One-shot écrit dans le cadre de la cent-quinzième nuit d'écriture du FoF (Forum Francophone), sur le thème "Hanter". Entre 21h et 4h du matin, un thème par heure et autant de temps pour écrire un texte sur ce thème. Pour plus de précisions, vous pouvez m'envoyer un MP !

Inspiré d'une creepypasta écoutée le jour même : 6 légendes urbaines à vous glacer le sang, de Daenys Horror Story.


Corrin n'était pas du tout rassuré par cette forêt. Certes, aucun bois n'était rassurant la nuit, avec les herbes et les buissons qui frémissaient sans cesse, les fourrés où on croyait toujours voir le regard brillant d'un animal à l'affut, et surtout, les longues formes longilignes des arbres derrière lesquels pouvait se cacher n'importe quoi. Non, Corrin n'aimait pas les forêts de nuit, celle-là moins que tout autre.

"Nous devrions trouver un abri, Niles, suggéra le jeune prince pendant que son amant l'aidait galamment à enjamber un grand tronc d'arbre. Ce n'est pas prudent de déambuler dans un endroit comme celui-là la nuit.

-Comment, vous avez peur du noir ? Je l'ignorais, se moqua gentiment le hors-la-loi en embrassant le bout de ses doigts et en gardant sa main dans la sienne pour poursuivre leur route. Ou alors, craignez-vous que ces bois soient hantés ?

-Je ne plaisante pas, cette forêt me rend vraiment nerveux.

-Très bien, je vais nous trouver un endroit pour nous abriter. Il doit y avoir des cabanes de bûcheron dans le coin.

-Merci, Niles."

Au moins, ils étaient ensemble, ce qui atténuait en partie la peur irrationnelle que le jeune prince était en train de ressentir. S'accrochant fermement à la main de son mari, il le suivit à travers les ronces et les troncs d'arbre vers une petite bâtisse qu'il avait fini par repérer dans la lumière de la lune.

"Allez-y, entrez, l'invita galamment le hors-la-loi en lui ouvrant la porte."

Corrin lui sourit, vola un baiser au passage à ses lèvres si douces, et pénétra dans la maison. Elle avait l'air d'être abandonnée; le bois, en plus de grincer, dégageait une odeur peu engageante et du vent pénétrait par la fenêtre aux carreaux cassés. Corrin frémit et frotta ses mains l'une contre l'autre pour les réchauffer.

"Prenez ma cape, mon amour, lança Niles en défaisant sa pelisse bleue pour la mettre sur ses épaules. Je vais dégoter quelques pierres pour faire du feu."

Corrin acquiesça et observa les murs de la cabane, même s'il ne pouvait rien voir à cause de la nuit noire. Il flottait dans l'air une odeur étrange... comme de la peinture ou des produits toxiques ? La senteur était assez désagréable, mais ils seraient bien obligés de s'y accommoder pour la nuit. Le jeune prince fit un pas sur le sol de planches dévoré par les herbes folles et les feuilles mortes, dans l'idée de leur trouver un vieux matelas ou un bout de couverture, quand son mari le retint par le bras.

"Attendez, intervint le hors-la-loi, soudain grave, en le tirant contre lui. Je pense que vous devriez rester près de moi, Corrin.

-Vraiment ? Pourquoi ?"

Le jeune prince promena son regard sur les murs à travers le feu de la torche que Niles venait d'allumer, et son sang se glaça dans ses veines. Partout sur les planches pourries, il y avait des inscriptions, tracées à la peinture rouge, et qui disaient toute la même chose : "Mort, mort, mort". Corrin avança un doigt tremblant pour toucher les écritures et le retira aussitôt. La peinture n'était même pas encore sèche.

"Nous devrions partir d'ici, déclara Niles en jetant leur torche sur le sol pour l'éteindre, et à ce moment-là, un bruit retentit au fond de la cabane."

C'était un mélange de grincement et de frémissement, comme si une créature se déplaçait en rampant au milieu des herbes folles, sur le sol de planches pourries...

Et c'était exactement ce qu'il était en train de se passer.

Dès qu'il entraperçut vaguement la silhouette rampante, Niles n'hésita pas. Il saisit son époux par la main et le tira à sa suite hors de la cabane.

"Courrez, Corrin ! Courrez et ne vous retournez surtout pas !"

Les deux hommes s'enfuirent à travers les arbres et ne se retournèrent pas, même lorsqu'ils entendirent d'autres buissons frémir furieusement près d'eux. Niles entraina son époux loin de la cabane maudite et, sachant qu'ils ne pourraient sans doute pas échapper aux dangers de la forêt éternellement, il repéra un grand arbre près duquel il s'arrêta.

"Grimpez vite, ordonna-t-il en joignant les mains pour que son époux prenne appui dans ses paumes.

-Mais, et vous ?

-Grimpez !"

Les buissons frémissaient de plus en plus près. Effrayé, Corrin gravit les branches de l'arbre et Niles se hissa prestement à sa suite juste quand les créatures arrivaient au pied du chêne. Ils ne les voyaient pas très bien dans le noir, mais le jeune prince sentit son coeur manquer un battement de terreur. Il n'osait pas imaginer ce qui se serait passé si elles les avaient rattrapés.

"Rappelez-moi de ne plus jamais me moquer de vos pressentiments, grimaça Niles en le rejoignant à plusieurs branches de hauteur. Ces choses ont bien failli nous avoir.

-Niles, vous êtes certain que nous sommes en sécurité ? s'inquiéta le jeune prince en osant à peine regarder en bas.

-Ne vous inquiétez pas, mon doux mari. Vu l'état de leur corps, elles ne pourront pas grimper aux arbres."

Le hors-la-loi se glissa derrière son époux sur une grosse branche et l'attira entre ses jambes, puis il l'embrassa dans le cou.

"Nous sommes en sécurité, ici. Dormez sans crainte, je vais monter la garde.

-Pas question. Je veillerai sur vous autant que vous veillez sur moi, Niles."

Le hors-la-loi sourit. La situation était terrifiante, pas romantique. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'apprécier cette nuit en compagnie de Corrin autant que toutes les autres.