Près de 4 ans après, voici le second OS de ce recueil (ou de ce qui était sensé être un recueil).
Avant de commencer, je voudrais vous dire merci pour l'accueil reçu pour la première histoire et les retours chaleureux. Cela fait toujours plaisir, surtout quand on débute.
Je voudrais aussi vous dire pardon si jamais il y en a qui parmi vous attendaient cette seconde histoire, et pardon parce qu'elle n'est pas dans la lignée de la précédente. Elle est beaucoup plus sombre, beaucoup plus triste, pas drôle. Il y a néanmoins un happening, mais de justesse.
Avant que vous me posez la question : oui, les chances ne sont pas nulles pour qu'il y ait une suite. Mais si elle a lieu, vous connaissez ma lenteur d'écriture. Ce ne sera pas pour tout de suite.
Ceci étant dit, je vous souhaite une bonne lecture.
Rating : T
Disclaimer : M. Kurumada
Je t'aime toujours tu sais ?
-On ne t'attendait pas de retour si tôt ! Tu as rapporté un cadeau pour ton maître ?
C'est Dohko qui a posé cette question à Mü, car alors que celui-ci arrivait à son temple, revenant de Jamir, il portait un paquet emmailloté dans ses bras. Dans les faits, la balance doutait fortement de cela, car il voyait bien les traits tirés et anxieux du Jamirien.
-J'aurai préféré, mais ce n'est pas le cas. Mais j'ai trouvé quelque chose de vraiment curieux là-bas. Alors je pensais demander à Shion...
-Ah oui ? Mais penses-tu vraiment que demander à Shion soit la meilleure des solutions ? Son humeur ne s'est pas arrangée depuis que tu es parti, tu sais.
Mü offrit un sourire désolé à la balance qui était le premier à avoir souffert de cette ''humeur'' massacrante que leur supérieur présentait depuis de long mois maintenant, quand bien même personne ne semblait vraiment savoir la raison de cette ire quasiment permanente.
Il faisait toujours ses tours du Sanctuaire, supervisait toujours les entraînements, donnait des missions, rendait ses jugements avec la même raideur juridique, mais de manière extrêmement sèche, et quiconque requérant son attention encourait le risque de se faire rabrouer sans raison. Cela faisait que serviteurs comme chevaliers faisaient de leur mieux pour éviter d'avoir à traiter avec lui.
-Je m'en doute, Dohko, et puis tu sais, tous ceux que j'ai croisé m'ont déjà dit la même chose. Mais c'est peut-être important et je veux son avis sur la question.
-Comme tu veux. Je t'accompagne.
-Oh, ce n'est pas...
-Si. Ça m'intéresse. Et puis, il faut bien que j'aille voir cette andouille s'il bouge encore de temps en temps. Ce serait ballot qu'il se transforme en momie sans que je m'en rende compte.
Et sur cette remarque pleine de tendresse, ils se mirent à monter tous les deux vers le palais du Pope.
Arrivés au treizième temple, ils ne se privèrent pas du privilège qui ne leur avait pas encore été retiré en toquant directement à la porte du bureau du Pope et entrèrent sans attendre la réponse de leur dirigeant.
Sans surprise, ils eurent droit à un regard torve quelque peu suspicieux en guise d'accueil.
-N'étais-tu pas sensé être parti pour plusieurs jours à Jamir, Mü ?
-Bonjour maître.
-Bonjour Shion !
Shion foudroya du regard la balance et son enthousiasme forcé avant de reporter son attention sur son ancien disciple.
-Et donc ?
-Je suis bien allé à Jamir, comme je l'avais dit, sans but précis. Mais tout près de la tour, à moitié recouvert de neige, j'ai trouvé ceci.
Ce disant, Mü rabattit le pan du tissu couvrant son paquet, dévoilant le visage blafard d'un nouveau-né. Avec deux points sur son front.
Shion perdit des couleurs, Dohko fit un pas en arrière d'horreur.
-Comme vous le voyez, c'est le cadavre d'un enfant, d'un nourrisson même. De race atlante. Son corps est brisé en mille morceaux. Je ne sais pas ce qui a pu se produire...
-C'est un garçon ou une petite fille ? Demanda la balance qui s'était rapproché pour mieux voir.
-C'est un garçon.
-Encore plus étrange, commenta-t-il, le menton entre le pouce et l'index, en général, enfin, en général en Chine tout du moins, si un enfant doit être tué, ce sont les filles les premières victimes à cause de la politique de l'enfant unique et des traditions. À moins que ce soit le fruit d'un adultère ?
-Tu penses ? Mais pourquoi le supprimer d'une façon aussi immonde ?
-Pourquoi as-tu amené ce... cette chose ici ?!
Le Pope, après être resté figé durant l'échange, avait fini par retrouver l'usage de la parole et avait presque hurlé ces derniers mots, faisant reculer Mü.
-Eh bien, j'avais pensé...
-Pensé, pensé quoi, ça n'a rien à voir avec le Sanctuaire !
-Mais c'est peut-être important pour notre peuple ! Nous ne sommes qu'une poignée, tu le sais non ? Si quelqu'un essayait de détruire les quelques uns qui restent... Vous avez été à Jamir récemment, avez-vous remarqué quelque chose ?
-Ben voyons ! Depuis le temps que nous nous sommes établis à Jamir, si les peuples voisins avaient des griefs contre nous, nous en aurions eu vent ! Enterre-moi ça quelque part et ne m'en parle plus. Ce n'est qu'un cas isolé, cela ne nous concerne pas.
Mü se raidit sous la violence de Shion et pinça les lèvres.
-Et si c'en était pas un ? Il était aux portes de la tour de Jamir !
-Dois-je vraiment me répéter ? Je n'ai que faire de tes accès de paranoïa.
Les joues rouges et des larmes de colère sous les paupières, Mü affronta pendant quelques secondes le regard courroucé de Shion.
-Très bien, grand Pope.
Il se plia dans une petite révérence et s'en fut, raide.
Dohko le regarda partir, puis il se rapprocha du bureau de Shion, s'assit, les mains derrière la nuque, et posa ses pieds sur son bureau, histoire que le Jamirien, qui s'était replongé dans ses papiers, ne puisse faire semblant d'ignorer sa présence bien longtemps.
-Tu crois VRAIMENT que c'est le moment de m'énerver Dohko ?!
-Oh non, sûrement pas, mais bon vois-tu, j'en ai déjà vu de toutes les couleurs avec toi, alors un peu plus, un peu moins, qu'est-ce que ça change, hein ? Après la fois où tu m'as menacé de m'arracher les parties avec ton cactus si je te touchais encore, y a plus grand chose qui me fasse peur, tu sais ?
Il sembla à Dohko voir une légère lueur un peu honteuse flotter dans son œil mauve. À moins que ce ne soit Dohko qui s'était mis à fabuler. Il avait envie d'y croire cependant.
-Qu'est-ce que tu veux ?
Son ton était rude, il avait donc du fabuler. Dommage. Comment en étaient-ils arrivés à ce que Shion devienne suspicieux dès qu'il lui adressait la parole ? Il lui faisait toujours confiance, avant.
Avant.
Cela ressemblait à une éternité maintenant.
Dohko laissa le regret quitter son visage et se reconcentra sur la conversation.
-Je te tiens le bout de gras, j'ai pas le droit ?
