— Eh… Camus !

— Oui ?

— Tu es vivant.

Je referme la porte doucement et m'y adosse. Oui, Milo. Je suis vivant. Et de te voir, t'entendre… Mon cœur bat dans ma gorge, j'ai l'impression que je vais étouffer.

Tes yeux…

Tes beaux yeux bleus.

Si expressifs !

Je me force à inspirer profondément. À me calmer.

Derrière moi, Milo et Kanon se sont endormis dans le lit. Je ne les entends plus parler à travers la porte. J'ai surpris leur conversation.

Mattéo…

Vraiment, mon ami ?

Milo aurait pu trouver mieux que le Cancer ! Pourtant, c'est vrai que ce dernier a de l'allure et qu'il est volubile.

Qu'il est charmeur. Drôle malgré son goût déplorable en guise de décoration intérieure.

Tout ce que je ne suis pas.

Mattéo… Deathmask était là. Aiolia aussi.

Et moi pas.

Notre vie est trop courte. Milo a raison. Et j'étais pas là. Je n'étais jamais là ! Je le voulais. Vraiment ! Mais je pouvais pas ! Pas alors qu'il était ma faiblesse. Mon talon d'Achille.

Pas alors que tout ce que je voulais, c'était le dévorer. L'aimer.

Le garder pour moi.

Je n'osais pas.

On aurait pu si facilement l'utiliser contre moi. Il se trouvait plus en sécurité si je restais éloigné. Si je l'observais de loin.

Je n'ai jamais tout à fait réussi à garder mes distances. Combien de fois m'a-t-il rejoint dans mon temple ?

Combien de fois ai-je moi-même cédé à la tentation ?

Je pose le front sur mes paumes. Milo, il est indomptable, sauvage. Magnifique. Le voir, là, dans ce lit. Brûlé par ce poison. Immobile. Je ne pouvais plus voir son visage, sa peau rouge et gonflée. Tuméfiée. C'est en partie pour ça que j'ai posé si vite la compresse sur ses yeux mutilés.

Je ne supportais plus cette vue.

Quand nous étions gamins, je l'ai trop souvent vu aux portes de la mort. À lutter contre les poisons que lui injectait son maître… À chaque fois, il a survécu, plus lumineux et sauvage que jamais.

Et moi, je restais à le voir souffrir, se débatte.

Impuissant.

J'avais mon propre entrainement à mener, je ne pouvais pas rester à son chevet en permanence. Avec l'âge, j'ai appris à canaliser ma rage, à la maîtriser. Enfant, je la laissais éclater lorsque les apprentis plus âgés et certains gardes s'en prenaient à lui pendant ses convalescences. Quand il n'avait pas la force de se défendre, de se battre.

Il restait debout à quelques pas derrière moi. Immobile, attentif. Il n'essayait pas de me calmer. Non, il se contentait de me regarder, de me boire du regard comme si ma colère, ma fureur le nourrissaient, lui rendaient… je ne sais pas…

Je ne sais plus.

Je sais juste qu'ainsi allongé dans ce lit, fiévreux et affaibli… ce n'est pas sa place.

Milo devrait rire, défier les éléments. Les vaincre et me regarder encore avec ce sourire en coin qui est le sien. Qui fait briller ses yeux avec tant d'intensité !

Le froid de la nuit m'entoure, je l'accueille comme un vieil ami. À côté du climat de mon coin de Sibérie, il s'agit d'une brise printanière. Mais le Scorpion va sans doute en souffrir, lui qui recherche la chaleur désespérément. Que ce soit au soleil ou dans le partage d'une étreinte.

Combien de fois me suis-je brûlé à sa flamme ?


La nuit s'écoule plus vite que je ne l'aurais pensé. Lorsque les premiers rayons du soleil percent, je me décide à me relever. Rien ne s'est aventuré jusqu'à notre cabane. J'ai juste entendu des animaux chahuter dans les branches, quelques cris perçants mais rien de tout à fait menaçant…

Je me relève. Le seuil de la cabane n'est pas vraiment le lieu idéal pour se reposer, mes muscles ont refroidi et je serre les dents en finissant de me redresser. Le temps de pousser la porte, j'ai plus ou moins retrouvé la position de l'homo sapiens.

Dans le lit, Kanon est enfoui sous la couverture. Les bras serrés autour de notre compagnon, il semble ne plus vouloir le lâcher. Son épaule sert d'oreiller à Milo. Leurs mèches blondes ébouriffées par la nuit se mélangent sur leurs torses. La vue qu'ils offrent suffit à m'assécher la gorge.

Le Scorpion tourne la tête vers moi. Je le vois s'immobiliser un instant. Inspirer calmement.

Combien de fois l'ai-je vu faire ?

— Camus ? murmure-t-il enfin.

— Oui.

Il me tend sa main valide. Je m'approche. Entremêle nos doigts.

Un souffle lui échappe. Mon cœur se serre.

— Tu es vivant, répète-t-il.

Une boule se forme dans ma gorge. M'empêche de parler.

— Oui, dis-je finalement.

Parce que je ne peux pas le laisser sans réponse une fois de plus.

— Tu m'as manqué.

