La lumière du soleil vint petit à petit réveiller Novembre. Lentement, il se leva. Il découvrit d'où venait sa sensation d'inconfort lorsqu'il s'aperçut qu'il n'était pas en pyjama mais en vêtement d'extérieur. Les souvenirs d'hier étaient flous. Il se rappelait d'avoir pleuré, encore et encore. Et de Sebastian, à ses côtés. Il ne savait combien de temps ses pleurs avaient durer. S'asseyant sur le rebord du lit. Il se rappela de ses trois derniers jours. Triturant son collier, il sentait que les larmes lui montaient à nouveau aux yeux et se força à penser à autre chose.

Penser à tout sauf à ça

Il regarda son téléphone. 12h34. Il était censé être en cours à cette heure. Tant pis. Il n'irait pas. Il n'allait pas bien (du moins, plus que d'habitude) et n'avait pas envie de se forcer à aller bien aujourd'hui. À vrai dire, Novembre avait envie de disparaitre sous sa couette et de ne jamais en ressortir. S'enroulant dans un plaid, il sortit de sa chambre pour aller prendre son petit déjeuner, se fichant du fait que ce n'était plus l'heure de prendre un tel repas. Dans la cuisine, il eut une vision familière avec un plateau garnie, d'une rose bleue et d'un mot à l'écriture délicate :

Monsieur

Je vous ai préparé votre petit déjeuner. Veillez à ne le prendre pas trop tard dans la journée. Voici comme d'habitude un bol de lait végétal avec des céréale, une banane et une baguette bien croustillante. J'espère qu'elle sera à votre goût, j'ai testé une nouvelle boulangerie ce matin. Je pense que vous n'irez pas en cours aujourd'hui, aussi j'ai pris soin de préparer un déjeuner pour vous, il est dans le réfrigérateur. N'hésitez pas à le réchauffer.

Je ne vais pas vous questionner vis-à-vis de ce qui s'est passé hier. Sachez seulement, Monsieur, que je suis là pour parler si vous avez besoin.

Vous souhaitant une bonne journée

Sebastian M.

Le jeune homme poussa un soupir de soulagement. Il n'était pas prêt à parler de ce qui s'était passé à Strasbourg. En parler donnerait une impression de réalité, et il n'était pas sûr de vouloir que ces souvenirs acquièrent une consistance. Et même s'il avait voulu en parler, il n'était pas sûr de trouver les mots juste pour raconter ce qui s'était passé.

Après avoir fini le petit déjeuner, il retourna dans sa chambre et s'autorisa à écrire un peu dans son carnet intime, seul endroit où il pouvait déverser ses émotions librement. Sa chambre, c'était son havre de paix. On y trouvait divers posters d'illustrations, de séries ou d'animés ou simplement d'artistes qu'il aimait. Des cartes de ses amis, récents ou anciens. Des photos. Et des carnets. Des tonnes et des tonnes de carnets. Pour dessiner et pour écrire.

Il prit justement son carnet intime actuel et commença à écrire. Ecrire était tellement plus facile que parler parfois. Il n'avait pas à justifier son existence, pas à justifier ses pensées, ni ses actes, ni ses absences, ni sa présence. Au travers ces pages encrées, il se sentait libre.

Puis il passa le reste de l'après-midi dans un de ses intérêts spécifiques du moment, Harry Potter. Et plus particulièrement le personnage de Snape. Il détestait la traduction française de son nom « Rogue ». Parfois, Snape lui rappelait un peu Sebastian, dans le genre brun ténébreux qu'il ne faut pas emmerder. Mais toute similarité s'arrêtait là. Snape était tellement plus… Tellement plus… Humain que Sebastian. Il avait ses traumatismes, son sale caractère, ses dents jaunes, et tellement de remords et de culpabilité en lui.

Si quelqu'un lançait Novembre sur le personnage de Snape, ce que faisait parfois Justine pour s'amuser, il ne s'arrêtait plus. Analyse de personnage, ships, headcanons… Tout y passait. Ses carnets personnels étaient remplis de croquis de lui, adaptés au style du jeune homme. Il avait même fabriqué son cosplay, avec la machine à coudre de ses parents. Les parents lui avaient payé le tissu en tant que cadeaux pour les fêtes et le jeune homme l'avait fini le jour de Noël. Il le gardait bien caché dans son placard, le cachant à Sebastian. Il en éprouvait une certaine honte et ne souhaitait pas que le diable se moque de lui.

