Nouveau chapitre ! On aborde peu à peu le thème de la suite de l'intrigue, et ses nouveaux personnages. Attention, ce chapitre en particulier contient une mort particulièrement violente et graphique ! Ne lisez pas la partie sous la barre de séparation vers la moitié du chapitre si vous avez du mal avec ce thème.
Chapitre 17 : In(tro)spection
William, nerveux, regardait les officiers du gouvernement déambuler dans sa pizzeria, calepins à la main. Ils prenaient des notes sur chaque robot, vérifiaient ses circuits et passaient au suivant. Ils n'étaient pas censé trouver de preuves de malfonctions, néanmoins, plusieurs éléments le portaient à charge, à commencer par la suppression des caméras de surveillance qui lui avait été reprochée d'emblée. Il angoissait et chaque froncement de sourcils lui tordait l'estomac d'appréhension.
Silencieux, Scott se tenait à côté de lui. Il paraissait beaucoup plus serein que lui, mais les nombreuses manipulations du bouton de manchette de son costume témoignaient du contraire. Il offrait des sourires d'une hypocrisie affligeante à chaque officier qui tournait un regard suspicieux vers eux. Clay Burke veillait au bon déroulement des choses, mais encourageait discrètement les deux propriétaires dès qu'il en avait l'occasion.
Le moment qu'il redoutait tant se présenta enfin : l'inspection de Fredbear. Les inspecteurs ouvrirent l'ours et commencèrent un travail d'analyse méticuleux. Ils y passèrent plus d'une heure et demie durant laquelle William se contentait de le faire bouger et lui faire ouvrir le bouche, légèrement tordue sur le côté depuis la morsure. Toute cette épreuve fut une véritable torture, d'autant plus qu'il savait que les enquêteurs ne trouveraient rien à l'intérieur. Ce manège dura encore plusieurs minutes avant que le chef des opérations n'ordonne le départ des troupes.
Sans un mot supplémentaire, ils quittèrent le restaurant. Burke fut le dernier à partir et leur expliqua que les conclusions du rapport ne seraient connues que dans quelques jours. Il conseilla à William de ne pas faire de vagues et de répondre à la moindre interrogation pouvant rester, et tout se passerait bien. Si seulement il disait vrai. Il préférait ne pas y penser. Il reconduit l'inspecteur à la porte et lui promit de passer lui rendre visite plus tard avec Elisabeth pour boire un café.
"Ca ne s'est pas si mal passé, conclut Scott une fois la salle vide. J'ai crû qu'ils ne nous laisseraient pas en paix. Et maintenant, on est en retard pour l'ouverture de ce soir… Regarde-moi ce carnage ! s'exclama-t-il en pointant l'ensemble de la salle dérangée. Ils auraient au moins pu aider à nettoyer."
En râlant, il se dirigea vers le couloir d'entrée pour saisir une serpillère et effacer au plus vite les traces de pas des policiers bien visibles sur les carreaux blancs et noirs de la salle principale. William prit le temps d'arranger un peu la cuisine et faire chauffer le four. Il termina deux heures avant l'ouverture et décida de s'isoler un peu dans la nouvelle zone du restaurant en attendant.
Les "Party Rooms" comme Scott les surnommaient étaient deux grandes salles situées dans l'arrière du restaurant, dans une nouvelle aile bâtie depuis peu de temps. La peinture y était encore fraîche et l'aménagement pas tout à fait terminé, mais elle contenait ce que William considérait comme sa plus grosse réussite. Derrière le bar à salade encore emballé se trouvait l'aire des pirates, une petite scène aux rideaux violets construite comme un mât de navire. De grands palmiers en bois l'encerclaient, ainsi que des oiseaux en plastique multicolore. Ils attendaient encore l'écran qui allait simuler la mer, mais il était en chemin.
