Bonjour, voici le chapitre 5. J'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire je dois dire. En tout cas, je vous remercie encore pour vos reviews sur le chapitre précédent. Elles sont vraiment arrivées au bon moment pour moi.

Je vous souhaite une bonne lecture...


5. Allers-retours intrigants

Encore ce maudit rêve. Ça faisait pourtant plusieurs semaines qu'il ne l'avait plus fait. Une partie de lui s'était même mise à espérer qu'il pourrait peut-être tout simplement oublier. Mais non... Le rêve – le cauchemar plutôt – était revenu. C'était sans doute normal. Après tout, on ne pouvait pas oublier si facilement qu'on avait du sang sur les mains... Les yeux grands ouverts, fixement tournés vers son plafond aux couleurs délavées, Shizuo tentait de ne pas céder à la colère. Il ne voulait plus revoir ces images. Surtout que cette fois-ci, le cauchemar avait été légèrement différent. Il avait vu, au-delà des mots fourbes d'Izaya, un simple homme qui avait peur. C'était forcément son imagination qui avait modifié ses souvenirs, parce que Shizuo était persuadé qu'Izaya n'avait jamais eu peur ce soir-là. Au contraire, il l'avait même regardé droit dans les yeux quand il avait eu l'audace de lui demander de l'achever. Et pourtant, cette nuit, Shizuo avait juste eu l'impression que son regard disait plutôt: "Ne fais pas ça."

Soupirant, il passa une main sur son visage et regarda son réveil: il était six heures du matin. Ça ne servait à rien d'essayer de se rendormir. Résigné, il sortit alors de son lit et alla nourrir Shiroi – qui n'attendait que ça – avant d'aller à la salle de bain. Alors que ces derniers jours, il avait toujours un peu de mal à émerger, ce ne fut pas le cas ce matin. Ce rêve avait eu le même effet qu'une douche froide. S'habillant rapidement, il décida ensuite d'aller promener Shiroi avant d'aller au travail, puisqu'il était en avance. Son chien faisait d'ailleurs beaucoup de progrès. Bien qu'il restait encore sur ses gardes, il semblait avoir confiance en Shizuo et le laissait faire plus de choses qu'avant. Il faudrait encore du temps bien sûr, mais l'ancien barman avait bon espoir de le voir récupérer complètement...

Les rues d'Ikebukuro étaient encore calmes à cette heure matinale. Certains employés se dirigeaient d'un pas tranquille vers le travail, alors que les lycéens n'étaient pas encore de sortie. Shizuo aimait se promener le matin, c'était même le moment qu'il préférait de la journée. Il n'y avait pas encore d'agitation, ni aucun bruit qui puisse le déranger. Il pouvait donc profiter de ce moment avec Shiroi sans aucun stress.

Alors qu'il se dirigeait vers le parc, il aperçut au loin la moto de Celty. Il voulut lui faire signe, mais elle ne regarda pas dans sa direction et tourna rapidement sur la droite, Shinra assis derrière elle. Shizuo s'étonna un instant de les voir partir tous les deux si tôt, mais ses pensées dérivèrent rapidement sur autre chose. Comme il n'y avait personne dans le parc, il détacha la laisse de Shiroi pour qu'il puisse courir, mais ce dernier resta résolument auprès de Shizuo. Le blond se demandait quand même parfois s'il s'y prenait de la bonne façon. Il devrait peut-être demander conseil au vétérinaire dont Shinra lui avait parlé...

Le reste de la journée se déroula alors de la même façon que les autres jours: après la promenade, Shizuo partit travailler. Aucun client ne le mit spécialement en rogne. Il y en eut bien un qui le chercha clairement, mais Shizuo s'étonna lui-même du calme avec lequel il régla la situation. Certes, il avait envoyé ce type valser dans les airs, mais il avait su contrôler sa force. De ce fait, il ne lui cassa même pas un bras. Après le boulot, il alla boire un verre avec Tom où il eut des nouvelles de Vorona. Dans le fond, il n'était pas étonné qu'elle et Tom soient toujours en contact. Dès le départ, il avait eu l'impression qu'ils s'appréciaient plutôt bien. Quand il rentra enfin chez lui, il était plus de dix-neuf heures. Il sortit à nouveau Shiroi, en profita pour manger à l'extérieur avant de retourner pour de bon à son appartement où il envoya un message à son frère pour savoir comment il allait tout en regardant un film d'action. C'était son nouveau quotidien. Et il s'était installé dans la vie de Shizuo sans même qu'il ne s'en rende spécialement compte.

Tout allait bien. Il avait toujours de la rage en lui bien sûr, mais cette colère-là, il pouvait la contrôler, il pouvait l'accepter. Il avait donc réussi à trouver une certaine paix. Il n'était plus seul. Et Kasuka, qui était la personne la plus importante pour lui, avait une vie épanouie et heureuse. Alors oui, on pouvait dire que tout allait bien pour Shizuo. Mais il avait toujours un mais...

Ce "mais", c'était ses cauchemars. Ce "mais", c'était surtout son absence. Il avait pourtant cru pouvoir faire avec ces derniers temps. L'arrivée de Shiroi et le fait de devenir bientôt oncle lui avaient complètement occupé l'esprit. Mais ça n'avait pas duré. La pensée d'Izaya revenait s'infiltrer à nouveau dans sa tête. Et Shizuo commençait à comprendre que son problème n'était pas uniquement lié à sa culpabilité (bien que l'idée d'avoir peut-être tué quelqu'un lui était toujours aussi insupportable). Parce qu'il avait à présent la vie dont il avait toujours rêvé, à peu de choses près. Et pourtant, il ressentait un manque, comme une sorte de picotement dans tout son corps. Il avait envie de ressentir à nouveau un sentiment bien précis, mais ce n'était pas cohérent... Il ne devrait pas avoir ce manque en lui. Parce que vivre en paix était tout ce qui avait toujours compté pour lui...

