Bonsoir. Vraiment désolée pour ce retard. Je vais tout faire pour avoir des publications régulières à partir de maintenant. Concernant ce chapitre, il n'a pas été facile à écrire, mais il marque un tournant important dans l'histoire. J'espère donc qu'il vous plaira!

Je vous souhaite une bonne lecture...


6. Arrête de fuir sans cesse

A peine de retour à la maison, Izaya s'était laissé tomber avec joie sur son divan, plus que soulagé d'enfin quitter son fauteuil roulant. Il était sorti voir un nouveau client et le trajet avait bien duré une bonne demie-heure. Son corps lui faisait mal. Ça ne l'étonnait même pas. Ces derniers jours, ses blessures le faisaient de plus en plus souffrir. Il n'en avait pas parlé à Kine, il connaissait d'avance sa réponse. Et lui-même finissait par douter. Il ne pouvait pas ignorer la coïncidence. Etrangement, il avait commencé à aller plus mal après l'appel de Shizuo... Ça faisait une semaine maintenant... Une semaine que Shizu-chan l'avait appelé. Et ce dernier avait tenu sa parole. Depuis, il n'avait donné aucune autre nouvelle. Le blond avait-il définitivement tourné la page? Izaya n'en avait aucune idée. Mais même si c'était le cas, il n'arrivait plus à se sentir aussi à l'aise qu'avant dans cette maison...

S'il avait acheté cet endroit sans hésiter, c'était parce qu'il s'était tout de suite senti bien dedans, comme à l'abri de tout danger. Il avait alors eu l'impression qu'il pourrait reprendre sa vie en main ici. Mais cette sensation commençait à disparaitre. Shinra, Celty et probablement Shiki savaient où il vivait maintenant. Et Shizu-chan n'était pas loin de le découvrir lui aussi. Il suffirait qu'il fasse le rapprochement entre les déplacements de Shinra et Izaya. Ça devenait donc trop dangereux de rester ici... Mais il n'y avait pas que ça qui le faisait se sentir mal...

L'appel de Shizuo avait fait remonter en lui de drôles de sensations qu'il n'arrivait pas à comprendre. En effet, comment expliquer que malgré sa peur, une part de lui avait à nouveau envie de courir dans les rues d'Ikebukuro tout en étant pourchassé par l'homme aux cheveux blonds? Ça n'avait aucun sens... Et pourtant, il se sentait nostalgique. Nostalgique d'une époque où il ne craignait pas encore Shizu-chan... Depuis qu'il avait entendu à nouveau la voix de l'ancien barman, il n'arrivait plus à faire semblant. Se mentir à soi-même devenait de plus en plus dur. C'était comme si la réalité lui avait été imposée de force. Sa vie était d'un pathétique. Il restait cloué dans un fauteuil roulant, continuant ses affaires comme avant, mais... plus rien n'était comme avant. Tout ça, ce n'était que de la mauvaise comédie. Il essayait encore de jouer son rôle, comme à l'instant avec son nouveau client, mais tout sonnait tellement faux. Il voulait tant pouvoir à nouveau ressentir les choses comme avant... mais, plus que tout, il voulait pouvoir remarcher... Se tenir debout, faire face à son existence. Jamais en deux ans il n'avait ressenti une telle envie d'aller de l'avant, de reprendre sa vie en main. Insufflé par les paroles de Shizu-chan, il avait presque envie de se redresser à l'instant même. Mais... mais il n'arrivait pas à maintenir ce sentiment bien longtemps. Et quand des bruits de pas se rapprochèrent, il s'évapora, laissant place à une lassitude bien connue.

« Il me semblait bien t'avoir entendu rentrer. »

Izaya n'eut pas besoin de se retourner pour reconnaitre la voix de Kine. Ce dernier, une tasse de café à la main, vint s'assoir à ses côtés.

« Ton rendez-vous s'est bien passé?

— Oui. Une demande banale et ennuyeuse, mais au moins elle ne m'apportera aucun ennui. Tu vois que je sais être raisonnable, sourit faussement Izaya.

— Bien sûr... Des nouvelles de Shinra?

— Tu sais bien que non. Il a décidé de ne plus venir parce qu'il désapprouve mon comportement. Tant mieux, je n'avais pas besoin de lui. »

Il fit sonner ces derniers mots sur un ton amusé, mais, en réalité, il ne l'était pas du tout. Shinra n'était qu'un imbécile. Il n'avait pas le droit de se ramener et de lui faire croire qu'il serait là pour lui, tout ça pour finir par se barrer au bout de quelques semaines.

« Izaya... Tu ne crois pas que ça en devient ridicule là?

— Je connais ton avis sur la question, Kine. Ce n'est pas nécessaire d'en rajouter. »

Aussitôt après avoir lâché ces mots, Izaya s'en voulut. Mais il ne dit rien pour s'excuser. Rejeter Kine était sa façon de se défendre. Il ne voulait pas reconnaitre qu'il avait envie de revoir de Shinra et encore moins qu'il souhaitait pouvoir lui parler pour remettre de l'ordre dans sa tête.

« Bien, soupira l'ancien yakuza. Si tu as besoin de moi, je serai au bureau pour toute l'après-midi. »

Izaya acquiesça alors, faussement tranquille. Il se força même à lui sourire pour lui prouver qu'il allait bien et qu'il n'aurait pas besoin de lui. Mais à peine Kine fut-il parti qu'il replongea dans ses sombres pensées... Faire semblant avait toujours été son fort. Se mentir à lui-même aussi. C'était facile. Alors pourquoi n'y arrivait-il plus à présent? Pourquoi est-ce qu'il avait l'impression de sombrer dans un puit sans fond? C'était comme s'il se noyait. La réalité l'avait bien trop rattrapé pour qu'il puisse simplement la mettre de côté. Avec Shinra, il pouvait encore faire illusion, mais Shizuo... Izaya ne pouvait l'ignorer. Il n'arrivait pas à simplement le mettre dans un coin de sa tête. Une sensation de mal-être rampait dans son ventre, de façon vicieuse. Il ne pouvait plus y échapper. Et pourtant, il cherchait encore une façon de s'y soustraire. Parce que l'affronter était trop dur pour lui... Mais peut-être que c'était lui qui s'imaginait des choses...

