Milo…
J'espérais tant le retrouver. Mais pas comme ça !
Son regard aveugle se fixe sur moi, sa bouche a pris un pli sinistre. Il ressemble au Chevalier du Scorpion, fort et solide malgré les épreuves.
Seulement, il y a du sang qui macule l'intérieur de ses cuisses, des filaments blancs qui s'y mélangent. Je m'approche sans m'en rendre compte.
Je crois que j'essaie de parler.
Je l'agace, alors, j'essaie de lui obéir. Mais je ne veux pas le toucher.
Pas comme ça.
Et ma verge qui reste durcie, prête à l'emploi ! Je voudrais me l'arracher et la jeter au loin…
Alors, j'effleure sa joue du bout des doigts. Il perd un instant sa mine revêche. Je sens ses lèvres trembler contre ma paume. Puis, un murmure dont il ne semble pas avoir conscience :
— Kanon ! Merde… C'est bien toi !
Puis, il exige, encore :
— Dis mon nom, Kanon ! Dis-le !
Et derrière, il y a sa voix qui se casse. Il y a la colère sur son beau visage, dans ses épaules qui se tendent, ses mains qui se lèvent pour s'accrocher ou me repousser. Je sais pas. Je crois qu'il ne le sait pas lui-même.
Alors, je cède. Je murmure son nom. J'en peux plus d'être si proche et, à la fois si loin, je l'entoure de mes bras et je le répète encore et encore. Ses mains viennent se poser dans mon dos, je sens sa respiration qui s'accélère. Je veux me reculer mais il me presse soudain, son front trouve le creux de ma gorge et je continue à parler sans fin, à souffler : MiloMiloMilo…
Et puis, j'en peux plus, je veux pas qu'on nous sépare à nouveau. Je l'ai, je le garde, mon Scorpion !
— OK, bande de nazes ! Vous voulez des inséparables ? Ben voilà ! Vous en avez trouvé deux !
Contre moi, Milo se raidit, il relève la tête. Je ne sais pas quoi lire dans ses yeux presque blancs : a-t-il peur ? Est-ce qu'il approuve ?
Alors, je me contente de le serrer plus fort. Quand le Chien des Maîtres se pointe et nous ordonne de prouver que nous sommes bien amants, je n'y crois pas. Il veut que je viole mon compagnon sous ses yeux ?
Je ne peux m'empêcher de jeter un œil aux trolls. Si on n'obtempère pas, ils vont fondre sur nous et…
Milo en est arrivé à la même conclusion que moi. Son visage se ferme, il se soulève au-dessus de mon sexe douloureux. Je resserre mes bras autour de lui, le bloque.
Non ! Je ne le blesserai pas d'avantage !
C'est pas ça l'amour ! Et si ces foutus Maîtres veulent comprendre ce que c'est vraiment, il faudra bien qu'ils acceptent mes conditions !
Un instant qui n'en finit pas, j'attends qu'on lâche les trolls sur nous mais un second Chien rejoint le premier.
On a gagné ! On sort de cet enfer !
J'aide Milo à se redresser et le soutient lorsque ses jambes se dérobent sous lui. Les Chiens des Maîtres libèrent ses poignets et il les ramène contre lui, soutient son bras cassé qui a triplé de volume. On nous jette des capes sur la tête, j'arrange la sienne autour de lui et le ramène contre moi.
— On sort de là.
Il se raidit fait mine de s'écarter avant de s'immobiliser. Inquiet, je le fixe mais il hoche la tête. Une fois.
Juste ça.
On nous fait sortir par les coulisses et grimper dans une sorte de calèche. Pendant le trajet, nous restons silencieux. Je n'ose plus le toucher. Je pense aux jeunes gens que j'ai… pris. Même si je me suis montré le plus doux possible, même si je n'avais pas d'autres choix – et attendre qu'un troll me prenne et me déchire en deux, je n'appelle pas ça un choix viable ! –, certains étaient tellement abimés que je n'ai pas pu faire autrement que de les blesser davantage.
Mon regard se tourne vers Milo.
