Milo !
Je…
Ses yeux ! Ses yeux !
Ses si beaux yeux bleus !
Je n'arrive pas à reprendre pied, ni à comprendre ce que je ressens.
Lorsque je suis tombé dans le torrent, je n'ai pas vraiment eu le temps de réfléchir. Juste celui d'agir pour ne pas me noyer.
Ne pas mourir encore.
J'ai juste eu la force de me sortir de l'eau quand le courant s'est calmé. Tout ce que je voulais, c'était me rouler en boule et reprendre un peu mon souffle.
Et réfléchir.
Je n'en ai pas eu le temps.
L'espace d'un instant, un cosmos m'a frappé avant de presque disparaître.
Un cosmos familier.
Bien trop familier.
Lui.
Mon ami et mon tourmenteur.
Celui pour qui je pourrais tuer sans réfléchir. Pour qui je me damnerais.
Celui que j'ai trahi sans pouvoir lui expliquer mon geste.
Bien sûr, je servais ma déesse. Le rôle d'espion, de traître, je l'ai endossé bien des fois pour un Sanctuaire dénaturé et cruel je pouvais bien remettre ce costume pour la véritable Athéna.
Pour agir selon ma conscience, pour une fois.
Même si cela voulait dire trahir des amis qui ne devaient pas se douter de notre véritable but. Pas alors que les papillons d'Hadès continuaient d'épier les moindres de nos gestes.
Je pense que je ne pourrai jamais me pardonner d'avoir levé la main sur Mu et Shaka. Cependant, je suis heureux que ce dernier m'ait affronté et retiré le sens de la vue. Au moins, n'ai-je pas vu l'expression de mon ami lorsque…
— Yo ! Arrête de rêver !
La voix de Kanon me ramène au présent. Je trébuche sur une pierre de la grève et resserre ma prise sur son épaule. Sans lui, je me serais écroulé dans la rivière. Je ne parviens pas à regarder le visage de Milo.
Pas tout de suite.
Le gémeau s'avance sur la berge, il trébuche avant de finir par mettre un genou à terre plus brutalement qu'il devait en avoir eu l'intention. Il respire fort. Je me rends compte qu'il est épuisé, couvert de griffures. Ils sont tous les deux dans un piteux état.
Je veux les rejoindre quand le monde tourne autour de moi. Je me plie en deux, prends appui sur mes genoux.
Respirer.
Lentement.
Voilà. Ça va déjà mieux.
Kanon me jette un regard par-dessus son épaule. Il fronce les sourcils.
— C'est bon, Ice-cube ? Tu tiens le coup ?
Ice Cube ?
C'est nouveau, ça ?
Je n'ai jamais eu d'atomes crochus avec le second Gémeau. En même temps, le seul jumeau que je n'aie jamais côtoyé… c'était Saga. Alors, forcément, son frère me paraît n'être qu'une pâle copie.
— Tu vas pas me tourner de l'œil quand même ?
Son ton rude laisse transparaître une certaine inquiétude.
— Non. Je vais bien.
— Et mon cul, c'est…
— Reste poli, tu veux ?
Il cligne des yeux, surpris par mon ton sec.
— Oh… Je vois. Désolé, môssieur le professeur.
Il désigne Milo toujours évanoui d'un geste du menton.
— Lui aussi, tu lui donnais des leçons ? Parce que niveau vocabulaire, je suis pas bien certain qu'il lève le petit doigt en parlant, lui non plus.
Je remarque qu'il n'a toujours pas lâché le Scorpion, comme s'il rechignait à le déposer sur les galets inégaux de la grève…
— Lui donner des leçons ? Milo est indomptable. Celui qui voudra lui faire suivre une voie qu'il n'a pas choisie n'est pas encore né. Alors lui apprendre à parler de manière châtiée…
D'autant plus que question vocabulaire, je n'ai pas grand-chose à lui apprendre. Milo est un caméléon, il pourrait se fondre dans n'importe quel milieu social sans peine. Sa meilleure arme ? Ne jamais se trouver là où on pourrait l'attendre. Ceux qui le prennent pour une brute épaisse, l'assassin du Sanctuaire, le sous-estiment gravement.
Plus d'un en est mort.
Une autre arme dont il n'a eu de cesse d'user contre moi : son esprit indomptable et curieux. Toujours à l'affut d'une faiblesse dans ma carapace de glace.
Sans oublier son beau visage et ses grands yeux bleus encadrés de mèches aussi folles qu'aussi lumineuses que des rayons de soleil.
