Pour terminer l'année en beauté, quoi de mieux que l'événement majeur de l'année 1983 :D J'avoue que j'ai beaucoup aimé écrire ce moment, je l'attendais avec énormément d'impatience.

Chapitre 14 : Morsure métallique

William évita de justesse deux enfants en pleine course avec un demi-tour parfaitement maîtrisé. Les verres sur son plateau menacèrent de se renverser puis se stabilisèrent à son grand soulagement. Le restaurant était très animé, comme tous les mercredi après-midi. Ce créneau était réservé aux fêtes d'anniversaire, et pas n'importe quelle fête ce jour-ci. Georges fêtait ses six ans. Les parents Afton s'étaient dits que la présence des autres enfants l'aiderait à sortir de sa coquille. Ce n'était pas le cas. Mais ils avaient essayé.

Il chercha le "birthday boy" du regard et le trouva recroquevillé sous une table, son énorme peluche Golden Freddy dans les bras. William avait fermé les portes pour l'empêcher de fuir vers les bureaux, mais son fils ne s'était pas plus mêlé à la fête pour autant. A défaut, il pouvait garder un oeil sur Michael et ses amis, installés autour d'une table. William leur avait demandé de surveiller les enfants contre un peu d'argent de poche, mais les quatre adolescents ne paraissaient pas franchement concernés par la tache. Ils discutaient à voix basse et ne cessaient de lancer des regards vers Georges, ce qui inquiétait de plus en plus le gérant. Qu'est-ce qu'ils pouvaient bien avoir en tête ?

"William ?"

Il sursauta violemment en se retrouvant nez à nez avec Scott qu'il n'avait pas entendu approcher. Son homme de main en costard était débordé. Il avait un jeune enfant dans une main, une tâche verdâtre au-dessus de l'épaule, et des bouteilles vides sous l'autre bras dans un équilibre fragile. Il était vraiment temps d'embaucher un peu plus de personnel. Le restaurant ne cessait de grossir, et à trois, Scott, Maggie et lui, la situation commençait à devenir délicate.

"Il y a un problème avec Freddy, cria-t-il pour couvrir le bruit des enfants qui chahutaient tout autour d'eux. Un gamin s'est accroché à son bras et il a tordu un peu l'endosquelette. J'ai promis à sa mère que si les dégâts étaient trop importants, elle allait entendre parler de notre avocat, mais le mal était fait. Tu aurais deux minutes pour aller voir si c'est grave ?"

William poussa un lourd soupir et leva les yeux aux ciel. De toute évidence, la grosse pancarte "Interdit de monter sur la scène" ne suffisait plus à stopper les morveux. Il avait longtemps hésité à installer des barrières de sécurité, il était peut-être temps d'y songer sérieusement. Il lança un regard à son plateau. Scott tendit sa main libre pour le récupérer.

"Table douze. Tu es sûr que ça va aller ? Maggie en a bientôt terminé avec les pizzas.

- J'ai connu bien pire. Mais je pense que mon costume a besoin d'un tour au pressing. Va, je m'occupe des enfants. Essaye de le réparer pour l'arrivée du gâteau d'anniversaire. Ce serait dommage que ton fils rate ça."

Le manager s'éloigna avec son gamin et le plateau dans un équilibre précaire. William se fraya un chemin vers la scène principale où, en effet, Freddy s'agitait étrangement, penché vers l'avant comme si son dos avait été bloqué. Il éteignit temporairement le groupe et tira sur l'énorme noeud papillon noir de l'ours star du restaurant pour avoir un aperçu de l'état de l'endosquelette. Il poussa un soupir. Sous le poids de l'enfant, les tiges métalliques s'étaient tordues vers la droite. Une partie du bras avait rompu. Cela prendrait quelques heures pour le remettre en état.

"Foutu gosses, grogna-t-il entre ses dents."

Il referma les rideaux, saisit sa malle et commença à travailler malgré l'agitation extérieure.


