Kanon et Eraste étaient dans leurs appartements, dans du temple de Poséidon. L'enfant dormait dans le grand lit de la chambre et l'ancien dragon des mers était installé dans le salon, une aiguille et du file dans une main et une peluche dans l'autre. L'autre doudou était dans les bras du petit. De son côté, Kanon se prenait la tête à tenter de recoudre la peluche mais c'était bien plus compliqué que ça en avait l'air.

Trois coups furent portés contre la porte.

Kanon arrêta ce qu'il faisait. Qui était-ce ? Il se serait attendu à ce que personne ne vienne vers lui après son altercation avec Poséidon. Visiblement, il s'était trompé. Il posa ce qu'il avait dans les mains et alla ouvrir. Io était là. Le gémeau haussa un sourcil et appuya son épaule contre le battant de la porte. Le plus jeune se redressa et détourna légèrement le regard.

« J'ai appris pour ta prise de tête avec le Seigneur Poséidon. Est-ce que le petit va bien ? »

Alors c'était ça, Io s'inquiétait pour Eraste. Kanon aurait dû s'y attendre, le plus jeune avait toujours été du genre sentimentale, surtout avec les enfants. Il se décolla de la porte et retourna vers la table où il avait laissé ses affaires.

« Il dort, il s'est épuisé à force de pleurer. »

Le plus vieux s'assit et attrapa son aiguille. Io entra et un long silence s'installa une fois que la porte fut close. Ni Io ni Kanon n'avaient quoi que se soit à dire pour le briser. Ils ne s'étaient jamais beaucoup parlés. Kanon ne savait même pas ce qu'il venait faire ici ou même pourquoi il l'avait laissé entrer. La chaise en face de lui fut tiré et le chilien s'installa dessus. Il pointa l'ouvrage du gémeau d'un doigt.

« Tu le fais mal. »

Kanon fronça les sourcils. Si le jeune était venu pour se foutre de lui, il pouvait s'en aller. Mais il n'y avait pas d'agressivité dans sa voix. Kanon se calma. Il était un peu trop sur les nerfs depuis sa rencontre avec Poséidon. Si Io acceptait de lui donner une seconde chance, il n'allait pas cracher dessus. Il posa son travail et soupira.

« J'arrive pas à recoudre ça. »

Io se saisit de ce qui traînait sur la table. Il commença à rapiécer la peluche avec une aisance surprenante.

« Je n'aurais jamais pensé te voir père. »

Kanon haussa les épaules.

« Moi non plus. »

Io leva les yeux vers lui et releva un sourcil.

« C'est à dire ?

- ... Il m'est en quelque sorte tombé dessus. Un jour j'étais célibataire et sans enfant et le lendemain j'étais père. »

Le chilien ne demanda pas plus de précision, heureusement pour Kanon. Io ouvrit la bouche mais hésita. Pouvait-il demander ça ? S'il y mettait les formes, ça devrait passer.

« Est-ce que... Pourquoi tu as pris ton fils avec toi ? »

Son fils. Ça faisait bizarre d'entendre quelqu'un le dire. Mais comment Kanon pouvait-il répondre ? Il ne pouvait décemment pas dire que quasiment personne au Sanctuaire Terrestre ne savait qu'Eraste existait. Peut-être devait-il faire une demie-vérité dans ce cas ? Oui, ce serait l'idéal.

« C'est assez compliqué pour lui au Sanctuaire en ce moment, et je préfère ne pas le laisser seul. »

Io fronça les sourcils et reposa la peluche, maintenant parfaitement recousue. Il croisa ses bras sur la table et se pencha un peu en avant. Kanon savait ce que ça voulait dire. Le plus jeune allait le harceler de questions jusqu'à avoir toutes les réponses dont il avait besoin. Et chaque silence, chaque souffle, chaque battement de cœur seraient pris en compte. Io était horriblement bon à ça. C'était pour ça que Kanon n'avait jamais pu tout lui cacher. Mais avant que l'interrogatoire ne commence, la porte de la chambre s'ouvrit doucement et une petite voix résonna.

« Maman ?

- Je suis là. »

Kanon se leva, attrapa le doudou et le tendit à Eraste quand il arriva près de lui et de son invité.