J'ouvre la bouche. La referme. Les mots ne veulent pas sortir. Je voudrais lui dire… lui dire…

— Ne pars plus sans moi.

Je suis resté muet. Milo lance un pont entre lui et moi. Encore.

Je le saisis au vol.

— Très bien.

Ses lèvres tremblent un peu, finissent par former un petit sourire. J'aimerais tellement voir ses yeux, l'expression qu'ils portent en cet instant. Je voudrais tellement me montrer plus éloquent. Très bien ? C'est vraiment tout ce que j'ai trouvé à dire ?

— Ta douleur sur une échelle de un à dix ?

— Ma…

Je me sens obligé de préciser.

— Ta douleur physique.

Ses lèvres se serrent brièvement.

— Un bon quatre.

Menteur !

Je ne le dis pas tout haut. Il compartimente, encore. La douleur a fait partie de sa vie depuis qu'il sait parler, il a appris à la maîtriser. Ça ne veut pas dire qu'il ne souffre pas. Des mèches sont collées à son front par la sueur et il frissonne à nouveau.

— Je vais devoir changer la compresse.

Le tissu ne vient pas immédiatement. Je dois l'humidifier pour le décoller. Une humeur colle les cils de Milo. La peau reste rouge et gonflée. Sa fièvre est revenue.

— C'est moche ?

— Plutôt oui.

— Tu as toujours su me remonter le moral.

— Je ne vois pas l'utilité de te cacher ton état.

Silence. Puis :

— Je sais.

Je soupire. Je ne voulais pas le dire de cette manière. Pas…

— Camus ?

Milo semble un peu contrarié.

— J'ai besoin de pisser.

Oh…

Nouvelle pause.

— J'ai besoin de pisser et je n'arrive pas à bouger mes jambes, précise-t-il.

Sa voix tremble sur la fin de la phrase.

Oh !

Je récupère mes doigts et me penche sur Kanon.

— Attends.

Milo semble fixer le plafond malgré ses yeux fermés. Ses paupières sont si gonflées qu'il ne pourrait probablement pas les ouvrir.

— Ne le réveille pas. Il a besoin de dormir. Juste… Juste toi et moi.

— Je dors pas, marmonne Kanon.

Il ouvre un œil. Me regarde froidement.

— Mais j'aurais rien contre une petite grasse mat'.

Il se redresse en douceur. Il prend garde à dégager son épaule de sous la tête de Milo sans geste brusque.

— Par contre, tu vas pas te balader cul nu dans la forêt, Milo. Je t'aide à te resaper un minimum et je vous fiche la paix.

À nous deux, il ne nous faut pas bien longtemps pour relever le Scorpion et le rhabiller. Avec douceur, je rince ses yeux, change la compresse et la maintient avec une bande que je noue autour de sa tête. Ses doigts se crispent sur mes épaules mais ça ne l'empêche pas de plaisanter.

— C'est malin, je ressemble à Shiryu comme ça.

— Bah… Si tu finis à poil toutes les cinq minutes, je pourrais bien profiter du spectacle, commente Kanon.

Je coupe l'échange avant que ça ne dégénère en dispute. Le bras valide de Milo passé autour de mes épaules, je le soulève. Je l'entends distinctement ravaler son air mais il ne proteste pas davantage. Le Gémeau se laisse retomber sur le dos, les bras croisés derrière la tête.

— Restez à portée de voix, les gamins, dit-il avant que nous ne franchissions la porte.

Peut-être s'inquiète-t-il, finalement ?

Les jambes de Milo refusent de collaborer. Je le sens se tendre tandis que nous nous enfonçons dans les fourrés. Lorsque nous trouvons un endroit propice, je passe dans son dos et le maintiens debout d'un bras autour de sa taille. De sa main libre, il ouvre son pantalon. Nous restons comme ça un instant avant qu'il ne laisse retomber sa tête en arrière contre mon épaule. Le mouvement lui arrache un petit 'ah !'. Il serre les dents un moment avant d'avouer les dents serrées.

— Je peux pas le faire si tu me regardes.

— Ce n'est pas comme si je n'avais jamais vu ton sexe, Milo.

Il ne répond pas et je soupire doucement.

— Très bien, je ferme les yeux.

Et pour m'empêcher de céder à la tentation, je penche la tête et embrasse la peau de son cou. Elle palpite sous mes lèvres, je sens le sang propulsé dans ses artères. Son pouls qui me hurle qu'il est bien vivant, là, contre moi. Que nous avons raison de nous aimer. Il murmure quelques mots incompréhensibles avant de se soulager contre le tronc.

Quelques instants plus tard, je l'aide à s'asseoir contre un rocher avant de m'occuper de mes propres besoins naturels. Je reviens vers lui et m'agenouille.

— J'aimerais te voir, murmure-t-il simplement. Tu crois que… mes yeux…

Il tente de paraître indifférent mais l'inquiétude perce dans sa voix. Je ne peux pas lui mentir.

— Je n'en sais rien. Il faut attendre que le gonflement ait diminué.

J'hésite un instant mais je ne peux supporter la courbe défaite de ses lèvres. Je l'aide à se redresser et le porte, son bras passé en travers de mes épaules et ma main agrippée à sa taille.

