Je crois que je suis en état de choc. À présent que nous nous enfonçons dans la forêt, je n'ai plus à maintenir une façade de vainqueur devant Camus.
Je ne sais même pas ce que je ressens. Ce que je suis censé ressentir !
Mes yeux sont grands ouverts et je ne vois rien !
Juste du noir avec des ombres encore plus sombres.
Mon pied se prend dans une racine et je vole ma tête au sol. En fait non, je me retrouve suspendu dans le vide par la taille. Kanon ne m'a pas lâché. Je pourrais être atterré par le ridicule de la situation, assommé de me retrouver aussi faible, aveugle, et à la merci de mes compagnons mais, tout ce que j'arrive à formuler comme pensée, c'est que Kanon ne m'a pas lâché.
Il ne m'a pas laissé me rétamer lamentablement. Il a juste resserré sa prise sur mes hanches. Il s'agenouille et m'aide à me redresser. Presqu'avec douceur.
Il ne m'a pas lâché !
Une main est posée sur ma taille, l'autre vient se loger contre ma nuque, juste à la base de mon crâne. Elles sont chaudes malgré le tissu et la masse de cheveux qui les séparent de ma peau.
Dans le noir qui m'entoure, je distingue vaguement sa silhouette. Je me rends compte aussi que je tremble sous la pression qui s'est accumulée
— Milo, murmure Kanon. Tu n'es pas obligé de…
— Si !
J'ai crié. Mes mains trouvent ses bras et je serre mes doigts autour de ses coudes. Il comprend pas ! Si je me laisse aller, si je craque… Je pourrai jamais me reprendre.
Je peux pas !
Je peux juste pas !
Je peux pas faire ça à Camus. Je…
Je n'arrive plus à respirer…
Des lèvres se posent sur les miennes, rompent le voile de panique qui s'abat sur moi. Elles se retirent et Kanon m'attire contre lui.
— Idiot ! T'as le droit d'accuser le coup.
Je cale mon front contre son épaule. J'inspire profondément. M'enivre de son odeur. Kanon sent le musc, un peu la sueur, avec un arrière-goût salé. Si je reste là, je vais me noyer.
Tant pis.
C'est pas grave. Je crois même que ça me plairait. De disparaître juste quelques instants, de ne plus rien ressentir.
Mais je peux pas !
Je peux pas… Je ne suis bon qu'à me répéter ces trois mots en boucle. Je n'entends plus que ça dans ma tête, ça en fait un de ces boucans. Je murmure :
— Non… Je peux pas.
Encore ces mots ! C'est pas moi, ça !
Je peux pas : c'est pas censé faire partir de mon vocabulaire. Je suis capable d'étaler le pire de mes adversaires, de relever tous les défis.
Je suis pas censé reculer.
Trembler.
Je peux pas avoir peur… ou en tout cas, laisser cette dernière me gouverner.
Je sais que je dois me redresser, relever le défi. Je suis aveugle ? Et alors ? Si un chevalier de bronze a pu surmonter sa cécité, je ne devrais pas éprouver de difficultés à faire mieux.
Seulement…
Même si je sens mon cosmos, je ne parviens pas à l'activer.
Alors ? Hein ? Je fais quoi maintenant ?
Kanon resserre son étreinte autour de moi. À mon grand embarras, je m'aperçois que de mon côté, je l'ai enfermé entre mes bras. Je peux pas le lâcher.
Je veux pas…
Je me noie, sinon.
Bon sang ! Je suis… pathétique. Je me sens perdu. Je sais même plus ce que je pense. Ça tourne en rond dans ma tête et la migraine qui pointe n'aide pas à me sentir mieux. Je murmure :
— Eh !
Kanon baisse la tête. Sa joue glisse contre la mienne. Ça tire contre ma peau brûlée mais je m'en contrefiche !
— Quoi ?
— Embrasse-moi encore.
Une pause. J'entends presque les rouages dans son cerveau.
Puis :
— D'accord.
Il s'écarte très légèrement, juste assez pour me laisser lever le visage. Nos lèvres s'effleurent. Se cherchent.