Il avait d'ailleurs tout fait pour passer à autre chose, mais ça semblait impossible désormais. Le manque et la culpabilité avait grandi d'une telle manière qu'il lui était désormais impossible de les nier. Ne pas savoir si le brun était mort ou non lui pesait de plus en plus. Et ce fut sans doute à ce moment-là que Shizuo comprit réellement qu'il serait toujours lié à Izaya, sans pouvoir profiter de sa propre vie, tant qu'il resterait dans l'incertitude. Il n'en pouvait plus. S'il avait su tenir jusqu'ici, c'était parce que son existence n'en valait pas vraiment la peine. Il estimait même qu'il méritait cette punition. Mais maintenant, la donne avait changé. Il avait Shiroi, Kasuka allait avoir un enfant et lui-même nourrissait des perspectives d'avenir différent. Pour la première fois depuis bien longtemps, il avait réellement envie d'avancer, de se donner une nouvelle chance. Il y avait déjà pensé avant bien sûr, mais ce sentiment n'avait jamais été aussi fort que ce soir. Peut-être parce que, maintenant, avec toutes les bonnes choses qui lui arrivaient, il sentait que c'est vraiment possible. Alors, il était plus que temps pour lui d'effacer cette incertitude. Cependant, il ne savait pas comment s'y prendre...

Comment savoir si Izaya était en vie ou non? À sa connaissance, personne n'avait la réponse à cette question. Il ne fallait certainement pas compter sur Izaya lui-même pour venir le rassurer... Même si... Le brun n'avait jamais réussi à le laisser tranquille bien longtemps. Serait-il possible qu'il se soit approché de lui sans que Shizuo ne s'en aperçoive? Et même si c'était le cas, le fait qu'Izaya soit vivant serait-il suffisant pour combler ce manque qu'il ressentait? Pensif, il y réfléchit une bonne partie de la nuit, avant de s'endormir sur son divan, sans même s'en rendre compte, la télévision toujours allumée...

Le lendemain, il ne savait toujours pas comment se débarrasser de ces pensées indésirables concernant l'informateur. Mais il y eut l'occasion d'y voir plus clair lorsque l'après-midi prit fin. Alors qu'il marchait tranquillement avec Shiroi dans la rue après son travail, il vit de nouveau Celty. Elle était seule cette fois-ci et quand elle le vit, elle se dirigea tout de suite dans sa direction. Elle s'arrêta juste devant lui et descendit de sa moto pour le saluer.

« Ça fait longtemps qu'on ne s'est plus parlé, remarqua alors Shizuo. Tu as beaucoup de boulot? Je t'ai vu quitter le quartier assez tôt hier.

Oui.. »

Elle sembla hésiter un moment, ce qui étonna Shizuo, avant de reprendre.

« Shinra a un nouveau client qui est en dehors de la ville et il aime que je lui serve de chauffeur... »

Sur ces mots, elle haussa les épaules, comme pour signifier que ça lui était égal, avant de reprendre rapidement, coupant, par la même occasion, Shizuo qui s'apprêtait à commenter ce qu'elle venait de dire:

« Ton chien est adorable. Avec ce que Shinra m'avait dit, je m'attendais à autre chose. Il n'est pas du tout agressif. »

Shizuo se rendit alors compte qu'en effet, pour une fois, Shiroi restait calme à l'approche d'un inconnu. Celty s'abaissa ensuite à sa hauteur et le caressa sur le haut de sa tête. Shiroi ne bougea pas, mais lança de fréquents regards à Shizuo, comme pour s'assurer qu'il n'y avait pas de danger.

« On dirait qu'il t'apprécie. Pas comme avec Shinra.

Les animaux doivent sentir que ce n'est pas quelqu'un de bien, rigola gentiment Celty tout en se redressant.

— Sûrement, grogna le blond. J'ai rarement vu un type aussi louche. Il a surtout le don de s'entourer de n'importe qui, en dehors de toi bien sûr. Alors fais gaffe. J'espère que ce nouveau client ne t'apportera pas d'ennui. »

Il sortit une cigarette et tira dessus, tout en regardant fixement Celty. Sans trop savoir pourquoi, il avait un mauvais pressentiment. Peut-être parce qu'il trouvait l'attitude de la Dullahan étrange. Il ne savait pas vraiment se l'expliquer, mais c'était ce qu'il ressentait. Elle avait l'air un peu nerveuse. D'ailleurs, elle sembla à nouveau hésiter un moment avant de lui répondre.

« Non, ça ira, le rassura Celty. Je me contente juste de le conduire. Et puis, il sait ce qu'il fait, malgré les apparences. Et sinon, comment ça se passe pour toi ? »

C'était la deuxième fois qu'elle changeait délibérément de sujet, Shizuo en était sûr. C'était bizarre. En plus, son attitude était clairement distante... Qu'est-ce qui se passait au juste ? Il fut tenter de lui poser la question mais, après une courte réflexion, il décida plutôt de ne pas insister. Après tout, Celty avait le droit d'avoir ses secrets. Et si elle ne voulait pas lui en parler, c'était qu'elle devait avoir une bonne raison. De toute façon, si ça tournait mal, elle savait qu'elle pouvait compter sur lui.

« Ça se passe bien, répondit-il alors. Même un peu trop bien. »

Il tira à nouveau sur sa cigarette alors que son regard s'attarda sur Shiroi qui venait de se coucher à ses pieds. Celty n'écrivit rien, attendant juste qu'il reprenne la parole. C'était sans doute pour ça qu'il avait toujours aimé se confier à elle. Elle savait écouter sans juger, sans donner inutilement son avis. Même si elle n'était pas humaine, elle semblait comprendre bien mieux qu'eux les sentiments. Soupirant, Shizuo décida de lui sortir tout ce qu'il avait sur la conscience. Il en avait bien besoin. Et peut-être qu'elle, elle arriverait à y voir plus clair.

« Je crois que je m'ennuie un peu de cette vie trop calme. »

Dès qu'il dit ces mots, il ricana. Il se rendait bien compte lui-même de l'absurdité de ses paroles. Et pourtant, elles étaient vraies. Ça ne l'étonnait qu'à moitié d'ailleurs. Parce qu'il avait toujours été incapable d'apprécier ce qu'il avait. Tout ce qu'il savait faire, en permanence, c'était de se plaindre sans jamais rien assumer de ses responsabilités.