— Allons à la rivière. Je veux laver ta blessure.

Il marmonne son accord et nous nous mettons en route. Je m'immobilise pourtant au bout de quelques mètres. Devant nous, une silhouette titube entre les arbres.

— Que se passe-t-il ? veut savoir Milo lorsque je l'abandonne contre un arbre.

— Tais-toi, lui dis-je.

Je tombe dans une position de défense devant lui. Je n'ai pas besoin de rassembler mon énergie, je reconnais l'inconnu.

— Aiolia ?

Ce dernier sursaute, se tourne vers nous. Il a le temps de se rapprocher avant de s'écrouler.

— Camus ! insiste Milo. Que se passe-t-il ?

Il jure soudain et je l'entends chuter. Il tombe entre les racines de l'arbre, ses jambes affaiblies par le poison repliées sous lui. Il a porté les mains à la tête mais ne touche pas à ses bandages. Je soulève Aiolia et le traine jusqu'au Scorpion. En quelques mots, je lui explique que nous ne sommes plus seuls.

— Ça, je l'ai compris en t'entendant crier son nom, me remballe-t-il. Ce que je veux savoir, c'est ce qu'il a ? Pourquoi je l'entends pas râler ?

— Il est inconscient.

Me voilà devant un dilemme. Dans mon état de faiblesse, je ne pourrai pas porter les deux hommes jusqu'à la cabane. Aiolia est évanoui, il ne peut pas rester seul, vulnérable à toute attaque. Et je refuse de laisser mon compagnon, aveugle et affaibli, seul dans les bois. C'est Milo qui résout mon problème.

— Va chercher Kanon…


Poupou : Je suis inspirée pour le moment. Milo souffre franchement mais, bon, c'est un chevalier et comme je vois les choses, il a appris à compartimenter. Il a l'habitude des blessures physiques et des poisons. Quant à ses yeux, comment dire, surprise ! On n'en saura pas plus avant un moment. Pour Camus et Milo, j'espère que ce chapitre-ci a répondu à une partie de tes questions. Et que mon traitement de Camus reste à la hauteur ?
Sinon, y a un ptit nouveau qui devrait te faire plaisir... *sifflotte*
Ah ! Oui ! Non, les golds ne couchent pas entre eux seulement parce que PAAAS LE TEMPS comme tu dis. C'est un peu plus compliqué que ça. Pour la plupart, ils sont assez décomplexés pour comprendre l'intérêt d'avoir plusieurs partenaires au gré de leurs envies. Mais bon, ce ne sont pas non plus des orgies, ils "partagent" avec des personnes avec lesquelles ils ont un minimum d'affinité. Et il n'empêche pas qu'ils aient un ami (ou plusieurs) de cœur avec lesquels ils forment un couple (ou trio) plus conventionnel tout en partageant toujours avec leurs camarades si le moment convient... Je ne suis pas très claire, c'est toujours en cours de réflexion. Mais je me suis dit qu'avec la vie qu'ils mènent et leur espérance de vie, ce serait ridicule d'essayer de les faire entrer dans des normes, alors que eux sont hors norme...

Camus 47 : Merci ! J'espère que la fic va continuer à te plaire !

Hemere : J'espère que ce chapitre te réponds un peu sur comment ça va tourner ? ^vvv^ Quant à ce qui leur tombe sur le coin de la tronche... hihi... Un ptit chat mal en point ! ;) Bon, j'essaie de creuser chacun de mes loulous petit à petit. J'espère que ça fonctionne ?
Pour Dragon Doré, n'hésite pas à m'envoyer un MP là il est trop tard (ou tôt selon le point de vue) et j'ai peur d'oublier de te contacter tantôt. :/

Saharu-chan : Eh ! Bienvenue par ici, la miss ! :)
Je suis fanne moi-même de tes fics alors ça me fait bien plaisir de te voir par ici ! Contente que le Kamica (c'est vrai qu'il est bizarre ce nom mais il sonne bien) t'emballe. Ça va venir progressivement au fil des chapitres. Là, Milo et Camus renouent peu à peu, c'est la première étape. Il y aura d'autres passages avec quelques disputes mais bon... J'espère que le chapitre Camus te plait. C'est vrai qu'il n'est pas 'easy' comme tu dis mais une fois la bonne voix trouvée pour le chapitre, la suite a suivi toute seule...
J'avoue que je n'arrivais pas à me décider sur le couple que j'allais instaurer. J'adore les Kanon/Milo, il y en a trop peu mais tu m'as donné le goût des Camus/Milo et je n'ai jamais vu de trio sur eux... Ah si, celui d'Asrial mais je n'étais pas complètement satisfaite (J'adore aussi les fics d'Asrial)... Du coup, ben me voilà avec Soul of Mayhem (qui remplace Soul of Gold en ce qui me concerne : je suis en plein visionnage on en est au 3ème épisode et... Muuuuu ! Miiiilooo ! Des baffes à Aiolia et Camus ! hihi ! (Quoique, Camus a sauvé Milo mine de rien...)).

Voilà, voilà...