-Si c'est juste pour ça, tu peux sortir d'ici.
-On n'arrivera plus à avoir la moindre conversion tous les deux, hein ?
-Sors d'ici !
-Comme tu veux, obtint-il en soupirant. À regret, il se leva et rangea la chaise avant de marcher vers la sortie. Au dernier moment, il s'arrêta et se retourna.
-Je t'aime toujours tu sais ?
Un instant, Shion s'immobilisa, visiblement surpris, avant que son regard ne se durcisse.
-Je t'ai dit de sortir d'ici ! Cria-t-il.
-Je sors, je sors, ne t'en fais pas pour ça.
Et il sortit, effectivement.
Et Shion se retrouva seul dans son bureau, une nouvelle fois.
Il fixa la porte close, ses épaules s'affaissèrent tandis qu'il soupira et cacha ses yeux sous ses mains.
Mü eut un pincement au cœur en voyant la balance sortir. Perdu dans ses songes, il faisait vraiment diminué, avec ses cernes, son teint pâle et ses joues creusées. Il vivait vraiment mal cette rupture imposée, et ce d'autant plus qu'il n'en connaissait pas l'origine et que par temps de paix, il n'y avait pas grande activité au Sanctuaire pour se changer les idées. Il remarqua soudainement la présence de son jeune pair, et adressa un sourire faussement joyeux au bélier. Dohko surjouait vraiment beaucoup pour essayer de ne pas inquiéter les autres.
-Ah, je n'avais pas fait attention que tu m'attendais, excuse-moi. Que comptes-tu faire alors ?
-L'enterrer, Shion n'a pas tort sur ce point-là, le pauvre petit bout mérite bien ça, ensuite, je vais enquêter là-bas. Les choses ont avancé de ton côté ?
-Oh bah non, je me suis fait jeter, comme d'hab quoi, tu t'attendais à quoi, franchement, bah j'ai l'habitude maintenant, hein ? Essaya-t-il de rire.
-Oui... acquiesça-t-il un peu à contre cœur.
-Je pense que je vais venir avec toi.
-Vraiment ?
-Ouais, sortir un peu, ça me fera pas de mal, et puis bon, elle m'intrigue autant que toi cette histoire.
Mü lui sourit.
-Merci.
-Tu pars tout de suite ?
-Je vais demander l'avis de Shaka avant.
Dohko sourit à son tour. Il avait toujours trouvé les deux jeunes gens adorables ensemble. Et puis l'Hindou était loin d'être la moitié d'un imbécile en plus d'être sage. Nul doute que sa présence serait une aide.
-Fort bien.
Quelques heures plus tard, ils étaient tous les trois à la porte de la tour de Jamir. Shaka avait accepté de venir, malgré un certain malaise : ils étaient quand même en train de désobéir au Pope. Mais les raisons de Mü lui semblaient valables, alors ils ne leur coûteraient probablement pas grand-chose de vérifier par eux même qu'il n'y avait rien de grave à plus grande échelle...
Dohko quant à lui regardait la tour d'un air très intéressé. Il ne l'avait jamais vu en vrai et il l'imaginait un peu plus grande, même si elle restait imposante.
Sans s'occuper des états d'âmes de ses compagnons, Mü les entraîna quelques dizaines de mètres plus loin.
-Vous voyez, il était à peu près ici, c'est quand même près de la tour de Jamir !
-C'est quand même un peu plus loin que ce que j'avais pensé, fit remarquer Dohko. Quand tu disais qu'il était au pied de la tour, je pensais qu'il était genre vraiment littéralement au pied de la tour. Mais ça reste toujours suffisamment près pour faire suspect.
-Un avertissement tu penses, Mü ?
-C'est ce qui me fait peur.
Il y avait-il réellement un complot contre les Atlantes qui se tramait ? Cela paraissait tellement surréaliste. Mais vu le nombre restant de représentants de ce peuple, mieux valait être prudent.
-Y a des habitants dans le coin ?
-Il y a des villages en contrebas.
En s'approchant du précipice, Dohko aperçut en effet quelques demeures.
-Eh bien allons-y !
L'enquête ne donna rien. Des femmes enceintes ? Oui, il y en avait eu, mais on savait ce qu'était devenu le bébé, merci beaucoup. Des disparitions ? Non aucune, sauf une ou deux chèvres, peut-être. D'ailleurs, si vous les trouvez, n'hésitez pas à les ramener. Des gens louches ? Non, jamais. Des menaces ? Aucunement. Des anomalies ? Voyons voir… la semaine dernière y a pas eu de brouillard pendant quatre jours, ça compte ? Non ? Tant pis.
C'est à partir de cette dernière tirade que les trois chevaliers finirent par se rendre à l'évidence qu'ils ne parviendraient à rien comme ça, au grand désespoir de Mü.
-Mais comment expliquer ça alors ?! Si ce n'est un criminel, si la mère n'est aucune femme de ce pays ?!
-Je ne sais pas Mü, mais peut-être qu'il là depuis plus longtemps que tu ne le penses, après tout, cela fait longtemps que tu n'étais pas allé à Jamir, les glaces auraient pu le recouvrir mieux que ça à l'époque, essaya de temporiser Shaka. Les habitants auraient ensuite oublié ce qui s'était passé à l'époque...
-Non, j'avais vraiment daté sa mort à quelque mois…
-La glace, ça conserve hein !
-Je sais ! Cria Mü, excédé avant de reprendre un peu plus calmement. Mais Shion l'aurait vu quand même, il est resté longtemps et il n'y a que quelques mois à peine.
-Il a peut-être pas regardé par la fenêtre pendant tout ce temps, on sait pas très bien ce qu'il a foutu à Jamir pendant sept mois.
-Des recherches, de la documentation et du ressourcement spirituel avait-il dit, non ?
-Ouais bah on n'a pas pu vu l'ombre d'un résultat.
-Il n'est pas obligé de faire partager son savoir nouvellement acquis. L'élévation de son esprit doit être une entreprise purement personnelle.
Dohko retint un soupir désespéré.
-BREF ! Soit la glace ça protège et ce cadavre à dix ans ou plus, soit… soit… y a une couille dans le potage et je vois pas où… Y a pas d'autres Atlantes qui vivent dans le coin ?
-Pas à ma connaissance.
-Bah c'est la merde.
Sachant qu'en plus qu'ils ne ressentaient absolument RIEN, pas le moindre cosmos autre que le leur, pas la moindre anomalie ou semblant d'illusion, non, juste un vaste désert.
-Peut-on envisager l'hypothèse d'une jeune femme qui aurait masqué sa grossesse, aurait porté l'enfant jusqu'ici avant de rentrer chez elle ?
-Et comment t'explique l'état de l'enfant, toi ? Il est pas mort de froid hein !
Shaka secoua la tête, faisant onduler ses mèches blondes.
-Je sais bien. Peut-être le bébé était-il placé sur un support précaire que nous n'avons retrouvé, et qui s'est brisé, emportant le nourrisson avec lui, ce qui lui a brisé les os ? Il était tout de même placé sur un support plutôt escarpé que je sache. Une chute est ce qui expliquerait le mieux l'état dans lequel Mü l'a trouvé.
-Certes. Mais ça fait un peu capillotracté comme explication.