« C'est Io qui l'a réparé pour toi. »

Eraste laissa échapper un cri en prenant la peluche dans ses bras. Il se mit à sautiller sur place puis il courut sur Io et l'inonda de remerciements et de câlins. Un sourire prit place sur les lèvres du jeune homme. Cet enfant était vraiment débordant d'énergie, ça le rendait vraiment adorable. Au bout de plusieurs longues minutes de remerciements, Eraste lâcha Io et retourna dans les jambes de sa mère. Le chilien quitta sa chaise à son tour et fixa ses yeux dans ceux de Kanon.

« On en reparlera plus tard. »

Il baissa le regard vers l'enfant et ajouta avec un signe de la main.

« À bientôt petit. »

Eraste répondit immédiatement au salut par de grands mouvements de bras.

« À bientôt tonton Io ! »

XxX

Kanon soupira en se laissant aller contre le dossier de son siège. Qu'est ce que la paperasse pouvait être chiante. Malheureusement, il était venu pour ça et ce n'était pas Sorrento qui allait lui faciliter la tâche. Avec un nouveau soupir, il se remit à noter sur les trop nombreuses pages, la Sirène le surveillant étroitement. Heureusement, Eraste n'était pas là. Io avait accepté de s'occuper de lui pour aujourd'hui. Et tant mieux car Kanon doutait d'avoir la force de gérer un enfant aussi énergique après une journée pareil. Et il y avait de très fortes chances qu'il y ait beaucoup d'autres journées comme ça. Il était un émissaire du Sanctuaire, c'était normal de devoir gérer des papier importants. Mais devoir gérer ces dit papiers importants sans la moindre collaboration de l'autre partie était bien plus compliqué. Mais au bout de longues heures de discussion, Kanon put mettre un point final au document dans ses mains. Il était épuisé. Il tenait à peine sur ses jambes.

Il réussit malgré tout à rejoindre ses appartements puis il s'écrasa sur le canapé. Il n'avait pas la force de se traîner jusqu'à la chambre. Qui aurait-il pu croire que rester assit à écrire puisse être plus épuisant que de combattre Hadès ? Pas lui. Il s'endormit dès qu'il ferma les yeux.

Son réveil fut moins tranquille. Quelque chose venait de lui tomber dessus. Sa respiration était rendu difficile mais il voulait se reposer encore un peu. Il ne put pas le faire. La chose se mit à s'agiter et à exercer encore plus de pression sur sa cage thoracique. Il ouvrit doucement les yeux et vit une des choses le plus mignonne qui soit. Eraste était assit sur son torse, ses éternels peluches dans ses bras, et le visage parsemé de paillettes bleues. Kanon ne réussit pas à lui en vouloir de l'avoir réveillé plus de quelques instants. Il attrapa l'enfant et le souleva pour pouvoir se redresser.

Plus loin, près de l'entrée de la cuisine, Baian et Io regardaient la scène, chacun avec une tasse à la main. Mais Kanon n'eut pas le temps de leur demander ce qu'ils foutaient là qu'Eraste se mit à lui raconter avec beaucoup d'enthousiasme sa journée.

Le gémeau apprit ainsi qu'il avait passé la matinée à dessiner avec Io puis que Baian était arrivé et lui avait donné un chocolat chaud. Puis, il avait trouvé un coffret avec plein de paillettes de toutes les couleurs et Io avait accepté qu'il s'en serve pour ses dessins. Sauf qu'il avait éternuer un peu trop près du coffret et s'était retrouvé avec des paillettes de partout. Puis il avait fait une sieste et Baian et Io l'avaient ramené.

Un sourire attendrit échappa à Kanon en entendant cette histoire. Mais ce n'était pas pour autant qu'il était heureux de voir deux généraux de Poséidon dans son salon. Enfin, son salon. Autant que cela pouvait être le cas étant donné qu'il n'était qu'un invité. Il se leva, Eraste calé contre sa hanche. Face à lui, le chilien arborait un visage neutre et le canadien avait plutôt l'air de se moquer de lui. C'était une réaction assez attendue. Baian était n'avait même pas eut conscience qu'il s'était fait manipuler quasiment toute sa vie. De ce que le gémeau en savait, il était celui qui l'avait le plus mal prit.

Kanon les dépassa pour se rendre dans la cuisine et se faire un café. Avec Eraste toujours dans ses bras. Que soient bénit les capsules instantanés. Une fois sa tasse dans sa main, il se tourna vers les deux intrus.