Sur l'estrade de bois se tenait fièrement la toute dernière version de Foxy le pirate, dans une posture conquérante. Il attendait sagement son heure à l'abri du public. Le robot fonctionnait enfin correctement et pas loin de trois cent lignes de dialogue avaient été enregistrées sur son modulateur de voix. Seule son intelligence artificielle était encore un peu défaillante. Contrairement aux autres robots qui se contentaient de danser et chanter, Foxy avait pour vocation d'animer des animations. Cela passait par la possibilité pour le robot de poser des questions simples et réagir si l'enfant donnait une bonne ou une mauvaise réponse.
Sur le mur, il activa le boîtier. Les oreilles du renard se redressèrent et il commença à agiter son crochet en direction d'un public inexistant.
"Yaaarrr ! cria le pirate. Bienvenue à l'antre des pirates, moussaillons ! Ce soir, j'ai une mission importante à vous confier ! Êtes-vous prêt à m'accompagner dans une grande aventure ?"
William clama un "Oui, capitaine" haut et fort, au moins aussi enjoué qu'un enfant de six ans. Ce fut ce moment précis que choisit sa fille pour rentrer dans la pièce. Elle lui offrit des yeux ronds, avant de s'approcher pour mieux regarder le robot. Gêné, son père rougit furieusement et mima une quinte de toux pour effacer l'embarras de l'instant.
"J'aime beaucoup celui-là, dit-elle d'une voix fluette. Mais j'avoue que je préfère Chica. C'est la seule fille de la bande, se plaignit-elle.
- Tu en aimerais une autre ? demanda William, amusé. Tu sais que ton vieux papa peut tout faire avec une assistante comme toi. Quel animal est-ce que tu aimerais ?"
Son front se plissa, signe d'une intense réflexion. William patienta, ravi de l'intérêt porté par la petite à ses créations. Le gérant se rappela alors de vieux croquis dans ses placards, le genre qui lui semblait irréalisable plus jeune. Du temps où il étudiait à l'université, il avait conçu des personnages originaux tirés de l'univers dont provenait Freddy. Il s'agissait d'un restaurant concurrent peuplé de clowns tout de blanc et d'argent. Les deux protagonistes principaux de celui-ci étaient la diabolique Circus Baby, une petite clown aux couettes rousses, et Ballora, une danseuse qui lui servait de bras droit. Ils ne faisaient que torturer Freddy et kidnapper Foxy, mais leur design avaient beaucoup plu à Henry à l'époque.
Henry. Une boule se forma dans son cou à la pensée de son ancien ami. Il avait tellement changé depuis la fin de leurs études. Comment en était-il arrivé là ? Il secoua la tête et recentra son attention sur sa fille.
"Et si je te disais que j'ai une idée ? Tu me fais confiance ?
- Tu me ferais un robot ? demanda la petite, les yeux brillants.
- Ce sera une suprise, rit William. Je vais me pencher dessus. Tu verras, tu vas l'adorer."
Elle fit une petite danse de la joie qui arracha un sourire à son père, ravi de la voir retrouver sa joie de vivre petit à petit. Sa décision était prise. Pour se reconstruire, il comptait tout faire pour rendre Elizabeth heureuse. Dès qu'elle quitta la pièce, son cerveau se mit en ébullition pour étudier la construction plausible de Circus Baby.
"Chut, siffla Henry, sois sage et ce sera terminé bientôt."
L'enfant hoqueta de terreur et se débattit dans le costume. Henry avaient dû s'y prendre à trois fois pour l'immobiliser entièrement. Il avait d'abord songer à l'attacher sur une table, mais le résultat n'aurait pas été le même, la violence de son supplice n'aurait pas été la même. C'était de cette façon que lui était venu l'idée des springlocks de William. Il avait conçu un endosquelette en quelques jours capable de maintenir un enfant bras et jambes écartées.
