Camus (8)

Je ne comprends pas. Je ne saisis pas ce que Kanon attend de moi. Je voudrais que Milo me parle. Qu'il rende le monde plus clair, qu'il me le traduise.

Oh ! Lorsque je dois mener une mission, je n'ai pas de mal à me fondre dans l'ombre à trouver les faiblesses de mes cibles et en jouer pour les détruire. Il n'y a pas de sentiments impliqués. Je suis un chevalier des glaces, je ne suis pas censé être gouverné par mes émotions. Je les ai refoulées tant et si bien que je ne sais plus comment les exprimer.

Mais Milo…

Milo, c'est ma lumière.

Mon cœur !

C'est lui qui détient la clé de mes émotions. Je ne ressens jamais aussi fort que lorsqu'il est près de moi, que lorsque je l'embrasse… que je l'embrase. Parfois, il rit et me dit que je suis un volcan qui réchauffe la glace.

Il ne sait pas à quel point il a raison.

À quel point, il est, à la fois, ma force et ma faiblesse.

Mais… Maintenant…

Il regarde mais ne me voit pas.

Il ne verra plus jamais ! Je pensais m'en être fait une raison.

Mais non.

Il a toujours été si solide, tellement résilient malgré tout ce que son entrainement pour devenir le Scorpion d'Or lui a couté.

Je l'ai retrouvé mais il me paraît soudain tellement… fragile, vulnérable. Et j'ai peur. J'ai peur de lui faire plus de mal encore. De le briser.

Mais Kanon a raison, s'il y a bien un moment où je n'ai pas le droit de me dérober, c'est bien celui-ci. Seulement, je ne sais pas quoi faire, ni que dire. Et Milo se résigne.

Et ça me crève de l'intérieur de le comprendre et d'être incapable de trouver une phrase ou même ne serait-ce qu'un mot.

Juste un !

Mais rien ne vient.

Ne me laisse pas !

Mais je ne peux pas lui demander ça, lui imposer un poids de plus sur ses épaules !

Je t'aime !

Je voudrais tant le lui dire. J'ouvre la bouche mais rien ne sort.

Et je comprends. Je vais le perdre. Je vivrai à nouveau dans l'obscurité, sans sa lumière. Mais si je le perds, qui va s'occuper de lui ?

Kanon ?

Ils se comprennent tous les deux. Il y a quelque chose qui les lie et je me retrouve de trop. Une petite voix me souffle que c'est mieux ainsi. Je suis de trop. Je l'ai trop fait souffrir déjà. Il mérite quelqu'un qui le fera passer en premier. Les dieux savent à quel point je l'ai fait souffrir.

À quel point ça me ronge de l'intérieur.

Leurs doigts s'entremêlent. Cette vision suffit à me terrasser. Je l'ai perdu. Kanon a gagné.

C'est mieux ainsi.

N'est-ce pas ?

Je devrais partir, les laisser seuls mais mes pieds semblent pris dans du béton. Je n'ai pas la force de bouger. Si j'essaie, je risque de tomber pour ne plus me relever.

Milo.

Je voudrais tant te dire… à quel point je t'aime, à quel point tu me rends fou, tu me bouleverses. Mais ces mots, ils ne verront jamais le jour, ils sont morts nés dans ma gorge.

Tout ce que je peux faire, c'est te boire du regard, te graver dans mon âme, dans mon cœur. Je serai là quoi qu'il arrive. Même si tu choisis Kanon. Et tu vas le choisir. Tu l'as déjà choisi. Mais il peut te rendre heureux. Et moi, je te fais souffrir.

Et il me tends la main. Je ne comprends pas. Du regard, je remonte le long de son bras, la courbe de son épaule et de sa nuque. Plus haut encore, je plonge dans le bleu de son regard. Il me laisse lire sa fatigue, sa peur. Il me laisse voir tout, se met à nu devant moi.

Vulnérable.

Offert.

Et je comprends.

Je crois.

J'espère.

Nos doigts s'effleurent, se touchent. S'entrecroisent.

Il me tient. Sa poigne est ferme. Il se relève lentement et me tire doucement à lui. C'est un pacte qui se noue.

De ma main libre, j'effleure la joue de Milo. Il sursaute, relève la tête, ses yeux grands ouverts cherchent.

— Je suis là.

Ma voix tremble un peu mais au moins, elle est sortie de ma gorge serrée.

— Moi aussi.

Celle de Kanon est plus ferme mais elle a un accent presque fragile tandis qu'il ajoute :

— Si tu veux de nous.

Les lèvres de Milo frémissent, il essaie de se dégager mais nous tenons bon. En douceur, sans le forcer mais face à la terreur qui passe sur son visage, mon cœur se brise. Combien de fois encore peut-il s'émietter ainsi ?

Combien de fois ai-je piétiné le sien par devoir ?

Mes doigts trouvent sa nuque, s'y ancrent.

— Milo, je murmure. Est-ce que tu veux de nous ?

Il se fige.

— Mais je suis cassé.

— Pas plus que nous, réplique Kanon. Dis juste ce que tu veux.

Un bref silence retombe sur nous. Puis, il le rompt, avec un brin de défi dans la voix :

— Ce que je veux ? Je veux que vous vous couchez contre moi, puis je veux coucher avec vous !

Il inspire brusquement.

— Mais peut-être pas ce soir.

Et l'expression vulnérable qui traverse ses traits me touche droit au cœur. Pour la première fois de ma vie, je trouve les mots justes.

— Quand nous serons prêts…

Et tandis que nous nous installons pour la nuit, ces paroles semblent sonner comme une promesse.


Saharu-chan : Du coup, j'espère que les popotins se sont assez bougés ! ^^
Quant à Lia, il est sous le porche, il monte la garde et il se dit : LALALALALA ! Je n'entends rieeeeen !
Pour comment ils vont s'en sortir, je ne sais pas encore, tout dépend d'eux ! *sifflotte* Et de Muse, cette vilaine ! ^^;