« Qu'est ce que vous faite encore là ? »

Baian regarda Io et ce dernier haussa les épaules à la question muette. L'autre soupira un peu puis répondit.

« Poséidon a ordonné que tu sois garder sous surveillance en permanence. Par des personnes compétentes. »

Donc il allait avoir un général au cul pour tout le temps qu'il passerait ici. Fantastique. Vraiment. Il aurait peut-être dû être plus mesuré l'autre jour. Non. Eraste était en danger. Il n'avait pas à se reprocher quoi que se soit. Et puis, comme ça, Eraste avait moins de chance de disparaître dès qu'il fermerait les yeux. Ce n'était pas une si mauvaise chose. Enfin. Tant que le général qui le surveillait ne lui en voulait pas trop ou était capable de mettre ses sentiments de côté le temps de sa mission. Hum, ça avait très peu de chance d'arriver.

XxX

Krishna pouvait parfaitement se contrôler. Il savait mettre ses sentiments de côté pour agir au mieux. Ça n'avait pas été simple au début, il se laissait facilement emporter. Puis, les années et les entraînements passant, c'était devenu naturel. Au point qu'il le faisait en permanence. Ce n'était pas qu'il souhaitait paraître insensible, simplement que c'était devenu un habitude dont il ne pouvait se défaire.

Pourtant, il y avait des jours où ses émotions lui échappaient. Des jours où ses yeux piquaient à cause de trop de larmes versées, où ses poings brûlaient après de trop nombreux coups porter, où ses joues étaient douloureuses de trop de sourires. Ces jours là étaient bien rares mais toujours libérateurs. C'était ainsi. À museler si souvent ce qu'il ressentait, se laisser aller n'en était que plus libérateur.

Mais aujourd'hui n'était pas un de ces jours. Devant lui, Kanon et son fils venaient de terminer une séance d'entraînement assez rude pour le plus jeune. Le petit blond était donc allongé au sol, transpirant, les paupières closent. À côté de lui, l'ancien générale s'était aussi assit et passait doucement une main dans les cheveux du plus jeune. Ils avaient l'air heureux.

En les regardant, Krishna se dit que lui aussi aimerait bien pouvoir passer sa main dans les cheveux d'un être aimé. Plus précisément dans la longue chevelure du général gardien du pilier du Pacifique Nord.

Hum, peut-être pourrait-il l'inviter à dîner ? Ou à boire un verre ?

XxX

Baian était installé sur le canapé du salon d'Io. Ce dernier venait de s'éclipser en cuisine le temps de leur préparer un thé. C'était souvent comme ça. Les deux jeunes hommes se retrouvaient pour un après-midi thé. L'un prenait des biscuits et l'autre la boisson. Baian aimait beaucoup ces après-midis. Ça avait été la première de ses habitudes qu'il avait restauré après son retour à la vie.

Mais depuis peu une nouvelle personne se joignait à eux. Le fils de Kanon. Le canadien avait eut beaucoup de mal à ne pas transposer toute sa haine pour le père sur le petit. L'attitude d'Io avec l'enfant avait aussi certainement aidé. Puis le petit avait ouvert la bouche et Baian n'avait pu que le trouver adorable et l'écouter avec un sourire aux lèvres. Eraste n'était pas Kanon. Il lui ressemblait énormément, hormis pour ses cheveux blonds, mais ce n'était que physique. Il n'avait pas la moindre d'arrogance ou d'orgueil en lui. Le canadien n'avait pas résisté. Maintenant, il prenait toujours des madeleines quand il allait chez Io, car à chaque fois il y avait Eraste et il préférait les petits gâteaux.

Io revint dans le salon, portant sur un plateau une théière et trois tasses. Il posa le tout sur la table basse et s'installa sur le canapé. Sur le fauteuil près de lui, Eraste s'appliquait sur son livre de coloriage.

« Alors ? »

Baian bu une gorgée de sa boisson avant de répondre.

«Je crois que ça avance bien.

- Tu lui as dit ?

- Tu plaisantes ?! »

Le plus vieux avait les yeux grands ouverts, une expression presque choquée et les yeux rouges. Le chilien sourit. Il adorait écouter les histoires de cœur de l'autre.