Bien décidé à être dans sa comfort zone aujourd'hui, il mit sa playlist préférée, se cala dans ses couvertures et commença à griffonner Snape.

C'est seulement plusieurs heures plus tard que Sebastian revint du travail. Le jeune homme entendit ses chaussures claquer dans l'entrée et la porte se fermer. Il ne bougea pas. Il avait appréhendé toute la journée de se retrouver face au démon, malgré la promesse de ce dernier de ne pas le pousser à parler de ce qui s'était passé à Strasbourg. Mais Sebastian avait été plus que sympa avec lui, restant à ses côtés pendant de nombreuses heures, le portant jusqu'à son lit et le faisant boire.

Il soupira, puis mis son carnet de côté et se leva.

Il trouva Sebastian en train de retirer ses chaussures dans l'entrée. Il ne sut quoi dire lorsque leurs regards se croisèrent. Aussi fut-il soulagé lorsque le démon pris la parole :

- Monsieur. Vous avez meilleure mine. Avez-vous pu manger le déjeuner que je vous ait préparé ?

Le jeune se dandina sur place.

- Oui… Merci c'était très bon.

- Je suis ravie de l'entendre.

Il traversa le salon et s'apprêta à rentrer dans sa chambre lorsqu'il fut arrêté par le jeune humain

- Sebastian.

Il se retourna.

- Merci… Pour hier… J'étais pas en état… C'était trop… Je pouvais pas…

Les mots trébuchaient et il n'arrivait pas à mettre de l'ordre dans ses idées. Il réessaya :

- Merci… D'avoir été là.

Sebastian lui sourit.

- Les amis sont là pour ça.

Et il disparut dans sa chambre.

Février se termina, laissant place à mars. Pour Novembre, cela ne changeait pas grand-chose, surtout en terme de température. Il était sans arrêt avec au moins 3 pulls, sa grosse écharpe autour du coup et son manteau trop grand. Lorsqu'il arrivait en classe, Justine le surnommait le « Bonhomme Michelin ». Les cours continuèrent et ce fut la période des oraux blanc. Toute la classe était en effervescence. Scannant des derniers dessins, travaillant certains travaux et mettant de l'ordre dans les planches de dessin. Lors des cours de modèle de nus, le jeune homme assistait à des craquages de nerfs de la part de certains de ses camarades, lorsqu'un sein n'arrivait pas à trouver son bon emplacement, ou qu'une jambe en raccourcit donnait de fils à retordre à l'étudiant.

Novembre travaillait plus que jamais. Sebastian le voyait de moins en moins. Le jeune homme restait tard en classe pour finir de travailler, et lorsqu'il revenait, commençait ses devoirs et révision dans l'intimité de sa chambre. C'est le démon qui, de temps à autre, lui rappelait de faire une pause pour manger, se détendre ou encore aller se laver.

Le weekend précédent son oral blanc, Novembre demanda à Sebastian :

- Sebastian, tu crois que tu pourrais m'écouter faire mon oral ? Je dois absolument m'entrainer et j'ai besoin d'un jury qui puisse me faire des retours avant mon oral blanc lundi.

Sebastian avait souri.

- Naturellement Monsieur, j'en serait ravi. Je dois cependant vous prévenir…

Une lueur s'alluma dans ses yeux et Novembre avala sa salive.

- …Je suis un jury très strict.

Ce ton fila à Novembre la chair de poule mais ce n'est pas comme s'il avait vraiment le choix. Alors, il prit son courage à deux mains et commença à s'entrainer devant le démon. Il était debout, avec ses travaux à portée de mains et Sebastian était assis sur une chaise. Le jeune homme ignorait pourquoi, mais le démon était soudainement apparu avec des fines lunettes rectangulaires, lui donnait un air encore plus sévère. Le jeune commença :

- Bonjour à vous, je m'appelle Novembre Forestier et je viens aujourd'hui vous présenter mes travaux –

- -Stop.

Novembre s'arrêta, perplexe.

- Vous devez parler plus fort, et articuler vos mots. Vous avez tendance à marmonner vos phrases. Faites comme si vous aviez une gigantesque audience. Recommencez.

Le jeune pris sa respiration et repris.

- Bonjour. Je m'appelle Novembre Forestier et je viens aujourd'hui vous présenter mes travaux-

- Stop.