Essayant de détendre les muscles de ses jambes en les massant distraitement, il prit alors son téléphone et composa le numéro de sa messagerie. Il écouta à nouveau le message vocal laissé par Shizu-chan. Pour la dixième fois au moins. C'était plus fort que lui. Les mots haineux du blond le firent frissonner, comme à chaque fois, mais la fin... "Envoie-moi juste un message pour me dire que tu vas bien." Cette phrase tournait en boucle dans l'esprit d'Izaya et c'était à cause d'elle également qu'il réécoutait encore et encore ce message. Juste pour s'assurer qu'il ne l'avait pas inventée... L'effet de panique passé, il arrivait mieux à contrôler sa peur et à réfléchir à tout ça. Shizuo n'avait pas dit: dis-moi que tu es en vie, mais bien que tu vas bien. Etait-il inquiet pour lui? Ce comportement dépassait Izaya. Et le renvoyait encore plus à sa honte. Si Shizu-chan apprenait qu'il était dans un fauteuil roulant... aurait-il pitié de lui? Le verrait-il différemment? Ça, c'était intolérable pour Izaya. Il se sentait déjà tellement loin du blond désormais, mais si en plus ce dernier se mettait à le traiter d'une autre façon, il ne pourrait jamais le supporter.

Tout se bousculait dans sa tête. Il ne savait plus quoi penser exactement. Peut-être que la réaction de Shizu-chan serait même pire que de la pitié. Et s'il devenait complètement indifférent? L'ancien barman ne s'en rendait surement pas compte, mais il évoluait dans son propre monde. Ses yeux orageux ne voyaient pas les gens ordinaires. Ils pouvaient voir ses amis, sa famille, mais en dehors de ça, ils ne voyaient personne. Izaya l'avait remarqué quand ils étaient ensemble au lycée. Habitué à sa solitude, Shizuo ne s'intéressait à personne. Izaya avait tout de suite su qu'il n'aurait pas supporté que le regard du blond reste vide en se posant sur lui. Mais là-dessus, il n'avait jamais eu à s'en faire. Shizuo l'avait toujours vu. Ses yeux marrons s'étaient aussitôt animés de haine lorsqu'ils s'étaient posés sur lui. Cependant, est-ce que ce serait toujours la même chose aujourd'hui?

Que représentait encore Izaya pour lui? Shizuo l'avait battu. Le brun n'était même plus en état de le menacer à présent. Il avait été relégué dans la masse. Le regard du blond, une fois la surprise passée, serait surement vide. Cette pensée était insoutenable pour Izaya. Malgré sa peur, malgré son envie de ne plus jamais le revoir, il ne voulait pas que le regard de Shizuo soit vide s'il venait à se poser à nouveau sur lui. Au fond, il souhaitait juste revenir quelques années en arrière...

Aujourd'hui, il n'arrivait plus à se bercer d'illusion. Et quand Kine lui demandait s'il allait bien, il n'avait qu'une seule envie: lui répondre non. Mais les mots se bloquaient dans sa gorge. Il ne savait pas si c'était de la fierté mal placée ou juste une volonté de faire semblant encore le plus longtemps possible. Après tout, tant qu'il n'avouait pas qu'il avait un problème, ce problème n'existait pas réellement... Même s'il commençait à le ronger de l'intérieur...

Ces deux dernières années, il avait pourtant réussi à ne pas réfléchir à tout ça, mais la venue de Shinra avait fait basculé le fragile équilibre qu'était sa vie jusque-là. Et l'appel de Shizu-chan, lui, l'avait complètement détruit. Ses mains tremblèrent légèrement alors que sa vue devint plus floue. Il ne voulait pas d'une telle vie... Il ne voulait plus avoir peur! Il voulait... il voulait oublier. Mais dans quel état Shizuo l'avait-il mis? Il ne devait pas craquer... Il avait tenu jusqu'ici, il arriverait bien à faire illusion encore un temps, non?... Non... C'était foutu. A cause de Shinra, de Shizu-chan, mais surtout de sa propre faiblesse. Il était au pied du mur. Les mots de Shizuo l'avait placé de force face à une réalité qu'il ne voulait pourtant pas affronter. Désormais, il n'avait plus que deux choix possibles. L'accepter et avancer ou s'enfuir à nouveau en espérant pouvoir recréer ses barrières. Partir plus loin. Et cette fois-ci, effacer toutes les traces. Ne plus appeler Shizu-chan. Couper les ponts avec Kine...

Mais cette dernière partie l'embêtait. Après tout, Kine avait été là pour lui tout au long de sa convalescence. Cependant, s'il choisissait de partir, Izaya ne pouvait plus se permettre de prendre de tels risques. Kine était trop traçable. S'il voulait vivre en toute sécurité, le brun n'avait pas d'autre choix que de laisser l'ancien yakuza derrière lui...

Peut-être qu'il pourrait aller jusqu'à Kyoto. C'était une belle ville après tout et il ne risquait pas de s'ennuyer là-bas. Mais il doutait encore... Parce qu'au fond de lui, il savait que partir n'était pas la solution idéale, cependant il était trop lâche pour en envisager une autre. Mais peut-être qu'il pourrait se laisser une dernière chance... Une dernière chance de trouver en lui le courage pour tout affronter, même si pour ça, il allait devoir mettre son ego de côté...


A plusieurs kilomètres de là, en plein Tokyo, Shinra avait du mal à rester en place.

« Je ne sais plus quoi faire Celty, se plaignit-il. Ni Shizuo ni Izaya ne m'ont donné de nouvelles depuis une semaine. Je pensais qu'au moins, Izaya te parlerait de ce coup de fil.

Il est plutôt silencieux ces derniers temps, tu sais. Et je ne pense pas qu'il se confierait à moi. Tu devrais demander directement à Shizuo, tu aurais plus de chance.