« Au départ, je pensais que c'était juste la culpabilité qui m'empêchait d'avancer, reprit-il. Mais je vois bien qu'il y a autre chose maintenant. Et je me demande... Je me demande si quelqu'un qu'on hait plus que tout peut nous manquer. »

Cette phrase était sortie toute seule et pourtant, en la disant, il se rendit compte qu'elle trainait dans son esprit depuis plusieurs jours. Cette pensée l'obsédait. Et il avait terriblement besoin d'avoir l'avis de Celty. Cette dernière resta un moment les doigts suspendus au-dessus des touches avant de répondre:

« Tu l'as connu pendant dix ans. Il faisait partie de ta vie. Alors, j'imagine que c'est normal. Tu dois t'habituer à son absence.

— Mouais. Je ne sais pas trop. En général, on est plutôt content de se débarrasser d'un parasite, non ? Il me faisait tellement chier, putain. Mais, au moins, je ressentais cette adrénaline si particulière à chaque fois que je le voyais. Si seulement on avait pu rester au stade des courses-poursuites. C'était... amusant. Ouais, je peux le dire avec le recul. Et puis, ça me permettait de me défouler. Mais il a fallu qu'il aille trop loin. Putain, pourquoi a-t-il fallu qu'il me fasse accuser de meurtre ? Ça a toujours été son foutu problème. Il ne savait jamais quand il devait s'arrêter. »

Il respira profondément, avant de finir sa cigarette. Il la jeta ensuite négligemment au sol pour l'écraser. Il haïssait Izaya pour un tas de raisons. Et l'une d'elles était bien celle-là. Il aurait aimé que le brun reste dans son rôle d'emmerdeur lui permettant de relâcher sa colère sans crainte. C'était juste un jeu à ce moment-là. Shizuo le détestait et c'était très bien comme ça. Mais il avait fallu qu'Izaya transforme ce sentiment en haine féroce. Et dès lors, ce n'était plus un défouloir. C'était même tout l'inverse. Cette partie-là de leur relation ne lui manquait absolument pas. Mais merde, il avait parfois envie que ce foutu informateur se ramène pour qu'il puisse ressentir à nouveau cette adrénaline parcourir tout son corps, même s'il se rendait bien compte de l'absurdité de cette pensée.

« Je n'arrive pas à me l'enlever de la tête, avoua alors Shizuo. J'ai tout ce qu'il faut pourtant pour passer à autre chose, mais j'attends encore son retour. Parce qu'il est toujours revenu jusqu'ici, non ? Je crois même que j'ai envie d'avoir un signe de sa part. Pour m'assurer que je ne suis pas un meurtrier. Mais aussi pour voir ce que je ressentirai. Est-ce que la haine va encore me consommer complètement ? Ou est-ce que je vais réussir à me contrôler et à avoir le dessus sur Izaya pour une fois ? Ça en devient pathétique, Celty. J'en viens même à espérer que c'est lui qui m'a appelé l'autre jour.

De quoi tu parles ?

— C'est une connerie. J'ai reçu un coup de fil d'un numéro inconnu. Et quand j'ai décroché, l'autre personne est restée en ligne sans dire un mot. Je n'y ai pas fait attention au départ. Mais hier, en repensant à tout ça, je me suis dit: et si c'était lui ? Je sais, tu n'as pas besoin de me le dire, c'est ridicule.

Pas tant que ça...

— T'es sympa Celty, mais si, ça l'est. Je le hais tellement, tu sais. Ça n'a pas changé. Si je le revoyais, je suis sûr que j'aurai envie de l'écraser comme la vulgaire puce qu'il est. Rien que de parler de lui, ça me donne des démangeaisons dans les mains. Pourtant, je ne peux m'empêcher de trouver son absence anormale. »

Celty ne savait pas quoi répondre à ça. Le regard de Shizuo se perdit alors au loin. Il avait l'air préoccupé. La Dullahan se demandait s'il serait plus apaisé s'il apprenait que le fameux nouveau client de Shinra était Izaya.

« Mais s'il était mort, ce serait mieux pour toi, non ?

— Mieux ? Tu penses que ce serait mieux pour moi d'être un meurtrier ?

Non, non ! Ce n'est pas ce que je voulais dire.

— Ouais, je sais... »

Il respira profondément, essayant de faire partir toutes les tensions de son corps. Merde, il était complètement obsédé par ce putain d'Izaya. Même libéré de sa présence, il n'arrivait pas à l'oublier. Ça l'énervait. Non, c'était pire que ça. Ça le mettait dans une rage folle. Il voulait couper ce lien, l'arracher violemment. Mais pour ça, putain, il fallait bien qu'il le revoit. Cette logique lui paraissait implacable. Il n'y avait que de cette façon qu'il pourrait faire taire sa culpabilité. Quant au manque... Shizuo supposait qu'il finirait bien par partir de lui-même lorsqu'il arriverait à ne plus penser à cette sombre nuit où tout avait basculé. Il était persuadé que c'était l'incertitude concernant l'état d'Izaya qui le rendait nostalgique. Il voulait que le brun aille bien après tout. Comme à l'époque où ils essayaient de se faire mutuellement du mal sans que ça n'ait de réelles conséquences.

« J'ai envie de rappeler ce numéro inconnu, avoua-t-il alors. Au moins, je serai sûr.

... Je ne pense pas que ce soit une bonne idée... Je veux dire, si Izaya est en vie, ce n'est pas comme ça qu'il reprendrait contact. Tu vas juste faire le jeu d'un mauvais plaisantin.

— ... Ouais, c'est possible. Mais j'ai besoin de savoir, Celty. Et si un simple coup de fil peut me permettre de passer à autre chose, pourquoi j'hésiterais? »

Celty avait un mauvais pressentiment. Même si elle ne savait pas qui se cachait derrière ce numéro inconnu, il ne fallait pas prendre le risque que Shizuo tombe sur Izaya. D'après ce que lui avait dit Shinra, l'informateur n'était clairement pas prêt. Une confrontation avec Shizuo lui ferait sûrement plus de mal que de bien.