« Et pourquoi pas ? Si tu ne lui dis pas, vous n'avancerez jamais. »

Baian détourna le regard. Oui, il le savait mais ça ne rendait pas les choses plus faciles. Krishna n'était pas vraiment du genre approchable et il ne souhaitait pas paraître intrusif. Mais de ce fait, il ne savait pas comment lui faire comprendre qu'il s'intéressait à lui. Il essayait d'être plus gentil avec lui, il allait le voir sous n'importe quel prétexte, il faisait tout pour passer un maximum de temps avec lui. Mais apparemment ce n'était pas assez et il ne voyait pas comment faire.

« Tu sais comment il est. Je ne me vois pas lui dire ça comme ça. »

Io hocha simplement la tête. Il comprenait. Mais il savait aussi que son ami n'avait pas de raison de s'en faire. Il avait plus d'une fois surprit Krishna lui jeter des regards qui ne trompaient pas. Mais ce n'était pas à lui de dire ça.

Un mouvement brusque attira son attention et celle de son ami. Eraste avait laissé son coloriage de côté et était dangereusement penché vers l'avant du fauteuil.

« Tu as un amoureux ? »

Baian acquiesça et un grand sourire prit place sur les lèvres de l'enfant alors qu'il se mit à faire de petits applaudissements.

« C'est trop cool ! Ça fait longtemps ? »

Le canadien s'apprêtait à secouer la tête de droite à gauche mais Io le devança.

« Il ne lui a pas encore dit alors ce n'est pas encore son amoureux.

- Ah bon ? Mais pourquoi ? »

Eraste fixait le plus vieux de ses grands yeux bleus. Il n'avait pas l'air de comprendre qu'on puisse aimer quelqu'un sans le lui dire. Baian jeta un regard noir à son confrère avant de porter son attention sur le petit.

« Eh bien... Je n'ai pas encore eut l'occasion de lui dire, c'est tout. »

Le gosse hocha vivement de la tête.

« Je peux t'aider si tu veux ! »

Baian sourit légèrement. C'était vraiment gentil de sa part de proposer son aide, même si elle serait inutile. Il ne comptait pas accepter.

« C'est gentil mais je dois me débrouiller seul. »

Eraste hocha de nouveau rapidement la tête. Puis il se pencha vers la table basse pour attraper une madeleine qu'il commença à grignoter. Voyant là une occasion parfaite pour changer de sujet, Baian demanda.

« Qu'est-ce que tu colories depuis tout à l'heure ? »

Le petit posa son gâteau à moitié mangé puis il tourna son livre vers les deux jeunes hommes. En fait, Eraste n'avait pas colorier l'un des nombreux modèles, il coloriait son propre dessin fait sur une rare feuille blanche. On y voyait tous les marinas, Kanon inclus, dans leur écaille et en arrière plan Poséidon était assis sur son trône, lui aussi en armure, une expression mauvaise sur le visage et une aura sombre flottant autour de lui. Le dessin était plutôt bien réalisé, quoi qu'un peu brouillon, et chaque personne était facilement reconnaissable. Mais les deux généraux se posaient une question.

« Pourquoi tu as dessinée le Seigneur Poséidon comme ça ? »

La mine du gamin se fit plus triste, son sourire disparu.

« Papi s'est énervé quand j'ai voulu lui faire un câlin. »

L'altercation entre Kanon et Poséidon. C'était arrivé presque deux mois plus tôt. Les deux hommes savaient que l'enfant avait été présent mais comme il n'avait pas eut l'air de s'en souvenir ou d'y accorder d'importance, ils avaient finis par oublier ce détail. Mais il était évident qu'il avait dû être bouleversé.

Avant que le silence devienne trop long, Io déclara.

« En tout cas, c'est très bien fait. Moi je serais incapable de faire quelque chose d'aussi joli. »

Eraste sourit et l'histoire de Poséidon fut oublier.

XxX

Sorrento jouait tranquillement de sa flûte. Il s'était installé au milieu d'un jardin de coraux. Les organismes aquatiques se mouvaient presque au rythme des douces notes. Quelques poissons venaient nager près des limites de leur habitat pour entendre cette merveilleuse mélodie. La Sirène aimait bien ces moments. Il pouvait se permettre d'oublier toutes ses responsabilités, toutes les démarches pour solidifier les accords entre le Sanctuaire Sous-Marin et Terrestre, toutes les tensions entre les différents partis. De temps en temps, une pause s'imposait.

Son cosmos détecta une présence. Quelqu'un approchait. Quelqu'un de trop faible pour représenter une menace pour lui mais assez fort pour pouvoir se débarrasser des gardes sans problèmes.