— Je ne voudrais pas insister, ça pourrait paraitre suspect. Il est déjà sur ses gardes. Je ne sais pas comment il s'y prend, mais il sent que c'est Izaya qu'on va voir tous les jours.

Que je vais voir tous les jours, rectifia Celty. Tu ne penses pas qu'il est temps de changer de plan et de revenir le voir avec moi?

— ... Sans doute... Au moins, je l'ai laissé un peu mariner, j'espère que ça l'a fait réfléchir. »

Mais ses mots manquaient de conviction. Il devait bien reconnaitre qu'il s'était planté sur ce coup-là. S'éloigner volontairement d'Izaya n'avait servi à rien. Enfin, en apparence. En réalité, ça avait permis à Shinra de faire le point et d'avoir une vision plus claire de la situation.

« Allez, appelle Shizuo. Comme ça, tu seras fixé.

— Ah bon, très bien, répondit Shinra. Mais c'est uniquement parce que tu insistes.

Si tu le dis... »

Shinra sortit alors son téléphone et chercha rapidement le numéro de son ami. Il avait tellement hâte d'en savoir plus que, dans sa précipitation, il faillit se tromper de contact. Ricanant de sa propre bêtise, il eut enfin le blond au bout du fil après quelques secondes.

« Ouais? grogna ce dernier en guise d'accueil.

— Bonjour Shizuo, comment vas-tu?

— Ça va... »

Malgré ces paroles, l'ancien barman semblait être d'une humeur massacrante.

« Euh oui donc, reprit Shinra en espérant ne pas énerver son interlocuteur, tu as appelé finalement ton fameux numéro inconnu?

— Ouais, je l'ai fait. Et c'était une sacrée perte de temps! Personne n'a décroché.

— Ah... Et du coup, tu as fait quoi?

— J'ai laissé un message. Putain, j'avais vraiment l'air ridicule! J'ai presque supplié ce connard de me donner de ses nouvelles. Je te jure Shinra, il y a intérêt à ce que ce soit pas lui!

— ... Donc, tu n'as eu aucune réponse depuis?

— Nan. Mais je te parie ce que tu veux qu'il y a un type qui doit bien se payer ma tête maintenant. Tout ça, c'est de ta faute! T'aurais pas dû me pousser à le rappeler!

— Hé ne sois pas injuste! Tu dois quand même te sentir un peu mieux maintenant, non?

— ... J'en sais rien, soupira Shizuo. Toute cette histoire commence à m'énerver. J'ai plus envie de parler de ça. Et encore moins de cet enfoiré d'Izaya. Alors, arrête de me faire chier. »

Le blond raccrocha sur ces mots, ce qui déclencha un léger rire chez Shinra. Shizuo était en colère. Ça faisait longtemps, tiens, que le médecin n'avait plus eu à subir sa mauvaise humeur. Ça lui avait presque manqué... presque. Il raconta alors la conversation à Celty.

« On n'est pas tellement plus avancé, écrivit-elle.

— Au contraire, sourit Shinra. Mon but n'était pas que Shizuo apprenne qu'Izaya était en vie. Ça viendra en temps voulu ça. Ce que je voulais surtout, c'était qu'il entende ce que Shizuo avait à lui dire. Ah, c'est parfait Celty! Je sens qu'on va enfin pouvoir avancer!

En espérant qu'Izaya n'ait pas fait une crise de panique en entendant sa voix.

— Oh, il y a toujours des dommages collatéraux. »

Shinra accompagna sa phrase d'un geste impatient de la main, comme si tout ça n'avait aucune importance – bien qu'en soit, ça l'inquiétait tout autant qu'elle. Mais alors qu'il préférait se féliciter de cette soi-disant avancée, il sentit son téléphone vibrer dans sa poche. Pensant un moment que c'était Shizuo qui le rappelait, il le sortit et regarda l'écran. Il ne reconnut pas le numéro, ce qui ne l'empêcha pas de décrocher.

« Oui?

— Shinra, c'est moi. »

La voix d'Izaya s'éleva de l'autre côté de l'appareil. Shinra sourit aussitôt.

« Je suis étonné que tu m'appelles. Je pensais que tu étais content que je ne vienne plus te voir, ne put s'empêcher Shinra de le taquiner.

— ... Je dois te parler. C'est important. »

Le médecin illégal fronça les sourcils, étonné par cette phrase. Mais il ne prit pas le temps d'y réfléchir davantage.

« Qu'est-ce qui se passe?

— Je pense que je vais partir, Shinra... Je vais quitter la ville dans les prochains jours, c'est le mieux à faire, et je te demanderai de ne plus me chercher. »

Shinra ne put retenir un soupir en entendant ces mots. Il n'était même pas surpris par cette décision. Ce qui était plus étonnant, c'était qu'Izaya prenne la peine de le prévenir.

« Je vois. Alors, tu as décidé de fuir encore une fois.

— Pense ce que tu veux, mais je sais que c'est la meilleure décision.

— Et pourquoi me le dire? demanda Shinra. Qu'est-ce que tu attends de moi, franchement?

— Rien. Je voulais juste que tu le saches pour ne pas que tu partes encore à ma recherche. »

Ce n'était qu'un demi-mensonge. S'il venait vraiment à partir, Izaya ne voulait plus que Shinra le suive. Mais il n'avait toujours pas pris sa décision. Et une part de lui espérait que son ami pourrait l'aider d'une façon ou d'une autre à faire le bon choix, à arrêter enfin de faire des erreurs, mais, surtout, à enlever cette horrible sensation qui s'était logée dans sa poitrine depuis une semaine... Shinra passa alors une main dans ses cheveux, essayant de réfléchir à la meilleure approche à adopter.

« ... C'est à cause de l'appel de Shizuo?

— ... Il t'en a parlé?

— Oui. Ecoute, Izaya, il n'est sûr de rien. Tu ne risques absolument rien.

— Ce n'est pas ça, répliqua l'informateur. Je ne peux pas rester, c'est tout. Et j'imagine que ça ne t'étonne pas. On savait tous les deux que ça finirait comme ça.

— C'est vrai, avoua Shinra. Mais j'aurais aimé que ça se passe autrement...