« Je te comprends Shizuo, je t'assure, mais tu risques surtout de tomber sur un répondeur. L'appeler ne te servirait à rien. Et je ne vois pas Izaya faire ça. Je veux dire, si c'était lui, je suis persuadée qu'il aurait continué à te harceler. Ici, c'est sûrement une simple erreur de numéro.

— … T'as raison. Désolé, ne fais pas attention à ce que je viens de dire. Je raconte que de la merde... »

Il avait bien conscience que son propre discours était totalement incohérent. Il respira alors à nouveau, avant de forcer un sourire sur son visage.

« Bon, je te laisse, sinon Shiroi n'aura pas fait assez d'exercices aujourd'hui.

Très bien. Et essaye de ne pas t'en faire avec tout ça, d'accord ? »

Shizuo acquiesça et s'éloigna, suivi de près par Shiroi. Celty les regarda un moment. Si ça ne tenait qu'à elle, elle lui aurait dit la vérité. Mais Shinra lui avait fait promettre de ne rien révéler à personne. Cependant, elle restait perplexe face aux paroles de Shizuo. La haine qu'il partageait avec Izaya avait toujours été disproportionnée. Il y avait clairement une obsession malsaine qui se cachait derrière ça. Celty avait pourtant toujours cru qu'elle venait uniquement d'Izaya, mais maintenant, il semblerait que Shizuo l'éprouve également. Oh, elle n'était pas comme Erika. Il fallait être fou pour imaginer un instant que ces deux-là ressentaient autre chose que de la haine l'un envers l'autre. Seulement, c'était plus complexe qu'il n'y paraissait. Ils avaient tous les deux besoin de passer à autre chose, mais après une décennie à se détruire mutuellement l'existence, ils ne savaient, visiblement, pas comment s'y prendre.

Celty appréciait Shizuo. Ce dernier avait ses défauts, bien sûr, et elle avait parfois du mal à le comprendre, mais c'était quelqu'un de bien qui méritait une vie tranquille. Quant à Izaya, il avait payé pour ses actes. Lui aussi avait le droit à un nouveau départ. Mais ils restaient obstinément accrochés l'un à l'autre, se détruisant même à distance. Elle s'était promis de rester en dehors de ça, mais elle était bien obligée de changer d'avis. Ces deux-là n'arriveraient à rien sans aide. Pour elle, il était évident qu'ils devaient tout mettre à plat, avant de pouvoir repartir chacun de leur côté sur de nouvelles bases. Et ils devaient se confronter l'un à l'autre une dernière fois pour y arriver. Mais pour ça, il allait falloir convaincre Izaya de revenir...

« Tu veux venir voir Izaya avec moi ? s'étonna Shinra quand elle fut de retour. Je pensais que tu voulais rester à l'écart.

J'aimerais lui parler de certaines choses, c'est tout.

— Eh bien, je n'ai rien contre. Surtout si tu pouvais m'aider à le faire revenir sur sa décision. Il accepte de me parler, mais dès que je mentionne la rééducation, il se renferme sur lui-même. Je me dis qu'il a peut-être besoin de temps, mais ça dure déjà depuis suffisamment longtemps.

Je suis d'accord avec toi. En fait, j'ai discuté avec Shizuo. Il est perturbé par toute cette histoire lui aussi.

— C'est pour ça que tu veux intervenir ?

En partie. J'aimerais surtout que tout ça se termine. »

Shinra acquiesça. C'était son souhait à lui aussi. Mais il ne voyait vraiment pas comment s'y prendre. Cela faisait plus d'une semaine maintenant qu'il faisait les trajets tous les jours jusqu'à Yokohama et il n'y avait toujours pas la moindre amélioration. Izaya s'obstinait à faire comme si tout allait bien. Alors, il était content que Celty l'accompagne cette fois-ci. Peut-être qu'elle trouverait une solution.

Quand ils arrivèrent chez l'informateur, personne ne répondit à la porte. Kine devait probablement travailler. Quant à Izaya, il était possible qu'il ne se donne même pas la peine de venir leur ouvrir. Heureusement, Shinra avait reçu un double des clés du détective privé. Ils entrèrent donc dans le hall, se déchaussèrent et allèrent retrouver Izaya qui était assis près de la grande baie vitrée. A leur arrivée, il tourna la tête vers eux et masqua rapidement sa surprise en apercevant Celty. Celle-ci s'approcha de lui.

« Bonjour Izaya, ça faisait longtemps.

— … C'est vrai. La dernière fois, tu avais retrouvé tes souvenirs et t'apprêtais à partir. Je me demande ce qui t'a poussé à rester avec Shinra.

Certaines choses échapperont toujours à ta compréhension. »

Izaya ricana. Il ne s'était pas attendu à ce que la Dullahan vienne le voir. Que lui voulait-elle ? Il doutait qu'elle soit là par simple charité. Mais étrangement, il ne ressentait aucune crainte à ses côtés. Peut-être parce qu'il se doutait qu'elle ne lui ferait jamais de mal tant qu'il ne touchait pas à Shinra. Celty avait cette aura bizarre qui parvenait à rassurer les gens autour d'elle.

« J'ai une question à te poser, reprit-elle. Et j'aimerais que tu sois honnête.

— Je suis toujours honnête, sourit-il.

Est-ce que tu as appelé Shizuo ? »

En lisant cette phrase, Izaya sentit son coeur rater un battement. Mais... qu'est-ce qu'elle racontait ? Pourquoi posait-elle cette question ? Non, non, c'était pire que ça... comment pouvait-elle savoir qu'il avait téléphoné à Shizuo ?

« Ça n'a pas de sens, Celty d'amour, répondit alors Shinra après avoir lu la question. Izaya ne ferait jamais ça... »

Shinra s'interrompit lui-même, comme s'il réalisait ce qu'il venait de dire. Il se tourna vers le brun et le fixa longuement, avant de soupirer.