-Au point où on en est, les interrompit Mü qui fixait depuis quelques minutes la tour de manière inexpressive, on peut bien prendre toutes les hypothèses, même les plus farfelus. Je pense que l'on devrait rentrer et manger. La nuit nous portera peut-être conseil.
Ils logèrent à Jamir, mais les lieux de ne leur inspirèrent pas la solution du problème. Au moins Dohko put-il s'amuser à feuilleter des ouvrages en Atlantes. L'écriture présentait des ressemblances avec le vieux grec, c'était assez amusant – mais ça ne lui permettait pas de décrypter quoi que ce soit. Il n'avait jamais été bon en langue de toute façon. Pas comme Shion. Tristement, il reposa un dernier ouvrage. À côté, les deux jeunes chevaliers semblaient avoir fini de tergiverser dans tous les sens tout en petit déjeunant. Dohko les rejoignit.
-Alors ? Vous êtes arrivés à quelque chose ?
Mü fit la moue.
-Je crois que Shaka a raison et que l'on ferait mieux de rentrer. On arrivera à rien ici.
Dohko acquiesça.
-Ouais. Je me demandais, est-ce que le bébé aurait pas pu ne pas être viable ? Il avait le crâne un peu plat, non ? Il serait mort à la naissance, les parents ne l'auraient pas supporter et auraient abandonné le cadavre dans la nature ? Non ?
-Je ne crois pas, enfin je sais pas, je n'ai pas fait attention à d'éventuelles malformations, même si maintenant que tu le dis, c'est vrai que son crâne avait une forme un peu bizarre. Mais il y aurait eu une telle histoire, les villageois nous l'auraient dit, tu ne crois pas ? Et puis pourquoi l'abandonné ici, pourquoi avoir fracassé son corps, non, ce n'est pas cohérent à mes yeux.
-Ah oui, tu as raison. Bon et bien, rentrons. Ici nous tournons en rond, j'ai l'impression.
Le temps de finir le petit-déjeuner, la vaisselle et la dernière prière de Mü pour l'enfant, ils regagnaient le Sanctuaire.
Shion ne put s'empêcher de souffler du nez quand il entendit la porte de son bureau s'ouvrir en grand, sans que personne n'ait toqué auparavant. Il n'avait même pas besoin de lever les yeux pour savoir de qui il s'agissait.
Le rustre entra comme s'il était chez lui, tira une chaise, s'assit face à lui, les bras croisés derrière la nuque et déposa un à un ses talons sur le bureau du Pope.
-T'en as pas marre de me faire voir tes semelles, Dohko ?
-Pas temps que ça te fait réagir. Ça va ?
L'air blasé, le Pope le regarda, le visage posé contre son poing.
-Qu'est-ce que tu veux ?
Ravi d'avoir toute son attention et de ne pas l'avoir pour l'instant excédé – même si cela ne saurait tarder, Dohko s'assit plus convenablement.
-On est allé faire un petit tour du côté de Jamir avec Mü et Shaka. Ce n'était pas exactement comme je l'imaginais, mais c'était sympa quand même, comme petite promenade. Je pensais pas qu'il y avait autant d'habitations et d'Atlantes dans le coin d'ailleurs, j'ai bien fait de venir, j'ai appris des choses.
Shion haussa un point de vie inquiet.
-Qu'êtes-vous donc allez faire là-bas ?
-Enterrer le p'tiot, déjà. Je savais pas non plus que vous pouviez avoir un cimetière, d'ailleurs. Je ne te cache pas que j'ai été surpris d'apprendre que vous aviez un pan de terre dédié à ça.
-C'est pour les pauvres. Les riches ou les Atlantes importants sont recouverts de pierre dans un autre endroit. Cela les conserve et les momifies. Parfois ils sont aussi incinérés. Ça dépend des circonstances.
Dohko haussa un sourcil intéressé. Mais c'est qu'il pourrait presque avoir une discussion normale avec lui aujourd'hui ! Même si Shion semblait avoir commencé son explication plus par réflexe face à une affirmation fausse ou incomplète que par réelle volonté de lui parler à lui. Il avait quand même une moue un peu contrariée.
-Mü ne m'a pas dit ça.
-Mü ne sait pas tout. Et à part ça… ?
Et à partir de là, ça allait dégénérer, prévu Dohko, non sans continuer.
-On est allé voir si on pouvait en apprendre plus sur les circonstances du drame…
-Je vous ai pourtant dit qu'il n'y avait rien à savoir ! Pourquoi avoir contesté mes ordres ?!
-...Parce qu'ils nous ont semblé contestables ?
-Il y en a qui se sont retrouvés au cachot pour moins que ça !
-Sûrement, oui.
-Et maintenant quoi, tu viens me dire que tu es étonné d'avoir rien trouvé ?
-Si, on a trouvé quelque chose !
Le Pope blêmit et s'arrêta net dans sa diatribe.
-Trouvé quoi ?
-Rien. J'ai bluffé. Les villageois aux alentours savent rien. On a rien senti, aucun cosmos, aucun indice, rien.
Les épaules de Shion s'affaissèrent en conséquence.
-Je savais bien, je pouvais pas me tromper, maugréa-t-il. Bon tu m'as pris pour un idiot, ahah, c'est juste pour ça que tu es venu là ?
Dohko prit quelques secondes avant de répondre.
-Je suis sûr que tu sais des choses et que tu ne veux rien dire...
-Comment ça ?!
-Je te connais.
-Tu me connais ? Répéta-t-il, méprisant. Et cela t'autorise à faire ce genre de théorie abracadabrante ?
-Eh bien ma foi... Oui. Et c'est bien pour ça que ta réaction face à toute cette situation me paraît... comment dire... inadaptée. Le vrai Shion que je connais aime les gosses comme Mü. Il aurait réagi comme lui, pleurant la mort de cet être comme si c'était le sien... mais toi tu réagis comme si on te parle d'une nuisance...
-Et qui te dis que le Shion que tu connais n'as pas réagi comme tu le penses ? Le coupa-t-il.
-Tu...
-Si un chevalier d'or à la rigueur peut se laisser aller au sentimentalisme, pas un Pope. Cette affaire ne traitait pas le Sanctuaire, je l'ai écarté de ce lieu, c'est tout, martela Shion.
Un sourire vide de toute joie s'étira sur les joues de la balance.
-Alors c'est comme ça, hein. On a plus accès à Shion mais qu'au Pope. Très bien très bien. Eh bien, votre majesté, je me retire, au revoir, votre grandeur.
Sans attendre de réponse, Dohko se leva rageusement, rangea la chaise, et commença à s'éloigner sous le regard du Pope qui n'amorça aucun geste pour le retenir. Au dernier moment, il se retourna vers lui.
-N'empêche que je me demande bien ce que j'ai pu faire pour que tu te mettes à me détester autant.
Et il claqua la porte.
Je me demande bien ce que j'ai pu faire pour que tu te mettes à me détester autant.
Cette phrase résonna quelques minutes dans la tête du Pope.
-Dohko... murmura-t-il.
Si tu savais...
