Je me réveille en sursaut.
Dans le noir.
Toujours dans le noir.
On pourrait croire que je finirais par m'y habituer... mais non. Je retombe en arrière, le souffle court. Il fait chaud dans la pièce mais ma peau nue est couverte de sueur. Je frissonne malgré moi. Je ne me souviens pas du rêve.
Je ne m'en rappelle jamais. Ce n'est pas plus mal. Mes jambes sont emmêlées dans les draps. À mes côtés, Kanon remue dans son sommeil. Lui aussi est hanté par ses cauchemars. Il ne m'en parle jamais. Peut-être que lui non plus ne s'en souvient pas ?
Il vaut peut-être mieux.
Hier, nous nous sommes accouplés. C'est la première fois que je couche avec quelqu'un avec une audience. Kanon ne voulait pas, ne pouvait pas. J'inspire prudemment, j'essaie de ne pas y penser. Je ne voyais pas nos spectateurs, j'entendais juste leurs respirations. À la place, je me suis concentré sur ce que j'avais à faire.
Kanon m'a serré très fort contre lui.
— Désolé, je peux pas, a-t-il murmuré d'une voix presque affolée.
— C'est pas une condamnation.
— Si… Si j'y arrive pas… ils…
— Ignore-les ! Tu me laisses faire ?
Il est resté muet mais j'ai senti sa surprise. J'ai pas pu m'empêcher de sourire… ni de glapir lorsqu'il a inversé nos positions sans prévenir, d'un coup de rein. Son nez a heurté le mien, il m'a embrassé. Je me suis retrouvé entre ses jambes.
J'ai fermé mon esprit aux présences extérieures, me suis concentré sur lui.
Uniquement sur lui.
Air et eau étroitement entremêlés…
Je pense que j'ai compris quelque chose, à cet instant… même si j'essaie toujours de mettre le doigt dessus. Surtout si je me rappelle à la manière dont Camus a su tirer parti de son cosmos alors que j'en étais incapable. J'essaye de ne pas penser à hier… et, surtout, de ne pas songer à mon Verseau. Je ne sais pas si les Trolls l'ont capturé ou non. Rien que de l'imaginer dans ces stupides arènes...
Non !
La douleur est presque physique, je me recroqueville sans même m'en rendre compte. Je veux Camus et, en même temps, je ne peux pas… Je ne supporterais pas… Au final, c'est pas plus mal d'être aveugle, j'aurai pas à affronter son regard.
Une main se pose sur mon épaule, caresse mon bras. Et voilà ! J'ai réveillé Kanon.
— Milo ?
— C'est rien. Ça va.
Un petit silence, puis :
— Menteur.
C'est pas faux. Je le laisse m'encourager à me tourner vers lui. Mon front donne contre son menton. La douleur qui tiraille mes yeux est bien moins forte que quelques jours plus tôt. À défaut d'autre chose, ils ont de bons médecins, dans le coin. La crème que Kanon applique tous les jours sur la peau autour de mes yeux n'y est sans doute pas pour rien.
Il repousse les cheveux qui me tombent dans le visage. Je passe mes bras autour de son torse et le serre.
Fort.
— On peut pas rester là, je souffle.
Il me rend mon étreinte avec quelque chose comme du désespoir.
— Je sais.
Il n'en dit pas plus. Je me rends bien compte que je suis un poids mort. Je devrais lui conseiller de partir sans moi.
J'y arrive pas.
À la place, je me dégage et m'assieds, les jambes hors du lit. Le carrelage est froid sous la plante de mes pieds. Je plisse les yeux, essaie de me forcer à… à voir quelque chose, n'importe quoi !
Même Shiryu a récupéré plus vite que moi !
Merde !
Tout ce que j'obtiens, c'est de voir ma migraine passer à la vitesse supérieure. Derrière moi, ça bouge dans le lit : je sens le matelas remuer sous mes fesses. Kanon passe la main dans mes cheveux, la glisse le long de ma joue et m'encourage à tourner la tête vers lui.
Je peux pas te voir, crétin des îles !
Je le dis pas, ça. À la place, il m'embrasse. Ses cils chatouillent ma peau, son souffle se mêle au mien.
— On trouvera une solution, souffle-t-il contre mes lèvres. Tous les deux, on trouvera bien quelque chose.
Je réponds pas. À la place, je l'attire contre moi. Sa peau et son odeur salées me grisent, chassent les souvenirs. Pour quelques secondes, j'arrête de penser.
Nous restons allongés l'un contre l'autre, sa main passe lentement le long de mes flancs. Il n'y a pas d'intention sexuelle dans ce geste. Je crois que lui et moi avons déjà donné, à ce niveau-là. Je ne ressens aucune envie. Pas ici, en tout cas.
Pas dans cette prison dorée !
Pas alors que nos faits et gestes sont scrutés en permanence...
Ils nous ont soignés, nourris. Réduits en esclavage... Je pourrais les tuer sans aucun scrupule si je pouvais maîtriser à nouveau mon cosmos. Kanon doit sentir le chemin que prennent mes pensées. Il ne dit rien mais pose ses lèvres sur ma tempe. J'enfouis mon visage dans le creux de son épaule, dans ses cheveux. Malgré toutes leurs crèmes, leurs huiles parfumées, ils n'ont pas réussi à chasser cette odeur iodée, ce goût salé qui est le sien.
Si je me concentre assez, je peux sentir la mer, l'océan.
L'eau… mon élément.
Mon…
Je me redresse sur un coude. Kanon me parle mais je ne l'écoute pas. Je ne l'entends pas. Ce qui m'échappait jusqu'à présent…
Je repense à Camus, à son cosmos glacé pourtant plus brûlant que la plus chaude des fournaises. Son élément… C'est l'air, n'est-ce pas ? Mon compagnon me parle à nouveau, secoue mon épaule.
— Chut !
Je m'assieds et tourne la tête. Bien sûr, je ne peux pas voir mais… Oui… Je la sens. L'eau. Elle vibre dans l'air qui nous entoure, en particules dans le sol et… là, dans la bassine. J'ai compris !
Je l'appelle à moi !
Sea-Rune : Bienvenue dans mon coup de folie de cette année. Je ne pensais pas que SoM serait aussi long, ni qu'il y aurait d'autres arcs... Ce projet est devenu tentaculesque ! :) Je suis ravie d'avoir pu accrocher ton attention, surtout, si ce n'est pas le genre de fics que tu lis habituellement...
Bon... Ben les amies, je m'étais jurée de garder des chapitres d'avance mais je n'ai pas pu résister. Du coup, voilà : chapitres le même jour. Là, je me lâche sur Kanon (mais non, pas comme ça ! ^vvv^).
Je ne promets pas de nouveau chapitre avant 2018. Du coup, bonnes fêtes de fin d'année : profitez bien, amusez-vous bien et je vous souhaite pleins de bonnes choses d'ici l'année prochaine ! :)
