Même après avoir appliqué mon cosmos sur la blessure, la peau et les yeux du Scorpion me paraissent toujours autant abimés.
— Ouvre les yeux, Milo
Ouvre-les que je puisse voir l'ampleur des dégâts.
Mais ça, je ne le dis pas. Je ne peux pas…
Rien que l'envisager, ça me tue.
La main toujours crispée sur le tissu de ma tunique, il ne bouge pas. Pas un mot ne lui échappe. Seuls ses sourcils crispés et le pli mécontent de sa bouche indiquent qu'il m'a entendu.
Je voudrais réitérer ma demande, le secouer. Mais je peux pas ! Parce que je comprends trop bien ce qu'il ressent.
Et si…
Non, si je commence à lister tout ce qui pourrait mal tourner…
Et s'il restait aveugle ?
Et si le poison continuait à le ronger ?
Et si c'était pour ça que sa fièvre ne baisse pas ?
… je n'en finirai jamais !
Derrière lui, Kanon a presque fermé les yeux. Il les rouvre et croise mon regard. Un sourire en coin vient tirer sur ses lèvres. Je me méfie quand il fait cette tête.
De la main, il soulève les cheveux de Milo et fait passer la masse blonde et bouclée par-dessus son épaule. De surprise, le Scorpion en ouvre les yeux avant de grimacer de douleur lorsque le mouvement tire sur la peau brûlée.
Sous le choc, ma main, toujours posée sur sa joue, retombe. Je ne peux détacher mon regard des iris d'un bleu délavé presque blancs, entourés d'une cornée aux vaisseaux éclatés.
— Camus ?
Si sa voix est légère, le ton est forcé.
Dis quelque chose ! Parle-lui !
Mais je peux pas. Je peux juste pas !
Milo ! Tes yeux ! Tes si beaux yeux ! Ils ont l'air… morts !
J'ouvre la bouche mais rien ne sort.
— C'est si moche que ça ?
Il pose la question d'un air nonchalant mais le dernier mot à un peu tremblé. Kanon rencontre mon regard et, sans le lâcher, il incline la tête. Ses lèvres effleurent sa nuque. Arrachent un frisson à cette peau que j'ai tant de fois parcourue des miennes.
— Eh… souffle Milo, d'une voix altérée.
Il semble un peu désorienté, partagé entre l'angoisse que génère mon silence et le plaisir des baisers du Gémeaux. Le petit sourire suffisant de ce dernier termine de me sortir de mon état de choc.
— Oui… C'est plutôt moche comme tu dis.
Kanon me fixe d'un air furieux. Quoi ? Je n'ai jamais prétendu être un beau parleur ! Je ne me montre diplomate qu'avec ceux que je vais tuer ou dont je vais briser la vie sociale.
— Mais… la peau est brûlée, tes yeux ont subi des dégâts. C'est dû au poison. Ça va probablement s'atténuer avec le temps…
Et, là, je cherche surtout à en gagner !
— Milo, réponds honnêtement : peux-tu voir quelque chose.
— Des ombres. C'est… tout ce que je perçois.
Les bras de Kanon se resserrent brusquement autour de lui, le maintiennent contre son torse.
— Couché, Gemini, marmonne Milo.
Il pourrait se dégager sans peine. Il n'essaye même pas. Au contraire, il puise dans le contact un instant pour se donner du courage. Notre compagnon murmure à son oreille quelque chose qui ressemble très fort à « quand tu veux ! ».
Un sourire tire sur ses lèvres.
— Alors ? me demande-t-il. T'en dis quoi ?
J'en dis que je vais crever de voir tes beaux yeux si éteints, Milo ! Que j'en crève déjà de voir Kanon te toucher devant moi ! Que je voudrais t'arracher à ses bras, t'embrasser et te faire mien, là… Maintenant.
Tout de suite.
Effacer la mine faussement calme que tu arbores en cet instant et la remplacer par le désir et la passion. Des émotions qui te siéent bien mieux que l'appréhension que je lis à présent sur tes traits d'habitude si mobiles.
— J'en dis qu'il faut attendre. Même si tu ne perçois que des ombres, c'est bon signe. Ça va… peut-être…
J'ai voulu dire s'améliorer.
J'ai pas pu.
Je ne peux pas lui mentir. En fait, je ne sais pas si c'est bon signe.
Je ne sais pas si j'ai le droit de lui mentir pour lui remonter le moral.
En cet instant, je crois que je ne sais juste plus rien.
Kanon ne m'a pas lâché du regard… tout comme il ne lâche pas Milo. Comme s'il pouvait nous ancrer dans la réalité par sa seule présence. Et… il y parvient, le bougre. Peu à peu, je réussis à trouver ma voix.
— Je vais changer tes pansements, j'aimerais autant éviter que ça s'infecte.
Il ne répond pas. Je cherche son regard avant de me rappeler qu'il ne peut pas me voir. Et, là, ça me frappe.
Aveugle…
Milo est aveugle !