Je jeune homme demeura immobile.

- Vous devez regarder le jury. Si vous regardez le sol il se désintéressera vite de vous. Vous voulez marquer votre cible ? Regardez-là. Et ne la lâchez pas du regard. S'ils sont plusieurs personnes, balayez votre regard pour que tous se sentent concerné par vos paroles. Recommencez.

Le jeune homme souffla un bon coup et planta son regard dans les yeux de Sebastian.

- BONJOUR. JE M'APPELLE NOVEMBRE FORESTIER ET JE VIENS AUJOURD'HUI VOUS PARLER DE MES TRAVAUX –

- -Stop.

- Quoi ENCORE ? s'écria le jeune homme.

- Maintenant l'on dirait que vous avez envie d'étriper vote jury. Parler distinctement, en prenant le temps de respirer, et souriez. Pas trop. Juste ce qu'il faut pour que le jury ne sente pas que vous mourrez de stress intérieurement. Recommencez.

Les répétitions durèrent deux bonnes heures durant lesquelles les nerfs de Novembre furent mis à rude épreuve. C'est en nage qu'il termina, au bout de ces deux heures

- … et je vous remercie de m'avoir écouté. Bonne journée à vous.

- Excellant ! Votre présentation est parfaite. Je suis certain que vous allez faire un carton demain. Le démon souriait, satisfait de son élève.

Novembre ne répondit pas. Il se tortillait avec l'air d'avoir avaler un citron cru. C'est au bout d'un moment qu'il lâcha :

- …Il y a aussi la partie des questions.

Sebastian se stoppa

- Hein ? Fit-il stupidement

Novembre se passa sa main sur son visage.

- Il y a deux parties à l'oral… La partie de la présentation et la partie des questions-réponses…Le jury est censé questionner l'étudiant sur ces travaux. Nous n'avons fait qu'une seule partie pour le moment…

- Oh. Je vois.

Il se craqua les mains en souriant.

- J'ai quelques connaissances en matière d'art. C'est l'avantage d'avoir vécu fort longtemps. Je crois qu'il est dans mes compétences de vous interroger là-dessus.

Cette fois-ci Novembre avait les jambes qui tremblaient.

- Commençons, si vous le voulez bien.

Et Novembre subit le plus long, le plus drainant et le plus difficile des interrogatoires qu'il eut jamais vécu. Chaque détails de ses travaux était questionné. Il devait trouver des justifications à la moindre couleur, à la moindre forme. Cela allait jusqu'au choix du format et au choix du papier. Au bout de deux autres terribles heures, Novembre était certain que, quoi qu'il arrive le lendemain, ce ne serait jamais aussi difficile que ce qu'il venait de vivre aujourd'hui.

Assis sur le fauteuil pour reprendre son souffle, et vit le démon se lever.

- Monsieur, il est l'heure de diner et c'est mon tour de cuisiner. Souhaitez-vous quelque chose en particulier ?

- Quelque chose de simple et rapide… J'ai faim. Du riz avec du tofu et de la sauce tomate suffira amplement.

- Très bien.

Alors que Sebastian se mit aux fourneaux, Novembre alluma distraitement la télévision pour patienter. Il tombait directement sur la chaine principale d'information. Il arrivait juste à temps pour le début d'un discours du Président français. Derrière son pupitre avec le drapeau bleu-blanc-rouge, il parla :

« Françaises, Français,

Jeudi soir, je me suis adressé à vous pour évoquer la crise sanitaire que traverse notre pays. Jusqu'alors, l'épidémie était peut-être pour certains une idée lointaine, elle est devenue une réalité immédiate, pressante. »

- Y a eu un discours jeudi ? Demanda Novembre.

Il avait été tellement obnubilé par le travail qu'il n'avait pas prêté attention aux actualités ces derniers temps. Bien sûr, il avait entendu parler de cette nouvelle maladie qui se propageait dans les pays voisins et qui commençais à arriver en France, mais n'y avait pas prêté plus d'attention que ça.

«… Chacun d'entre nous doit à tout prix limiter le nombre de personnes avec qui il est en contact chaque jour. Les scientifiques le disent, c'est la priorité absolue. C'est pourquoi, après avoir consulté, écouté les experts, le terrain et en conscience, j'ai décidé de renforcer encore les mesures pour réduire nos déplacements et nos contacts au strict nécessaire. Dès demain midi et pour 15 jours au moins, nos déplacements seront très fortement réduits.

