One-shot écrit dans le cadre de la cent-trente-septième nuit d'écriture du FoF (Forum Francophone), sur le thème "Amande". Entre 21h et 4h du matin, un thème par heure et autant de temps pour écrire un texte sur ce thème. Pour plus de précisions, vous pouvez m'envoyer un MP !
Iñigo, allongé sous cette tente de couleur brune, n'était pas certain de savoir ce qu'il ressentait. Enfin, s'il mettait à part la douleur persistante qui irradiait à travers son corps, avec son visage en feu, les gonflements de ses yeux et de ses lèvres et ses difficultés à parler. Il était stressé par cette situation et les ondes d'agressivité et de noirceur qui parvenaient jusqu'à lui étaient à la fois effrayantes et réconfortantes. Elles étaient porteuses d'un sentiment de danger imminent mais, en même temps, elles provenaient de son père… et le jeune homme aimait tellement le sentir de nouveau à ses côtés.
« Je ne sais pas exactement comment des gens ont pu venir empoisonner notre casse-croûte sans que je m'en aperçoive, mais ils risquent de rapidement le regretter, déclara Henry d'une voix calme, toujours aussi sympathique mais qui, si on le connaissait bien, devait susciter l'effroi. Je suis sûr qu'ils seront ravis de tester la nouvelle formule magique pour vider les poissons que j'ai mise au point.
-Père… tu ne devrais… pas…, tenta de souffler Iñigo en lui prenant la main. C'est…
-… "dangereux"? tenta de deviner le sorcier. À part pour eux, je ne crois pas que qui que ce soit ait à s'inquiéter, et surtout pas moi.
-Non… Père, écoute… »
Iñigo, puisqu'il en avait l'habitude, sentit les vagues de fureur de son père perdre de leur puissance. Il était intrigué. Au moins, attirer son attention éviterait de le laisser se consumer au point de ne plus écouter personne.
« Père…, répéta-t-il.
-Oui ? Je t'écoute. Enfin, tu ne peux pas vraiment parler, mais si tu connais d'autres moyens de communication, ne te gêne pas. »
Henry envisageait sérieusement la télépathie ou une façon de parler propre aux bêtes, mais ce n'était pas vraiment du recours d'Iñigo. Il maîtrisait un peu le corbeau, mais pas beaucoup plus. Alors, au lieu de ça, il entrelaça ses doigts avec ceux de son père et tira sur sa main. En réponse, le sorcier s'assit sur son lit.
« Oui ? Qu'y-a-t-il ? s'enquit-il. Si tu m'as bien connu dans le futur, tu dois savoir que je n'aime pas laisser s'en tirer les gens qui font du mal à mon fils. Laisse-moi m'occuper d'eux et ensuite, je reviens. Je te ferai de la soupe de racines et de boyaux de truites, si tu veux. C'est excellent contre les empoisonnements.
-Père… Reste… avec moi. Un papier…
-Mm ?
-Donne-moi… un papier… et une pl… plume… »
Henry pencha la tête sur le côté, comme un corbeau, et sa soif de vengeance diminua encore.
« Très bien, consentit-il en se tournant pour attraper le matériel que son fils lui réclamait. Tu es sûr que tu peux écrire ? »
Iñigo hocha faiblement la tête. En tout cas, il pouvait mieux écrire que parler. D'une main tremblante, s'efforçant de faire fi de ses démangeaisons, il traça quelques mots maladroits. Henry prit le papier, le porta à hauteur de ses yeux et lut la phrase : « Je suis juste allergique aux amandes ».
« Oh, ce n'était que ça ! se réjouit-il en laissant ses vagues de colère disparaître complètement, cette fois. Eh bien, on dirait que personne ne va devoir mourir aujourd'hui. Enfin, pas pour des histoires de nourriture, en tout cas. J'ai même un sort pour guérir ton allergie, si tu veux !
-Non…
-Non ?
-Père… »
Iñigo reprit le bout de papier et ajouta : « Je dois apprendre à endurer la douleur et les allergies de façon naturelle. Dans le futur, tu n'es pas là pour me soigner et ça me rendrait faible. »
« Voyons, Iñigo. Tu devrais au contraire profiter du fait que ton père soit là pour prendre enfin soin de toi, objecta Henry. Mais je comprends. Un petit sortilège pour faire dégonfler ton visage, quand même ? »
D'un geste doux, le sorcier effleura les lèvres, les yeux et la gorge de son fils et les gonflements s'atténuèrent, puis disparurent.
« Merci, Père, sourit le jeune homme d'une voix fatiguée. Tu veux bien t'assoir avec moi ? Enfin, sauf si tu as des choses à faire.
-Des choses à faire ? Plus importantes que mon fils ? J'espère que tu plaisantes. J'aurai toujours tout mon temps pour toi. »
Aussitôt dit, aussitôt fait : le sorcier plongea sa main sous les cheveux blancs de son fils, qu'il avait hérités de lui, et souleva sa tête pour pouvoir glisser ses cuisses en-dessous. Il reposa la tête d'Iñigo sur ses genoux et le jeune homme sourit, apaisé par la douceur de ce moment.
« Tu m'as tellement manqué, Père, souffla-t-il. Je suis tellement heureux de te revoir.
-Moi aussi, Iñigo, affirma Henry. Je sais que mon moi du futur te regrette tous les jours qu'il passe au fin fond des Enfers.
-Ce genre de chose devrait m'inquiéter, mais venant de toi, c'est étrangement réconfortant. Ça me rappelle quand j'étais enfant et que tu me protégeais de tout. »
Le jeune mercenaire ferma les yeux pendant qu'Henry lui caressait les joues et les cheveux et il re-glissa ses doigts entre ceux de sa main libre.
« Je t'aime, Père…
-Moi aussi, Iñigo. Moi aussi. »
Henry profita de l'étreinte de leurs mains pour caresser doucement sa paume et ses doigts avec son pouce. Iñigo sentit ses muscles se dénouer et réalisa vraiment à ce moment-là à quel point il était stressé. Mais la fonte de sa nervosité fut telle qu'il n'eut pas le temps de beaucoup y réfléchir. Pendant qu'Henry interrompait ses caresses sur son visage pour prendre un linge humide et le poser sur son front encore chaud, son corps se détendit totalement et il sentit le sommeil le happer. La dernière chose à laquelle il pensa, ce fut qu'il était en sécurité.
