- Monsieur ? Puis-je entrer ?

Cela faisait deux semaines que le confinement avait été mis en place en France et il ne se semblait pas près de prendre fin. Les écoles, les universités, les boutiques non essentielles, les restaurant, les loisirs, tout avait été arrêté. Les rues de Paris étaient désertes dans chaques recoins de la capitale. Les habituels touristes avaient disparu des endroits autrefois grandement fréquentés. Lorsqu'on ouvrait la fenêtre de l'appartement, le bruit habituel du trafic routier parisien avait disparu. Ce silence était surnaturel.

Les oraux blancs de Novembre avaient été annulé. Les cours étaient suspendus jusqu'à nouvel ordre. Le jeune homme avait abandonné ses travaux en vrac sur son bureau. Sa chambre, plongé dans la pénombre depuis des jours, était dans un immense bazar. Novembre avait arrêté de faire attention à ses affaires. Il restait toute la journée dans sa chambre en pyjama, sous sa couette, seulement interrompu par les allées et venues de Sebastian qui venaient désormais lui apporter tous ses repas. Le jeune homme ne s'alimentait plus, sans cela. Sebastian avait posé un congé maladie à Naturalia, pour éviter que son jeune Maître ne se laisse mourir de faim et était désormais à plein temps à l'appartement.

En plus d'être particulièrement déprimé, Sebastian avait remarqué que le jeune homme devenait de plus en plus irritable, pour une raison qu'il ne comprenait pas. Il n'avait pourtant rien changé à ses habitudes, excepté pour le fait qu'il était tout le temps à l'appartement.

Ne recevant aucune réponse de l'autre côté de la porte, Sebastian commença à s'inquiéter. Il retoqua à la porte.

- Monsieur ?

Toujours aucune réponse.

Décident d'entrer pour voir si tout allait bien, Sebastian tourna lentement la poignée. La porte s'entrouvrit doucement. La chambre était dans sa pagaille habituelle. Les volets étaient fermés et seul la lampe de chevet était allumée. Le jeune homme n'était pas dans son lit. Non. Il était assis, sur le sol, un casque fermement mis sur les oreilles, à regarder ce qui semblait à Sebastian un album photo.

Novembre n'était pas dans son pyjama habituel, épais à manche longue. Non, c'était la première fois que Sebastian le voyait aussi dévêtu. Il portait un short et un débardeur noir lâche laissant voir un début de poitrine.

UN DÉBUT DE POITRINE ?!

Tout se passa très vite. Novembre releva la tête pour croiser le regard de Sebastian, en état de choc et de perplexité absolu. Lorsque le jeune homme se rendit compte du pourquoi de cette réaction, il cria, se cachant la poitrine, et Sebastian se retourna immédiatement pour accorder de la pudeur au jeune homme… À la jeune fille …

HEINNNNNN ?!

Cela faisait 5 damnés mois que Sebastian était au service de Novembre et pas une fois, pas une fois il n'avait soupçonné que son jeune Maître puisse être une jeune fille. Le visage rouge de honte, il se fustigea. Comment ? Par quel moyen n'avait-il pas remarqué. Honteux il s'écria, toujours avec le plateau repas dans les mains.

- Mademoiselle ! Veuillez accepter toutes mes excuses ! J'ignorais… Je ne savais pas…

Ce n'est que par ces instincts de démon qu'il évita d'un cheveu un coup de poing envoyé derrière lui. Il se retourna, faisant face à Novembre. Il ne l'avait jamais vu aussi en colère. Ses yeux luisaient de rage et sa respiration était saccadée. Le démon ne comprit pas la raison de cette colère si vive et soudaine

- Mademoiselle que –

- Ne m'appelle plus jamais « Mademoiselle ». Ou « Madame ». Lorsque que tu t'adresse à moi c'est « Monsieur » et rien d'autre. Je suis un garçon. Pas une fille.

Sebastian était honnêtement perdu.

- Mais…Monsieur. Votre corps… C'est celui d'une jeune femme.

Lorsqu'il vu le visage déformé de colère de son jeune Maître, Sebastian su qu'il avait dit la mauvaise chose à dire.