Cela signifie que les regroupements extérieurs, les réunions familiales ou amicales ne seront plus permises. Se promener, retrouver ses amis dans le parc, dans la rue, ne sera plus possible. Il s'agit de limiter au maximum ces contacts au-delà du foyer. »

Sebastian s'arrêta pour venir également écouter le discours. Au côté de Novembre, tous deux assistèrent aux paroles surréalistes du président, sans piper mot.

« …croyez-moi, cet effort que je vous demande, je sais qu'il est inédit, mais les circonstances nous y obligent.

Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire, certes : nous ne luttons ni contre une armée, ni contre une autre Nation. Mais l'ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale.

Nous sommes en guerre. »

L'esprit de Novembre essayait de canaliser toutes les informations qui lui parvenait. Alors c'était réel ? Une épidémie mondiale ?

Tous les scénarios de films catastrophes et dystopiques passèrent devant ses yeux. Non. Cela ne peut pas arriver. C'est uniquement dans la fiction. Ce n'est pas possible. Ce genre de choses arrivaient toujours à l'autre bout de la planète. C'était complètement impensable que cela arrive ici.

Il se leva. La tête lui tournait. Il entendit vaguement le démon demander :

- Monsieur ? Est-ce que tout va bien ?

Non tout n'allait pas bien. Ils allaient être confiné. Une épidémie mortelle contaminait le monde entier. Il n'y allait plus avoir d'école. Plus de sortie. Plus de rencontre avec ses amis.

Il eut la nausée et s'assit avec panique au sol. Sebastian le regardait, accroupit, avec des yeux inquiets. Il ne pouvait plus parler ou il allait vomir, et Novembre ne pouvait pas maintenant expliquer à Sebastian qu'il était émétophobe, c'est-à-dire qu'il avait la phobie de vomir. Avec des légers balancements du corps, le jeune homme essayait de se calmer mais c'était impossible. Les mots du président, graves et sérieux, se répétaient en boucle dans sa tête.

Il hyperventilait

- Monsieur ! Vous devez vous calmer. Vous êtes en train de faire une crise de panique.

C'est la fin du monde. Je vais mourir. Tout le monde va mourir. Je vais vomir. Je vais mourir comme il est mort…Comme elle va mourir.

- Monsieur, j'avoue être confus. Vous avez vendu votre âme a un démon sans sourciller et à cause d'un confinement vous vous mettez dans tous vos états ? J'avoue ne pas comprendre.

Novembre n''arrivait pas à retorquer quoi que ce soit.

- Regardez-moi Monsieur.

Difficilement, Novembre obéit à Sebastian et leva lentement la tête, son regard se plantant dans celui de Sébastian.

- Respirez avec moi. Inspirez…

Il inspira profondément, Novembre lutta pour l'imiter.

- Et expirez…

Pendant plusieurs minutes, ils respirèrent ensemble. Petit à petit, la nausée et le rythme cardiaque du jeune homme diminua. Lorsqu'il fut enfin capable de prendre la parole, il demanda d'une voix faible :

- Sebastian… Tu resteras à mes côtés jusqu'à la fin, n'est-ce pas ?

Sebastian eu un sourire et répondit d'une moi caressante

- Jusqu'à la fin, Monsieur.

Bonjour, bonsoir ! Merci d'avoir lu jusqu'ici ! Je remercie encore Guest pour sa gentille review ! =) Il y a juste deux-trois trucs que je voudrais préciser sur l'histoire.

- J'écris un soft!Sebastian. C'est en partie justifié par l'histoire (faudra attendre quelque chapitre) en partie parce que... C'est le Sebby que j'aime. Aussi, Novembre est autiste. Voilà, ce n'est précisé nul part dans l'histoire (jusqu'ici du moins), mais si vous êtes autistes vous-même, il y a quelque uns de ses comportement que vous pourrez voir comme autistiques. Voilà. Sinon j'en profite pour demander : Est ce que l'un.e d'entre vous aurait dans ses fichier le musical "Tango on the Campania" sous titré eng ou fr ? (venez me PM si c'est le cas, je peux proposer un échange intéressant avec vous) (non ce n'est pas une allusion sexuelle)

Passez une bonne journée/soirée !