Sans rien changer dans son attitude, le général se prépara à attaquer. Mais il n'en fit rien car la personne qui vint rompre sa quiétude était un enfant bien connu au Sanctuaire. L'enfant le salua d'un bonjour timide, enfouissant à moitié son visage dans ses peluches.

« Est-ce que je peux me cacher ici ? »

L'autrichien arrêta de jouer.

« Pourquoi donc ? »

Le petit se balança d'un pied à l'autre, le visage baissé. Il prit une grande inspiration puis il se redressa.

«Je joue à cache-cache avec tonton Io et tonton Baian. Je peux me cacher ici ? »

Sorrento hocha la tête. Il ramena sa flûte à sa bouche et reprit sa musique. Eraste s'allongea au milieu des coraux entourant le rocher sur lequel la Sirène était installé.

Pendant tout l'après-midi, personne ne vint les déranger et Eraste gagna la partie.

XxX

Dans la pénombre de leur chambre, Kanon et Eraste dormaient l'un contre l'autre. Depuis leur arrivée, il ne s'était pas écoulée une nuit où ils n'avaient pas dormit ensemble. Sûrement aussi parce que seul un lit avait été prévu dans leur chambre. Mais aucun d'eux ne s'était plain. L'enfant avait même été enchanté de cette nouvelle. Pour Kanon ça n'avait pas changé tant de chose puisqu'Eraste faisait toujours ses siestes avec lui.

Mais cette nuit-là, Kanon ne dormait pas. Il n'y arrivait pas. La discussion qu'il avait eut avec Poséidon plus tôt dans la journée tournait en boucle dans sa tête. Le dieu des mers lui avait proposé de reprendre son poste de général du Dragon des Mers pour une période d'essai qui s'entendrait jusqu'à son retour au Sanctuaire d'Athéna. Il était là depuis trois mois, soit là moitié du temps de sa mission. Et il ne savait pas quoi répondre. Il était tenté d'accepter. Il était bien conscient qu'il ne serait jamais qu'un doublon de son frère s'il restait au Sanctuaire Terrestre. Ce n'était pas une idée qui lui plaisait, surtout qu'il s'était senti bien mieux accepté par l'écaille du Dragon des Mers que l'armure des Gémeaux. Ou peut-être était-ce simplement parce qu'il avait porté l'écaille plus longtemps ? Il fallait aussi ajouter qu'il se sentait plus à sa place sous la mer. Cet environnement l'avait toujours énormément apaisé. Il ne pouvait pas en dire autant pour le Sanctuaire d'Athéna.

Mais d'un autre côté, il avait manipulé et trahis toutes les personnes du Sanctuaire de Poséidon. Il avait fait semblant pendant treize ans. La plupart de ces personnes n'avait même pas été au courant de cette histoire avant leur réincarnation. Kanon était bien conscient de la haine qu'ils lui portaient et il ne pouvait pas leur en vouloir. En restant avec Saga, il n'aurait pas à gérer des relations aussi nocives avec ses collègues. Même si les chevaliers ne l'aimaient pas beaucoup plus.

Il soupira silencieusement. Il ne savait vraiment pas quoi choisir.

Contre lui, Eraste remua un peu. Il se tourna et enfonça son visage dans le torse de sa mère. Il ouvrit un peu ses yeux mais les referma immédiatement. Kanon passa une main dans ses cheveux pour le détendre mais ça ne fonctionna pas. Il sentit des larmes venir mouiller son torse.

« Maman, il est où papa ? »

Merde. Kanon avait oublié ce détail. Cinq mois qu'Eraste lui avait été confié, évidement qu'il allait finir par réclamer son père. Père qu'il pensait être un juge des enfers. Merde. Comment allait-il pouvoir faire ? Tôt ou tard, il devrait trouver une excuse convaincante pour l'absence du père. Pourquoi n'y avait-il pas déjà réfléchit ? Tant pis, il allait broder pour aujourd'hui. Avec un peu de chance, ça suffirait pour le moment.

« Il travaille.

- Il veut plus me voir ? J'ai fais une bêtise ? »

Merde, merde, merde. Qu'est-ce qu'il pouvait répondre ? Pourquoi Eraste ne pouvait-il pas se contenter d'une réponse simple ? Ah... C'était un enfant. Un enfant qui n'avait pas vu son père depuis des mois, sans raison, et sa mère n'en parlait jamais. Kanon se retint de se frapper pour son idiotie. C'était d'une logique implacable. Tant pis pour la vérité, il voulait juste rassurer le petit. Il retira sa main de ses cheveux et le prit doucement dans ses bras.

