— Je sais pas ce que ça change… Toi, tu veux de moi ?

— Oui.

J'ai pas hésité un instant. Je ne sais pas quoi faire de ce que j'éprouve. Du bordel qui règne dans ma tête. Mais je suis sûr au moins d'une chose : Kanon fait partie de mon équation. Je le sais depuis que je l'ai marqué dans le temple d'Athéna. Il est à moi et inversément… Il m'appartient tout comme j'appartiens à Camus.

Je ne sais pas quoi faire de cette pensée.

De toute façon, je n'ai pas vraiment l'occasion d'approfondir, Kanon m'attrape par les épaules et me force à m'asseoir. Ma hanche proteste sous le traitement et mon bras cassé me rappelle que je l'ai malmené aujourd'hui mais j'oublie tout ça lorsque les lèvres de Gemini se referment sur les miennes.

Oh ! Dieux ! Kanon ! Mais qu'est-ce que tu me fais ?

Qu'est-ce que je fais ?

J'en sais fichtre rien. J'ai l'impression de marcher sur un fil. Si je tombe, l'abime m'engloutit.

Sans Camus et Kanon, je suis foutu !

Je me lance dans le baiser pour arrêter de penser.

Idiot ! Tu n'as même pas réfléchi !

C'est vrai. Mais pas lui répondre, c'est juste inenvisageable !

Puis…

— Milo ! râle Kanon quand je le repousse d'une main contre la bouche.

— Attends… Tu entends ?

— Non… J'ent…

Il s'interrompt avant de jurer à mi-voix. Je devine qu'il se rappelle notre moment de solitude dans l'arbre. Y a plus un bruit dehors.

Mauvais signe, ça.

Gemini bis se redresse si vite que je manque perdre l'équilibre. Dans la foulée, il me balance mon futal. Évidemment, comme si j'allais l'attraper ! Je me le mange en pleine figure. Heureusement, ma main toujours levée l'empêche de me frapper où ça fait mal.

— Eh !

— Hein ? Oh…

Le matelas s'enfonce à nouveau sous le poids de Kanon. Il ramasse le pantalon avant de me le fourrer dans les mains.

— Habille-toi. T'as pas envie de te balader cul nu maintenant !

Je lui enjoindrais bien d'aller se faire foutre mais je partage la même opinion. Je passe le vêtement – dans le bon sens, je peux le boutonner sans mal – avant de me lever. Kanon me repousse sur le lit et profite que j'aie perdu l'équilibre pour me passer mes sandales.

— Arrête ça !

Il ne répond pas et, à la place, m'enfile ma tunique. Au moins, il fait attention à ne pas effleurer les parties sensibles de mon visage. Je chasse sa main avec irritation avant de passer mes bras dans les manches. Je ne m'embête pas à lacer le devant du vêtement. Au bruit de tissu qu'on froisse, je devine que Kanon s'habille à la hâte.

Je me lève et fais quelques pas. Ma hanche bute contre la table et je pose mes mains à plat sur la surface. Le bois brut râpe un peu contre mes paumes. Je déteste ne pas savoir. Je voudrais demander à Kanon s'il peut voir quelque chose mais je ne veux pas attirer ce qui rôde dans notre direction.

J'entends des branches qui craquent. La maison grince. Mon cœur bat la chamade, m'assourdit presque. Je souffle :

— Kanon ?

— Bouge pas, murmure-t-il de l'endroit où il s'est figé.

Il ravale soudain son souffle. Je peux pas voir, je peux pas ! S'il y a un danger, je suis entièrement sans défense si je sais pas où frapper ! Je presse un peu plus fort mes mains contre la table.

Au-dessus de nous, la cabane s'agite, des morceaux de bois tombent dans mes cheveux. Quoi que ce soit qui traine dehors, ça veut nous faire sortir !

Puis, un craquement retentit.

— Milo !

Un corps entre en collision avec le mien et je roule à terre, les bras de Kanon étroitement serrés autour de moi.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Bordel ! Dis-moi c'est quoi ?

— Ils ont arrachés le toit !

— Quoi ? Qui ça ils ?

Mon compagnon m'aide à me relever.

— Ça, j'en sais fichtre rien. Mais on va pas rester terrés comme des lapins. Quand je te dis de courir, tu cours !

— Ouais... Mais où ?

Il se tait. Ben oui, gros malin ! Nous sommes dans une forêt et je suis aveugle. Je sais bien que c'est une nouveauté mais va quand même falloir s'y faire. Surtout qu'avec son super plan, Kanon oublie un léger détail : je ne me donne pas trois foulées avant de me manger un arbre !

— OK... Ben tu restes près de moi, alors !

Je roulerais bien des yeux mais ma tête me fait déjà assez souffrir comme ça. D'un autre côté, la seule chose raisonnable à faire, ce serait de...

Je sursaute lorsqu'il entremêle ses doigts brièvement aux miens pour les serrer.

— Je ne te laisse pas derrière, Milo !

Il est devenu télépathe, ou quoi ? Je ne réponds pas. Il saisit mon poignet et me tire à sa suite. Avec juste quelques mots, il a réussi à me réduire au silence.

Quelques mots que Camus ne m'a jamais dit.

