— Oh ! Doucement, Kanon !
Aiolia freine des quatre fers. Quoi, encore ? Je suis pas d'humeur à écouter ce qu'il a à dire. Une nouvelle fois, je me retrouve de trop !
La cinquième roue de la charrette.
Milo n'a pas besoin de moi, il a Camus qui veille sur lui avec la férocité d'un loup affamé. Bon, d'accord, avec autant d'expression qu'une huitre fermée mais une huitre vachement sauvage quand même.
— Un problème, minou ?
Un poing se referme sur mon col et m'attire nez à nez avec le lion qui montre ses crocs.
— De un : y a que Milo qui m'appelle comme ça sans risquer un réarrangement facial ! Premier et dernier avertissement. Et de deux...
Il me lâche et je me redresse.
— On devrait pas les laisser tout seuls.
— Pourquoi ? Tu veux tenir la chandelle, à ce point ?
Il hausse les épaules.
— Il n'est pas vraiment en état de faire des galipettes.
Je l'observe avec un sourcil arqué.
— En même temps, admet-il, c'est pas ça qui l'arrête quand il est suffisamment motivé…
Je répliquerais bien mais un éclat de voix interrompt cette charmante discussion. Il me semble reconnaître Camus. Je n'ai pas besoin de regarder le lion, nous nous élançons d'un même pas vers la rivière.
Aiolia réussit à rester à mon niveau et nous arrivons à temps pour assister à une bonne partie de l'explication entre Milo et… son amant. Il n'y a pas d'autres termes pour le décrire. Je me sens…
De trop. Encore et encore de trop !
… troublé. Les joues rougies par la colère de Camus. Jamais je n'aurais cru qu'il pourrait dégager une telle passion. Moi qui croyais que son seul mode d'expression était le monologue monotone…
Et jamais je n'aurais cru que Milo puisse dégager une telle détresse, une telle douleur. Le voir comme ça, encaisser les répliques du Verseau… et inversément.
— Je ne pouvais pas. C'est un choix que je suis prêt à assumer.
— Nous. Toi, ça ne va pas sans moi. Ce que tu as décidé d'assumer, j'ai dû l'assumer aussi de gré ou de force. Quand tu prends ce genre de décision, ça ne touche pas que toi. Ça balaie tous ceux qui tiennent à toi dans la foulée !
— Je sais.
Ça me donne envie de distribuer des baffes.
En attendant, aussi charmant soit cet échange, ce n'est pas vraiment le moment pour les effusions. S'il y a des affreux dans le coin, ils vont finir par nous les attirer. Milo tourne soudain la tête vers nous. Camus se redresse. Le rouge de ses joues s'intensifie.
Je suppose que la passion laisse la place à l'embarras.
J'applaudis lentement, avec l'impression de me conduire comme un salaud.
— Super, les gars ! Continuez, ça fait longtemps que j'ai pas eu droit à un peep-show !
Camus fait mine de reculer mais Milo tient toujours une mèche de ses cheveux. Il ne bouge pas, la tête toujours tournée vers moi. Finalement, il lâche prise.
— Quand tu veux, Kanon.
Je souris malgré moi.
— Tu m'en veux pas si je te prends au mot, hein ?
Ma répartie a au moins le mérite de relever les commissures de ses lèvres.
— Nous sommes venus pour vérifier ses yeux, marmonne Camus.
L'esquisse de sourire disparaît du visage du Scorpion. Y a des baffes qui se perdent, moi je dis !
Finalement, je ne fais pas de commentaires et me contente de donner une bourrade au lionceau.
— Profite en pour faire un brin de toilette. Camus jettera un œil à tes blessures.
Aiolia marmonne quelques mots incompréhensibles avant de s'éloigner. Parce qu'en plus, il est pudique, le gars !
Milo se tient très raide tandis que le Verseau déroule le bandage qui protège ses yeux. Il y a une humeur jaunâtre qui colle ses cils mais notre guérisseur improvisé l'essuie avec une douceur qui me rend malade en dedans.
Je voudrais… Je ne sais pas exactement.
Camus relève la tête et soutient mon regard un instant avant de revenir au Scorpion. Ma gorge se serre. Un grand gaillard comme moi ! Qui aurait cru que je puisse me montrer sensible, hein ?
Pas mon frère, en tout cas.
Je m'approche du couple. Ice Cube se raidit un instant avant de se décider à m'ignorer. J'aime pas bien la peau gonflée et écarlate autour des yeux de notre compagnon. Les poings de Milo se crispent par saccades sur ses cuisses. C'est le seul signe qui montre à quel point, il déguste. Je m'assieds sur le rocher et l'attire contre moi. Il se laisse tomber contre mon torse avec un petit 'oh !' de surprise. Son coude trouve mes côtes.
— C'est moi ! je proteste.
— Ben, préviens la prochaine fois !
— Je pensais que tu n'attendais pas de carton d'invitation…
Il sourit au rappel de notre conversation de la veille. Il se détend légèrement et j'ajoute :
— T'as qu'à t'appuyer contre moi pendant que Camus te tripote.
Son sourire s'élargit et je sens qu'il va sortir une énormerie plus grosse que lui quand le Verseau intervient :
— Essaie de ne pas bouger, Milo. Je vais tenter de faire diminuer le gonflement.
À nouveau, il puise dans son cosmos. Cette fois, je vois distinctement les particules qui se dégagent de l'air pour nourrir son pouvoir. Mon cadet se raidit. Apparemment, ça ne fait pas du bien. Il n'émet pourtant pas son. Fichu Scorpion à la fierté mal placée. Je l'entoure de mes bras et le serre contre moi.
L'envie de casser quelque chose, de blesser quelqu'un me prend mais je n'ai personne sur qui décharger ma frustration… en dehors de frères d'armes qui n'ont rien fait pour mériter que je me défoule sur eux.
Tiens ? Aurais-je grandi ?
Camus vacille soudain. Je tends la main pour le stabiliser en même temps que Milo. Mes doigts se referment sur son bras, ceux de notre cadet sur sa tunique.
— Ça va… ça va.
Il se dégage et se penche à nouveau vers son patient.
— Ouvre les yeux, Milo, dit-il très doucement.
Je viens de me rendre compte que le Verseau était un signe d'air et pas d'eau... La boulette !
Hemere : Eh oui... Un Camilo. Mais Kanon entre dans l'équation... *sifflotte*
Contente que tu aies aimé et que tu trouves mon chtit Scorpion pas si bête que ça...
Saharu-Chan : Alors... Donc... Ouiii Kamica ! Kanon s'insère tout doucement dans le duo (sans mauvais jeu de mots...). Désolée pour tes hormones... ^^ (en fait, non, pas tant que ça parce que je me suis éclatée à écrire ce chapitre-là et le suivant encore plus !) Oui, la vérité fait mal. Ils se prennent pas mal de baffes, les pauvres.
Glacefraicheur : Merci, merci ! Ah... quant à savoir s'ils sauront dépasser leurs griefs, seul l'avenir (et mon inspiration...) nous le dira...
Poupou : Je m'amuse beaucoup avec ce pauvre Aiolia... Le prochain chapitre sera de son point de vue, normalement. Ben... Pour le pas trop mal terminé... Ils ont beaucoup à digérer. Milo s'en est quand même pris plein la tronche et Camus a été obligé de regarder ses actes du point de vue d'un autre et il se rend compte que... Oups, quoi !