« Bien sûr que non. Mais il a beaucoup de travail et c'est compliqué aux Enfers en ce moment. C'est pour ça qu'il n'est pas là. Mais tu lui manques beaucoup. »

Eraste hocha la tête et renifla bruyamment. Tandis qu'il se rendormait, Kanon se demanda comment il ferait quand Eraste comprendrait qu'il ne reverrait jamais son père.

XxX

Poséidon ne savait pas s'il avait fait une bonne chose. Redonner son écaille à Kanon... Certes la situation était temporaire mais tout de même. Pourquoi avait-il fait ça déjà ? Parce que l'homme avait survécu aux trois mois d'Enfers que le dieu avait commandé à Sorrento ? Hum, peut-être. Peut-être aussi parce qu'il n'aimait pas l'idée ne de pas avoir chacun de ses piliers protégés. Et qu'il adorait se dire qu'il pourrait voler un guerrier à sa nièce. Oui, sûrement ça. Un petit peu aussi parce que Kanon avait réussit à regagner un peu de sa confiance et de celle de ses généraux. Via son fils notamment.

Et voilà un problème qui tracassait bien plus le dieu. Eraste. Il ne savait toujours pas si sa présence n'était dû qu'à un plan tordu du gémeau ou pas. Le timing était trop parfait. L'enfant trop aimé. Kanon trop protecteur. Il y avait forcément quelque chose. Poséidon n'arrivait simplement pas à se convaincre que l'enfant qui s'était jeté sur lui le jour de son arrivé soit simplement un enfant. Si c'était vraiment le cas, pourquoi se serait-il jeté sur lui en l'appelant « papi » ? Pourquoi Kanon lui aurait-il apprit quelque chose comme ça ? Rien n'avait de sens là dedans. Pourtant, une part du dieu était tenté de croire que c'était le cas. Que ce mignon bout de chou n'était pas une menace. C'était quand il pensait à ça qu'il regrettait de s'en être prit à lui. Mais sur le moment, ça avait été la seule façon de réagir. Il n'avait pas pu faire autrement. Il manquait encore trop d'information. Mais maintenant, c'était différent. Tous ses généraux l'avaient accepté. Certains plus que d'autres d'ailleurs. Baian et Io jouaient beaucoup trop souvent les babysitters pour que ça ne cache rien. Et au milieu d'eux, le gosse refusait de le voir. La seule fois où s'était arrivé, le petit avait fondu en larmes et Kanon avait passé des heures à le consoler. Ça énervait la divinité. Pourquoi devait-il être le seul rejeté ? Il trouvait ça injuste même s'il en comprenait la raison.

Voilà qui expliquait pourquoi Poséidon se trouvait assit sur son trône, une moue boudeuse sur les lèvres.

Il pouvait toujours lui envoyer un cadeau pour Noël non ? Ça pourrait marcher ? Il allait essayer en tout cas.

XxX

Au pied du pilier de l'Atlantique Nord, Kanon laissait son regard se perdre dans le ciel. Il faisait toujours bon au Sanctuaire Sous-Marin. La température dépendait entièrement de l'endroit où vous vous trouviez et il ne neigeait ni ne pleuvait jamais. C'était sûrement pour ça que Kanon ne s'était pas rendu compte que Noël était si proche.

En temps normale, ça ne lui aurait pas fait grand-chose. Il aurait intégré l'information et aurait reprit son travail, sauf que cette année n'était pas comme les autres. Cette année, il y avait Eraste. À son age, la date était plus importante. C'était d'ailleurs lui qui l'avait fait remarqué à Kanon. Sinon, il aurait très bien pu ne rien savoir jusqu'au réveillon.

Mais maintenant, il se retrouvait à faire ce qu'il n'avait plus fait depuis très longtemps, chercher un bon cadeau à offrir. Bon, pour le moment, il cherchait juste une bonne idée de cadeau. Des feutres ? Eraste en avait déjà beaucoup, et il s'en servirait peut-être pas. Et il ne pourrait pas non plus la garder avec lui, à moins d'avoir les bras sacrément encombré. Une nouvelle peluche ? Pourquoi pas, Eraste était toujours accroché au sienne. Ça pourrait être bien de lui en offrir une autre.