Dohko s'arrêta juste après avoir franchi la porte et pris une grande inspiration. Il n'avait qu'une envie, se taper la tête contre un mur ou une colonne à se fracasser le crâne. Shion qui refusait de se révéler à lui et à Mü ?! Et puis quoi encore ?! Ça le bouleversait tellement, qu'il en avait oublié de lui faire remarquer qu'il trouvait étrange son assurance au sujet de ses affirmations. Mais ce n'était pas comme si toute cette histoire n'était pas, pour Dohko, qu'un prétexte pour le revoir de toute façon. Au fond, il s'en foutait de ce gosse. Des nouveau-nés qui mourraient, il y en avait tous les jours.
Lentement, il entreprit de descendre les longs escaliers dans le but de regagner sa demeure et de ne surtout pas la quitter avant... avant... longtemps. Voilà.
Il sut que ce grand projet allait très probablement être mis à mal quand, avant même d'atteindre la douzième maison, il vit Kanon s'avancer vers lui. Il ne put s'empêcher de sourire, même si cela ressemblait plus à un rictus. C'était un gars bien, Kanon, quoiqu'on en dise. Il dirait même plus : c'était un bon ami, même s'il n'avait pas envie de l'ennuyer avec ses histoires. Il se frotta le visage pour tenter de se dérider et avoir une mine avenante, en espérant que l'illusion marcherait, encore.
-Yo Dohko mon pote ! Je te cherchais, j'me faisais chier, alors je cherchais quelqu'un avec qui boire une bière à Athènes.
-À trois heure de l'après-midi ?
-C'est un problème ? Fais soif là ! Pas toi ?
Dohko sourit : Kanon ne changerait jamais.
-Vendu ! Mais t'es monté jusque-là rien que pour moi ? Tu me flattes là ! Reprit-il d'un air taquin tandis qu'ils se mirent à descendre les marches.
-Heu ouais enfin c'est pas tout à fait ce que tu crois non plus hein, c'est que Milo est parti jouer au docteur en Sibérie – comme s'il y avait besoin de partir aussi loin pour ça, et mon frère et Aphro font joujou sous la couette sans que je sois convié...
-Et ça te manque... ?
-Ben ouais, c'était sympa la dernière fois.
Ok, j'aurais pas du poser la question.
-Je vois...
-Nan mais ils auraient été dispo, je serais monté quand même hein ! C'est plus sympa d'être à plusieurs pour se prendre une pinte.
-C'est vrai.
-Tu as décidé de parler que par phrase de deux mots aujourd'hui ? Si c'est ça, autant que j'aille boire tout seul !
-Non mais je t'écoute !
-Genre.
-Bien sûr que si. En tout cas pour ma part, je suis pas mécontent de ne pas boire avec Aphrodite, je le trouve désagréable et plutôt agressif ces derniers temps.
-Nan mais Aphro, déjà à la base, faut bien le connaître pour se rendre compte qu'il n'est pas aussi antipathique qu'il en a l'air. Mais c'est vrai que ces derniers temps, il n'est pas vraiment dans son assiette, même si Saga fait ce qu'il peut. C'est peut-être pour ça qu'ils ont pas voulu de moi tantôt d'ailleurs, maintenant que j'y pense... songea le cadet des gémeaux en se grattant pensivement le menton.
Dohko lui donna un coup de coude dans les côtes.
-Ou alors t'es un mauvais coup et ils ne savaient pas comment te le dire !
-Meh ! Mais pas du tout ! Ils en redemandaient même plutôt quand je... !
-Épargne moi les détails s'il-te-plaît, le coupa-t-il. Je te taquinais juste.
-Ouais bon, à ce train là, il va faire nuit quand on arrivera en bas. Du nerf, papy !
-Ah, j'arrive, j'arrive va, on parlait de quoi déjà avant tes histoires de fesses ?
-D'Aphro qui était irritable ces temps-ci. Un peu comme papy deux finalement.
La balance grimaça. Pendant deux minutes, il avait presque réussi à l'oublier.
-En moins pire quand même.
-Ouais, en moins pire c'est vrai. Tu crois que ça pourrait avoir un lien ? Genre ils ont eu une liaison mais Shion a rompu parce qu'il culpabilisait et Aphro l'a mal vécu ?
Kanon avisa soudain que la balance n'était plus à côté de lui et il se retourna pour le voir qui s'était arrêté, livide.
-Non mais le prends pas comme ça, je disais ça comme ça, moi ! Même si ça pourrait expliquer des choses, je les imagine pas vraiment en train de faire ça, quoi.
-Ça coïncide pas.
-Hein ?
-Aph' est devenu détestable bien après que Shion ne le soit devenu.
-Ouais. Sans doute. Bon pas la peine de te mettre dans des états pareils quoi.
-Je sais pas à quoi tu t'attendais.
-Tu sais bien que j'ai un humour tordu.
-Ouais bah pour le coup, j'aurai préféré un humour potache à la Seiya. L'humour de gamin, au moins, ça marche toujours. T'aurais fait quoi si je te parlais de ta blonde comme ça, hein ?
-Mais ''ma blonde'', comme tu l'appelles, m'a clairement foutu dehors pour se mettre avec un autre, alors tu peux bien raconter ce que tu veux dessus.
-Oh ? C'est nouveau ça !
-Faut bien que je m'y fasse.
-Oui. Mais tu as de la chance, tu sais ? Pour toi au moins la situation est claire et bien définie...
-Tu te fous de ma gueule ?!
C'est au tour de Kanon de s'arrêter net, et de le regarder, la mine choquée.
-C'est toi qui est chanceux Dohko. Toi au moins, tu vis dans l'espoir.
-L'espoir ?
-D'être de nouveau aimé. Moi, je suis foutu. FOUTU ! Pas toi. Penses-y.
Ils continuèrent à descendre les marches dans un silence gêné.
-Alors ça s'est bien passé ? Demanda distraitement Saga, un mug de thé à la main, tout en lisant un journal quelconque dans ce qui tenait lieu de salon dans le troisième temple.
Kanon s'adossa au mur avant de lui répondre.
-Tiens, les galipettes sont finies ?
-Oui, c'est l'heure du jardinage maintenant. Il fait des efforts, tu sais ? Il a fini par comprendre que son attitude me blessait.
-Tu crois que ça a un rapport avec Shion ?
L'ainé adressa un regard circonspect à son cadet.
-C'est ce que j'ai dit comme hypothèse à Dohko, que y avait eu une relation avortée entre Aphro et Shion et que c'est pour ça que ça capote entre eux. Bah figure toi que Dohko a TROP MAL PRIS cette idée.
-Et ça t'étonne ?
Il savait bien qu'après avoir eu une enfance pour le moins isolée, Kanon avait un sens du tact limité voire inexistant, mais quand même...
-Après réflexion, pas trop en fait. Mais il a dit que c'était pas possible de toute façon.
-Je ne pense pas que ça le soit effectivement, murmura l'ancien Pope, un peu comme pour lui-même. Mais finalement, reprit-il, as-tu réussi à égayer un peu Dohko ?
Kanon se gratta la nuque, l'air un peu gêné.
-Ben là en fait, il est rond comme une queue de pelle, alors je l'ai confié à Mü le temps qu'il décuve.
Saga releva ses lunettes.
-À trois heures de l'après-midi ?!
-Eh ouais.
-...Bigre. Ça ne s'arrange donc pas.
-Non, on peut pas dire.
Les gémeaux se dévisagèrent gravement.