Et qui laissent un vide immense en moi. Un vide que Kanon n'a même pas conscience de combler. Et c'est ça qui me le rend si précieux.

Il ne reviendra pas sur sa parole, je le sens dans mes tripes.

Et je n'hésite pas à le suivre.

Je sais que je le suivrai n'importe où. Il sera mes yeux, je veillerai sur son dos !

Ouais… C'est bien beau tout ça mais on tient pas trois secondes !

Un déplacement d'air et Kanon me lâche, vole hors de ma portée. Je l'entends pousser un grognement de douleur. Puis, un bruit d'impact et un cri.

— Non ! Kanon ! Kanon !

Une main énorme me heurte et je roule au sol. J'essaye d'échapper à nos assaillants. Un cri de douleur résonne à nouveau sur ma gauche.

— Kanon ! Merde ! Kanon ! Non !

Si je fais assez de barouf, ils relâcheront peut-être leur attention et il pourra s'enfuir.

— Fous le camp ! Kanon ! Cours !

On me saisit par les cheveux et quelque chose heurte ma tête. Je perds connaissance et la dernière chose que j'entends, c'est la voix de Kanon.

— Milo !


Lorsque je reprends conscience, le sol bouge en dessous de moi. Il cahote et j'entends des voix qui murmurent, des pleurs et des cris.

— Il se réveille !

— Bienvenue en enfer, blondinet !

Sympa, l'accueil.

Tu sais où tu peux te fourrer le blondinet, mon gars ?

Je sais bien que je n'ai pas la carrure d'Aldébaran mais on ne m'a jamais traité de gringalet. Pas depuis mes treize ans et ma poussée de croissance, en tout cas ! Je n'entends pas Kanon. Mon cœur se serre, j'espère juste qu'il a pu s'échapper. Une main se pose sur mon épaule. Je me raidis mais la voix féminine qui s'adresse à moi reste amicale :

— Tes blessures, tes yeux. Tu as survécu au venin du kuris, tu n'es pas ordinaire…

— Un kuris ? Un de ces lézards poilus ?

Un silence interloqué succède à mon intervention. Puis, elle rit, ça sonne un peu faux.

— Tu es un étranger, hein ? Je me disais aussi avec ton apparence… ton beau visage et tes cheveux clairs… Tu ne ressembles pas aux hommes d'ici.

En d'autres circonstances, j'aurais peut-être flirté avec elle mais, là, je pense surtout à glaner des informations.

— Que se passe-t-il ? Est-ce que j'étais seul quand on m'a amené… ici ?

Je ne sais même pas où je suis !

— Non, il y avait un autre homme. Il a été emporté dans un autre lot.

— Un autre lot ?

D'accord ! Là, ça pue !

Avant que la femme ne puisse me répondre, le sol cesse de cahoter.

— Nous sommes arrivés ! se lamente-t-elle avant de m'aider à me relever.

Un remous agite la foule autour de nous. Des pleurs et des supplications s'élèvent.

— Que se passe-t-il ?

— Les chiens des Maîtres viennent décider de notre destin.

— Quoi ? Les qui ?

La femme pousse soudain un petit cri de détresse et je la sens tirée loin de moi.

— Oh ! Un instant !

Je tends la main mais on m'empoigne.

D'accord ! Là, j'en ai marre !

Je balaye de la jambe et mon agresseur perd l'équilibre. Je sens qu'un espace se crée autour de moi. Un bruit de pas. Derrière ! Je lance mon coude valide. Il entre en collision avec un menton. Quelqu'un essaie de me saisir mais je me glisse hors de portée. Je lance mon pied dans cette direction, une rotule craque.

Mon bras cassé a enflé et pend, inutile, contre mon flanc, j'ai mal partout et ma tête me donne l'impression d'être serrée dans un étau. Mais même si je suis aveugle et que mes yeux me tuent, je ne suis pas totalement sans défense.

Quelque chose me frappe alors à la tempe, je perds l'équilibre et, aussitôt, ils me bondissent dessus. Une main se referme sur mon menton et m'oblige à lever la tête.

— Tu es beau et vigoureux. Tu leur plairas.

— Il est rétif.

— On le matera…

Je répliquerais bien aux gusses d'aller se faire voir là où je suis pas mais on me frappe à la nuque et je perds à nouveau conscience.


Donc, Soul of Mayhem, jusqu'à présent, ça représente : 20 945 mots soit 112 236 sec.
Déjà la taille d'une novella... Et ça continue ! Ben dites donc ! Je suis fière de moi ! ^-^
J'espère que vous passez un bon voyage en compagnie de mes p'tits gars !


Poupou : Si ça peut te rassurer, cet arc-ci ne contiendra aucun élément de mpreg. Les autres non plus mais je suis moins avancée dans la narration, alors... sait-on jamais ? ^^
Oui, nos chouchous risquent gros ! Très très gros. J'espère que ce chapitre a pu répondre à tes questions concernant ce que foutait Milo...

Hemere : Eh oui ! Je distribue le gnons et les bosses équitablement, d'abord ! Y a pas de raisons !
Aiolia a sauvé le Ca du KaMiCa... ^^
J'espère que ce chapitre t'aura plu. Le prochain, c'est Kanon, normalement.