Et pour les marinas ? Devait-il leur prendre quelque chose ? Ils n'étaient pas assez proches pour le justifier, mais Kanon craignait qu'en ne le faisait pas, il se retrouve justement à faire l'échange des cadeaux avec eux. Simple question de karma.

Il devrait pouvoir leur trouver quelque chose. Il les avait connu pendant presque treize ans, il était confiant.

Cependant, il allait devoir demander une autorisation à Poséidon pour aller faire ses courses à la surface. Ça ne l'enchantait pas. Il n'avait pas encore complètement digéré ce que le Dieu avait fait à Eraste.

Kanon inspira profondément. Il ne voulait pas ternir les liens qu'il commençait à renouer. Il irait Poséidon. Il ferait au mieux.

XxX

Quelques jours plus tard, Kanon déambulait dans les rues de Venise. À côté de lui, Caça marchait sans le quitter un instant des yeux. Eraste était resté avec Baian, et à cette heure-ci, il devait probablement être à la sieste.

Les deux marchaient depuis un moment quand Caça brisa le silence.

« Qu'est-ce que tu manigances ? »

Kanon continua à regarder le plus tranquillement du monde les vitrines des magasins devant lesquelles ils passaient. Il ne tourna même pas la tête en répondant.

« Je cherche un cadeau pour Eraste. »

Un léger silence, puis Caça reprit.

« Tu sais très bien ce que je veux dire. »

Kanon arrêta sa marche et se tourna vers le plus jeune. Il n'avait pas le regard haineux, comme ça avait été le cas quelques mois plus tôt, mais il n'avait pas l'air amical pour autant. Kanon le regarda droit dans les yeux. Il comprenait sa méfiance, elle était parfaitement légitime, à défaut d'être justifié. Il faudrait encore du temps pour qu'elle s'estompe. Du temps. Rien d'autre ne pourrait y faire quoi que ce soit.

« Oui, je sais. Mais je ne manigances rien. Évidemment, après tout ce que j'ai fait, je doute que ma parole ait la moindre valeur. Mais je n'ai pas envie de nous replonger dans une Guerre Sainte. Une seule m'a suffit. Je voudrais juste passer à autre chose. On est de nouveau en vie, ce serait quand même dommage de ne pas en profiter. »

Caça détourna le regard.

« Je n'arrive pas à te croire. »

Kanon reprit sa route.

« Je ne te demande pas de le faire. »

Soudain ses pas se stoppèrent. Ses yeux venaient de se poser sur une petite boutique. Au travers la vitre, Kanon pouvait voir de nombreuses peluches s'entasser sur des étagères et dans des boîtes. Il entra, poussant la porte au son d'une clochette et fila droit dans les rayons. Derrière lui, Caça lui jetait des regards dubitatifs.

« …Des peluches ?

- Ouais. »

Kanon fouillait. Il y avait de tout, autant en taille qu'en forme. Il abandonna rapidement les plus grandes. Non seulement se serait une corvée à transporter et à cacher jusqu'à Noël, mais en plus, Kanon doutait qu'Eraste voit un véritable intérêt à un tas de poils trois fois plus grands que lui. Il laissa aussi les plus petites de côté, il ne voulait pas avoir l'air radin. En plus, elles semblaient vraiment faite pour de très jeunes enfants. Dans celles qui restaient, il chercha ce qui pourrait plaire à son fils.

En se tournant, il vit quelque chose qui attira son regard. Contre le mur et installés sur un meubles en forme d'escabeau, reposaient une dizaine d'ours et d'oursons. Les plus petits devaient être un peu plus grand que l'avant bras de Kanon et les plus grands devaient lui arrivé aux hanches. La couleur de leurs poils allaient du blanc au marron en passant par le gris.

Kanon se retrouva devant l'étalage et fut certain que c'était l'une d'elles qu'il prendrait. Mais laquelle ? Puis, il se rappela de toutes ces fois où Eraste faisait sa sieste en se servant de lui comme d'un coussin. L'un des plus grands alors. Pour la couleur, il n'en avait pas grand-chose à faire. Il tendit la main, attrapa le premier venu – un marron – et partie payer.

Pendant tout le temps qu'avait durer son petit manège, Caça était resté en retrait pour l'observer. Il trouvait ça presque étrange, de voir Kanon s'agiter comme ça pour quelque chose d'aussi anodin.