« Izaya... Ne me dis pas que c'est vrai...

— ... C'était un simple coup de fil, juste pour vérifier quelque chose. Ça n'a même pas duré une minute.

— Pourquoi as-tu fait ça ? Je pensais que tu ne voulais plus avoir de contact avec Shizuo. »

Izaya ne répondit pas. Tout ça n'avait aucune importance. Les yeux rivés sur Celty, il sentit une horrible angoisse monter en lui.

« Il t'a dit quelque chose ? Il a ... deviné que c'était moi ?

Pas tout à fait. Il a un doute, mais ça s'arrête là.

— ... Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu lui as dit... ? parvint à articuler Izaya.

Que ce n'était pas toi, qu'il ne devait plus y penser. »

Izaya hocha la tête, raide. Il avait du mal à déglutir. Il sentait la panique monter en lui. Mais il ne devait pas craquer. Pas maintenant. Pas devant Shinra, à qui il tentait de faire croire que tout allait bien. Shizu-chan se doutait qu'il était derrière ça... Evidemment... Ça ne devrait même pas le surprendre. Shizuo se doutait toujours quand il faisait un mauvais coup. Alors, il reniflait encore son odeur, même à des kilomètres de distance...

De son côté, Celty regarda longuement l'informateur. Elle ne l'avait plus vu depuis ces deux dernières années et, malgré tout ce que lui avait révélé Shinra, elle était surprise de le voir comme ça. Si éloigné de l'image qu'elle avait gardé de lui. Elle se sentit mal. Ce qui ne fit que renforcer son envie de faire quelque chose pour les aider tous les deux. Izaya... Ah, Izaya avait fait tellement de mal autour de lui, Celty avait d'ailleurs été très sévère avec lui ces derniers temps. Mais maintenant qu'elle le voyait enfin, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ne méritait pas ça. Il avait eu l'air terrorisé quand elle avait mentionné Shizuo. Et elle le voyait trembler à présent. Il n'avait même pas l'air de s'en rendre compte... Doucement, elle posa alors une de ses mains sur son bras et capta son attention. Ses yeux étaient larges et bien trop expressifs.

« Ne t'en fais pas, Izaya. Shizuo n'était pas fâché. Il ne veut pas te faire du mal. Tant que tu ne le cherches pas, il ne viendra pas vers toi.»

Izaya lut plusieurs fois ces mots, jusqu'à ce qu'ils s'imprègnent dans son esprit. Pouvait-il la croire ? Peut-être... Ce ne serait pas si étonnant que ça... Shizuo l'avait jeté loin de lui, après tout. Il l'avait rejeté avec violence et sans aucun retour en arrière possible...

« Tu le laisses avoir trop d'emprise sur toi, écrivit alors Celty, bien décidée à lui donner cet électrochoc dont il avait bien besoin. Oublie-le un peu et concentre-toi sur le plus important. Tu ne comptes quand même pas rester dans ce fauteuil roulant toute ta vie, si ?»

Izaya la regarda un moment, sans trop savoir quoi répondre. Il savait bien qu'elle voulait le bousculer. Et il savait bien également qu'il y avait une grande part de vérité dans ce qu'elle disait, mais il y avait toujours un mais...

« ... Ça ne te regarde pas, Celty. Ne te mêle pas de mes affaires. Shinra et toi, vous êtes pareils dans le fond. Pourquoi vous venez encore me voir, hmm ? Je suis sûr que c'est pour Shizu-chan. C'est lui que vous voulez aider. Tout ce que vous souhaitez, c'est vous assurer que je reste loin d'Ikebukuro pour que je ne vienne plus jamais troubler le repos du monstre.

— Izaya, arrête, tu sais que c'est faux, répliqua Shinra.

— Ha ha, mais bien sûr ! C'est vrai que j'invente n'importe quoi, comme toujours. Ce n'est pas comme si vous aviez clairement affiché votre préférence. Ah mais si, je suis bête, c'est ce que vous n'avez pas cessé de faire depuis le début. »

Shinra voulut répondre, mais Celty l'en empêcha, secouant la tête. Izaya se braquait, ça ne servait à rien de continuer. Dépité, Shinra préféra laisser tomber. Il se demandait même s'il ne faisait pas plus de mal que de bien en restant sans cesse à ses côtés sans broncher. Il allait devoir agir autrement en tout cas, parce qu'il n'en pouvait plus de tout ça.

« Je pensais que tu aimais que je vienne tous les jours, mais visiblement ce n'est pas le cas, soupira-t-il. Je ne veux pas te forcer. Tu n'as pas arrêté de me dire que tu voulais tourner la page et je ne t'ai pas écouté. Je vais arrêter d'être égoïste. Prends soin de toi, Izaya. »

Il amorça un mouvement dans sa direction, mais finit par changer d'avis et quitta la pièce, rapidement suivi par Celty. Une fois dehors, cette dernière s'adressa immédiatement à lui.

« Pourquoi as-tu dit ça ? Il va croire que tu le laisses tomber.

— Celty, répondit Shinra d'un ton grave, je ne peux pas continuer comme ça. Ce n'est pas en acceptant ses reproches et son refus d'avancer que je vais l'aider. Ce serait pourtant plus simple de le laisser se complaire dans ses problèmes et de passer pour l'ami dévoué qui l'écoute sans le bousculer. Mais ce n'est pas ce genre de personne que je veux être.

Tu essayes de le manipuler alors ?

— Non, je veux juste lui faire comprendre qu'il fait n'importe quoi et que je ne peux pas accepter ça. Je vais le laisser réfléchir de son côté et on verra bien ce que ça donnera... Je n'en sais rien, Celty, j'essaye juste de nouvelles méthodes...

Je comprends. Tu as raison. Il vaut peut-être mieux que tu t'éloignes un peu. »

Shinra acquiesça. Cette façon de faire ne lui plaisait que moyennement, mais ça valait le coup d'essayer malgré tout...