— Les gens ne peuvent pas changer, il ne fallait pas s'attendre à un miracle. »

Shinra resta silencieux un moment, avant de reprendre.

« D'accord, reprit-il alors. Mais avant que tu partes, j'aimerais te revoir. Je veux juste te parler et si après ça, tu veux toujours partir, je te laisserai faire sans chercher à te retrouver.

— ... Très bien. Si tu veux, tu peux venir ce soir.

— Je pars maintenant. A tout de suite. »

Le médecin raccrocha et alla directement chercher sa veste, tout en racontant rapidement la situation à Celty.

« Il faut que j'y aille. Je ne suis pas sûr qu'il va réellement m'attendre.

Je vais te conduire.

— Merci. »

Quelques minutes plus tard, ils étaient sur la moto de la Dullahan et cette dernière s'élançait déjà sur les routes encombrées. Slalomant entre les différents véhicules, Celty roulait rapidement. Elle s'inquiétait un peu. Elle connaissait bien Izaya. Pour qu'il appelle Shinra de lui-même, c'était qu'il devait aller mal... Mais en plus, il était tout à fait capable de tout quitter sans laisser de trace. Elle savait donc qu'il y avait de bonnes chances pour qu'il file à l'anglaise sans laisser le temps à Shinra de lui parler. Mais elle espérait vraiment se tromper.

Arrivée sur place en un temps record, elle s'arrêta juste devant la maison et laissa Shinra s'élancer seul vers la porte. Elle avait décidé dès le départ de ne pas l'accompagner. Elle sentait qu'elle n'avait pas sa place dans cette conversation.

Entrant dans la maison, Shinra retrouva rapidement Izaya dans le salon installé près des grandes baies vitrées, le regard tourné vers l'extérieur.

« Tu as fait vite, remarqua ce dernier sans pour autant se retourner vers lui.

— Je voulais être sûr que tu serais encore là. »

L'informateur afficha un léger sourire. Il était content que Shinra soit venu si rapidement. Depuis une semaine, Izaya n'arrivait plus à maintenir son masque. Il sentait que tout s'écroulait autour de lui. Enfin, peut-être que ça durait depuis plus longtemps que ça, mais qu'il ne s'en rendait compte que maintenant. Il étouffait. Il étouffait dans cette vie de faux-semblants. Il n'en pouvait plus de tous ses mensonges. Ce qu'il voulait, c'était d'aller enfin mieux. Mais il ne savait pas comment le dire à Shinra. Il n'était toujours pas sûr de pouvoir compter sur lui. Tout comme il n'était toujours pas convaincu de ce qui serait le mieux à faire. Partir ou affronter ses démons? Mais ce dont il était sûr, c'était qu'il se sentait terriblement seul. Et, pour une fois, il espérait vraiment que Shinra se rende compte qu'il n'allait vraiment pas bien. Il avait besoin que son ami prenne les choses en main. Parce que lui ne tiendrait plus le coup longtemps...

De son côté, Shinra le regarda un moment, sentant bien que quelque chose n'allait pas, avant de s'assoir sur l'un des fauteuils.

« Où est Kine?

— Au travail, répondit Izaya d'une voix éteinte.

— Tu comptais partir sans rien lui dire?

— Bien sûr que non. »

Izaya avait beau être affirmatif, il n'était, en réalité, pas aussi sûr de lui. Il était probable qu'il lui laisserait lâchement un simple mot sur la table. Parce qu'il ne voulait pas affronter le regard déçu de Kine. Ce dernier était le seul à s'être occupé de lui. Il avait fait tellement pour lui qu'Izaya avait bien conscience qu'il le trahirait s'il partait à nouveau. Deux ans à prendre soin de lui... et tout ça pour rien...

Izaya passa alors, sans s'en rendre compte, ses mains sur ses bras, comme pour se rassurer. Faire croire à Shinra qu'il avait pris sa décision et qu'il voulait s'en aller lui avait paru normal. Il ne se voyait pas lui parler de ses doutes. Mais que faire si le médecin lâchait prise? S'il le laissait partir sans regret? Baisser les bras était tellement facile... Tout le monde l'avait fait autour d'Izaya. Pour une raison ou pour une autre. A chaque fois que le brun les avait testés, tous ses proches avaient fini par l'abandonner, ses parents en premier...

« Où vas-tu aller? demanda alors Shinra. Tu as déjà trouvé un logement?

— J'irai à l'hôtel le temps de me trouver une location.

— Mais cette maison t'appartient, non?

— Ça n'a pas d'importance.

— ... Je n'arrive pas à comprendre ce que tu cherches, soupira le médecin. Tu étais bien ici pourtant, non?

— J'étais bien, oui. Mais ce n'est plus le cas. »

Izaya tourna enfin son fauteuil vers Shinra et le regarda droit dans les yeux, comme pour lui prouver ses dires.

« Alors quoi, reprit Shinra, tout allait bien pour toi jusqu'à ce que je te retrouve, c'est ça?

— Oui. J'arrivais très bien à vivre avec mon handicap, mais il a fallu que tu viennes tout gâcher, sans parler de ce stupide Shizu-chan!

— Et donc déménager va tout régler?

— Oui.

— C'est juste une fuite en avant, tu en as conscience au moins? »

Izaya ne répondit pas. Shinra voyait bien qu'il recommençait à se renfermer sur lui-même. La colère monta alors en lui. Il commençait à en avoir sérieusement marre de tout ça.

« Il faut vraiment que tu m'expliques en quoi tu pouvais aller mieux avant que je ne te retrouve! Tu étais déjà incapable de marcher, tu refusais de faire ta rééducation et tu souffrais d'un sérieux stress post-traumatique! Tout ça n'est pas venu avec moi.

— ... Je sais, répondit Izaya d'un ton agacé. Mais j'arrivais à vivre avec. Et je t'assure que je me sentais vraiment bien.

— Moi je pense plutôt que tu te mentais à toi-même... Evidement que tu allais mieux avant puisque tu n'avais pas à regarder la réalité en face. »

Izaya secoua la tête. Même si c'était exactement ce qu'il pensait, il n'aimait pas l'entendre dire à haute voix.