Kanon était inquiet pour Dohko. Il était l'un des seuls à l'avoir accepté en tant que frère d'arme à bras ouvert dès leur première rencontre, sans jamais un regard par en dessous, ni se soucier de ses actes passés. Parce que le passé était le passé justement. Kanon lui en était reconnaissant, il aimerait bien pouvoir lui rendre l'ascenseur, mais face à sa situation, il se sentait terriblement impuissant.
-Ce n'est pas de ta faute. Il en avait probablement besoin.
-Je sais.
-Alors ne fais pas comme si tu t'en voulais.
-Je croyais qu'on s'était mis d'accord pour que tu ne me donnes plus d'ordre.
Saga réprima une grimace devant le regard noir de son frère. Ça lui échappait toujours. Et Kanon n'appréciait jamais ce genre d'écart.
Il finit son thé, qui menaçait de devenir trop froid pour être buvable.
-Il faudrait qu'Athéna revienne.
-Je ne sais même plus où elle est censée être actuellement...
-Aux États-Unis il me semble. Mais je ne suis pas sûr non plus, seul Shion a son emploi du temps complet et détaillé.
Il soupira.
-Je t'avoue que je ne pensais pas que ses congrès humanitaires et sa gestion du Graal pouvaient être aussi chronophages...
-Moi non plus. Mais au moins grâce à ce que ça peut fournir comme argent, on a pu reconstruire et rénover le Sanctuaire, c'est pas rien.
-Non, tu peux même dire que c'était pas du luxe, on a quand même eut l'eau courante comme ça.
-Et l'électricité.
-Mais bon, ça va quand même bientôt faire deux ans qu'elle n'a pas mis les pieds ici. Tu sais pas quand est-ce qu'elle est sensée rentrer ?
Saga secoua la tête.
-Non. Et c'est bien là le problème pour ce qui nous intéresse. Le plus tôt serait le mieux.
-Parce qu'elle seule a autorité sur Shion ?
Saga acquiesça gravement.
-Oui. Et elle seule peut déterminer s'il est encore apte à gouverner le Sanctuaire.
Il y eut un silence pesant avant que Kanon ne reprennent la parole.
-Alors tu crois qu'on en est à ce stade là.
-En vrai, je ne sais pas, mais c'est ce que je crains.
-Et si cela s'avérerait, tu le remplacerais, tu penses ?
Saga haussa les épaules.
-Je ne sais pas. J'ai pour moi l'expérience, et contre moi le fait que cette expérience soit le fruit d'une traîtrise. Par ailleurs, d'autre candidat sont possibles, Aioros ou même Camus par exemple, seraient à mon avis des Popes tout à fait corrects.
-Mais et toi ? Tu aurais envie d'être Pope à nouveau ?
Le jumeau aîné sourit.
-Non. Pas vraiment. Je suis plus tranquille ainsi. Mais si c'est un ordre, je le ferai. Tu aurais envie de me voir Pope, toi ?
Kanon eut un sourire torve tout en bombant le torse.
-Ben si t'es Pope, je serai le seul gémeaux en titre !
Saga éclata de rire.
-J'aurai du m'en douter !
Dans les semaines qui suivirent, le mystère du bébé ne fut plus abordé : Mü ne savait plus quoi chercher, et aucune intention belliqueuse n'avait été sentie, que ce soit contre les Jamiriens ou contre la paix dans le monde en général. Alors il se concentrait sur l'entraînement de Kiki, qu'il avait un peu délaissé.
Dohko continuait son numéro d'acteur.
Quant à Shion, il sortait de moins en moins du treizième temple, pour finir par y rester. Tout au plus traversait-il comme une ombre les couloirs, donnant des ordres à distance, mais peu étaient ceux qui le voyaient.
-Tu devrais aller aux entraînements, ça ne sert à rien que tu restes ici.
Dohko releva le nez de son livre. Ils étaient dans la bibliothèque de la maison du Pope. Dohko avait pris l'habitude d'être là plutôt que dans son temple.
-Je me cultive ! Lance-t-il en désignant le livre ouvert au milieu qu'il tenait.
Mü haussa un point de vie.
-Et tu peux me dire de quoi cela parle ? Sans lire le résumé au dos, précisa-t-il en voyant la balance retourner l'ouvrage.
Dohko lui dédia un regard mauvais.
-D'un mec qui est bossu et qui vit dans une cathédrale...
-C'est bien ce que je disais...
-Bon t'as décidé d'être aussi chiant que ton maître ?
Mü ne put s'empêcher de soupirer. Il n'était pas venu pour embêter la balance, bien au contraire.
-Non Dohko, mais tu seras mieux à te vider la tête aux entraînements en luttant contre nous qu'à ressasser ici.
Le Chinois grogna. Il savait que cette proposition était pleine de bon sens, mais il n'avait vraiment pas envie de bouger. Il était pas si mal ici, il n'arrivait pas à se concentrer pour lire, mais il sentait la présence Shion tout près, même s'ils n'étaient pas du tout dans la même pièce. Ce n'était pas désagréable. Mais si bélier junior insistait...
Dohko ferma le livre, se leva, et resta pétrifié devant Mü : le cosmos de Shion... il ne le sentait plus justement ! Ils restèrent une seconde face à face, hébétés, avant de se précipiter vers le bureau du Pope.
-C'est pas vrai...
Les deux chevaliers n'eurent pas le temps de se porter au chevet de Shion, étendu par terre dans une mare de sang qu'une voix aiguë mais surtout affolée les firent se retourner.
-Qu'est-ce qui se passe ?!
Sans se soucier des chevaliers qui s'étaient agenouillés devant elle, Athéna accouru auprès de son Pope pour le soigner. Mü la suivit et l'aida.
-Il vit ? Demande Dohko, hébété.
-Il vit et il vivra, bien que son cosmos soit faible.
Un puissant cosmos se fit soudain sentir approcher.
-J'y vais, déclara Mü. Continuez de vous occuper de lui.
Le cosmos chargé de colère, c'est Aphrodite qui arriva de forte méchante humeur. Mü avala sa salive en anticipant la discussion houleuse qui ne manquerait pas de venir.
-Je peux savoir ce qui se passe ici ?
-Aphrodite, je t'assure que tout va b-...
-Me prends-tu réellement pour le dernier des imbéciles, bélier ?! Nous avons tous senti le cosmos du Pope manquer de s'éteindre et notre déesse revenir en catastrophe. Les dix autres sont sur leurs gardes, prêts à intervenir, les sens-tu ? Un mot de travers de ta part et ils me rejoignent dans la seconde qui vient. Alors ?!
-Tu es donc l'éclaireur ?
-Et ton fossoyeur si tu ne te dépêches pas plus à me répondre !
-Je t'ai déjà répondu, je t'ai dit tout allait bien.
-Permets donc que je le vérifie de mes yeux.
Sans attendre, le poisson s'avança mais Mü lui barra la route.
-S'il-te-plaît, ne t'avance pas plus !
-Si je ne peux voir ce qu'il en est, c'est qu'il y a quelque chose de louche. Laisse-moi passer, bélier, avant que tu ne goûtes à mes roses empoisonnées !
-La présence d'Athéna ne suffit-elle donc pas à te rassurer ?
-Je veux voir le Pope, est-ce si difficile à comprendre ?!
Mü laissa le poisson le foudroyer du regard quelques secondes avant de soupirer.