Pour avoir passer deux ou trois après-midis avec Eraste, Caça savait que n'importe quel cadeau serait bien reçu. Pour la simple raison que ça venait de Kanon.

Alors, Caça se rendit compte que l'amour inconditionnel qu'Eraste portait à Kanon était parfaitement réciproque. Et alors Caça se mit à penser que peut-être, peut-être, Kanon avait bien laissé ses rêves de grandeur derrière lui pour se consacrer à autre chose. Quelque chose de beaucoup plus beau.

XxX

Ce soir-là, Kanon rentra les bras chargé de paquets. Il rangea le tout dans des placards en hauteur, là où Eraste ne pourrait pas tomber dessus. Ce dernier était encore chez Io, et il y passerait la nuit. D'ailleurs, il devait sûrement déjà dormir.

Quand tout fut rangé, Kanon alla dans sa chambre et s'affala sur le lit. Dehors la nuit était tombée et plus aucune lumière n'était allumée dans l'appartement.

Il fixa un moment le plafond puis sa tête tourna vers la place à côté de la sienne. Une place vide. Enfin, presque. À moitié cachée sous l'oreiller, une petite peluche dépassait. Kanon tendit une main et l'attrapa. C'était bien l'un des dragons d'Eraste. Pas le dragon des mers, l'autre. En regardant de plus près, il vit que c'était une wyverne.

D'ailleurs, maintenant qu'il y pensait, Eraste disait toujours que le dragon de ses mers représentait sa maman, et la wyverne son papa. Son papa qu'il affirmait être un juge des Enfers. Et qui avait les mêmes cheveux blonds que lui.

Pourtant, c'était impossible. Tout autant impossible que le fait que Kanon soit bel et bien la mère d'Eraste.

Kanon reposa son regard sur le plafond. Il n'y comprenait plus rien. Qui était les véritables parents d'Eraste ? Pourquoi l'avaient-ils abandonné au Yomotsu ? Pourquoi n'avaient-ils toujours pas donner signe de vie, presque neuf mois après les faits ? Pourquoi avoir fait croire toutes ces choses à leur enfant ? Comment ? Et pourquoi lui avoir apprit à se servir de son cosmos ? Ça n'avait aucun sens.

D'ailleurs, si tout ça n'était qu'une vaste supercherie et que demain, Eraste devait rentrer chez lui, est-ce que Kanon serait seulement prêt à le laisser partir ?

Kanon ferma les yeux et croisa les bras au dessus de son visage. Il n'y comprenait rien. Et il n'était pas certain de vouloir comprendre. La situation actuelle l'arrangeait bien après tout. Il avait gagné un fils qui l'aimait autant qu'il l'aimait, il retrouvait pied dans sa vie, il réparait ses anciennes fautes. Si ce n'était pour cet histoire de père, tout pourrait être parfait.

Les pensées de Kanon dérivèrent. Il n'avait côtoyé Rhadamanthe que peu de temps. Le temps d'un combat. Pourtant, l'idée qu'il y ait eut plus ne le dérangeait pas. Pendant leur combat, il y avait véritablement eut quelque chose. Une sorte d'attirance magnétique.

Quelques semaines après sa réincarnation, Kanon avait espéré pouvoir faire plus ample connaissance. Il était conscient que cette attirance avait été réciproque. La question avait d'avantage été quand que si. Mais les traités de paix avec l'Enfer étaient très long à se mettre en place. Si Hadès avait ramené chaque protecteur ayant périt pendant la Guerre Sainte, il n'avait pas accepté d'accord de paix, tout au plus un cesser le feu. Aujourd'hui encore, les discussions et les réunions s'enchaînaient pour essayer d'arriver à quelque chose qui conviendrait à chaque partie.

Et, en fait, ça arrangeait bien Kanon. Il avait une excuse parfaite pour refuser qu'Eraste voit son père. Un jour, il faudrait lui donner une vraie raison. Après tout, même si ses deux parents appartenaient à deux Sanctuaires différents, ce n'était pas assez fort. Rien que la garde alternée pouvait contourner ce problème.

Kanon lui dirait que lui et Rhadamanthe ne voulaient plus se voir. S'il devait préciser, il broderait en fonction de la réaction d'Eraste. Il avait toujours été plutôt bon à ça.