« Et partir va changer quoi au juste? continua Shinra. Ça va te rendre l'usage de tes jambes? Ça va faire disparaître ta peur? »

L'informateur se renferma de plus en plus dans son silence, ce qui agaça davantage Shinra.

« C'est ce que tu veux? Continuer à vivre avec la crainte que Shizuo te retrouve? Ou quelqu'un d'autre?

— ... Je veux juste que tout ça s'arrête, souffla Izaya. Je veux retrouver ma vie d'avant... »

Shinra l'observa longuement, avant de soupirer.

« Izaya... Sincèrement, est-ce que tu veux aller mieux? Est-ce que tu veux t'en sortir?

— Bien sûr que oui. Tu crois que ça m'amuse d'être comme ça? »

Tu crois que ça m'amuse de recevoir un appel comme ça de Shizu-chan? Mais ça, il se garda bien de le rajouter.

« Alors pourquoi est-ce que tu ne me laisses pas t'aider? Izaya... Je m'inquiète pour toi... »

Ce dernier ne répondit pas. Une horrible sensation lui prit l'estomac. Ses mains se mirent à trembler légèrement. Il commençait à douter. Peut-être n'aurait-il pas dû appeler Shinra... et partir sans rien dire à personne... Il aurait préféré que Shinra l'écoute et le comprendre – voire l'approuve dans sa décision de s'en aller – au lieu de le mettre face à des faits bien trop dérangeants...

« ... Je ne sais plus quoi faire, avoua alors Izaya. Tout ça... ça ne me ressemble pas... Je ne veux plus me sentir aussi... faible... Si je pars, je peux tout recommencer. Peut-être que c'est ça qu'il me faut. Un nouveau départ... »

Il dit cette phrase avec le maigre espoir que Shinra compatisse et reconnaisse que c'était là une solution tout à fait envisageable.

« Tu ne peux pas recommencer en trainant derrière toi de tels problèmes, le cassa aussitôt le médecin illégal. Tu dois leur faire face, tu n'as pas le choix si tu veux t'en sortir. »

Shinra essayait de ne pas s'énerver, mais voir son ami dans un tel état lui faisait mal. Les doigts d'Izaya tremblaient de plus en plus. Alors, dans un geste qu'il voulait apaisant, il posa ses mains sur les siennes, essayant de le calmer.

« … De quoi as-tu donc si peur?

— ... De tout. J'ai peur de tout, murmura Izaya. Je ne me reconnais plus du tout... Je... »

Il respire fortement. Depuis de longues années, il gardait en lui ses émotions, les enfouissait même sous une tonne de sarcasme, voire même de sadisme. Mais il n'y parvenait plus désormais. Shinra le poussait dans ses dernières retranchements. Il avait besoin... besoin de juste se confier, d'être honnête envers lui-même pour une fois dans sa vie.

« Si je préfère fuir la réalité, c'est parce que... je me sens mort de l'intérieur... Comme veux-tu que je fasse face à tout ça? Tout ce qui va en sortir, c'est que je me déteste. Je me déteste Shinra... Je ne peux pas gérer ça... Je ne peux pas... »

Shinra sentit son souffle se bloquer dans sa gorge. Ces mots étaient terriblement durs à entendre pour lui. Il ne savait pas quoi lui répondre, ni comment agir. Il décida alors, pour une fois, d'arrêter de réfléchir. Il s'avança vers Izaya, se pencha et l'entoura de ses bras. L'étreinte était maladroite, mais Shinra essayait de faire de son mieux pour lui montrer qu'il était là pour lui. Izaya, de son côté, se tendit, peu habitué à ce genre d'attention, avant de s'accrocher à la blouse de Shinra.

« Je suis là, Izaya... Je ne te laisserai pas tomber. »

Shinra ne savait pas comment s'y prendre pour le lui faire comprendre. Il se sentait triste... Il savait, bien sûr, qu'Izaya n'avait jamais eu personne pour prendre soin de lui avant Kine. Il avait toujours vécu seul, ses parents n'avaient jamais été là pour lui et ses soeurs étaient trop jeunes pour pouvoir le soutenir. Shinra supposait que c'était une évolution malheureusement normale pour quelqu'un qui n'avait jamais connu que la solitude. Mais ce qui le rendait encore plus triste, c'était qu'il savait qu'il avait une part de responsabilité dans cette solitude.

« … Je ne sais pas t'aider si tu ne m'en donnes pas l'occasion, reprit-il alors. Laisse-moi t'aider, Izaya...

— ... Je ne peux pas.

— Bien sûr que si, tu peux! Et dans le fond, tu en as envie, non? Sinon, tu serais parti dès la première fois que je suis venu. »

Izaya le lâcha et baissa les yeux, honteux de sa propre faiblesse.

« ... Ce n'est pas ça. J'étais content de te revoir. C'est pour ça que je ne suis pas parti. J'aurais aimé que tu continues à venir ici et qu'on reprenne notre vie comme avant... sans que tu insistes pour que je me soigne.

— Et te regarder tranquillement sombrer? Je te l'ai déjà dit, je ne te laisserai pas tomber. Même si ça implique le fait d'agir d'une façon que tu n'aimes pas... Mais j'aurais dû me douter que ça ne fonctionnerait pas... Tu es toujours comme ça. A chaque fois qu'on te met trop de pression, tu prends la tangente. »

Izaya ne répondit pas. Il aurait aimé le contredire, mais aucun mot ne sortait de sa bouche. Parce que ce n'était que la stricte vérité. Fuir, c'était tout ce qu'il savait faire...

« ... Je ne peux pas être confronté à ça. Il faut que tu me laisses partir, Shinra.

— J'ai promis que je le ferai, mais seulement quand on aura fini de parler... A quoi tu ne peux pas te confronter au juste? Si c'est ton mal-être, on peut gérer ça, ensemble.

— Il n'y a pas que ça. La vérité, c'est que... je me suis trompé sur toute la ligne. Comment veux-tu que je vive avec ça? »

Shinra fronça les sourcils, ne comprenant pas de quoi il parlait. Mais il se força à rester silencieux pour laisser le temps à Izaya de déballer tout ce qu'il voulait.