Deux semaines passèrent alors. Rien ne semblait changer. C'était comme si le temps s'était figé. Seuls les sentiments négatifs n'avaient fait qu'accroitre. Izaya était furieux contre Shinra qui ne venait plus le voir (mais il était hors de question qu'il fasse le premier pas). Shinra était en colère contre Izaya qui se montrait horriblement têtu comme à son habitude (mais il l'était plus que lui). Et Shizuo était fâché contre lui-même de penser de plus en plus à la puce depuis sa conversation avec Celty (mais il ne l'avouerait jamais à personne). Seule la Dullahan semblait garder son calme. La situation échappait complètement à son contrôle, mais elle ne baissait pas les bras pour autant. Si elle était d'accord avec la méthode de Shinra, elle pensait qu'elle, elle pourrait peut-être passer à l'action malgré tout. Elle commença alors à se rendre seule à Yokohama, avec l'accord de Shinra qui espérait qu'elle serait plus efficace que lui. La plupart du temps, Izaya restait muet. Mais elle préférait ça aux fois où il se montrait carrément odieux, affichant son sourire hypocrite.

« Qu'attends-tu de moi à la fin ? demanda Izaya à la cinquième visite. Des remerciements ?

... Des remerciements ? Pourquoi je voudrais avoir des remerciements de ta part ?

— ... Tu m'as sauvé la vie. Sans toi, je me serais vidé de mon sang. Mais j'imagine que tu as fait ça pour empêcher que Shizu-chan devienne un meurtrier, n'est-ce pas ?

Ce n'est pourtant pas lui qui t'a poignardé. Et avant que tu émettes d'autres hypothèses, je n'ai sûrement pas fait ça pour Vorona. Je la connais à peine.»

Izaya resta un moment silencieux. Il le savait. Au fond de lui, il savait très bien pourquoi Celty l'avait sauvé. Et ça n'avait rien avoir avec Vorona, encore moins avec Shizuo. Mais il préférait rester de mauvaise foi.

« ... Pourquoi ne fais-tu pas comme Shinra ? Son absence me fait beaucoup de bien.

Je peux agir sans lui. Je fais juste ce qui me semble le mieux.

— Alors... Tu reviendras demain ?

Bien sûr.»

Izaya n'ajouta rien. Cependant, il sembla un peu plus apaisé. Si elle avait pu, Celty aurait souri. Elle avait l'impression d'avoir réussi à percer un peu la carapace du brun.

Elle continua donc d'aller le voir tous les jours, sous les encouragements de Shinra. Mais les déplacements de Celty ne passèrent pas inaperçus. Shizuo la vit quitter la ville plusieurs fois. Et ça l'intriguait. Elle prenait à chaque fois la même direction qu'elle avait suivi avec Shinra. Allait-elle voir son client sans lui ? Ce serait plus qu'étrange. Il savait qu'il ne devait pas s'en mêler, mais quelque chose le dérangeait. Comme si son sixième sens essayait de lui faire passer un message. Et il ne cessait de repenser à l'attitude étrange qu'elle avait eu avec lui lors de leur dernière conversation... Ce n'était pas ses affaires, il le savait. Pourtant, quand il la vit partir une nouvelle fois, ses pas le menèrent presque naturellement vers l'appartement de Shinra.

Il ne savait pas très bien ce qui le guidait. Il sentait juste que quelque chose clochait. C'était le même sentiment qu'il avait lorsque, avant, il pressentait qu'Izaya était derrière un sale coup, alors même que rien ne l'indiquait. Si Celty avait des ennuies, il voulait le savoir.

« Ah c'est toi ? le salua Shinra lorsqu'il lui ouvrit la porte. J'espère que tu ne viens pas encore pour un problème avec ton chien.

— Non, ce n'est pas ça.

— Bien alors, tu peux rentrer. »

Il s'effaça pour le laisser pénétrer dans l'appartement. Une fois face à face, Shizuo se lança sans préambule.

« Qu'est-ce qui se passe avec Celty ?

— ... Hein ? De quoi tu parles ? s'étonna Shinra.

— Je la vois presque tous les soirs partir de la ville. C'est pas dans ses habitudes.

— Tu la surveilles ? demanda le brun, appréciant très peu l'intrusion de Shizuo dans la vie privée de sa compagne.

— Bien sûr que non, idiot ! grogna aussitôt l'ancien barman. Je l'ai remarqué par hasard. Et elle avait l'air bizarre la dernière fois que je lui ai parlé. S'il y a quelque chose qui ne va pas, dis le moi et je le règlerai.

— ... Qu'est-ce que tu racontes, Shizuo ? Tout va très bien... Celty... Celty effectue juste un petit travail pour moi... Ce n'est rien... »

Mais il avait l'air étrangement fuyant. Un peu comme Celty l'autre fois. Peut-être que Shizuo se faisait des idées, mais il avait très clairement l'impression qu'on lui cachait quelque chose. Et il ne voyait qu'une chose qu'on pourrait avoir envie de lui cacher. Essayant de retenir son calme, il demanda alors:

« Ça concerne Izaya ? »

Shinra lui lança un regard étrangement impassible. Difficile donc de savoir ce qu'il pensait de cette question.

« Non, ça ne concerne pas Izaya, répondit alors Shinra. Je n'ai pas de nouvelle de lui depuis deux ans et je ne pense pas que ça va changer un jour.

— Bien... Alors, je me fais de fausses idées ?

— Oui. Celty est juste allée porter des médicaments pour moi. Il n'y a rien d'autre. D'accord ?

— D'accord. »

Shizuo ne savait plus quoi penser. Mais il se sentit rapidement stupide. Il était venu accuser son ami pour rien. Pire, il avait clairement donné l'impression de surveiller les allers-venues de sa compagne. Mais qu'est-ce qui n'allait pas chez lui ? Toute cette histoire commençait à le rendre dingue. Ça devenait pire que l'obsession (c'était possible ça?). Il n'aurait peut-être pas dû parler de tout ça avec Celty. Mettre des mots sur ses inquiétudes n'avait fait que les renforcer. S'il savait les glisser dans un coin de sa tête avant, c'était désormais foutu.

« Oublie ça, grogna-t-il alors. Mais fais quand même gaffe à ne pas mêler Celty à n'importe qui.