Georges n'en pouvait plus. Le bruit, les lumières, les robots, son frère : cette journée était un cauchemar que rien ne semblait pouvoir arrêter. Terrifié, il s'était retranché sous une table et attendait simplement que cette épreuve s'arrête. Il ne voulait pas être au centre de l'attention, il ne voulait pas non plus jouer avec les autres enfants. Il voulait qu'on le laisse tranquille.

Dès que son regard se posait sur les robots, il ne pouvait s'empêcher de penser à ceux de ses cauchemars. Depuis quelques jours, ils étaient plus intenses et portaient tous sur Fredbear. Il voyait ses dents pointues, il voyait la deuxième mâchoire dans son estomac, prêt à le dévorer tout cru. Lorsqu'il était apparu cette nuit, il s'en était pris à l'enfant que cet homme avait poignardé. Il ne cessait de revoir le meurtre, encore et encore, du point de vue des différents animatroniques cauchemardesques. Mais il ne devait rien dire. Il ne pouvait rien dire. Ou l'homme reviendrait pour lui, pour lui faire la même chose.

Devant ses yeux, des dizaines de paires de chaussures couraient dans le restaurant. Elles l'ignoraient comme les autres l'ignoraient. Il savait que son père et sa mère avait abandonné l'idée de lui faire avouer ce qui n'allait pas. Peut-être auraient-ils dû creuser plus loin. Georges aurait fini par se livrer, il ne parvenait plus à tenir cette pression, cette épée de Damoclès qui pesait constamment sur sa tête.

"Eh bien, eh bien, regardez ce que l'on a là."

Les yeux de l'enfant s'écarquillèrent lorsque quatre masques à l'effigie de Bonnie, Chica, Freddy et Foxy apparurent devant lui. Il savait que c'était son frère, il avait reconnu son timbre de voix moqueur et méchant. Les quatre adolescents rirent à la vue de son air effrayé. Ah oui, ça les amusait beaucoup.

"Laisse-moi tranquille ! cria Georges."

Michael se mit à quatre pattes et lui attrapa la jambe pour le sortir de sa cachette. Paniqué, Georges griffa le sol pour l'empêcher de le faire, en vain. Il se retrouva au milieu des quatre adolescents, hilares. Il voulut appeler à l'aide, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Tétanisé par la peur, les larmes se mirent à couler sur ses joues sans qu'il ne puisse les contrôler.

"Ton frère est vraiment un gros bébé, n'est-ce pas ? s'esclaffa celui au masque de Bonnie.

- C'est trop drôle, surenchérit la fille au masque de Chica. Oh, mais le gros bébé doit pleurer parce qu'il ne voit pas assez bien les animatroniques ! Et si on l'aidait à aller les voir de plus près ? Il adorerait ça !"

Sa poigne de fer se referma sur son bras. Georges se débattit, mais Bonnie vient lui saisir l'autre poignet pour l'empêcher de bouger. Le garçon se mit à haleter, en proie à une crise de panique qu'ils ignorèrent copieusement. Il supplia son frère du regard, mais il s'en fichait. Il était avec eux. Il était devenu comme eux.

"Allez les garçons, reprit Chica. On va lui offrir un voyage. Il va aller les voir de près, quel privilège !"

Freddy et Foxy lui saisirent les jambes et le soulevèrent du sol avec une facilité déconcertante. Georges se débattit avec plus de hargne. Il se mit à pleurer de plus en plus fort. Il tourna la tête vers Scott, mais il était trop loin, occupé avec de jeunes enfants. Il tournait dos à la foule de plus en plus grosse qui entourait la scène de Fredbear et SpringBonnie. Ils étaient tous complices. Ils lui voulaient tous du mal. Arrivé aux pieds des deux robots, les adolescents éclatèrent de rire. Le garçon les supplia de toutes ses forces d'arrêter, de le laisser tranquille.

"Eh ! rit Michael. Je crois qu'il veut aller faire un gros bisou à Fredbear, le gros bébé."

Les adolescents escaladèrent la scène, toujours mort de rire, et soulevèrent Georges jusqu'à la bouche de Fredbear. Les yeux de l'enfants s'écarquillèrent de terreur. Il revoyait les dents pointues des monstres de ses cauchemars, les courses poursuites dans les couloirs vides de sa maison. Il avait peur. Il ne voulait pas mourir.