« J'en ai encore eu la preuve l'autre jour... quand Shizu-chan m'a appelé... Tout ce qu'il voulait, c'était de savoir si j'allais bien... Ce n'est clairement pas l'attitude d'un monstre... »

Izaya lâcha ces dernières mots presque du bout des lèvres. C'était une réflexion qui lui était souvent venue à l'esprit ces derniers temps, mais à chaque fois, il avait tout fait pour la repousser le plus loin possible dans son esprit. Il inspira profondément avant de poursuivre :

« Shizuo n'est pas un monstre. Mais moi si. »

Ça y est. Il l'avait enfin dit à haute voix. Ce qui le tourmentait depuis tout ce temps étaient finalement sorti. De son côté, Shinra se sentait de plus en plus mal. Il ne pensait pas qu'Izaya avait une si faible opinion de lui-même. Il prit quelques secondes de réflexion, avant de lui répondre, ne voulant pas faire d'erreur dans les mots qu'il allait prononcer.

« ... Izaya... Tu te trompes. En réalité, aucun de vous deux n'est un monstre. Vous êtes juste... différents de la norme. Et alors? Ce n'est pas si dramatique. »

Shinra tenta un petit sourire, mais n'était pas vraiment convaincant. Izaya l'entendait à peine. Tout ce qu'il avait retenu en lui depuis si longtemps était sorti presque de force. Mais ça ne lui faisait aucun bien. Parce que, comme à chaque fois qu'il faisait face à ses sentiments, il voyait surtout sa propre faiblesse. Il ne voulait plus que ça arrive. Il ne voulait plus se sentir aussi mal.

« ... Quoi que je dise, ça ne changera rien, hein? » remarqua alors Shinra.

Izaya ne répondit pas, mais ce n'était pas nécessaire. Shinra avait l'horrible sensation qu'il n'arriverait plus à l'atteindre, comme si une grande barrière transparente s'était érigée entre eux deux. Le médecin baissa alors tristement les yeux. Il avait fait de son mieux, mais peut-être qu'il se trompait dans son approche.

« Très bien. Si tu veux partir, alors pars. Peut-être que c'est ce qui est mieux pour toi. Je ne sais pas. Je ne sais plus comment agir avec toi. Izaya... Tu sais, je veux juste que tu ailles bien. Moi aussi, je veux que tout redevienne comme avant pour toi. Et si tu penses que couper les ponts avec moi et t'éloigner est la meilleure façon d'y parvenir, alors je respecterai ta décision. »

Les mots avaient eu du mal à sortir et Shinra n'était pas vraiment convaincu par ce qu'il disait, mais que pouvait-il faire d'autre? Il ne pouvait pas forcer Izaya à rester, ni même à se soigner. Et il pouvait encore moins imposer son aide. En réalité, pour la première fois depuis qu'il l'avait retrouvé, Shinra avait peur. Peur de mal faire et de détruire complètement Izaya. Quel idiot il avait fait! Il avait presque pris ça pour un jeu. Il avait voulu satisfaire sa propre envie de revoir ses deux amis aller mieux, sans vraiment se soucier d'eux. Il y était allé bêtement de sa propre théorie, sans se rendre compte de la fragilité d'Izaya. Ce dernier cachait tellement bien son jeu qu'il était difficile de lire en lui, mais Shinra aurait du y parvenir malgré tout! Il n'avait aucune excuse!

« Mais, reprit-il d'une voix peu assurée, s'il y a quoique ce soit que je peux faire... il faut que tu me le dises, Izaya. Je te promets que je serai toujours là pour toi. Maintenant, dans un an, dans dix ans s'il le faut, je serai là... »

Izaya le regarda longuement. Jamais il n'avait vu Shinra comme ça... mais jamais non plus il ne s'était mis autant à nu... Tout se bousculait dans sa tête... S'il s'en aillait, il irait peut-être mieux, mais ce ne serait qu'une vaste plaisanterie. Et surtout, il se retrouverait seul à nouveau. Dans le fond, il savait quelle était la vraie question qu'il devait se poser: est-ce qu'il se sentait prêt à enfin avancer? Il en avait tellement envie... Mais seul, il savait très bien qu'il n'y arriverait jamais.

Shinra... Shinra avait toujours été un ami horrible. Et pourtant, il était là. Il lui tendait la main. Izaya n'avait qu'à faire un seul geste. Avec lui, peut-être qu'il pourrait y arriver... Shinra lui paraissait honnête. Il était même prêt à le laisser partir et à ne plus le revoir si ça lui permettait d'aller mieux. Il lui prouvait par la même occasion qu'il était sincère. Longtemps, Izaya avait pensé que Shinra n'était revenu que pour combler une curiosité morbide ou pour s'assurer qu'il resterait loin de Shizuo. Mais il devait bien reconnaitre qu'il se trompait. Shinra n'était là que pour lui.

Respirant fortement, Izaya laissa trainer son regard sur son téléphone. Les mots de Shizu-chan ne cessaient de lui revenir en tête. S'il devait être honnête avec lui-même, Izaya devait bien s'avouer qu'il était trop tard pour partir. Peu importe où il allait, les mots de Shizu-chan resteraient toujours gravés dans son esprit. Pour arriver enfin à se défaire de l'ancien barman, peut-être qu'il n'y avait qu'une seule solution... Une solution désagréable... Une solution qu'il voulait fuir. Pourtant, étrangement, se souvenir des paroles de Shizuo lui donnait à nouveau du courage. Il ne voulait plus être faible. Il voulait que Shizu-chan puisse encore le regarder comme avant, sans pitié, sans indifférence.

« ... J'ai besoin de ton aide..., parvint enfin à articuler Izaya. Je ne veux plus vivre comme ça. Je veux redevenir la personne que j'étais avant tout ça... Aide-moi Shinra... Aide-moi à m'en sortir... »

Les paroles de l'informateur mirent quelques secondes pour atteindre le cerveau de Shinra. Ce dernier se sentit alors incroyablement soulagé. Souriant, il reprit Izaya dans ses bras dans un geste précipité.

