Kanon (8)
C'est bon. C'est passé. Je le sens à la manière dont son corps tendu comme la corde d'un arc se relâche soudain. Je vois le pli de ses lèvres s'affaisser en une moue un peu triste et je sais, juste comme ça, qu'il vient de prendre une décision à la con.
Camus laisse retomber son bras tendu vers le Scorpion. Je n'arrive pas à lire son expression mais en même temps, avec lui, ça veut pas dire charrette. Il n'a pas pu se résoudre à le toucher. Je ne peux pas vraiment le lui reprocher. Même avec l'habitude, c'est sacrément déstabilisant de ne pas savoir quand ces foutues crises d'angoisses vont se déclencher. Ni comment… Ne pas savoir si un simple geste va les provoquer ou une parole maladroite, une odeur…
C'est comme marcher sur des œufs en permanence. Et c'est pas comme si le Scorpion n'en avait pas conscience. Au contraire, il sait et il ne peut rien y faire. Juste serrer les dents et laisser passer la vague, espérer ne pas s'y noyer.
Mon regard fait l'aller-retour entre ce crétin de fesses de glace et Milo. Ce dernier a repris contenance. Dans mon dos, j'entends Aiolia marmonner qu'il va monter la garde. Je ne m'y attarde pas. Là, il faut juste que j'empêche la situation d'empirer. Camus recule. Il va se barrer, cet imbécile.
— Fais pas ça, je siffle.
Ils se figent tous les deux. Le français ouvre la bouche mais je le coiffe au poteau :
— Sérieux ? C'est ça ta réponse ? Il flippe un coup et tu le plantes-là ? C'est vraiment ce que tu veux faire ?
— Kanon…
— Ta gueule, Milo ! Laisse les grands causer !
Ses yeux s'ouvrent grands avant de se plisser dangereusement. Ouais ! Vas-y, mon beau ! Te laisse pas faire ! Rester passif, c'est pas ton truc.
— Te laisser causer de mon cul ? Mais oui ! Continue, vas-y, fais comme chez toi !
Il balaie l'air de la main, j'esquive de justesse un pain dans la tronche avant de me rendre compte qu'il cherche. Il est dans le noir, perdu. Je peux pas le laisser comme ça. Alors, je lève le bras, laisse nos doigts s'effleurer. Au moins, il semble avoir décidé de réagir.
— C'est pas lui ! C'est… Je peux pas.
Ses sourcils froncés prennent une expression vulnérable que j'ai appris à connaître, qu'il n'adresse qu'à moi.
— Tu comprends pas.
Camus est resté figé sur place. Mais bouge, crétin ! Il ouvre la bouche. Ferme les yeux. Puis, il inspire un air un peu tremblant. Ça me fait tout drôle de ne pas le voir fermé et impassible mais… Je l'ai déjà vu ainsi, n'est-ce pas ? Avant que tout ce foutoir avec les trolls ne foutent nos vies en l'air.
— Alors dis-nous… Parle-nous.
C'est un murmure, un peu hésitant. Tellement pas à sa place chez le roi des glaces. Et en même temps, c'est tellement lui, cette incapacité à se laisser vraiment aller.
Parce que mine de rien, je commence à le saisir. Milo m'en a assez parlé pour que j'aie l'impression de le connaître au moi un peu.
De connaître le gamin maigrichon qui piquait des colères monumentales parce que son pote, lui, pouvait pas. Parce qu'il se mourrait sous le poison du Scorpion qui le bouffait de l'intérieur. Même si j'ai du mal à imaginer Milo, si entier, en gosse maltraité.
Mais, au final, nous avons tous à notre manière été dans ses sandales. C'est un peu la loi du Sanctuaire. Torturer des gosses et rendre les survivants plus forts, plus hargneux, plus mauvais. Plus forts.
Quant à ceux qui ne trouvent pas leur place : ils ont plus qu'à crever ou disparaître.
— Te dire quoi ?
La voix de Milo se brise. Il toussote, tente de se reprendre.
— Je peux pas.
C'est un murmure, un filet de voix. Mais, au moins, il ne se coupe pas du reste du monde. En face, j'observe Camus le dévorer des yeux. Y a une telle passion qui y brule que ça me fait mal rien qu'à le regarder. Mais Milo, lui, il ne peut pas le voir. Il ne sait pas.
Je ne suis déjà pas doué pour exprimer mes sentiments, alors pour traduire ceux des autres !
Mais il faut que je fasse un truc parce que sinon, ils n'y arriveront pas.
Alors, j'entremêle mes doigts dans ceux du Scorpion et je tends ma main libre vers le Verseau. Puis, sans bruit, je prie pour qu'il comprenne. Ça fait longtemps, alors, je suis un peu rouillé mais j'espère qu'Athéna ou une autre divinité compatissante m'entendra.
Hemere : Oh ! Merci ! Je suis vraiment ravie de voir que mes cocos tiennent la route. C'était dur de s'y remettre après plus d'un an de pause mais... Ça fait du bien d'y revenir aussi. Écrire gratuitement, sans se demander si un éditeur va aimer ou non, écrire juste pour soi et pour ses lecteurs, c'est vraiment chouette et libérateur. Bref, merci (ça vaut pour vous tous, hein !) de me suivre toujours ! ^- ^
Saharu-chan : oui, il a besoin d'aide. Ils ont tous besoin d'aide et de tendresse. Heureusement, ils pensent à leurs compagnons avant eux-mêmes, du coup, ça compense un peu... ^^ Prochain chapitre : Camus, si tout va bien. Mais ça risque de me prendre un peu de temps, du coup...
Poupou : Hey ! Oui, I'm back ! Avec du drama ? Hum... oui, y a des chances ! ^- ^ Mais sérieux, vu le nombre de trolls, les Maîtres, le côté relativement limité de leur nouveau cosmos et tout... tu t'attendais vraiment qu'ils gagnent easy peasy, fingers in the nose ?
Lily Aoraki : Merciii ! Je fais de mon mieux ! Je suis ravie que les sentiments écorchés de mes cocos passent aussi bien ! =)
