Ma tête me tue.

Pourquoi je peux pas bouger ?

Mes yeux ! Mes yeux sont en feu !

Je crame vivant et je peux pas bouger ! J'ai mal, bordel !

Ok.

Concentre-toi, Milo !

La douleur, ce n'est pas comme si je ne la connaissais pas. Je peux la gérer.

Compartimenter.

Trop lentement à mon goût, je parviens à me concentrer sur autre chose que sur le feu qui laboure mes yeux et mon crâne. Je ne parviens toujours pas à bouger mais je sens des bras autour de moi.

Qui me portent.

— Il a de la fièvre.

Kanon.

C'est Kanon qui me trimballe ? Et façon princesse en détresse en prime ! Si je réussis à refaire surface un jour, il ne me laissera jamais l'oublier. Mon bras cassé est coincé contre son torse. Ses mouvements font glisser les os l'un contre l'autre. Ça fait un mal de chien mais, si je me concentre dessus, l'incendie dans ma tête semble vouloir s'atténuer un peu.

— Je sais. Nous ne pouvons pas y faire grand-chose pour le moment.

Camus ?

Il est là, lui aussi ?

Ou alors, je délire et mon esprit me joue des tours. Bon sang, je ne sais même pas si j'ai envie qu'il soit là pour de vrai ! Ne serait-ce que parce que si je n'émerge pas bientôt, ces deux-là vont finir par s'étriper.

Faut pas croire mais sous la glace, Camus est du genre chaud bouillant. Sans mauvais jeu de mot. Quand on était tout gosses, il laissait libre cours à son mauvais carafon. En gros, il piquait des colères. Et pas des petites, encore, hein !

Des bonnes grosses colères où il s'arrachait la gorge à force de brailler et cognait sur tout ce qui lui tombait sous la main. Mattéo… Deathmask lui-même ne s'y frottait pas !

Quand j'y repense. Je me suis toujours retrouvé en retrait lors de ses crises de rage. Planté derrière lui, je pouvais juste le regarder, attendre qu'il se calme. Ironie, ironie…

C'était pour moi que Camus piquait ses colères. Parce qu'il se sentait impuissant à…

J'ai pas envie de repenser au passé. On était que des gosses et on en a tous bavé. Là, j'aimerais juste pouvoir me manifester.

Bon sang ! Mais pourquoi je peux pas bouger, je vais devenir dingue ! Je veux pas rester prisonnier de mon propre corps.

Kanon commence à souffler fort. Il doit me trouver lourd. Depuis quand il me transbahute comme ça ?

— Je peux le prendre.

Vas-y, Camus ! C'est quand tu veux ! Sauf que, perso, j'aimerais pouvoir participer un peu.

Je délire un peu, là…

Mais oui ! C'est ça ! Je suis en plein délire. C'est à cause de la fièvre. Réfléchis, Milo ! Les sales bestioles… les lézards poilus, ils crachaient une sorte de matière. Je me rappelle : je m'en suis pris en pleine poire.

C'est du poison ! Et de l'acide, aussi… mais surtout…

Du poison, bordel ! Pourquoi faut-il que ce soit toujours du poison ? C'est pas comme si j'en avais pas bouffé matin, midi et soir pendant des années pour m'immuniser.

C'est ça qui provoque cette paralysie et mon corps réagit en essayant de le brûler avec cette fichue fièvre. Vu l'état dans lequel je me trouve, il doit pas être piqué des vers. Je ne peux toujours pas bouger mais je respire librement et mon cœur fonctionne toujours. C'est bon signe… j'espère.

— C'est bon, je le tiens.

C'est bon, les gars, vous battez pas pour moi, hein !

Camus ne dit rien mais je n'ai pas besoin de mes yeux pour voir les siens se fixer sur le Gémeau. Il dit rien. Il en a pas besoin. Son silence en fait des tonnes. Il a beau se la jouer esprit des neiges éternelles, je sens d'ici la rage qui court sous la surface. Oh ! Il la maîtrise parfaitement, tellement que personne ne pourra lire la moindre contrariété sur son beau visage lisse.

C'est un peu paradoxal mais sa glace brule aussi fort que le feu.

— Kanon.

Je devrais peut-être me manifester. Je crève d'envie de leur botter le train à ces deux crétins ! Mais je peux pas.

Je peux pas !

Je vais en crever à force de vouloir bouger cette saloperie de corps qui ne réponds plus. Je sens les muscles de ma gorge picoter, se contracter.

— Ah… Ca… mus.

D'un geste saccadé, ma tête vient donner contre l'épaule de Kanon. J'y suis arrivé et… je le paye.

Derrière mes yeux, l'incendie prend toute la place dans mes pensées.

Je vais… je vais…


Ma Poupou : Je te rassure de suite, je suis restée aussi cruelle qu'à l'époque de Dragon Doré mais par contre, j'ai un peu grandi pendant ma période hors fandom, j'ai pris de la bouteille niveau écriture (j'ose l'espérer hihi !). Donc, mon côté auteur sadique va continuer de s'exprimer de façon plus subtile. *insérer rire de méchant*
Je suis contente que les voix de mes pauvres persos te parlent bien et te paraissent propres à chacun. D'ailleurs tu as raison, pour ce chapitre c'est au tour de Milo d'avoir voix au chapitre et... aïe.

Hemere : Je crois avoir compris que tu étais contente de voir un nouveau chapitre... J'espère que l'arrivée d'un 4ème te plaira tout autant.
Je suis rassurée que le point de vue de Camus passe, j'ai un peu de mal avec lui. Il va me falloir du temps avant de bien le caractériser.