« Merci Izaya. Je te promets de tout faire pour que tu ailles mieux! Tu verras, on s'en sortira! Bientôt, tout ça ne sera plus qu'un mauvais souvenir! »

Il le relâcha assez vite, toujours aussi rayonnant, et enchaina directement.

« Ok, j'ai déjà fait plusieurs recherches. Il y a un excellent centre de revalidation à Tokyo. Je t'y conduirai tous les jours. Tu verras, ils sont supers là-bas. Ils proposent aussi un suivi psychologique et... »

Izaya se sentit pris de vertige. Shinra allait beaucoup trop vite pour lui là.

« Chaque chose en son temps, le coupa-t-il alors. Je veux bien les rencontrer, mais... on verra pour la suite, d'accord? »

Shinra se rendit alors compte qu'il s'était laissé emporter par son enthousiasme. Mais il attendait cette demande d'aide d'Izaya depuis tellement longtemps qu'il n'avait pas pu s'en empêcher. Il sourit alors doucement.

« D'accord. Mais je ne te lâcherai plus. Hors de question que tu prennes la tangente une fois de plus. »

Il préférait le préciser directement. Après tout, il connaissait bien Izaya. Certes, il avait enfin reconnu ses problèmes et accepter d'aller de l'avant, mais rien ne garantissait qu'il continue sur cette voie. La rééducation serait dure, autant physiquement que mentalement. Si Shinra ne restait pas derrière lui, Izaya serait bien capable de tout abandonner au bout de quelques jours.

« Il va quand même falloir qu'on s'arrange, dit-il alors. Kine travaille beaucoup et je n'ai pas envie de te savoir seul entre deux séances.

— Tu penses que j'ai quel âge au juste?

— Ça n'a rien avoir. Seulement, ce ne sera pas une étape facile à vivre. Tu seras fatigué, tes muscles seront épuisés à chaque fois. Tu auras peut-être du mal à te débrouiller tout seul. Et puis, j'aimerais bien examiner tes bras de plus près.

— … Même si c'est fatiguant, je suis sûr de pouvoir rester seul.

— Non, Izaya. Si tu acceptes mon aide, c'est à mes conditions. Il est hors de question que tu restes seul à broyer du noir et à te détester. »

Oh ça oui. Même s'il devait venir s'installer ici, Shinra veillerait personnellement à ce qu'Izaya ne souffre plus de sa solitude. Et comme il savait que l'informateur refuserait toute aide psychologique dans un premier temps, il se devait de le surveiller encore plus. Parce qu'il ne voulait pas prendre le risque de voir Izaya s'évaporer une nouvelle fois dans la nature par manque d'inattention de sa part.

Izaya, de son côté, resta silencieux. Il ne voulait pas se l'avouer, mais il savait au fond de lui qu'avoir constamment quelqu'un à ses côtés l'empêcherait de faire n'importe quoi. Seulement, il ne pouvait pas demander ça à Kine. Ce dernier s'était déjà suffisamment sacrifié pour lui.

« … Ma proposition tient toujours, reprit alors Shinra comme s'il avait lu dans ses pensées. Tu peux venir vivre avec Celty et moi. Tu seras plus près du centre comme ça et ce sera plus facile pour nous de te seconder. »

Izaya sentit sa respiration s'accélérer en entendant la phrase de Shinra. Il ferma les yeux un moment, avant de reprendre la parole, la gorge sèche.

« Je ne pense pas que ce soit une bonne idée...

— Pourquoi? A cause de Shizuo? Si c'est lui le seul problème, ça peut se régler facilement. »

Izaya ne dit rien un moment. S'il avait su que sa conversation avec Shinra tournerait de cette façon, il ne l'aurait sans doute pas appeler...

« Pourquoi est-ce que tu veux tout accélérer comme ça? demanda-t-il alors, agacé. D'accord, je te demande de l'aide, mais c'est pas pour ça qu'il faut tout mettre en place directement.

— Ah et tu ne trouves pas que tu as déjà perdu assez de temps comme ça? Deux ans, Izaya. Tu as laissé passer deux années entières de ta vie à faire comme si tout allait bien. Ce n'est pas quand tu ouvres les yeux qu'il faut encore plus trainer. Tu ne vas pas bien. C'est maintenant qu'il faut agir. »

Izaya se sentit à nouveau mis au pied du mur. Il détestait ça. Et pourtant, il savait que Shinra avait raison. Et il lui était secrètement reconnaissant de ne lui laisser aucune porte de sortie.

« … D'accord... Mais... Si j'accepte... je... je ne veux voir personne. Et... il faudra qu'on trouve une solution pour tenir Shizuo à l'écart. Je refuse de le revoir.

— ... Et pourquoi on ne lui dirait pas la vérité tout simplement? proposa Shinra, soulagé de voir qu'Izaya allait dans son sens.

— Tu es fou? Je ne peux pas prendre le risque de le voir débarquer sur un coup de colère pour finir ce qu'il a commencé. »

Shinra le regarda un instant. Il avait évité depuis tout ce temps de parler de Shizuo à Izaya, mais le moment était venu. Maintenant que son plan arrivait à son terme, il pouvait lui dire la vérité.

« Il ne le fera pas, répondit-il alors. Oh, je ne vais pas te mentir. Il te hait toujours. Et si tu retournes le déranger, oui, je ne donne pas cher de ta peau. Mais Izaya... Tu sais, même s'il a essayé de le cacher, Shizuo a souffert plus que n'importe qui d'autre de ton absence. Pourquoi penses-tu qu'il t'a appelé? Il pense qu'il t'a tué et il n'arrive pas à vivre avec ça. »

Izaya sentit sa gorge devenir de plus en plus sèche. Oui, tout ça, il avait cru le comprendre avec le message de Shizuo. Mais il avait quand même du mal à y croire...

« Il a toujours voulu ma mort pourtant...