- Ecoute moi bien espèce de petit trou de cul de réac'. Je suis trans. Je me fiche que tu ne saches pas ce que ça veut dire. Ce n'est pas mon problème si tu n'es pas sorti de l'Enfer depuis le dernier siècle. Lorsqu'on s'adresse à moi c'est « il ». Maintenant que tu le sais, sache que je n'ai aucune envie d'habiter avec gars sorti de la Manif pour tous, alors t'as intérêt à aller gentiment utiliser ton ordinateur pour te renseigner sur la chose et T'EDUQUER ! Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?!

Sebastian n'avait strictement aucune idée de ce que « trans » signifiait, ou bien la « Manif pour tous » mais il savait désormais que faire de sa soirée.

- Oui Monsieur, parfaitement clair.

- Bien, maintenant que tu le sais, habitue-toi à voir ma poitrine en dessous de mes vêtements. Je ne vais plus me casser la tête pour mettre un binder à chaque fois que tu es là. Interdiction de faire des remarques dessus. Clair ?

- Limpide Monsieur.

- Bien.

Sur ce, il prit le plateau repas des mains de Sebastian et claqua la porte derrière lui.

Sebastian, revenant dans sa chambre, n'en revenait toujours pas de ne rien avoir remarqué en cinq mois de cohabitation. Toujours rouge de honte, il tapa sur son ordinateur « Être trans ».

Au fils de ses lectures, Sebastian s'aperçut à quel point les mœurs de la société humaine avaient changé depuis le 19 ème siècle. Bien sûr il avait vu l'évolution technologique et commerciale. Il s'était rendu compte de la diversité des gens dans les rues. Mais il n'avait pas vu que les mœurs avaient évolué à ce point. Maintenant qu'il y pensait, cela lui rappelait un certain shinigami rouge qui s'appelait par des pronoms féminins. A l'époque, il l'avait simplement pris pour un pervers. Mais après quelques heures de lecture, il s'interrogea.

Grell était-il trans ? Ou plutôt, était-elle trans ?

Le lendemain matin, Sebastian vint avec le plateau du petit-déjeuner dans les mains. Un grognement lui répondit lorsqu'il toqua à la porte. De jour en jour, il devenait plus difficile de réveiller le jeune homme, qui semblait avoir besoin de toujours plus d'heures de sommeil. Sebastian entra dans la chambre.

- Monsieur ? Il est l'heure de se lever. Voici votre petit déjeuner.

Lentement, Novembre émerga de sous les couvertures. Effectivement, il n'avait pas mis son binder.

Cela voulait-il dire qu'il le mettait jour et nuit ? Se demanda Sébastian, quelque peu paniqué.

Il avait lu qu'il était très mauvais pour la respiration ainsi que la colonne vertébrale de mettre un binder durant de trop longue période de temps. S'il n'avait jamais rien remarqué en cinq mois, c'est que Novembre n'avait pas respecté cette règle. Cela pouvait être courant chez les personnes pour qui la dysphorie était forte. Sa transidentité était-elle la source de son malheur ?

- Sebastian…Marmonna le plus jeune, quelle heure est-il ?

- Il est 9 heures et demi Monsieur.

Novembre retourna sous ses couvertures.

- Laisse-moi dormir. Il est trop tôt.

Ayant soudain des violents souvenirs des caprices de réveil de son ancien contractant, Sebastian répondit après un instant de silence.

- Si vous dormez trop ce matin, vous n'allez pas bien dormir ce soir.

Novembre grogna

- Et alors ? À quoi bon ? Je n'ai plus cours, plus d'oraux, plus de travail à faire. C'est la fin du monde Sebastian, alors qu'est-ce que ça peut faire si je dors jusqu'à midi ? Ça n'a aucune conséquence.

Un silence tomba. Sur le coup, Sebastian devait avouer qu'il n'avait rien à répondre à ça. Il soupira et décida de lâcher l'affaire. Il avait suffisamment irrité le jeune homme la veille.

- Très bien Monsieur. Réveillez-vous quand vous voulez. Je vous laisse le plateau.

Il sorti en refermant la porte silencieusement.