— Hé ! s'offusqua Shinra. Je ne mettrais jamais ma Celty d'amour en danger ! »

Shizuo ne répondit pas, plus préoccupé par son propre comportement que par le fait d'avoir vexé son ami. Il fallait qu'il fasse quelque chose... Ce n'était vraiment plus possible. En plus, pourquoi Izaya revenait-il le hanter juste au moment où tout allait bien pour lui ? A moins que ce ne soit justement parce que tout allait bien que Shizuo cherchait, inconsciemment, une raison pour ne pas profiter de ce bonheur. Il n'était pas trop fan de ces raccourcis psychologique d'habitude, mais là, il devait bien reconnaitre que son attitude ressemblait beaucoup à ça...

Face à lui, Shinra pensait étrangement à la même chose. Ces deux amis avaient toujours eu un comportement auto-destructeur, mais jamais il n'aurait cru que ça irait jusque-là. Il comprenait maintenant les paroles de Celty. Il fallait que ces deux-là se retrouvent. Au départ, il n'en avait pas été persuadé (surtout pour Izaya qui semblait vivre un stress post-traumatique important). Mais maintenant, il en venait à se demander si l'électrochoc dont avait besoin Izaya pour accepter enfin de se soigner et donc de passer à autre chose ne devrait pas venir directement de Shizuo. De même, voir de ses propres yeux que l'informateur était toujours en vie et continuait à mener son existence comme avant devrait permettre à Shizuo de se détacher du passé. Ils s'auto-détruisaient à cause de l'autre. Leur relation réglée et mise de côté, peut-être qu'ils pourraient enfin montrer le meilleur d'eux-même. Oui... Enfin, ça, c'était la théorie... Dans la pratique, il ne voyait absolument pas comment il pourrait les forcer à se revoir... Ce serait sans doute plus facile d'amener Shizuo à faire le premier pas, mais comment le faire sans trahir la confiance d'Izaya ? A moins que...

« Tu as l'air de penser beaucoup à Izaya ces derniers jours, lâcha-t-il alors mine de rien.

— Quoi ?! s'énerva aussitôt Shizuo.

— Celty m'a parlé de votre dernière conversation... Ah ne lui en veux pas, elle aussi s'inquiète pour toi.

— Ouais, grogna le blond plutôt mécontent. Elle t'a dit pour le coup de téléphone, c'est ça ? Elle n'a pas à s'en faire, je sais bien que c'est n'importe quoi. J'ai dit ça sans vraiment réfléchir. »

Shinra dût user de tout son self-control pour ne pas afficher un large sourire. Shizuo parlait de lui-même de ce coup de fil, parfait !

« Je ne pense pas que ce soit n'importe quoi, tu sais. C'est normal que ça te travaille. Après tout, c'est bien le genre d'Izaya de faire ça... Avant en tout cas.

— ... Tu crois que ça pourrait être lui ?

— Franchement ? Non, répondit Shinra. Mais je comprends que tu le crois toi. A ta place, je le rappellerai. Tu as envie d'apaiser tes doutes et c'est bien normal. J'en ferais sûrement de même à ta place. Et puis, qu'est-ce que tu risques ? Au moins, ça te soulagera peut-être d'un poids. »

Shizuo le regarda longuement. Il tenait le discours tout à fait inverse de celui de Celty... Pourtant, c'était peut-être exactement ce qu'il avait besoin d'entendre. Quelqu'un approuvait enfin ses idées. Ça passait moins pour de l'obsession si une autre personne aurait fait la même chose à sa place, non ?

« Après, tu fais ce que tu veux, bien entendu. Mais franchement, à quoi ça sert de continuer à te prendre la tête alors que tu peux régler ça en quelques secondes? »

En disant ces mots, Shinra s'excusa mentalement auprès d'Izaya. Il était désolé d'avance si ça avait de mauvaises répercussions, mais il savait aussi qu'il était plus que temps qu'il utilise la manière forte. Izaya ne lui laissait pas d'autres choix désormais.

« T'as raison. Je vais l'appeler. »

Quelques minutes plus tard, Shizuo se retrouva donc dans la rue, les yeux rivés sur son téléphone, une cigarette dans la bouche. Il avait pris sa décision, il n'était plus qu'à un geste de lancer la sonnerie, mais quelque chose le retenait. Merde, il ne s'était jamais senti nerveux comme ça. Que faire si Izaya décrochait ? Putain, il n'en pouvait plus de toutes ces questions ridicules qui lui parasitaient le cerveau. Respirant fortement, il appuya sur le bouton et approcha le téléphone de son oreille.

Alors que la sonnerie commença à résonner, à plusieurs kilomètres de là, Izaya s'était entièrement figé. Le regard braqué sur son téléphone, il n'arrivait pas à croire ce qu'il lisait. Ces chiffres... Il reconnaissait sans peine le numéro de Shizu-chan. Mais... pourquoi ? Celty ne lui avait-elle pas assuré qu'il n'avait pas de vrais soupçons ? Et qu'il ne reviendrait pas vers lui si lui-même le laissait tranquille ? Complètement paralysé, Izaya ne pouvait faire qu'observer, avec effroi, l'écran. Pitié, faites que ça s'arrête... Le temps lui parut durer une éternité. La respiration bloquée, les yeux largement ouverts, il ressentit un léger apaisement lorsque la sonnerie s'arrêta. Mais il resta encore tendu, sur ses gardes. Les minutes semblèrent alors défiler. Le coeur d'Izaya battait de plus en plus vite, mais il ne se passait toujours rien. Il se relâcha alors un peu quand son téléphone vibra. La tension revint immédiatement se loger dans sa colonne vertébrale. D'une main tremblante, il attrapa son appareil et vit, avec horreur, qu'il avait un message vocal.

Il sentit littéralement l'angoisse monter le long de son dos. Son corps le fit souffrir encore plus que d'habitude. Il ne devait pas écouter ce message. Mais en même temps, il savait qu'il le ferait. Il ne pouvait pas passer à côté de ça, il devait savoir ce que Shizuo lui avait dit... Il devait au moins s'assurer que le blond n'était pas totalement convaincu que ce numéro lui appartienne. Il était bien trop paniqué que pour ne pas écouter son message.

