 23h42

Puis il se dirigea vers le sasse stérile pour se changer.


Voilà, on se retrouve avant la « fin du monde » (*n'y croit absolument pas*) pour le dernier chapitre !

Encore merci de me lire ! A bientôt !