Au bout de la troisième semaine de confinement, la situation de l'épidémie n'avait pas l'air de s'arranger, pire, elle semblait s'aggraver. Le nombre de cas montais à une vitesse alarmante. Sebastian dû reprendre son travail pour pouvoir continuer à payer sa part de loyer, laissant Novembre seul la majorité de la journée. Il lui faisait chaque matin un petit-déjeuner et un déjeuner à réchauffer, mais le jeune homme ne sortait plus de sa chambre. Les plats étaient laissés à l'abandon.

Lorsqu'un soir Sebastian rentra du travail et vit que son jeune Maître n'avait pas touché aux repas préparés, il décida qu'il était temps d'intervenir.

Il toqua à la porte du jeune homme et l'ouvrit sans attendre de réponse. Il trouva Novembre, dans son lit, regardant une série sur son téléphone.

- Monsieur ?

Novembre ne leva pas les yeux de son écran.

- Quoi ?

- Pourquoi refusez-vous de manger ? Vous avez uniquement à aller dans la cuisine prendre les plateaux que je vous prépare. En d'autres termes, vous n'avez aucune excuse.

Cette fois-ci, Novembre leva les yeux de son téléphone.

- Et si je te dis que je n'ai pas envie ?

- Vous n'avez pas faim ?

- Ce n'est pas la question… Je n'ai pas envie de manger.

- Monsieur, vous devez manger. Vous ne pouvez pas juste ignorer vos besoins vitaux.

Un grommellement lui répondit.

- Pardon Monsieur ? Je n'ai pas entendu.

- Je t'ai dit que je ne voulais pas sortir de mon lit.

Sebastian était irrité. Il ne mangeait donc pas pour la seule raison qu'il devait faire l'effort de se lever et d'aller à la cuisine ?

- Monsieur. Quel âge avez-vous exactement ?

- 21 ans.

- Et bien je crois qu'à l'âge de 21 ans, un jeune adulte comme vous doit être capable de se lever de son lit et d'aller marcher jusqu'à la cuisine, dit-il d'un ton froid.

Puis il huma l'air de la chambre.

- Et dites-moi… Puisque vous ne sortez plus de votre lit, puis-je savoir depuis combien de temps ne vous vous êtes pas lavé ?

Un silence lui répondit.

- Bon ça suffit.

Il marcha d'un pas vif à la fenêtre, écarta les rideaux et ouvrit les volets. Un pâle lumière vient illuminer la chambre. Puis il s'approcha du lit et souleva violemment la couverture.

- Eh !

- Monsieur, il est plus que temps de vous reprendre en main. Vous allez aller manger votre dîner, prendre une douche, vous laver les dents et changer de pyjama.

- Laisse-moi !

Sebastian était maintenant énervé.

- Vous agissez comme un enfant ! À ne pas vouloir vous lever et prendre soin de vous votre santé risque de dépérir ! Pensez à vos amis ! Voudriez-vous qu'ils vous voient ainsi ?

- TAIS-TOI !

Novembre avait hurlé, surprenant le démon.

- Mes amis se fichent de moi ! Depuis le confinement ils ne m'ont pas contacté une seule fois ! Et toi !

Il montra Sebastian du doigt.

- Arrête de prétendre que tu as quelque chose à faire de moi ! Tu as bien dit que tu préférais les âmes plongées dans les ténèbres ?! Alors laisse-moi plonger ! Laisse-moi seul et tu pourras venir prendre mon âme lorsque je me laisserai mourir ! Mais jusque-là, LAISSE-MOI !

- Monsieur –

- C'est un ordre Sebastian !

Le démon se figea, pris entre deux termes du contrat et maintenant s'affrontaient, contradictoires. Puis, ne sachant que faire d'autre, il répondit d'un ton glacial :

- Bien

Il ne vit pas les larmes rouler silencieusement sur les joues de Novembre tandis qu'il claquait la porte derrière lui.

Bonjour/bonsoir, je suis énervé car m'a encore fait des sienne avec le chapitre 10, aussi je le reposte. Merci à Guest pour me l'avoir fait remarquer ! (svp dites le moi lorsque ça arrive, je poste ma fic sur 3 plateformes différentes et je n'ai pas toujours le temps de checker si ça c'est bien posté T-T)

Je voulais aussi prévenir que je ne tolèrerai pas de propos transphobes sur cette histoire (je dis ça juste au cas où).

Je poste le chapitre 11 dans la foulée pour me faire pardonner !