Il reste silencieux.
Trop. Beaucoup trop ! Il n'est pas fait pour rester tranquille, il devrait exploser.
M'en mettre une !
On nous enferme dans une pièce blanche, sans fenêtres. Un grand lit nous attend, un baquet d'eau fumante et sur une table des onguents pour nos blessures, accompagné d'un plat avec de la nourriture.
On nous laisse seuls.
Du bout des doigts, je repousse la capuche qui masque en partie les traits de Milo. Surpris, il se tourne vers moi.
— Tu veux te laver.
Ses yeux s'écarquillent. Je précise :
— On est seuls… Y a juste toi et moi… Tu… Tu veux te laver ?
— Tu te poses vraiment la question ?
Il s'est exclamé. Pas fort, non… Mais, en même temps, c'est tellement lui que j'en pleurerais presque.
Nous prenons le bain ensemble.
En temps normal, j'en aurais profité mais, là… J'ose à peine le toucher. Son menton tremble un peu par moment et ça m'effraie plus que jamais. Ce monde est en train de le tuer à petit feu et je ne peux rien faire.
J'ai peur d'empirer les choses.
De lui faire mal.
Le sentiment de malaise s'amplifie encore lorsque j'entreprends de le soigner. Ces espèces de malades l'ont lacéré. Il ne se plaint pas, je n'entends pas le son de sa voix. Il se redresse lorsque j'ai terminé et rien ne se lit sur ses traits.
Je ne sais pas quoi faire, ni que dire.
Quels mots pourraient réconforter un chevalier qui s'est fait violer à la chaine ?
Je n'ai pas le droit. Pas alors que j'ai forcé d'autres jeunes gens que…
Le dégoût me plie en deux. Je n'arrive pas à respirer. À le regarder.
Je dois… Je dois… Je ne sais pas quoi.
— Milo…
C'est un murmure mais il réagit comme si je l'avais giflé. Il sursaute brusquement et se tourne vers moi, essaye de me frapper. Je me recule par réflexe et il perd l'équilibre. Je le rattrape au vol.
Par réflexe.
— Arrête ! crie-t-il. Arrête ça !
Je me fige. Je ne sais pas ce que je pourrais…
— Arrête de me traiter comme si j'allais me casser ! Comme s'ils m'avaient brisé !
Il tremble violemment. Sa bouche se déforme sur des mots qu'il ne parvient pas à prononcer.
— Ils n'ont pas réussi… Dis-moi… Dis-moi… qu'ils n'ont pas réussi.
Je peux pas m'en empêcher, je l'attrape par les épaules et l'attire contre moi. Il se raidit mais je ne le laisse pas se dégager.
— T'es pas cassé, Milo ! que je murmure à son oreille. T'es pas cassé…
Alors seulement, il se laisse aller. Il ne pleure pas, non. Il ne craque pas comme ça mais il tombe contre moi en tremblant si fort que ses dents en claquent. Je le tiens comme si j'étais la seule personne capable de l'empêcher de se noyer.
Et, à présent, c'est peut-être bien le cas.
Je le tiens, le serre. La chaleur de son corps contre le mien me rassure. L'espèce de boisson énergisante a enfin cessé de faire son effet mais mon sexe reste douloureux. Pour ne plus penser, je m'enivre de son odeur, de la sensation de sa joue contre mon épaule, de nos jambes entrelacées.
Plus tard… beaucoup plus tard, nous nous endormons dans le lit. Nous ne nous touchons plus. Il y a juste nos deux mains jointes entre nous pour nous relier.
Pour nous prouver que nous sommes bien là. Que nous avons survécu…
Que nous ne sommes pas brisés.
Hemere : Eh bien... Je ne sais pas si c'est l'effet Japan expo, les vacances ou le fait que ça devienne méchamment glauque mais tu es ma dernière fidèle, je crois ! ^^;
Ils sont soignés mais il y aura encore des scènes dans leur prison... Et j'aiiiime pas ! Mais bon, là je vais me concentrer un peu sur Camus et Aiolia ! ^-^