Ses doigts n'avaient jamais autant tremblé lorsqu'il appuya sur le bouton d'appel. Lentement, il amena le téléphone contre son oreille et retint son souffle alors que la voix de Shizuo s'éleva.

« Messagerie hein? grogna-t-il. J'aurais dû m'en douter. Qui que tu sois, t'es sûrement trop lâche pour me répondre. Ouais... (Izaya l'entendit très clairement inspirer la fumée de sa cigarette avant de reprendre). Si t'es juste un petit crétin qui s'est trompé de numéro ou qui voulait faire une blague stupide, prends pas la peine d'écouter la suite. Ne m'appelle juste plus jamais... Par contre, si c'est toi, Izaya... Putain, tu ne peux pas t'empêcher de me faire chier jusqu'au bout, hein ?! »

Izaya tressaillit en entendant sa colère. Ses mains, accrochées à son téléphone, ne semblaient pas pouvoir s'en décoller. Il était comme figé.

« Je suis sûr que ça t'amuse que je te rappelle. T'as réussi ton coup, hein ? Je sens toujours ton odeur de merde quand tu te rapproches trop ! T'aimes ça, me faire douter sur ta mort ? Tordu comme tu es, ouais, tu prends sûrement ton pied. Putain, pourquoi est-ce que je fais ça... ? »

Shizuo fuma longuement alors qu'Izaya sentait son coeur battre de plus en plus fort.

« T'es comme un zombie, tu sais ça ? Peu importe ce qu'on te fait, tu reviens toujours. Rien ne t'atteint jamais. Tu m'a gâché la vie juste pour passer le temps. Je te hais ! Et t'as pas intérêt à revenir à Ikebukuro, I-za-ya ! »

Le brun se tendit. Cette façon qu'avait Shizuo de détacher les syllabes de son prénom le mettait mal à l'aise. Il faisait toujours ça avant, juste quand il s'apprêtait à l'attaquer. Le silence se fit alors et Izaya se demanda si c'était la fin du message, mais la voix du blond finit par se faire à nouveau entendre.

« Rien que t'imaginer écouter ce message, ça me met en colère. Je ne veux plus jamais penser à toi. Je ne veux plus jamais sentir cette rage en moi à cause de toi. Pourtant, ce qui s'est passé ce soir-là... Ouais, c'était pas vraiment ce que je voulais, mais t'es allé beaucoup trop loin ! J'espère que t'as compris cette fois-ci et que t'arrêteras de venir me faire chier. T'es qu'une puce insignifiante que je me ferai un plaisir d'écraser s'il le faut, c'est clair ?! »

Izaya entendit alors un bruit sourd, comme si Shizuo avait frappé un mur, et sentit aussitôt son souffle se bloquer. La crise de panique, qu'il tentait vainement de réprimer, semblait gagner en importance. Il avait de plus en plus de mal à respirer.

« Ecoute, reprit Shizuo d'un ton qu'il forçait à être plus calme, ce message sera le dernier de ma part. Comme je te l'ai dit, je ne veux plus avoir affaire à toi. Mais... putain, Izaya... si t'as la moindre conscience... envoie-moi juste un message pour me dire que tu vas bien. C'est la seule chose à faire pour que cette foutue histoire soit derrière moi... Mais bon, je doute que tu sois capable d'un tel geste... Putain, je perds vraiment mon temps. C'est n'importe quoi. »

Le message s'arrêta alors brutalement et le silence envahit la pièce de toute sa lourdeur...

A des kilomètres de distance l'un de l'autre, Shizuo et Izaya n'avaient pourtant jamais été aussi proches. Finissant nerveusement sa cigarette, Shizuo ne cessait de regarder son téléphone. Dis-moi que tu es encore vie. Dis-moi que je ne suis pas un assassin. Izaya, quant à lui, n'arrivait pas à sortir de sa léthargie. Ses doigts ne lui avaient jamais semblé aussi lourds alors qu'il se demandait ce qu'il devait faire. Il entendit vaguement les pas de Kine dans le couloir. Il aurait voulu l'appeler, mais sa voix s'était bloquée dans sa gorge. Malgré la terreur qu'il ressentait, il se força à réfléchir. Il ne comprenait pas la dernière partie du message de Shizuo. Tout le reste avait été la haine habituelle. Et bien que terrifiante, c'était une réaction qu'il pouvait comprendre. Mais ça... Pourquoi Shizuo voulait-il savoir s'il était toujours en vie ? Etait-ce une ruse ? Non, ça ne ressemblait pas à Shizu-chan. Serait-ce possible qu'il culpabilise à l'idée d'avoir tué quelqu'un, même son pire ennemi ? Faisait-il lui aussi des cauchemars toutes les nuits ? Souhaitait-il, comme lui, que cette soirée-là n'ait jamais existé?

Les mains tremblantes et la respiration toujours difficile, il se força alors à écrire: " Je suis en vie. Je vais bien... » mais il s'arrêta. Il ne pouvait pas faire ça... La terreur remplit à nouveau tout son corps et l'empêcha de faire le moindre geste. Reprendre contact avec Shizuo, même pour un simple message, était au-dessus de ses forces. Il ne pouvait s'empêcher de se dire que c'était un piège. Et même si ce n'était pas son but premier, que faire si Shizuo changeait d'avis et décidait, sur un coup de tête, de venir le tuer ? Il ne pouvait pas lui faire confiance... Il ne pouvait pas passer au-dessus de sa peur... Alors, il fit la seule chose qui lui semblait raisonnable: il laissa retomber son téléphone sur la table, comme s'il lui avait brûlé les doigts, et s'en éloigna, le souffle court, pour éviter toute tentation...


Merci pour votre lecture. J'espère que ça vous a plu. Shizuo et Izaya se rapprochent doucement, mais sûrement.

A suivre: Arrête de suivre sans cesse

A bientôt...