J'ouvre la bouche. Rien ne sort.
— C'est bon ! Je m'occupe de les lui remettre, me coupe Kanon. Occupe-toi du lionceau.
La gorge sèche, j'opine du chef. Milo lève soudain la tête et m'éblouit de l'un de ses sourires en coin.
— Y en a eu d'autres avant moi, Camus. Je suis pas le seul chevalier qui aura à composer avec une pénalité !
— Je…
Je ne trouve pas les mots. Ma bouche s'ouvre et se ferme sans que rien n'en sorte. Devant moi, l'image du Scorpion se brouille. Je ne parviens plus à réfléchir alors, à la place, je referme mes bras autour de lui, l'arrache à Kanon et le serre fort.
Je n'ai jamais été très démonstratif mais… cette fois, je ne vois pas quoi faire d'autre. Milo me rend mon accolade, avec autant de ferveur.
— Tout va bien, idiot ! me murmure-t-il. Si Shiryu a réussi s'en sortir, je vois pas ce qui pourrait m'en empêcher. C'est pas si terrible.
Mais le dragon avait toujours la pleine possession de son cosmos. Je ne dis rien, le presse contre moi avant de me reculer. Il vacille soudain mais Kanon le soutient avant de passer un bras autour de ses épaules.
— Bon, c'est pas tout ça mais… on m'a privé de ma grasse mat'. Allez, Milo ! Je sais pas m'endormir si j'ai pas tiré mon c… Oumph !
— Oups ! Y a des oreilles encore un peu innocentes dans le coin !
Milo a l'air content de lui. Il lance la main en avant, je l'attrape au vol. Je m'oblige à serrer ses doigts dans les miens. Je m'oblige à… l'encourager :
— Amuse-toi bien.
Je déteste ça. Il rit.
— Toi aussi. De toute façon, Minou n'attend plus que toi !
Aiolia s'est approché sans que je m'en rende compte. Il fixe Milo d'un air indéchiffrable. Il serre les dents un instant, je vois sa mâchoire saillir. Puis, il sourit et lance d'un ton léger :
— Continue à m'appeler comme ça et je pourrais bien te mettre la tête au carré un de ces jours.
Milo se fend de l'un de ses sourires à dix milles volts.
— Quand tu veux, mon vieux.
Puis, son sourire s'altère un peu. Je me détourne, me place entre lui et le lion. D'abord, parce que je ne veux plus voir en lui cette détresse si étrangère à son caractère et, ensuite, pour permettre à Kanon de l'entrainer avec lui. Je sais ce qu'ils vont faire dès qu'ils auront rejoint la cabane.
Peut-être même avant.
Ça ne devrait pas me gêner. Il m'arrive aussi de me tourner vers d'autres compagnons de lit mais Milo a au moins raison sur un point : moi aussi, je suis égoïste.
Poupou : Il y a aussi encore beaucoup de non dit... qu'il va falloir mettre à plat.
Milo n'est pas du signe du Scorpion pour rien, il est ouvert à toute suggestion ! ^^; Plus sérieusement, Kanon est autant une évidence que Camus pour lui. Ce n'est pas encore tout à fait le cas, c'est en cours de travail mais la relation de confiance est en train de s'installer entre les trois. Ca se fera pas nécessairement en trois heures...
Quant à Aiolia... Il n'est pas du genre à tenir la chandelle, il va y trouver son compte, ne t'en fais pas ! :)
Et pour les yeux de Milo... Je pense qu'on a au moins la réponse.
Ai-je précisé que quand j'ai commencé le 1er chapitre, j'avais été voir un peu en avant un certain Rogue One... Je crois qu'un des personnages m'a beaucoup impressionnée ! :)
Saharu-chan : Crois-le ou non mais le sous-entendu de threesome était tout à fait fortuit. Je ne m'en suis rendue compte que quand tu me l'as fait remarquer... C'est je signe, moi, je dis ! ^^;
Kanon commence à craquer mais bon, il reste Kanon... et Camus est égal à lui-même. La magie Kanon ne marche pas encore sur lui (pas tout à fait) mais ça va venir, je pense. N'empêche qu'ils ont eu raison de s'inquiéter pour les yeux de Milo. Mais tu as raison, le trio est fonctionnel. Quand ils le comprendront, y aura plus qu'à huiler un peu le mécanisme... mais au final, les bases sont là, ils se complètent.
J'aime beaucoup ce que tu dis sur le sourire de Milo...
Aiolia... Il est pas vraiment du genre à tenir la chandelle. ^-^;
Et voilà, le nouveau chapitre est arrivé ! ^^
Hemere : (il va quand même que je rectifie discrètement le tir... ^^; )
Contente que les pensées de Kanon te plaisent ! Et que la dynamique à trois qui s'annonce te plaise aussi.
Pour les yeux de Mimi... eh bien... Il ne sera pas le 1er entre Shiryu et Asmita (et Imrut...). En tout cas, on est fixé sur leur sort (à ses yeux, je veux dire ^^).