Ses recherches avançaient considérablement ces derniers jours. Il avait réussi à maintenir une âme quelques jours dans une main en acier, mais il se trouvait qu'un réceptacle aussi faible ne pouvait la maintenir prisonnière. Il avait besoin de plus de puissance. L'âme n'était arrachée du corps qu'en cas de mort violente. Elle s'accrochait alors à un réceptacle métallique pendant quelques heures ou quelques jours avant de disparaître. Henry cherchait à la garder captive définitivement, comme la Marionnette, sans jamais y réussir. Les cobayes s'enchaînaient depuis quelques semaines sans signe d'amélioration. Il ne parvenait pas à saisir toutes les subtilités du transfert d'âme, ni à en maintenir une suffisamment longtemps pour analyser sa substance, ce qui compliquait son travail.
Jusqu'à présent, l'âme se trouvait en dehors du support métallique. Avec cette nouvelle expérience, Henry voulait tester l'hypothèse de la mort à l'intérieur de celui-ci. Il avait écumé les écoles primaires des alentours avant de porter son choix sur un garçon esseulé qui rentrait chez lui, à une trentaine de kilomètres plus loin. Il devait les chercher des plus en plus loin pour éviter les soupçons, pour éviter que la police ne fasse les liens entre les différentes disparitions. Un enfant qui disparaissait pouvait passer pour un accident, deux ou trois étaient beaucoup plus risqué.
Le garçon le supplia une nouvelle fois, les joues inondées de larmes. Il leva les yeux au ciel. Ce spectacle avait assez duré. D'une simple pression sur la télécommande, les ressorts lâchèrent les barres métalliques qui composaient le robot. Elles transpercèrent l'enfant de part à en part et reconstruisirent peu à peu l'endosquelette original à travers la chair de sa victime. Les yeux exorbités par le choc, il périt en quelques secondes à peine.
Henry courut activer sa caméra lorsque les premières vibrations de l'acier se faisaient sentir.
"Entrée numéro vingt-sept. Le sujet dix-neuf est mort. L'âme s'est combinée avec l'acier et le résultat semble plus rapide qu'auparavant. Les moniteurs enregistrent un pic d'activité bien plus important que celui des autres expérimentations."
Le bras de l'endosquelette se redressa brutalement, pendant un bref instant, avant de retomber mollement. La pièce fut plongée brutalement dans le noir. Coupure de courant.
"Non… Non ! cria Henry. Non, c'est pas vrai !"
Il courut jusqu'au disjoncteur et le remit en état de fonctionnement. Un à un, les écrans se rallumèrent. Mais il était trop tard. Tous les tracés étaient plats. D'un geste rageur, Henry fit voler tous les dossiers de son bureau et se laissa tomber sur sa chaise. Son générateur modifié ne supportait plus autant de puissance, et il ne pouvait pas en trouver un autre sans attirer l'attention. Son regard se perdit sur la flaque de sang qui se formait peu à peu sous le cadavre de sa dernière proie.
Un autre sujet gâché. Un nouvel échec.
Il n'avait plus le choix. S'il voulait poursuivre ses recherches, il avait besoin d'un générateur plus puissant, et surtout du sujet original. Il avait besoin de Charlie et du génie de William.
Mais comment le convaincre de travailler pour lui ?
Son regard se posa sur les caméras de surveillance du restaurant. Il les avaient hackées à distance pour suivre les moindres faits et gestes de son vieil ami. Il se trouvait assis à son bureau, occupé sur son carnet à dessins. Il connaissait l'expression qu'il arborait, il avait quelque chose derrière la tête. Un nouveau robot, si tôt après ceux qu'ils venaient d'installer dans sa pizzeria ?
Il se leva et s'approcha des écrans pour mieux voir ce qu'il faisait. Il plissa les yeux pour chercher la signification de ses traits. Son regard s'écarquilla lorsqu'il comprit sur quoi il travaillait.
Elle était là, sa solution ! Il ne restait plus qu'à accentuer la pression sur lui. Si l'ours en peluche n'avait pu le convaincre, il trouverait autre chose. Même s'il fallait lui prendre sa fille pour lui faire entendre raison.