— Peut-être oui. Mais aujourd'hui, il souhaite plus que tout passer à autre chose. Si on lui dit que tu es en vie, il pourra le faire et ne cherchera pas à t'approcher. Lui, tout ce qu'il veut, c'est s'éloigner de tout ça. »

Shinra préféra en rester là et ne pas parler de la sensation de manque que Shizuo avait mentionné devant Celty. De son côté, Izaya joua nerveusement avec les manches de son haut. Pouvait-il prendre un tel risque? Quelle était la meilleure solution? S'il ne disait rien, n'y avait-il pas plus de danger que Shizuo s'énerve s'il venait à l'apprendre d'une autre façon? Il était coincé... Il sentait bien que sa survie ne pouvait pas rester secrète encore bien longtemps...

« Et même s'il voulait te voir, tu crois vraiment qu'on ne pourrait pas te protéger? reprit Shinra. Celty l'arrêtera. Tu peux compter sur elle. »

Izaya respira profondément. Il sentait l'angoisse monter en lui. Mais à nouveau les mots de Shizu-chan lui revenaient en tête. Quand il avait reçu son appel, il avait voulu lui répondre, le rassurer, mais la peur l'avait bloqué. Cependant, si lui-même voulait aller de l'avant, il devait sans doute passer par là. Il ne pouvait plus reculer de toute façon. En acceptant l'aide de Shinra, il n'avait d'autres choix que de laisser Shizuo apprendre la vérité.

« D'accord, finit-il par souffler. Tu peux lui dire que je suis encore en vie et que je suis chez toi. Mais qu'il ne vienne jamais me voir. Dis lui que moi aussi je veux passer à autre chose. »

Shinra acquiesça, tout en se forçant à ne pas sourire devant Izaya. Enfin! Il allait enfin pouvoir réellement aider Izaya. Ce n'était désormais plus qu'une question de temps avant que ses deux amis ne reprennent enfin leur vie en main...


Quand Shinra partit pour lui laisser le temps de finir ses affaires et de parler avec Kine – qui ne devait pas tarder – Izaya se sentit incroyablement vide et fatigué. Comme si toute la tension qui parasitait son corps jusque là avait disparu. Il n'était toujours pas convaincu que c'était une bonne idée de faire ça – et sans doute ne le serait-il jamais – mais une part de lui était rassurée que Shinra prenne les choses en main. Il allait enfin pouvoir se reposer sur quelqu'un.

Il entendit au loin les pas de Kine dans le hall. Il se sentait un peu coupable envers lui. Ce dernier avait pourtant tout fait pour l'aider, mais il n'aurait jamais pu le mettre face à la réalité, comme Shinra et Shizuo l'avaient fait... Izaya sentit sa présence dans son dos et décida de lui expliquer rapidement la situation. Il se tourna alors pour lui faire face. Kine le regardait avec des yeux perçants.

« ... Tu t'en vas?

— Oui... J'ai finalement accepté la proposition de Shinra. Je vais aller me soigner à Tokyo... Je compte sur toi pour prendre soin de la maison pendant ce temps. »

Izaya essaya de prendre un ton détaché, comme si tout ça n'avait pas d'importance, comme s'il allait faire une simple course. Kine, lui, n'en crut pas ses oreilles. Il ne savait pas ce qui avait bien pu faire changer d'avis le brun, mais qu'importe. Cette nouvelle remplit rapidement de joie le coeur, pourtant usé, de l'ancien yakuza.

« Tu en as mis du temps pour te décider, répliqua-t-il alors avec un petit sourire.

— Je sais...

— Quand est-ce que tu pars?

— Ce soir. Shinra veut faire ça vite, avant que je ne change d'avis.

— Il a raison.

— Probablement, avoua Izaya. Ecoute... Je compte bien revenir quand j'irai mieux.

— Très bien. J'attendrai ton retour. »

Kine lui lança alors un étrange regard. En toute sincérité, il l'aurait bien accompagné, mais il savait qu'il devait arrêter de vouloir autant le protéger.

« Prends soin de toi, Izaya. D'accord?

— Je vais essayer... »

Izaya sourit légèrement devant le ton presque paternaliste de Kine, mais ne l'embêta pas avec ça. Il lui devait tellement! Mais il ne savait pas comment le remercier... Il était mal à l'aise avec à ça. Il ne méritait clairement pas qu'on s'inquiète autant pour lui. Et pourtant, ni Kine ni Shinra ne l'avaient laissé tomber. Encore moins Celty. Alors peut-être que tout ça en valait la peine? Ils avaient tous fait un pas vers lui, même Shizuo. C'était sans doute à son tour d'en faire de même...

Il avait peur. Il était même terrifié par la rapidité des évènements. Sans parler de son corps qui le faisait de plus en plus souffrir. Mais son esprit, lui, ne voulait pas encore se rendre. Parce qu'il savait que sa situation n'était plus viable, qu'il ne pouvait plus continuer comme ça s'il voulait encore redevenir un jour comme avant. Seul, il n'arriverait à rien. Mais avec Shinra et Celty à ses côtés... peut-être que c'était possible. Et pour la première fois depuis deux ans, il se sentit réellement bien. Ce n'était plus une illusion. Il allait s'en sortir cette fois-ci. Et intérieurement, il remercia Shizuo. Parce que, sans son appel, Izaya n'aurait sans doute pas trouvé la force de voir la réalité en face. Il avait pourtant toujours voulu se relever, mais il manquait jusqu'ici de courage, de volonté. Mais ça allait aller maintenant... parce qu'il avait su parler à Shinra et que ce dernier avait vu clair en lui. Il allait l'aider, tout en refusant de s'enfermer avec lui dans une douce illusion qui, de toute façon, n'aurait jamais pu durer éternellement... Et, s'il devait être honnête avec lui-même, c'était exactement ce dont Izaya avait toujours voulu, que quelqu'un lui permette enfin de se reposer sur lui...


Et voilà, Izaya retourne à Tokyo! Quelle sera la réaction de Shizuo en apprenant enfin qu'il est toujours en vie? Réponse dans le prochain chapitre! Merci pour votre lecture en tout cas!

A suivre: Je ne suis pas un monstre

A bientôt!