C'est étrange. Je m'attendais à un échange enflammé mais son baiser est doux. Mes épaules se contractent, je tremble. Ma gorge se serre et la pression derrière mon front devient insupportable.
Pourtant, je ne pleure pas. Je ne peux pas.
Parce que si je commence, mes larmes couleront pour tout ce que j'ai perdu, pour toutes les fois où je suis resté en arrière à regarder partir ceux que j'aime. Pour toute les fois où j'ai encaissé les trahisons, pour toutes les fois où je me suis laissé manipuler.
Parce que si je commence, je ne pourrai plus m'arrêter.
Alors… Non. Je peux juste pas me laisser aller.
Alors, pourquoi est-ce que je goûte du sel sur mes lèvres. Ce n'est pas moi qui pleure. J'en suis quasi certain. Je me recule légèrement. Romps le baiser.
— Milo ?
Je ne réponds pas. Me contente de lever la main. Kanon me laisse la poser sur sa joue. Elle est sèche. L'instant se prolonge, presque solennel. Le sel sur ses lèvres… Comme un rappel de toutes ces années qu'il a passées sous l'océan. Son souffle s'altère un peu contre mes doigts.
— Tu veux vraiment rester ici ? souffle-t-il.
Malgré moi, je souris. Je me sens un peu plus moi-même.
— Non. Je veux que tu m'emmènes, Kanon des Gémeaux.
À nouveau, ses lèvres tremblent. Je ne voulais pas le bouleverser… Avant que je puisse dire quoi que ce soit, il s'empare de ma bouche. Envolée la saveur un peu triste de notre premier baiser. Il me dévore et je lui rends chaque coup de dents, ma langue trouve la sienne. Engage un duel qui nous laisse tous les deux à bout de souffle. Nos bassins s'effleurent et…
Oh ! Bordel !
Kanon !
Je romps à nouveau le baiser.
— Milo ! gémit-il presque de frustration.
— La cabane…
— Quoi, la cabane ?
— Y a un lit.
— Pour quoi faire ?
Je ne peux pas m'empêcher de rire. Autant en temps normal, me donner ici et maintenant ne me dérangerait pas autant, maintenant…
Je me sens étrangement vulnérable dans ces bois et c'est une sensation dont je me passerais bien.
— Tu veux vraiment un dessin ?
Sa bouche fond à nouveau sur la mienne et m'arrache un dernier baiser. Puis, il s'écarte.
— Nan.
Ses mains se referment sur les miennes et me tirent sur mes pieds. J'espère que nous ne sommes plus trop loin de cette fichue maisonnette !
Parce que d'un moment à l'autre, l'un de nous va exploser !
Glacefraicheur : Toujours se méfier de l'eau qui dort ! hihihi ! On aura le pov de Camus dans deux chapitres... Et Camus aura bien besoin de tous ses compagnons pour rester connecter comme tu dis. C'est difficile de le cerner, j'espère que je le rends quand même bien. Il n'est pas si froid que ça, ni indifférent aux autres. Quant à Milo et Kanon... eh bien, j'espère que ce chapitre aura répondu à ta question.
Hemere : M'enfin ! Pauvre Aiolia, pourquoi tant de haine ? Note, il résume bien la situation, non ? :) Puis, il es blessé, du coup, comme Camus va l'ausculter, il prend les devant...
Sinon, merci pour le compliment ! Mais je ne te promets pas de réussir à garder le rythme. J'ai un peu de mal avec l'arc 2, je n'arrive pas à trouver la voix d'Aioros... Quoique ça commence à venir ! ^^
Poupou : Je ne sais pas s'il y aura vraiment quelque chose entre Aiora et Camus. Au pire, chaton se contentera de la veuve poignet. Je ne sais pas si le dernier chapitre est vraiment chaud ou non... Un peu entre les deux, on va dire. Contente que les réflexions d'Aiolia t'aient un peu émue...
Le chapitre Kanon va arriver après mais je termine d'abord le pov de DM (c'est pas triste !) et j'aimerais lancer celui d'Aioros... Si je me débrouille bien, les trois arcs seront liés.