Les enfants poussèrent sa tête dans la gueule de Fredbear et le lâchèrent. Georges poussa un cri strident et poussa l'ours de toutes ses forces pour se libérer. La mâchoire de Fredbear, bloquée, mâchait dans le vide, pour essayer de retirer l'objet étranger.

Et soudain, elle se ferma brutalement sur son crâne, dans un bruit d'os de poulet écrasé que tous entendirent distinctement.

Les enfants ne rirent plus du tout.

Du sang, beaucoup de sang coulait de la mâchoire du robot, et Georges ne bougeait plus.


William, alerté par le silence soudain de la salle, leva la tête hors du torse de Freddy. Que se passait-il ? Un cri féminin perça l'espace et il se redressa brutalement. Il se cogna contre les tiges de métal avant de se relever. Maggie avait hurlé. Un cri de peur. Il bondit hors des rideaux et se figea brutalement, comme frappé par la foudre.

Une foule d'enfants se tenaient devant la scène de Fredbear, les yeux rivés vers l'ours. Maggie était à quatre pattes sur la scène, en train d'hurler de détresse. Michael et ses amis tremblaient de tous leurs membres. Georges pendait de la gueule de Fredbear.

Georges pendait de la gueule de Fredbear ! William se réveilla brutalement et sauta de la scène pour courir vers celle des deux anciens Animatroniques. Il se jeta sur Fredbear et frappa sur sa tête jusqu'à ce que la mâchoire s'ouvre suffisamment pour libérer le petit garçon, qui s'effondra dans ses bras. La plaie était effroyable. Les dents du robots avaient percé le crâne de l'enfant, qui se vidait de son sang dans ses bras.

"Scott ! hurla t-il. Appelle une ambulance ! Vite !"

Le manager, resté immobile, se redressa brutalement et courut vers l'accueil. Maggie saisit le bras de William, le visage rempli de larmes.

"Dis-moi qu'il n'est pas mort ! Je t'en supplie, dis-moi qu'il n'est pas mort ! hurla-t-elle. C'est de ta faute ! C'est de ta faute et celle de tes robots ! Tu l'as tué ! Tu l'as tué !"

Elle le frappa une fois, deux fois, elle ne s'arrêta plus. Des parents, encore choqués, vinrent lui prendre les bras pour la faire reculer de force de l'estrade. Totalement hystérique, elle poussait des hurlements stridents qui brisèrent le coeur de William. Immobile, son fils dans les bras, il ne parvenait pas à réaliser ce qui venait de se produire. Ses mains tremblaient toutes seules.

Il releva lentement la tête vers Michael et ses amis, qui avaient retiré leurs masques. L'adolescent hoqueta bruyamment, puis s'effondra et se mit à son tour à pleurer à chaudes larmes en comprenant ce qu'il venait de faire. Il pouvait être désolé. Il était responsable de ce qui venait de se produire.

Les urgenciers traversèrent la foule quelques minutes plus tard. William les vit sans les voir réellement. Ils lui arrachèrent son fils des mains et le branchèrent à des tas de machines. William les regarda faire depuis la scène, inerte. Son cerveau s'était comme déconnecté de la scène.

Ce n'était pas réel.

C'était un cauchemar.

Sauf qu'il ne se réveilla pas.


Caché dans sa voiture, Henry regarda l'ambulance quitter les lieux avec le cadet et la femme Afton. De là où il était, il pouvait voir William, toujours sur la scène. Il se sentit un peu coupable. Il tenait toujours la télécommande qui avait provoqué le dysfonctionnement de Fredbear dans la main.

Il savait qu'il ne pouvait pas y aller maintenant. William le rejetterait instantanément. Mais dès le lendemain, il serait là. Pour le soutenir. Pour le guider sur le bon chemin. Pour l'encourager à travailler pour lui.

Après tout, n'est-ce pas ce que sont censés faire les meilleurs amis ?