-Cela ne te concerne pas. Laisse Shion où il est s'il-te-plaît, il a eu un moment de faiblesse, il est entre les mains d'Athéna, le sanctuaire n'est pas menacé, et moins il verra de personne, mieux ce sera pour lui.
De ce qu'il avait vu, Shion était dans un état de faiblesse extraordinaire. Il fallait qu'il rassure au mieux Aphrodite. Ne serait-ce parce que Shion voudrait être vu dans cet état lamentable par le moins de personne possible. Ne serait-ce parce que pour le bien être du Sanctuaire, ils devaient continuer à croire en la force de leur dirigeant.
-Comment puis-je te croire ?
-Quel intérêt aurai-je à te mentir ?
-Prendre le pouvoir en te faisant passer pour Shion.
-Je ne suis pas Saga.
Mü manqua de se mordre la langue : Saga était l'amant d'Aphrodite, ce n'était pas très judicieux que d'invoquer son nom alors qu'il essayait de le calmer.
-Shion ne porte plus de masque à présent, et si une même attaque ne marche pas deux fois sur un chevalier, il en est de même pour la stratégie : il est impensable que nous cherchions à destituer Shion en l'assassinant et en usurpant son identité. De plus, tu connais l'amour que nous lui vouons, Dohko et moi.
-Certes, acquiesça le poisson à contrecœur... Cela à un rapport avec sa liaison avec Dohko ? Si le poisson semblait toujours méfiant, il semblait avoir perdu un peu de son agressivité.
-Oui. En fait, le mieux serait sans doute de les laisser s'expliquer tous les deux.
Aphrodite le scruta pendant encore quelques instants, et Mü pouvait voir qu'il discutait avec ses pairs par cosmos interposé.
-Est-ce que Dohko a violenté le Pope ?
-Non ! Dohko aime trop Shion pour cela, sois en assuré. Il n'y a pas eu de crime passionnel, ou de crime tout court d'ailleurs.
-Et tu ne m'en diras pas plus, hein, grinça-t-il. Dis-moi au moins comment va-t-il.
-Chaque instant qui passe lui apporte énergie et santé. Je te le dis, tu n'as pas à t'inquiéter.
Le poisson l'étudia encore un peu par en dessous, mais sans doute vinrent-ils tous à la conclusion que cela n'était pas la peine d'insister, car le douzième finit par détourner ses talons, sans toutefois arrêter de froncer ses beaux sourcils.
-Si j'apprends que tu t'es joué de moi, je te tue. J'espère que c'est bien clair.
Mü soupira de soulagement en le voyant de partir, avant de réaliser que, concentré sur sa discussion avec le poisson, il n'avait pas remarqué les roses aux quatre coins de la pièce, prêtes à répandre leur mortel parfum.
Il frissonna.
Si Shura était le plus grand défenseur d'Athéna, Aphrodite devait être le plus grand défenseur du Pope.
Quel qu'il soit.
Lentement, Shion reprit conscience. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait bien, en plus de se sentir entouré d'une douce chaleur remplie d'amour. C'était vraiment très agréable. Tellement qu'il aimerait bien rester encore ainsi éternellement. C'était sans compter sa conscience qui, au fur et à mesure qu'il s'extirpait du sommeil, lui rappelait ce qui l'a conduit à dormir dans son lit.
Il était vivant.
Vivant.
Il avait perdu l'équilibre en se relevant de son siège. Ça lui arrivait de plus en plus souvent, surtout depuis qu'il ne pouvait guère absorber plus qu'un bol de thé sucré sans être pris de nausées. Mais cette fois, il était tombé. Il s'était fait mal, il avait percuté la bibliothèque derrière, un bibelot était tombé sur son crâne, il en était resté tout étourdi. Il avait fini par se rendre compte qu'il saignait, visiblement beaucoup puisque sa main qu'il avait porté à sa tête était maculée du liquide poisseux. Sa seule réaction, son seul sentiment, fut une profonde lassitude, et un certain soulagement. Ce n'était pas si grave, qu'il trépasse.
Cela n'aurait pas été gênant.
Cela aurait même été mérité.
Cela fait si longtemps qu'il aurait du être mort de toute façon, les derniers événements ont bien montré que cette vie en plus était une erreur.
Mais maintenant il était toujours vivant.
Et maintenant qu'il y réfléchissait, la douceur qui l'enveloppait était due à un cosmos familier...
Lentement, il ouvrit les yeux et ses paupières papillonnèrent de surprise.
-Déesse Athéna ?!
Assise en face de lui, les mains sur ses genoux, la jeune femme lui sourit.
À l'autre bout du lit, se tenait Dohko et Mü. Shion aurait pu les voir rien qu'en tournant la tête, mais il était trop concentré sur sa déesse pour s'en rendre compte.
-Oui Shion, répondit-elle doucement.
Son regard s'attrista.
-Je suis désolée. Je suis venue dès que j'ai su... j'aurai du venir plus tôt. Je pensais que cela pouvait attendre.
Le Pope sentit les larmes monter à ses yeux. Sa déesse bien aimé pour était revenue pour lui, rien que pour lui !
-Vous avez fait bon voyage ?
-Oui. Ne t'en fais pas pour ça.
-Les divins... ?
-Sont restés sur place, à me couvrir. Officiellement, je suis souffrante et ne peux sortir.
Shion sourit.
-Même pégase ?
-Oui, même pégase est resté là.
Malgré lui, il ne put s'empêcher de sourire. Il les imaginait bouder d'ici.
-Et toi mon ami ?
Shion releva les yeux vers elle, inquiet quant à la suite de la conversation.
-Qu'est-ce qui t'a mis dans cet état ? Tu as beaucoup inquiété Dohko et Mü tu sais ?
Shion mâchonna sa lèvre inférieure, ses grands yeux humides braqués sur sa déesse d'un air implorant.
La jeune femme caressa doucement sa joue, écartant quelques mèches collées. Shion se sentit fondre de l'intérieur sous la caresse.
-Je suis ta déesse. Tu peux tout me dire, tu sais ? Raconte-moi ce qui s'est passé. À moins que tu n'aies plus confiance en moi ?
-Jamais je ne saurai ne plus vous faire confiance.
La vivacité de sa réponse fit sourire la déesse qui se mit à lui caresser les cheveux.
Shion semblait être sur le point de pleurer.
Les sourcils d'Athéna se levèrent en même temps que son sourire s'agrandissait, en une attitude qui se voulait encourageante.
Le corps de Shion se mit à se secouer, au rythme de ses sanglots, alors qu'enfin sa voix commençait à se décoincer.
-Déesse Athéna, j'ai fauté, j'ai fauté, j'ai tellement fauté...
-Allons allons...
-Je n'ose même pas implorer votre pardon...
-Shion...
-Je suis tellement coupable...
-Allons, et si tu commençais par le début... Qu'est-ce qui s'est passé...
-Je ne... savais pas... Je ne savais pas...
-Tu ne savais pas quoi ?
-Je ne savais pas... que... que... ce que c'était... je ne savais pas... quoi faire... je vous le promets, je vous le promets, je ne savais pas, je ne savais pas... Je pensais que j'étais malade... malade... une tumeur sans doute, je voulais pas que les autres sachent, oh non, alors je suis parti, parti, j'ai essayé de me soigner, si je me soignais tout seul, je faisais de mal à personne, personne se serait inquiété, je ne voulais inquiéter personne, mais mais...