Mon cœur se serre à cette pensée, mes poings l'imitent au souvenir du toucher soyeux sur mes doigts. Combien de fois se sont-ils refermés sur cette chevelure pour exiger son attention. Exigence qui m'a été mille fois rendue et réclamée.
Kanon me regarde étrangement. Avec un regard qui semble bien trop savoir.
Qui me trouble.
Je me rends compte que, peut-être, l'homme agenouillé à quelques pas de moi n'est pas seulement la copie carbone du chevalier du Gémeau que j'ai connu et aux côtés duquel j'ai servi ma déesse.
— Ouais… Il est pas du genre à déposer les armes facilement, hein ?
Je ne réponds pas. Je ne sais pas comment réagir face au ton vaguement moqueur de Kanon. Alors, à la place, je me redresse avec une prudente lenteur. Les vertiges semblent être passés. Je rejoins les deux grecs en quelques pas.
— Il n'est pas tiré d'affaire pour autant.
Le Gémeau se contente de me répondre d'un vague grognement. Son visage fermé s'est cadenassé à mon approche. Je ne m'en formalise pas, je sais que j'ai cet effet sur beaucoup de personne.
C'est ton côté rayonnant et chaleureux, monsieur soleil !
La ferme, Milo ! Ce n'est pas le moment de parasiter ma mémoire avec tes remarques de sale gosse.
De la main, je repousse les boucles blondes trempées qui restent collées à son front. Au niveau des yeux et tout autour, la peau est gonflée, boursouflée et d'un rouge qui me paraît, dans le meilleur des cas, affreusement douloureux.
Le réveil ne sera guère agréable pour le Scorpion.
— On ne peut pas rester, là. Peux-tu le porter encore un peu, le temps de trouver un abri ?
Kanon me jette un coup d'œil soigneusement contrôlé. Il ne me fait pas confiance. Ça tombe bien : moi non plus. Mais j'ai besoin de lui pour déplacer notre cadet. Je ne me sens pas encore assez stable sur mes jambes pour risquer de lui prendre Milo. D'autant plus qu'il ne semble pas prêt à le céder sans lutter.
— Ouais.
Il ne s'avance pas trop, il faudra bien que je m'en contente. Je vais pour me relever lorsque sa question me fige sur place.
— Comment tu as fait ? Ni Milo, ni moi, nous n'avons pu sortir notre cosmos… Alors… Comment ?
Il se méfie. Je le comprends. Si les rôles s'inversaient, moi aussi je me montrerais prudent. Sauf que dans mon cas, j'aurais des milliers de raisons de ne pas lui faire confiance. Je lui réponds pourtant honnêtement. Je n'ai aucun intérêt à lui mentir sur ce point.
— La rivière. Je suis un signe d'eau. Même comme ça, j'ai eu du mal à le maintenir.
Il cligne des yeux, considère ma réponse avant de hocher la tête et de se relever. Il vacille, serre les dents. Il n'ira pas loin. Dans ses bras, Milo frémit. Il commence à reprendre conscience. Nous devons trouver un abri avant qu'il ne revienne à lui.
— Allons-y.
Je profite de ce 3ème chapitre pour vous répondre. Désolée de ne pas vous avoir répondu plus vite (irl, tout ça, tout ça) !
Poupoulebambou : (au fait, je t'ai dit que je love ton pseudo ? Je délire presque à chaque fois que je le lis ! ^vvv^) Kanon n'est pas que reconnaissant envers Milo. D'ailleurs, il en profite pour bien tâter au passage... Contente que les répliques et le ton de Kanon te plaisent... Le chapitre 3 est plus "sobre" si je peux me permettre, mais bon, le narrateur l'est aussi. Je suis moins à mon aise avec Camus qu'avec Milo et Kanon mais bon, j'espère que j'ai quand même respecté le personnage.
Sinon, oui, je suis une très vilaine fille avec mes pauvres persos. J'aime quand ils souffrent (surtout pour le réconfort qui vient après... ou pas). C'est grave, docteur ?
Hemere : Oui, Camus rouge et Milo blondinet. Pareil pour Kanon, blond/châtain clair. Je verrai bien pour les autres si je me base sur le manga papier ou anime. Et Kanon, ne se rappelle toujours pas du nom de Camus... Je ne sais pas pourquoi, je le vois bien comme ça, le grumeau. Bon, au fur et à mesure qu'il apprendra à le connaître, il aura moins tendance à oublier son prénom, je pense. Hihi...
Pour Mimi... Il faudra attendre le 4ème chapitre. Sorry ?