Shion eut un sanglot plus grand que les autres.
Athéna le serra un peu plus contre elle.
-Mais ça continuait de grandir en moi... à grandir... ça s'est mis à... à... à faire comme si ça gigotait... gigotait… ça faisait mal… alors je doublais les doses de médicament… même si je le supportais mal... et... et... ça s'est... mon corps... a finit par l'expulser... je l'ai tout de suite jeté, jeté par la fenêtre, je voulais pas voir cette chose... et... et... et... et... je l'ai aperçu quand même... trop... trop tard... et... et... et... c'était... c'était... un... un... Ô déesse Athéna, moi qui suis sensé être votre représentant sur terre, j'ai tué de ma main un innocent... ! Et... Et Dohko... Oh Dohko... Dohko... ne me pardonnera jamais cette trahison...
Estomaquée par la révélation, la jeune femme berça Shion qui pleurait à n'en plus finir...
-Shh Shion... Tu aurais du m'en parler plus tôt tu sais ? Promets moi de ne plus garder ce genre de chose pour toi s'il-te-plaît. Je te pardonne, tout comme j'ai pardonné à ceux qui dans ce Sanctuaire ont par le passé attenté à ma vie, ce qui est un crime bien pire que celui que tu as commis, tu en as conscience, n'est-ce pas, Shion, tu en as conscience ? Allez, maintenant dors maintenant, repose-toi, tu en as bien besoin.
Elle finit par l'endormir d'une fluctuation de cosmos. Après s'être assurée que cela avait fonctionné, elle se releva en chancelant légèrement. Mü esquissa un geste pour la soutenir, mais d'un geste de la main, elle leur intima de ne pas bouger. Ce que Shion n'avait su dire, il le lui avait transmis directement par sa télépathie, si bien qu'elle s'était pris de plein fouet toute sa peine, son angoisse, sa culpabilité et son dégoût de lui-même de manière aussi chaotique qu'intense, de telle sorte que Mü et Dohko avaient été touchés également.
Ils n'avaient pas besoin d'explications. Ils savaient.
Elle était furieuse, principalement contre elle-même, mais aussi contre le sort, le destin, et malgré elle, contre Shion. Cela n'aurait jamais du se passer comme ça. Elle avait supplié pour que Shion lui soit ramené, en même temps que tous les autres. Il avait été son Pope pendant plus de deux siècles avant de disparaître violemment. Il était le plus légitime à reprendre ce poste, d'autant plus qu'elle le connaissait pour être un homme avec la tête sur les épaules, juste, sage et pieux. Alors comment avait-il pu se mettre dans une situation pareille ? Étaient-ce ses multiples résurrections qui avaient amoindries ses capacités de jugement ? Ou bien était-ce vrai et l'esprit de Shion était réellement trop vieux et avait besoin de ce repos qu'elle lui avait refusé ? Et elle-même ? Comment avait-elle pu rester aussi aveugle face à la situation ? Les œuvres caritatives avaient beau lui apporter le sentiment exaltant d'être concrètement utile pour tous les humains qu'elle chérissait, ce n'est pas une raison pour passer à côté de quelque chose d'aussi important que la santé mentale et physique de son Pope.
-Il a vraiment besoin de repos. Il est dénutri, anémié, il va probablement avoir besoin de perfusions. Un traitement contre la dépression lui serait utile. Je vais faire mander un médecin. Dohko.
L'intéressé, qui avait jusque-là le regard hagard fixé sur le Pope, releva le menton vers la déité en entendant son nom.
-Il va avoir besoin de toi. Quand il sera en état de faire le voyage, prend-le avec toi aux Cinq Pics ou n'importe où ailleurs, pendant le temps qu'il faudra pour qu'il se remette de tout cela. Être loin de l'agitation du Sanctuaire ne pourra être que bénéfique. Vous pouvez disposer.
-Mais il faut quelqu'un pour veiller sur...
-Il n'en a pas besoin. Il ne se réveillera pas et non, il ne fera pas de cauchemars.
Elle les connaissait suffisamment pour savoir qu'ils lui donneraient ces arguments
-Mais...
-Retournez dans vos temples et reposez-vous. C'est un ordre. Pour ma part, je vais rentrer en Malaisie pour organiser mon retour définitif au Sanctuaire. J'installerai mon bureau du Graal ici. Quoiqu'il arrive, demain, je reviendrai.
-Vous devriez vous reposez, vous avez l'air exténuée...
Athéna offrit un sourire fatigué au chevalier du bélier.
-J'ai dit pour excuse que j'étais malade. Au moins aurai-je l'air crédible. Maintenant, retournez à vos temples !
Ils obéirent et la déesse disparut.
Le soleil se couchait sur le domaine sacré. Dohko, vautré sur une chaise sur le perron de son temple, profitait des couleurs mordorées que prenait le paysage sous ses yeux. Mais à l'expression de son visage, Mü, en remontant de sa maison, douta que le chevalier de la balance regardait réellement les étendues sous ses yeux. Sans perdre son temps à demander, il entra dans le temple, prit une chaise, et s'installa aux côtés de la balance.
-Dohko ?
Le chevalier ne répondit rien, et n'eut pas plus de réaction. Mü prit une forte inspiration.
-Tu sais Dohko, en fait, nous tous, les Atlantes, nous sommes hermaphrodites, même si pour certains d'entre nous, nous ressemblons plus à des hommes ou des femmes.
Dohko semblait être dans un état aussi catatonique que quelques heures plus tôt et ne semblait pas l'écouter, mais Mü continua cependant, tout en se tripotant les mains de gêne.
-En fait... je pense que ça, Shion l'a oublié. J'ai beaucoup réfléchi à ce que nous avons appris hier grâce à l'intervention d'Athéna, j'ai comparé avec mes souvenirs d'enfances et... Je pense que Shion a oublié qu'il n'était pas qu'un homme. Cela explique pourquoi il ne m'avait rien dit, petit, à ce sujet, me laissant tout découvrir par moi-même durant mon adolescence.
-Laisse-moi deviner...
Mü sursauta, surpris de le voir soudainement s'animer, mais sans attendre la balance continua.
-Tu t'es retrouvé à saigner entre les jambes sans savoir pourquoi avec Kiki dans les bras ?
Le bélier rosit tandis que Dohko le regardait avec un léger sourire en coin malgré son air extrêmement las.
-Comment sais-tu... ?
-Je me suis retrouvé dans une situation similaire avec Shunrei il y a quelques années...
Il baissa les yeux, le regard dans le vague, sans doute à se remémorer des événements passés impliquant une petite Chinoise catastrophée.
Mü quant à lui repensa à ces moments de grands chamboulements où il avait du chercher désespérément dans les livres les explications aux changements que son corps rencontrait, tout en essayant de ne pas faire paraître sa peur et sa gêne auprès de son jeune apprenti.
-Est-ce que tu sais si Shion buvait une sorte de tisane le matin ?
-Sa tisane dégueulasse là ? Grimaça Dohko. Ouais il en a bu, avant.
-Oui celle-là. Il a arrêté quand ?
-Tu m'en poses de ces questions ! Quand je lui ai ramené du vrai thé, pour lui prouver qu'il y avait de vraies infusions buvables. Je l'ai goûtée, hein, tu sais, c'était vraiment pas bon, alors j'ai voulu lui montrer autre chose. Il était un peu fâché parce que c'était sa boisson traditionnelle machin-toussa, mais quand il a goûté, il s'est rendu compte que j'avais raison. C'était il y a longtemps, plusieurs mois avant qu'il ne se mette à rejeter le moindre contact physique avec moi, soupira-t-il. Pourquoi ?
Mü prit une inspiration avant de répondre.
-Je l'ai toujours vu prendre ça le matin, quand j'étais enfant. Il me disait que j'en boirai quand je serai grand, parce que c'était la boisson des hommes de notre nation. En fait, je me demande si ce n'était pas tout simplement la potion dont j'avais trouvé la recette à Jamir et qui nous permet de nous débarrasser des désagréments du à notre côté féminin. L'odeur et l'aspect sont les mêmes. Je pense que c'est l'équivalent de ce que prennent nos femmes chevaliers. Et je pense que même l'utilité de ça, Shion l'a oublié.
Le silence régna de nouveau entre eux, tandis qu'ils méditaient à la conséquence de toutes ces idées. Shion, tellement vieux et isolé, qu'il en oubliait une partie de lui-même... était-ce possible, était-ce vrai ? Cela leur était compliqué à imaginer, même pour Dohko qui avait vécu tout aussi longtemps, mais de manière bien différente.
-En gros, à cause de moi, il a arrêté de prendre son contraceptif hein...
Mü ne répondit pas.
-Peut-être que personne ne lui a expliqué, à lui non plus...
-Peut-être. Je ne sais pas. C'est possible. Pour un Jamirien destiné à vivre parmi les Hommes, c'était sans doute plus commode, de ne pas savoir qu'il était fait autrement que ses frères d'arme. Il faudrait lui demander, mais il n'est pas en état.
-Non, bien sûr qu'il ne l'est pas...
Murmura la balance en écho, sans que Mü soit bien sûr que ce soit bien pour lui.
Un ange passa avec la lenteur d'un cortège.
-Tu sais ce qui serait débile ? Que votre race ait périclité à cause de cette méconnaissance.
Cela arracha un sourire qui tenait plus du rictus au chevalier du bélier.
-J'y ai pensé, aussi. Malheureusement, c'est un scénario envisageable.
-Il va sans doute falloir en informer les Jamiriens restants. Sait-on jamais.
-Qui sait oui, en effet...
Le silence se fit de nouveau entendre.
-Il se fait tard non ? Tu devrais rentrer. Shaka va finir par s'imaginer des choses.
-Ne dis pas de bêtise. Cela ne t'ennuie pas de rester seul ? Tu peux dîner avec nous si tu le souhaites.
-Merci. Cela ira.
-Comme tu voudras.
Mü partit.
Dohko resta seul.
À se tourner l'esprit à propos de Shion qui avait porté sans réussir à le comprendre un enfant.
Shion qui s'était cru malade...
Shion qui avait cru mourir...
...Et qui ne lui avait rien dit.
Lentement, Shion se sentit émerger des limbes du sommeil. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas aussi bien dormi, mais il se sentait encore fatigué, et il aimerait bien retrouver encore Morphée. Longtemps qu'il n'avait pas aussi bien dormi... lentement, les raisons de ce fait revenaient à son esprit. Les cauchemars. Pour une fois, il n'en avait pas fait un seul. Mais la réalité n'était-elle pas un vaste mauvais rêve ? Il avait fait sa confession à sa déesse. Elle l'avait assuré de son pardon. Qu'elle comprenait. Qu'il n'était pas un monstre. Cela le soulageait. Mais les autres ? Le feraient-ils ? Comprendraient-ils ? Et lui-même ? Arriverait-il à tout avouer à eux aussi, de la culpabilité et du mal être qui le rongait ? Un instant, il imagina le visage dégoutté de la balance qui découvrait tout à son égard. Ce serait la pire des choses qui pourraient arriver. Mais en même temps, cela ne serait que le juste retour des choses : il était une personne sale et dégoûtante, Dohko ne pouvait que difficilement ne pas lui tourner le dos, selon toute logique. Ceci-dit, depuis le temps qu'il le repoussait, pour ne pas qu'il se rende compte de son changement, puis pour lui éviter de se souiller à son contact, l'écueil de leur relation ne pouvait qu'arriver. Cela avait déjà commencé. Ce devait être déjà fini d'ailleurs : Dohko n'était plus repassé le voir depuis leur dernière altercation. Cela avait été la goutte d'eau, il ne voulait plus jamais le voir et tout était de sa faute. Cela n'aurait pas du se passer comme ça, il avait été à Jamir pour se soigner, il aurait du rentrer frais comme un gardon, ni vu, ni connu, et retourner dans les bras de l'amour de sa vie. Mais le traitement avait été dur, et la… naissance puisqu'il fallait appelé ça ainsi avait douloureusement marqué son corps. Il ne pouvait se présenter à Dohko ainsi, mais il ne pouvait rester indéfiniment à Jamir, alors il était rentré… et quand il commençait à se sentir un peu mieux, quand il commençait à envisager l'hypothèse de se laisser approcher par Dohko, ils avaient retrouvé sa tumeur qui n'en était pas une, cette chose qui était réellement un petit être et il avait senti les cicatrices de sa chair meurtrie le brûler de l'intérieur, réclamant sa perte, à lui qui avait tué, lui créature infâme qu'il était.
Athéna dans sa grandeur lui avait accordé son pardon, mais était-elle sincère ? Ne l'avait-elle pas fait uniquement parce qu'elle avait besoin de lui en tant que Pope ? Car qui le remplacerait sinon ? Shion n'était pas idiot, il savait très bien qu'il avait été ramené avec les autres uniquement pour éviter les litiges quant à la succession.
Au fur et à mesure de ses introspections mentales, il sentit sa gorge se nouer et sans s'en rendre compte, son corps se courba de lui-même pour prendre une position fœtale. Quelque chose tira au niveau du pli de son coude. Lentement, Shion ouvrit les paupières, mais se désintéressa bien vite de sa perfusion pour se concentrer sur la personne qui lui faisait face.
Dohko.
Le visage pâle comme un mort, la peau et les cheveux gras comme s'il n'avait pas fait ses ablutions journalières depuis deux ou trois jours, ses yeux cernés de noir étaient grands ouverts, braqués sur Shion, ses épais sourcils arqués par l'émotion qui modifiait ses traits. Sa respiration était rapide, sa bouche était entrouverte comme s'il hésitait à parler. Shion de son côté le regardait avec angoisse, devinant sans peine qu'il allait lui poser des questions auxquelles il n'était pas près de répondre. Il savait. Il savait tout, il le devinait à son regard qu'Athéna lui avait tout dit...
Enfin, Dohko, après s'être mordu la lèvre quelques secondes, se lança.
-Quoi que tu dises, quoi que tu fasses... Je t'aimerai toujours tu sais... ?
Et Shion éclata en sanglot en entendant cet aveu inattendu.
Et Mü, quand il entra dans la chambre prêt à remplacer Dohko, les vit tous les deux dormir, le visage tourné l'un vers l'autre, les mains jointes et les doigts entrelacés, il sourit, et se dit qu'ils étaient enfin sur la pente ascendante.
Il mit une couverture sur les épaules de la balance et sortit sur la pointe des pieds de la chambre.
